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Full text of "Annales du Midi"

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ANNALES  DU   MIDI 


ÀNMaLes  du  Midi.  —  XIX 


ANNALES 

DU    MIDI 

REVUE 

ARCHÉOLOGIQUE,   HISTORIQUE  ET   PHILOLOGIQUE 

DE    LA   FRANGE    MÉRIDIONALE 

Fondée  sous  les  auspices  de  l'Université  de  Toulouse, 
PAR 

ANTOINE    THOMAS 

PUBLIÉE  AVEC  LE  CONCOURS  d'uN  COMITÉ  DE  RÉDACTION 
PAR 

A.  JEAN  ROY  ET  P.  DOGNON 

rROFKSSEURS     A     L'UNIVERSITÉ     DE     TOULOUSE 


Il  Ab  l'iik-n  tir  ve.~  me  l  aire 
'c  Qu'eu  sent  venir  de  Proenza. 
Peire  Vidal. 


DIX-NEUVIKME     ANNEE 


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1907  v^         C\ 


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^     va 


TOULOUSE 
IMPRIMERIE    ET    LIBRAIRIE    EDOUARD    PRIVAT 

14,     RUE     DES     ARTS     (SQUARE     DU     MUSÉE) 

Paris.  —  Alphonse  PICARD  et  fils,  rue  Bonaparte  82. 


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1-^ 


RECHERCHES 


LÉGEADES  DU  CYCLE  DE  GUILLAUME  D'ORAXGE 


I.  —  SAINT  GUILLAUME  DE  GELLONE 

C'est  une  théorie  universellement  reçue  que  la  biographie 
poétique  de  Guillaume  d'Orange  est  faite  de  traits  empruntés 
à  la  vie  de  divers  personnages  historiques  du  nom  de  Guil- 
laume. De  ces  personnages  qui  se  prétendent  les  prototypes  du 
héros  légendaire  (ils  ne  sont  que  douze  ou  treize),  lesquels  font 
valoir  des  titres  sérieux?  Les  érudits  en  disputent;  mais  ce 
n'est  pas  une  hypothèse  d'érudit,  c'est  un  fait  et  c'est  une 
donnée  que  les  hommes  du  xii«  et  du  xiu**  siècle  reconnais- 
saient en  Guillaume  d'Orange  un  puissant  personnage  du 
temps  de  Charlemagne,  qui,  sur  la  fin  d'une  longue  vie  guer- 
rière, se  rendit  moine  et  mourut  dans  le  cloître  en  odeur  de 
sainteté,  celui-là  même  que  l'Église  honore,  le  28  mai,  sous 
le  nom  de  saint  Guillaume. 

Comment  s'est  faite  au  moyen  âge  cette  assimilation?  Est-ce 
une  fantaisie  accidentelle  et  récente  ?  une  légende  de  plus 
ajoutée  sur  le  tard  par  les  jongleurs  à  tant  d'autres  légendes? 
Ou  bien,  au  contraire,  la  légende  du  Guillaume  épique  fut- 
elle  de  tout  temps  mêlée  à  l'histoire  de  saint  Guillaume? 


Si  nous  interrogeons  d'abord  les  chansons  de  geste,  l'iden- 


g  JOSEPH  BÉDIER. 

tincatioQ  du  héros  au  saint  y  est  faite  fréquemment.  On  lit  au 
début  des  Enfances  Guillaume  : 

Et  qui  diroit  encontre  la  chanson 
Aucune  chose  qui  ne  fust  de  reson, 
En  sa  lege\ide  ses  fez  trouveroit  on 
Et  molt  des  autres  dont  ne  faz  raencion 
Es  granz  deserz  ou  il  ot  sa  meson  : 
De  Morapfllier  trois  lieues  i  conte  on. 

Ainsi,  dans  ceux  de  nos  manuscrits  cycliques  qui  s'ouvrent 
par  les  Enfances  Guillaume,  dès  la  première  page,  la  vie  du 
héros  est  placée  sous  le  patronage  des  moines  qui,  aux  grands 
déserts  proches  de  Montpellier,  gardent  la  «  maison  »  du 
saint,  et  les  jongleurs  se  réclament  de  la  «  légende  »  authen- 
tique, c'est-à-dire  d'une  Vie  latine  de  saint  Guillaume. 

A  vrai  dire,  plusieurs  poètes,  celui  des  Narbonnais  par 
exemple  ou  celui  du  Couronnement  de  Louis,  qui  racontent 
la  jeunesse  de  Guillaume  d'Orange,  ne  font  nulle  allusion  à  sa 
fin  pieuse.  S'ils  s'en  taisent,  c'est  peut-être  qu'ils  ignoraient 
cette  tradition;  c'est  peut-être,  et  aussi  bien,  qu'il  n'était  pas 
de  leur  sujet  d'en  parler  et  qu'ils  la  supposaient  d'ailleurs 
bien  connue  de  leur  public.  Toujours  est-il  que  maints  d'entre 
eux  la  rapportent  plus  ou  moins  clairement.  Dans  la  Chanson 
de  Guillaume,  par  exemple,  quand  le  héros  revient  de  la 
bataille,  vaincu  et  désespéré,  il  ditùGuibourc  : 

i'tS'À    «  Or  m'en  fuirai  en  estrange  régné 
A  saint  Michiel  al  Péril  de  la  mer 
Ou  a  saint  Piere,  le  bon  apostre  Deu, 
Ou  en  un  guast  ou  ne  soie  trovez  : 
La  devendrai  hennites  ordenez, 
VA  tu  nonein,  si  fai  ton  chief  vêler. 
—  Sire  »,  dist  ele,  »  ço  ferura  nos  assez, 
Quant  nos  avrom  nostre  siècle  mené.  » 

Ces  vers  indiquent,  semble-t-il,  que  le  poète  connaissait  la 
Iraditiou  ilu  maniage  de  son  héros  et  a  voulu  lui  prêter  ici  le 
presseuliineul  fie  su  destinée'. 

1.  <)ii  jifiil  «lire,  il  oHt  vrai,  quo  ces  vers  n'expriment  rien  que  le  décou- 


LÉGENDES   DU    CYCLE   DE   GUILLAUME    D'ORANGE.  7 

A  son  tour,  le  poète  du  Charroi  de  Nimes  dit  ea  soû  pro- 
logue : 

Bone  chanson  plest  vos  a  escouter 

Del  meillor  home  qui  ainz  creùst  en  Dé? 

C'est  de  Guillelme,  le  marchis  au  cort  nés... 

Molt  essauça  sainte  crestientô  : 

Tant  flst  en  terre  qu'es  ciels  est  coronez. 

Et  ce  texte  est  vague  encore,  puisqu'il  place  Guillaume 
parmi  les  élus  et  non  nécessairement  parmi  les  saints;  mais 
c'est  bien  un  saint  que  désignent  ces  vers  à' Alîscans^  qui 
sont  si  beaux  : 

Mais  nostre  Sires  le  veut  si  maintenir 
Ke  ses  sains  angles  li  tramist  au  morir. 
Por  ce  est  bone  la  chanson  a  oïr 
Que  il  est  sainz  :  Deus  l'a  fet  beneïr 
Et  en  sa  gloire  et  poser  et  seïr, 
Avec  les  angles  aorer  et  servir. 
Le  suen  barnage  ne  fet  mie  a  tesir, 
Ainz  le  doit  on  molt  volentiers  oïr 
Et  entre  genz  et  amer  et  chérir  : 
Molt  bon  essample  i  puet  l'en  retenir. 
Bien  en  devroit  avoir  a  son  pleisir 
Henaus  et  robes  et  bliauz  a  vestir 
Qui  de  Guillaume  set  chanter  et  servir  i. 

L'auteur  de  la  Prise  d'Orange  précise  encore  :  non  seule- 
ment son  héros  est  un  saint,  mais  le  poète  sait  désigner  l'un  des 
sanctuaires  où  l'on  vénérait,  en  effet,  saint  Guillaume;  c'est 
l'église  Saint-Julien  de  Brioude,  où  l'on  montrait  son  écu  : 

Oez,  seignor,  que  Deus  vos  beneïe. 
Li  glorieus,  li  fiz  sainte  Marie, 

ragement  passager  de  Guillaume.  Pourtant,  ils  rappellent  singulièrement 
ce  passage  de  la  seconde  rédaction  du  Montage  Guillaume  (cité  par 
M.  Ph.-A.  Becker,  Die  altfz.  Wilhelmsage,  p.  160)  : 

«  Or  m'en  fuirai  en  estrange  régné. 

Ermites  iere  ens  en  un  bos  ramé 

U  en  désert,  se  jou  le  puis  trover.  » 

1.  Ed.  deHaUe,  v.  639  sa. 


-g  JOSEPH   BÉDIER. 

Bone  chançon  que  ge  vos  vorrai  dire. 

Ceste  n'est  mie  d'orgueiil  ne  de  folie, 

Ne  de  mençonge  estiete  ne  emprise. 

Mes  de  preudoraes  qui  Espaigne  conquistrent. 

Icil  le  sevent  qui  en  vont  a  saint  Gile, 

Qui  les  ensaignes  en  ont  veii  a  Bride, 

L'escu  Guillelme  et  latarge  florie... 

Mais  c'est  au  sanctuaire  même  de  Saint-Guilhem-du-Désert, 
là  où  le  saint  était  mort,  que  nous  conduit  le  poète  du  Cove- 
nant  Vivien^  :  il  sait  les  traditions  qu'y  redisent  les  gens  du 
pays;  comment  saint  Guillaume  y  a  combattu  un  géant  et 
comment  il  a  construit  un  pont  sur  un  torrent  :  un  démon 
s'amusait  à  détruire  la  nuit  l'ouvrage  du  saint  ouvrier;  mais 
Guillaume  l'a  guetté  et  jeté  dans  l'abîme  : 

Ce  dit  la  gent  del  lens  ancianor 
Conques  ne  fu  nus  hom  de  tel  vigor; 
A  Saint-Guillelme  ce  dient  li  plusor 
Que  il  gita  le  jaiant  de  sa  tor  ; 
Par  vive  force  le  destruit  a  dolor; 
Et  list  le  pont  Guiilelmes  par  iror. 
Et  li  deables  par  nuit  dépeça  tôt  : 
Il  le  gaita,  c'onques  n'en  ot  peor, 
Et  le  gita  en  la  plus  grant  rador. 
Encor  i  pert  et  i  parra  toz  jorz  : 
lluec  est  l'eve  en  icele  brunor; 
L'abisrae  semble  et  si  tornoie  entor, 

Kniin,  le  Moniage  Guillaume  nous  renseigne  avec  plus 
de  délails  encore.  Non  seulement,  la  première  rédaction  de 
ce  poème  conduit  Guillaume  à  Brioude,  où  il  dépose  son 
écu  eu  eœ-volo  sur  l'autel  : 

97    Kncor  le  voient  et  li  fol  et  li  sage, 

Tout  cil  qui  vont  a  Saint  Gile  on  volage; 

mais  les  deux  rédactions  s'accordent  entre  elles  et  s'accor- 
deul  avec  la  vérité  historique  pour  mener  le  beros  tour  a  tour 

1.  K«l.  Joijckbluet,  v.  1703  as. 


LÉGENDES    DU   CYCLE   DE   GUILLAUME  D'ORANQE.  9 

dans  les  deux  maisons  religieuses  où  séjourna,  en  effet,  saint 
Guillaume  :  à  l'abbaye  d'Aniane  d'abord,  puis  dans  cette  val- 
lée de  Gellone  qui,  plus  tard,  sanctifiée  par  lui,  devait  pren- 
dre son  nom  et  le  garder,  —  Saint-Guilhem-du-Désert^  L'au- 
teur de  la  première  version  décrit  un  caslelei,  bâti  au  flanc  de 
la  montagne  qui  domine  Saint-Guilhem  : 

884    Or  est  Guillelmes  el  désert  bien  parfont. 
En  l'abitacle  ou  la  fontaine  sort; 
Arbres  i  ot  et  herbes  a  fuison. 
Un  castelet  ot  fremé  sor  le  mont; 
La  gist  Guillelmes  por  Sarasins  félons. 
Encor  le  voient  pèlerin  qui  la  vont  : 
A  Saint  Guillelme  del  Désert  troveront 
Un  habitacle  la  ou  les  moines  sont 2. 

Il  décrit  aussi  l'aspect  général  des  lieux  : 

840    Droit  es  deserz  encoste  Monpellier 
En  la  gastine,  lés  un  desrubant  fler, 
Une  fontaine  i  a  lés  un  rocier... 

C'est  là  que  Guillaume  a  combattu  le  démon,  et  l'auteur  de 
la  seconde  version  du  Montage  raconte  tout  au  long  cet  épi- 
sode :  le  comte  Guillaume  entreprend  de  construire  un  pont 
de  pierre  pour  la  commodité  des  pèlerins  : 

Haus  fu  li  tertres  ou  il  fu  herbergiés 
Et  par  desous  ot  un  destroit  molt  fier. 
Une  iaue  i  cort  qui  descent  d'un  rochier, 
Que  nus  ne  puet  passer  sans  encombrier.... 
Or  se  porpense  li  gentieus  quens  proisiés 
C'un  pont  de  pierre  i  voira  estachier, 


1.  La  i^remière  rédaction  du  Moniage  a,  il  est  vrai,  altéré  le  nom 
d'Aniane  {Agneiie)  en  Genves  ou  Genevois  sor  mer;  les  scribes  de  la 
seconde  rédaction  l'ont  écrit  de  toutes  les  manières,  mais  ils  ont  aussi 
conservé  la  forme  exacte.  Voyez  là-dessus  W.  Cioetta,  Die  heiden  Epen 
vom  Moniage  Guillaume  (Archiv  de  Herrig,  t.  XCIII,  p.  411  et  p.  421), 
et  Die  E7itstehu7ig  des  Moniage  Guillaume  [Festgabe  fur  W.  Fôrster), 
p.  103-4. 

2.  Dernièi'e  laisse. 


10  JOSEPH    BEDIER. 

S'i  passeront  pèlerin  et  soumier... 
La  se  voldront  pèlerin  adrecliier  : 
Quant  il  iront  a  saint  Gille  proier, 
Par  la  iront  Rocheraadoul  poier 
A  Nostre  Dame  qui  en  la  roche  siet. 

Guillaume  ayant  précipité  le  déiïKjn  daas  le  torreat,   le 
poète  ajoute  : 

Aine  li  dyables  puis  ne  s'en  remua; 
Tous  tans  i  gist  et  tous  tans  i  girra. 
L'aiglie  i  tornoie,  ja  coie  ne  sera  ; 
Grans  est  la  fosse  et  noire  contreval. 

L'aighe  i  tornoie  entor  et  environ. 

Grans  est  la  fosse,  nus  n'i  puet  prendre  fons. 

Maint  pèlerin  le  voient  qui  la  vont, 

Et  saint  Guillaume  sovent  requis  i  ont  : 

Caillaus  et  pierres  getent  el  plus  parfont... 

Encor  i  a  gent  de  religion  : 

A  Saint  Guillaume  el  Désert  le  dit  on. 

Dans  ces  descripUons,  pas  ua  trait  qui  soit  de  fantaisie. 
Saint-Guilhem -du -Désert'  est  situé  entre  Montpellier  et  Lo- 
déve,  a  une  li'entaine  de  kilomètres  au  nord-ouest  de  Mont- 
pellier, a  sept  kilomètres  au  nord  d'Aniane.  Pour  y  arriver, 
quand  ou  vient  de  Mont  pallier  et  d'Aniane,  on  rencontre 
d'abord,  un  p-ni  avant  Saiul-Jean-de-Fos,  un  petit  cours  d'eau, 
la  Clamouse,  qui  se  jette  dans  l'Hérault.  C'est  là  l'entrée 
d'une  gorge  étroite  (la  gas/ine,  le  désert  des  poètes)  :  des 
escarpements  de  rochers  doloniitiques,  çà  et  là  découpés  en 
aiguilles,  la  dominent,  et  l'Hérault,  parmi  ce  desrubant  fier, 
s'e.sl  tracé  sa  voie.  Aux  abords  de  Sainl-Guilhem,  un  ruisseau. 


1  Vuir.  pour  les  diHnils  qui  suivent,  le  Dictionnaire  doVivicn  de  Saint- 
Murlin  ft  l.-s  caries.  Cf  |,éon  Vinas,  Visite  rétrospective  à  Saint. 
Quilhi-,n-duD>^serl  (Montpellier.  lS7;j):  .1.  Renonvier,  Histoire,  antiqui- 
tés et  urchitectonique  de  l'abbaye  de  Saiiit-Guilhem  (ouvrage  accompa- 
gné de  pUiiclies  iniércssunlcs);  W.  Cloetta,  Archiv  de  Herrig,  t.  XCIIL 
pp.  4'2".>-31  ;  etc. 


LÉGENDES   DU'  CYCLE   DE   GUILLAUME   D'ORANGE.  U 

le  Verdus,  se  précipite  de  la  montagne  et  creuse  dans  l'Hérault 
un  gouffre  noir  : 

Une  fontaine  i  a  lés  un  rocier... 
L'aighe  i  tornoie  entor  et  environ... 

Le  pont  jeté  sur  cet  abîme,  et  que  décrivent  nos  poètes. 
n'a  pas  disparu  :  il  avait  été  construit  à  frais  communs,  entre 
1026  et  1048,  par  les  deux  abbayes  d'Aniane  et  de  Gellone'; 
assis  sur  la  pierre  vive  et  bâti  en  pierres  dures,  il  a,  depuis 
neuf  siècles,  résisté  aux  crues.  Je  ne  sais  si  les  passants, 
comme  les  pèlerins  d'antan,  continuent  à  jeter  des  pierres 
au  démon  emprisonne  dans  le  gouffre;  mais  le  pont  garde 
ce  nom  :  le  Pont-du-Diable,  et  le  folk-lore  local  y  voit  tou- 
jours l'œuvre  de  saint  Guillaume-.  Un  piton  de  275  mètres 
d'altitude  surplombe  le  bourg  :  à  la  cime,  on  voit  une  tour 
et  les  restes  d'un  château  fort,  qui  servait  sans  doute  de 
refuge  en  cas  de  péril  aux  moines  de  l'abbaye;  à  mi-côte,  une 
tour  carrée,  qui  doit  être  le  castelet  du  Montage  Guillaume  : 
c'est  probablement  le  castrum  Virduni  des  chartes;  aujour- 
d'hui on  l'appelle,  et  c'est  une  survivance  de  la  légende,  le 
Cabinet  du  Géant-'.  Au  milieu  du  bourg,  la  belle  église  de 
Saint-Guilhem,  dont  la  nef  principale  date  du  xii®  siècle,  mais 
dont  les  assises  sont  carolingiennes;  on  y  vénère  encore  quel- 
ques parcelles  des  reliques  du  saint;  jadis  on  y  montrait  son 
tombeau. 


1.  Voir  la  convention  passée  entre  les  deux  abbayes  à  la  p.  23  du  Car- 
tulaire  de  Gellone,  publié  par  MM.  Alaus,  Cassan  et  Maynial  (1898). 

2.  «  Quand  Guillaume,  duc  de  Toulouse,  dit  le  marquis  au  court-nez. 
qui  allait  souvent  visiter  son  ami  saint  Benoît  au  couvent  d'Aniane,  vou- 
lut construire  un  pont  sur  l'Hérault,  au  lieu  ordinaire  de  sa  traversée,  le 
diable  renversait  la  nuit  ce  qui  avait  été  édifié  à  grand'peine  pendant  le 
jour.  Guillaume  finit  par  se  lasser;  il  appela  le  diable  et  fit  un  pacte  avec 
lui  aux  conditions  ordinaires  :  le  premier  passager  lui  appartiendrait.  Le 
saint  duc,  plus  rusé  que  Satan,  fit  connaître  le  marché  à  tous  ses  amis 
pour  les  préserver;  puis,  il  lâcha  un  chat,  qui,  le  premier,  traversa  le 
pont  et  dont  le  démon  fut  bien  obligé  de  se  contenter.  Depuis  ce  temps, 
dans  ce  pays,  les  chats  appartiennent  au  diable  et  les  chiens  à  saint 
Guilhem.  »  (P.  Sébillot,  Les  travaux  publics  et  les  tnines  dans  les  tra- 
ditions et  les  superstitions  de  tous  les  pays,  Paris,  1894,  p.  1.51.) 

3.  W.  Cloetta,  art.  cité,  p.  430. 


12  JOSEPH   BÉDIER. 

Ainsi,  les  poêles  du  xu^  siècle  savent  nous  décrire  le  pay- 
sage de  Gellone,  et  fidèlement  :  en  témoins  oculaires  ou 
d'après  des  témoins  oculaires.  D'autres  poètes  se  réfèrent  à  la 
vie  authentique  de  saint  Guillaume,  telle  que  la  conservaient 
les  moines  de  là-bas.  Avertis  par  nos  poètes,  conduits  par 
eux  vers  la  «  maison  »  du  saint,  entrons-y. 


* 


Elle  n'est  plus  aujourd'hui  qu'une  église  paroissiale,  mais 
elle  est  entourée  des  restes  d'une  abbaye  qu'occupaient  encore 
au  xviii"  siècle  les  bénédictins  de  la  congrégation  de  Saint- 
Maur  ;  ceux-ci  y  avaient  remplacé  d'autres  bénédictins  ;  du 
ix«  au  xviii®  siècle,  les  fils  de  saint  Benoît  ont  toujours  habité 
ces  lieux. 

En  effet,  en  782,  Wiliza,  fils  du  comte  de  Maguelonne,  se 
retira  du  siècle.  En  l'honneur  de  saint  Benoît  de  Nursie, 
changea  son  nom  goth  de  Witiza  en  celui  de  Benoît  et  fonda 
le  monastère  d'Aniane.  11  prit  une  influence  dominante  sur  le 
fils  de  Charlemagne,  Louis,  alors  roi  d'Aquitaine,  et,  protège 
par  lui,  il  couvrit  la  Septimanie,  l'Aquitaine,  la  France  du 
Nord  (le  monastères,  dont  le  plus  célèbre  est  l'abbaye  d'Inde 
près  d'Aix-la-Chapelle.  Il  devint  ainsi  ce  réformateur  de  l'or- 
dre bénédictin  que  l'église  vénère  sous  le  nom  de  saint  Benoît 
d'Aniane.  Or,  en  l'an  804,  un  comte,  nommé  Guillaume, 
s'elunt  lié  d'amitié  avec  lui,  renonça  à  ses  dignités  mon- 
(laiues  et  se  retira  dans  le  monastère  d'Aniane;  peu  après, 
il  ttnjda,  a  peu  de  distance  et  comme  une  colonie  d'Aniane, 
uue  maison  religieuse  qu'il  fil  construire  à  ses  frais  et  qu'il 
enrichit  par  de  grandes  donations  de  terres;  il  s'y  retira 
eu  8UG  et  y  mourut  sous  le  froc  quelques  années  plus  tard  ; 
c'est  l'abbaye  de  Saiut-Guilhem -du- Désert ,  qui  s'appela 
d'abord  et  longtemps  l'abbaye  de  Gellone. 

Auiane  et  Gellone,  l'abbaye-mère  et  l'abbaye-fille,  ayant  été 
dès  leur  origine  de  florissantes  maisons,  nous  ont  laissé  des 
cartulaires  importants,  dont  quelques  pièces  concernent  Guil- 


LÉGENDES   DU   CYCLE  DE   GUILLAUME  D*ORANGE.  13 

laume  ;  de  plus,  elles  nous  ont  transmis  chacune  une  relation 
de  sa  vie  •. 

Considérons  d'abord  les  deux  documents  principaux  sortis 
d'Aniane.  Par  un  acte  daté  du  15  décembre  804  2,  Guillaume, 
pour  subvenir  aux  besoins  des  religieux  de  Gellone,  fait  do- 
nation de  terres  sises  dans  le  pagiis  de  Lodève  et  dans  le 
pagus  de  Maguelonne,  sous  condition  que  Gellone  demeu- 
rera à  perpétuité  une  dépendance  de  l'abbaye  d'Aniane;  il 
dit  qu'il  fait  cette  donation  pour  le  salut  de  son  âme  et  pour 
le  salut  de  ses  parents,  qu'il  énumère  : 

«  Ego  enim  in  Dei  nomen  Vuilhelmus  .C.  recogitans  fragilitatis 
meae  casus  humanum,  idcirco  facinora  mea  minuanda  vel  de  pa- 
rentes meos  qui  defuncti  sunt,  id  est  genitore  meo  Teuderico  et 
genetrice  mea  Aldaue,  et  fratres  meos  Teodoino,  et  Teoderico  et 
sorores  raeas  Abbane  et  Bertane,  et  filios  meos  et  fllias  meas 
Vuitcario  et  Hidehelmo  et  Helinbruch,  uxores  meas  Vuiiburgh 
et  Cunegunde,  pro  nos  omnibus  superius  nominatos  dono...  » 

Sur  quoi  nous  nous  en  tiendrons  pour  l'instant  à  remarquer 
que  l'une  de  ses  deux  femmes  s'appelait,  comme  la  femme  du 
Guillaume  des  chansons  de  geste,  Guibourc. 

Outre  cet  acte  de  donation,  Aniane  nous  ofïre  un  récit  de  la 
vie  de  saint  Guillaume.  Ce  n'est  pas  un  ouvrage  à  part,  c'est 
seulement  un  court  chapitre  de  la  vie  de  saint  Benoît 
d'Aniane;  mais  son  ancienneté  en  fait  le  prix.  La  vie  de  saint 
Benoît  d'Aniane  a  été,  en  effet,  composée  en  823,  peu  après  la 
mort  du  saint,  par  un  de  ses  disciples,  Ardon,  surnommé 
Smaragdus.  Au  cours  de  son  récit,  Ardon  en  vient  à  parler, 


1.  Voyez  sur  Aniane  la  Gallia  christiana,  t.  VI,  col.  730  ss.;  sur  Gel- 
lone, la  Gallia  christiana,  t.  VI,  col.  580-601 .  Voyez,  en  outre,  Ch.  Eévil- 
lout,  Ehide  historique  et  littéraire  sur  l'ouvrage  latin  intitulé  Vie  de 
saint  Guillaume  [Publications  de  la  Société  archéologique  de  Montpel- 
lier, 1876),  et  Wilhelm  Pûckert,  Aniane  und  Gellone,  diplomatisch- 
kritische  UntersucJcufigen  zur  Geschichte  der  Reformen  des  Benedic- 
tiner-Ordens  im  IX.  und  X.  Jahrhundert,  Leipzig,  1899  ;  on  trouvera 
dans  le  livre  important  de  M.  Pûckert  tous  les  renseignements  biblio- 
graphiques désirables. 

2.  La  meilleure  édition  qu'on  en  ait  est  celle  de  M.  Eévillout,  ouvr. 
cité,  p.  79. 


a  JOSEPH   BEDIER. 

comme  il  est  naturel,  du  grand  ami  de  Benoît,  Guillaume,  et 
de  leur  fondation  commune..  Gellone.  Voici  en  quels  termes*  : 

«  Le  comte  Guillaume,  qui  était  illustre  entre  tous  à  la  cour 
de  l'empereur,  s'attacha  à  saint  Benoît  \bea(o  Benediclo)  d'une 
amitié  si  forte  que,  prenant  en  mépris  les  dignités  mondaines, 
il  choisit  son  ami  pour  le  guider  dans  la  route  salutaire  qui  le 
conduirait  au  Christ.  Ayant  enfin  obtenu  la  permission  de  se 
retirer  du  siècle,  apportant  de  grands  présents  d'or  et  d'argent 
et  encore  revêtu  de  riches  vêtements,  il  rejoint  le  vénérable 
Benoît.  Sans  souffrir  aucun  relard,  il  fit  tondre  sa  chevelure, 
et,  le  jour  des  apôtres  Pierre  et  Paul,  dépouillant  ses  haliits  lis- 
sés d'or,  il  prit  avec  joie  la  vêture  des  serviteurs  du  Christ.  Or, 
à  quatre  milles  environ  du  monastère  du  bienheureux  Benoît 
(beati  viri  Benedicli),  s'étend  une  vallée,  nommée  Gellone  ;  au 
temps  où  il  vivait  encore  dans  les  honneurs  du  monde,  l;  comte 
Guillaume  y  avait  fait  construire  une  cella;  il  s'y  abandonna  au 
Christ,  pour  le  servir  le  reste  de  sa  vie.  Né  de  parents  nobles,  il 
voulut  se  rendre  plus  noble  encore  en  embrassant  la  pauvreté 
du  Christ...  |il  y  parvint  ,  et  chacun  le  reconnaîtra  si  je  rap- 
porte ici  quelques  traits  de  sa  pieuse  vie.  En  efl'et,  Benoît,  notre 
vénérable  père,  avait  déjà  établi  de  ses  moines  dans  la  cella 
de  Gellone  :  pénétré  par  leurs  exemples,  en  peu  de  jours  Guil- 
laume les  surpasse  dans  la  pratique  des  vertus  qu'il  apprenait 
d'eux.  Avec  l'aide  de  ses  fils  qu'il  avait  mis  à  la  tête  de  ses  com- 
tés \adiuvanlibus  eum  filiisquos  suis  comilatibus  praefeceral),  aidé 
aussi  par  les  comtes  ses  voisins,  il  eut  vite  fait  d'achever  la 
construction  du  monastère  qu'il  avait  entreprise. 

«  Gellone  est  un  lieu  tellement  séparé  du  monde  que  celui  qui 
l'habite,  s'il  aime  la  solitude,  n'a  rien  à  souhaiter.  Des  monta- 
gnes couronnées  de  nuages  l'environnent,  et,  pour  en  trouver 
l'accès,  il  faut  être  conduit  par  le  désir  de  la  prière.  Ces  lieux 
sont  pleins  d'une  telle  aménité  que,  si  l'on  a  décidé  de  servir 
Dieu,  l'on  ne  désire  pas  un  autre  séjour.  On  y  voit  aujourd'hui 
des  vignes -que  Guillaume  y  fit  planter,  et  une  abondance  de  jar- 
dins pcuplùs  d';irbi'os  d'espèces  variées.   Il  acheta  pour  Gellone 

1.  \  lia  Jic/iedicd,  uhbutis  Aninncnsis  et  Indensis,  auctore  Ardone 
(Momtme/ita  Gei'umuiae  historica,  SS.,t.  XV,  p.  I!t2).  La  chapitre  qui  nous 
intért'sse  est  le  »>  do  l'OdilioTi  do  Waitz,  le  42»  de  l'édition  de  Mabillon 
(Act't  sanctorio»  ord.  lien.,  snec.  IV,  I,  p.  192;  éd.  de  Venise,  p.  184). 


LÉGENDES   DU   CYCLE   DE   GUILLAUME   d'ORANGE.  15 

de  très  nombreuses  propriétés;  à  sa  demande,  le  sérénissime  roi 
Louis  les  accrut  grandement  en  lui  attribuant,  sur  ses  domai- 
nes, des  terres  de  labour.  Il  donna  à  l'église  des  vêtements 
sacerdotaux  en  grand  nombre,  des  calices  d'argent  et  d'or,  des 
vases  sacrés  ;  il  apporta  avec  lui  des  livres  très  nombreux,  il 
revêtit  les  autels  d'or  et  d'argent. 

«  Une  fois  entré  dans  cette  cella.  il  s'abandonna  tout  entier  au 
Christ,  sans  plus  garder  aucun  vestige  des  pompes  mondaines. 
Rarement  ou  jamais  un  moine  le  rencontrant  réussit  à  s'humi- 
lier devant  lui  assez  bas  pour  ne  pas  être  vaincu  par  lui  en 
humilité.  Souvent  nous  l'avons  vu  charger  une  bouteille  de  vin 
sur  son  âne,  monter  lui-même  sur  l'âne,  et  portant  un  gobelet 
suspendu  à  son  dos,  aller  porler  à  boire  aux  frères  de  notre 
monastère  [d'Aniane]  pour  les  rafraîchir  pendant  quils  mois- 
sonnaient. Aux  vigiles  il  veillait  mieux  que  personne.  Il  tra- 
vaillait au  pétrin  de  ses  propres  mains,  à  moins  qu'il  ne  fût 
occupé  ailleurs  ou  empêché  par  la  maladie.  Il  faisait  la  cuisine, 
quand  c'était  son  tour...  11  aimait  le  jeûne  et  il  ne  lui  arrivait 
guère  de  recevoir  le  corps  du  Christ  sans  que  ses  larmes  cou- 
lassent jusqu'à  terre.  Il  recherchait  avidement  la  dureté  pour  sa 
couchette;  mais,  à  cause  de  sa  faible  santé,  notre  père  Benoît, 
malgré  ses  résistances,  lui  fit  mettre  une  paillasse.  Plusieurs 
disent  que  souvent  il  se  flt  flageller  par  amour  du  Christ,  sans 
autre  témoin  que  celui  qui  l'assistait.  Au  milieu  de  la  nuit,  tout 
pénétré  par  le  froid  de  l'hiver,  couvert  d'un  seul  vêtement,  sou- 
vent il  s'est  tenu  debout  dans  l'oratoire  construit  par  lui  en 
l'honneur  de  saint  Michel,  vu  par  Dieu  seul,  et  vaquant  à  la 
prière.  Après  peu  d'années,  riche  des  fruits  de  ces  vertus  et 
d'autres  vertus  encore,  sentant  que  son  dernier  jour  approchait, 
il  lit  annoncer  par  écrit  sa  mort,  comme  si  elle  s'était  déjà  pro- 
duite, à  presque  tous  les  monastères  sis  dans  le  royaume  de 
Charles.  Et  c'est  ainsi  que,  emportant  la  moisson  de  ses  vertus, 
à  l'appel  du  Christ,  il  émigra  de  ce  monde.  » 

Cette  charte  de  donation  du  15  décembre  804,  cette  tou- 
chante esquisse  de  la  vie  du  moine  Guillaume,  voilà,  à  peu 
près,  avec  quelques  lignes  sur  Guillaume  insérées  dans  le 
Chronicon  Anianense  \  tous  les  documents  que  nous  fournit 

1.  A  l'année  806  (Mon.  Genn.  hist.,  I,  p.  308). 


J6  JOSEPH  BEDIER. 

l'abbaye  d'Aniane.  Si  nous  nous  tournons  vers  Gellone,  sa 
voisine,  nous  en  trouverons  de  plus  copieux,  mais  que 
depuis  longtemps  la  critique  a  dénoncés  comme  étant  falsifiés 
ou  fabriqués.  Au  contraire,  on  regardait  volontiers  les  docu- 
ments d'Aniane  comme  purs  de  toute  altération;  bien  à  tort, 
comme  l'a  récemment  montré  M.  W.  Pûckert. 

Comment,  à  première  vue,  soupçonner  aucune  fraude  dans 
le  chapitre  de  la  Vie  de  saint  Benoît  que  l'on  vient  de  lire,  si 
édifiant  et  si  naïf?  Ardon  n'était-il  pas  presque  le  contempo- 
rain de  Guillaume?  N'avait-il  pas  pu  voir  les  vignes  plantées 
par  lui?  ou  connaître  ceux  qui  avaient  vu  Guillaume,  monté 
sur  son  baudet,  passant  par  les  blés  au  soleil  des  jours  de 
moisson  ?  Mais  M.  Pûckert  ne  soupçonne  pas  le  vieil  Ardon  ; 
il  soupçonne  des  moines  d'Aniane,  venus  plusieurs  siècles 
plus  tard,  d'avoir  émaillé  la  prose  d'Ardon  d'interpolations 
intéressées.  Il  en  relève  plusieurs  indices*,  que  voici. 
Dans  le  chapitre  que  je  viens  de  traduire,  il  est  dit  que  Guil- 
laume, en  se  retirant  du  siècle,  avait  mis  ses  fils  à  la  tête  de 
ses  comtés  {/îlii,  quos  suis  comitatibus  praefecerat);  com- 
ment Ardon,  qui  écrivait  sous  Louis  le  Pieux,  en  823,  aurait-il 
ignoré  que  Guillaume  ne  possédait  pas  ses  comtés  en  alleu, 
qu'il  ne  pouvait  les  transmettre  à  ses  fils,  qu'il  n'était  qu'un 
comte  bénéficiaire?  Comment  Ardon  aurait-il  dit  une  chose 
si  contraire  au  droit  public  de  son  temps?  En  outre,  en  ce 
chapitre  relatif  à  Guillaume,  Benoît  d'Aniane  est  appelé  par 
deux  fois  beatus  Benedictus  :  comment  cette  allusion  à  sa 
sainteté  est-elle  possible,  si  ces  lignes  ont  été  écrites  peu  après 
la  mort  de  Benoît,  en  823?  Par  tout  le  reste  de  son  ouvrage, 
le  vrai  Ardon  nomme  souvent  son  héros  :  nulle  part  il  ne  l'ap- 
pelle comme  ici  beatus  Benedictus.  Enfin,  le  vrai  Ardon 
nomme  d'autres  colonies  d'Aniane  :  toutes  celles  qu'il  nomme, 
les  plus  modestes  et  les  plus  obscures,  comme  les  maisons 
benédi<'tiues  de  l'Ile  Barbe,  de  Saint-Mesmin,  de  Cormery,  il 
les  appelle  des  ?no>ia.ç<e/7'a.;  mais,  dans  notre  passage,  seule 
entre  toutes  les  colonies  d'Aniane,  Gellone,  qui  pourtant  fut 

1.  Pûckerl,  oucr.  citr,  ji.  lu'.i-llo. 


LÉGENDES   DU   CYCLE   DE   GUILLAUME   d'ORANGE.  17 

riche  dès  sa  fondation,  est  désignée  sous  le  nom  plus  humble 
de  cclla,  comme  si  l'auteur  avait  voulu  la  déprécier. 

C'est  qu'un  ardent  conflit  a  longtemps  animé  l'une  contre 
Tautre  l'abbaye-mère  et  l'abbaye-fllle,  la  question  étant  pré- 
cisément de  savoir  si  Gellone  avait  été  à  l'origine  une  cella 
qui  dût  demeurer  éternellement  soumise  à  la  domination 
d'Aniane.  Les  moines  de  Gellone  prétendaient,  au  contraire, 
au  droit  d'élire  librement  leur  abbé,  et  se  déclaraient  indé- 
pendants de  leurs  voisins.  La  lutte,  ayant  commencé  sous 
l'abbé  d'Aniane  Emeno  (1062-1093),  ne  s'acheva  que  soixante 
ou  quatre-vingts  ans  plus  tard,  après  force  condamnations 
d'Aniane  par  les  papes  Alexandre  II  (1066),  Urbain  II  (1092), 
Calixte  II  (1123),  Honorius  II  (1127).  etc. 

La  cause  des  moines  de  Gellone  élait  la  bonne  sans  doute, 
puisque  les  papes  en  ont  jugé  ainsi.  Pour  la  soutenir,  il  ne 
leur  manquait  que  des  actes  authentiques  :  ils  en  produisirent 
donc  de  faux,  et  c'est  Guillaume  qui  ht  à  l'ordinaire  les  frais 
du  procès.  Aniane  se  prévalait,  comme  on  a  vu,  d'un  acte  de 
donation  en  sa  faveur  dicté  par  Guillaume  le  15  décembre  804, 
qui  lui  soumettait  pour  la  durée  des  temps  la  cella  de  Gellone. 
Gellone  brandit  alois  un  acte  de  donation  du  même  Guillaume, 
daté  de  la  veille,  14  décembre  804,  calqué  sur  l'autre  :  mais 
ici  la  cella  devient  un  monaslerium  et  la  donation  se  fait, 
sans  l'intermédiaire  de  Benoît  d'Aniane,  sans  qu'Aniane  soit 
nommée,  —  directement  au  monastère  de  Gellone.  Et  l'on  a 
reconnu  depuis  très  longtemps  que  le  document  de  Gellone 
est  une  contiefaçon  de  celui  d'Aniane;  mais  du  moins  croyait- 
on  celui  d'Aniane  authentique  :  à  peine  soupçonnait-on  qu'il 
avait  pu  être,  à  son  tour,  «  quelque  peu  paraphrasé  »^  pour 
les  besoins  du  procès.  Voici  que  M.  Pûckert^  vient  de  mon- 
trer par  une  longue  discussion  qu'il  est,  lui  aussi,  en  partie 
falsifié.  Interpolations  tendancieuses  dans  le  Chronicon  Ania- 
nense  et  dans  la  Vie  de  saint  Benoît,  testament  supposé  d'un 
abbé  Juliofroi.  prétendu  cousin  de  Charlemagne,  falsification 


1.  Révillout,  ouvr.  cité,  p.  21. 

2.  P.  124  S8.  de  son  livre. 

ANNALES    DU    MIDI.    —   XIX. 


18  JOSEPH  BÉDIEft. 

des  diplômes  royaux  et  impériaux,  il  semble  bien,  à  la  lecture 
du  livre  de  M.  Pùckert.  que  moines  d'Aniane  et  moines  de 
Gellone  se  sont  battus  à  coups  d'actes  faux,  et  je  plains 
les  historiens  qui  ont  à  se  débrouiller  parmi  de  tels  docu- 
ments. 

Ce  n'est  pas,  fort  heureusement,  le  cas  des  critiques  litté- 
raires, et  la  lutte  des  deux  abbayes  ne  les  intéresse  que  parce 
qu'elle  a  suscité  un  texte  illustre  dans  l'histoire  des  chansons 
dj  geste,  la  VUa  sancti  Wilhelmi^,  émanée  de  l'abbaye  de 
Gellone. 

La  critique  de  ce  texte  a  été  faite  excellemment  par  M.  Ré- 
villout,  puis  par  M.  Pùckert.  Il  a  visiblement  pour  objet,  non 
pas  unique,  mais  principal,  de  servir  au  procès  engagé  en 
cour  de  Rome;  pour  les  raisons  proposées  par  M.  Révillout  et 
acceptées  depuis  par  tous  les  critiques  2,  j'admets  qu'il  a  été 
écrit  vers  1122.  Je  dirais  aussi  volontiers  :  vers  1125  ou  1130. 

Ce  n'est  guère,  comme  M.  Révillout  l'a  si  bien  fait  voir, 
qu'un  délayage  fort  verbeux  du  chapitre  d'Ardon  transcrit 
ci-dessus.  La  Vie  de  saint  Guillaume  composée  à  Gellone  veut 
pourtant  annuler  ce  chapitre  d'Ardon.  Nonobstant,  l'hagio- 
grai)he  de  Gellone  plagie  à  l'ordinaire  avec  beaucoup  de 
conscience  l'hagiographe  adverse  d'Aniane.  Le  procédé  ne 
manque  pas  de  comique,  et  c'est  — je  ne  sais  si  la  chose  a  été 
remarquée  —  le  même  procédé  qui  a  aussi  servi  pour  la 
fabrication  de  la  charte  du  14  décembre  804.  Les  moines 
d'Aniane,  on  l'a  vu,  avaient  altéré  à  leur  profit  un  acte  de 
donation  de  Guillaume.  En  manière  de  riposte,  les  moines 
de  Gellone  comi)Oserout-ils  un  autre  acte  attribué  à  Guil- 
laume? Ils  n'eu  ont  garde  :  ils  se  servent  de  l'acte  même 
qui  leur  est  opposé,  le  copient;  ils  s'en  tiennent,  par  modifica- 
tion ou  suppression  des  passages  qui  les  gênent,  à  falsifier  le 
faux  de  leurs  adversaires. 

1.  .Mal)iIlon,   Acta  sanctoram   ord.  s.  Bened.,  3aec.  IV,   I,   p.  72,  et 
Acta  sancfonoii  de»  bull:in(îistes,  t.  VI  ijo  mai,  p.  798. 

2.  .M.   Pùckert  i.o  les  conlredit  pas;  mais  il  ne  semble  pas  vouloir 
ilater  la  \'ita  avec  tant  de  précision. 


LÉGENDES   DU   CYCLE   DE   GUILLAUME   d'ORANGE.  19 

Pareillement  pour  la  composition  de  la  Vie  de  saint  Guil- 
laume. Les  moines  d'Aniane  avaient,  les  premiers,  remanié 
artificieiisement  un  chapitre  du  vieil  Ardon.  Voulant  se  garer, 
les  moines  de  Gellone  protesteront-ils  contre  le  témoignage 
d'Ardon?  Non  pas  :  ils  s'en  emparent  au  contraire  et  le  sui- 
vent pas  à  pas,  avec  piété,  quitte  à  l'altérer,  quand  le  besoin 
s'en  fait  sentir.  C'est  très  adroitement  fait,  en  vérité,  et  très 
spirituellement.  Les  moines  d'Aniane  avaient  arrangé  le  récit 
d'Ardon  en  telle  guise  que  Guillaume  n'y  fût  rien  qu'un  hum- 
ble disciple  de  Benoît,  et  Gellone  rien  qu'une  cella,  vassale 
d'Aniane.  Les  moines  de  Gellone  acceptent  tout  entière  leur 
narration,  sauf  en  ceci  qu'ils  suppriment  (comme  ils  avaient 
fait  dans  l'acte  de  donation)  toute  mention  d'Aniane  et  de 
Benoît.  Dans  la  Viia  qu'ils  composent,  ce  n'est  plus  Benoît 
qui  détourne  Guillaume  de  vivre  dans  le  siècle,  c'est  le  Saint- 
Esprit;  et  pourquoi,  cherchant  une  retraite  pieuse,  se  dirige- 
t-il  de  préférence  vers  les  montagnes  du  pays  de  Lodève? 
Selon  leurs  rivaux,  c'est  l'amitié  de  Benoît  d'Aniane  qui  l'at- 
tirait; selon  eux,  c'est  qu'un  ange  s'est  présenté  devant  lui, 
l'a  pris  par  la  main  et  l'a  conduit  droit  à  Gellone  :  et  ni  Guil-  ~ 
laume,  ni  l'ange  son  conducteur  ne  se  sont  aperçus  que  ce  pays 
n'était  plus  un  désert,  et  que  l'abbaye  d'Aniane  s'élevait  déjà 
à  sept  kilomètres  de  là.  Ardon  disait  :  les  premiers  religieux 
de  Guillaume  venaient  d'Aniane;  la  Vita  remplace  ce  dire 
par  celte  phrase  :  «  Guillaume  se  hâta  de  faire  venir  des  mo- 
nastères voisins,  des  lieux  réguliers  et  religieux,  des  servi- 
teurs de  Dieu,  des  hommes  chastes  et  de  vie  sainte  »,  et  par 
ces  pluriels  ingénieux,  elle  escamote  Aniane.  Selon  Ardon, 
Guillaume  montait  sur  son  âne  pour  porter  du  vin  aux  mois- 
sonneurs d'Aniane.  Selon  la  Vila,  Guillaume,  monté  sur  le 
même  âne,  porte  la  même  bouteille  aux  moissonneurs;  mais 
ce  ne  sont  plus  les  moines  d'Aniane  qui  la  boivent,  ce  sont  les 
moines  de  Gellone. 

Pour  le  reste,  comme  il  ne  s'agit  plus  que  de  rapporter  les 
vertus  du  héros,  les  moines  de  Gellone  acceptent  de  grand 
cœur  les  récits  d'Ardon;  ils  ne  se  mettent  pas  en  peine  d'en 
inventer  d'autres  ;  ils  se  bornent  à  enchérir  sur  Ardon,  par- 


20  JOSEPH   BEDIER. 

fois  à  contre  sens*  ;  et  ce  qu'on  trouve  dans  la  Vila,  sous  la 
rhétorique  pieuse,  c'est  Ardon,  toujours  Ardon.  Comme  addi- 
tions, quelques  traditions  locales,  plus  ou  moins  chimériques  : 
telle  l'histoire  des  deux  sœurs  de  Guillaume,  toutes  deux 
vierges,  jeunes  et  belles,  qui  supplient  leur  frère  de  leur  laisser 
{.rendre  le  voile  à  Gellone.  C'est  encore  une  tradition  du  mo- 
nastère qui  attribue  à  Guillaume,  dans  la  Vita,  certains  tra- 
vaux de  voirie,  comme  l'établissement  d'une  chaussée  le  long 
de  l'Hérault,  et  c'est  une  jolie  fleur  de  cloître  que  ce  récit  de 
la  mort  du  saint  :  «à  l'heure  où  il  quitta  sa  chair  mortelle,  les 
cloches  de  toutes  les  églises  du  voisinage,  les  petites  comme 
les  grandes,  mises  en  branle  par  un  sonneur  invisible,  sonnè- 
rent à  toute  volée,  révélant  aux  provinces  d'alentour  la  mort 
et  les  mérites  du  glorieux  serviteur  que  Dieu  venait  de  rece- 
voir dans  les  tabernacles  éternels  ». 

Pourtant,  l'hagiographe  de  Gellone  a  fait  aux  récits  d'Ardon 
une  addition  encore,  et  d'une  toute  autre  importance  :  c'est  un 
chapitre  destiné  à  expliquer  comment  son  abbaye  était  en 
possession  d'une  relique  insigne,  un  fragment  de  la  vraie  croix. 
C'était  le  joyau  de  Gellone  :  dès  le  x«  siècle,  ce  morceau  du 
bois  de  la  croix  est  mentionné  dans  la  titulature  de  l'abbaye  : 
«  Sancto  Saliml07'i  et  ligno  sanctae  crucis,..'^  »  Cette  reli- 

1.  Voici  un  exemple  curieux  de  ces  contre  sens,  relevé  par  M.  Rêvillout. 
Ardon  iiioiitro  Guillauino  se  levant  la  nuit  pour  prier  dans  son  oi-aloire, 
dédit-  à  saint  Midn-l,  sans  prendre  garde  aux  rigueurs  du  froid,  glacialibiis 
per/'usus  alyoribus  .  L'hagiographe  de  Gellone  «  prit  à  la  lettre  cette 
inélaphore  et  crut  qu'il  s'agissait,  non  d'un  froid  glacial  et  qui  transperce, 
mais  d'un  vérltahle  bain  ».  Il  écrit  donc  :  «  (.iuillaume  avait  une  telle 
rcvén-nce  jiour  les  suints  autels  que,  avant  de  recevoir  l'Eucharistie, 
alors  même  (jue  l'hiver  faisait  geler  les  fontaines  et  qu'une  glace  épaisse 
couvrait  lu  terre,  il  se  plongeait  néanmoins  dans  l'eau.  11  en  sortait,  tout 
roidi  par  le  froid,  et  lui,  chez  qui  tout  était  pur,  était  rendu  plus  pur 
encore  que  IVan  qui  l'avait  lavé.  Ce  n'était  pas  seulement  quand  il  devait 
prendre  les  divins  mystères  qu'il  agissait  de  la  sorte,  mais  aussi  dans 
beaucoup  d'autres  circonstances,  et,  toutes  les  nuits,  il  plongeait  tout  son 
corps  dans  un  bain  de  cette  nature.  Apres  ce  refroidissement  longtemps 
prolongé,  il  sortait  do  l'eau  pour  se  rendre  à  l'oratoire  de  saint  Michel, 
el  Ik,  couvert  d'un  seul  vêtement,  et  encore  très  rarement,  il  demeurait  le 
roule  de  la  nuit  en  prières,  les  deux  genoux  courbés  et  nus  sur  la  pierre, 
frappant  coup  sur  coup  sa  poitrine,  poussant  des  soupirs  et  mouillant 
son  visage  do  larmes,  s 
2.  Voyez  Pùckert.  ouvr.  cit>^,  p.  lO-i. 


LÉGENDES  DU  CYCLE  DE  GUILLAUME  D'ORANGE.      21 

que  se  perdit  lors  du  pillage  de  l'église  pendant  la  Révolution; 
mais  deux  parcelles  en  furent  miraculeusement  retrouvées  : 
l'un  des  évêques  récents  de  Montpellier  portait  l'une  enchâs- 
sée dans  sa  crosse;  l'autre  se  voit  encore  dans  l'église  de 
Saint-Guilhem-du-Désert.  «  A  chaque  page  du  Cartulaire  de 
Gellone,  écrit  l'abbé  Vinas^,  on  lit  :  Nous  donnons  à  la  sainte 
croix  de  Gellone,  à  l'étendard  de  la  croix,  au  vénérable,  au 
salutaire,  au  vivificateur,  au  très  saint,  au  très  glorieux  bois 
de  la  croix  du  Seigneur,  déposé  à  Gellone,  tel  village,  telle 
terre,  telle  manse,  situés  aux  diocèses  de  Montpellier,  ou  de 
Maguelonne,  ou  de  Nîmes,  à  Agde,  à  Beziers,  à  Rodez,  à  Albi, 
à  Uzès,  à  Viviers,  à  Léon,  à  Astorga,  à  Braga.  »  Cette  relique 
bienfaisante,  l'auteur  de  la  Vita  s'attache  à  l'authentiquer  : 
c'est  le  patriarche  de  Jérusalem,  dit-il,  qui  l'avait  envoyée  à 
Charlemagne,  «  dans  la  première  année  où  celui-ci  était 
devenu  empereur  ».  Quand  le  comte  Guillaume  voulut  se  reti- 
rer du  siècle  et  qu'il  dit  adieu  à  Charles,  celui-ci  lui  offrit  de 
ses  richesses  tout  ce  qu'il  voudrait  en  emporter.  Guillaume 
n'en  voulut  rien  prendre,  mais  supplia  l'empereur  de  lui 
donner  pour  son  monastère  de  Gellone  ce  morceau  de  la  croix. 
L'empereur  hésite  à  se  séparer  du  plus  précieux  de  ses  tré- 
sors; il  cède  enfin  :  «  Prends,  cher  ami,  cette  dernière  récom- 
pense de  tes  services;  emporte-la  comme  un  gage  de  mon 
affection  et  de  mes  regrets;  chaque  fois  que  tu  la  reverras, 
elle  te  rappellera  Charlemagne.  » 

On  voit  la  portée  de  ce  récit,  et  c'est  une  des  pièces  de  résis- 
tance de  la  Vita  :  si  c'est  Gellone,  non  pas  Aniane,  qui  pos- 
sède cette  relique,  c'est  donc  que  Gellone  n'a  jamais  été 
l'humble  cella  que  disent  ses  ennemis.  Or  il  faut  savoir  que 
les  moines  d'Aniane  aussi  montraient  un  morceau  de  la  vraie 
croix  :  ils  prétendaient  eux  aussi  que  le  patriarche  de  Jéru- 
salem l'avait  envoyé  à  Charlemagne  :  c'était  donc  la  même 
relique  que  les  deux  abbayes  se  disputaient;  mais  ceux 
d'Aniane  assuraient  que  Charlemagne  la  leur  avait  donnée. 
Pour  accréditer  cette  histoire,   ils  l'avaient  insérée  dans  le 

1.  Visite  rétrospective  à  Saint-Guilhem-du-Désert,  p.  14. 


22  JOSEPH   BÉDIER. 

Chronicon  Anianense^.  Comme  l'a  1res  bien  remarqué 
M.  Pùckerl^,  c'est  de  cette  interpolation  que  part  l'auteur  de 
la  VUa  sancti  Wilhelmi  (il  en  reproduit  certaines  expres- 
sions, etc.).  Ici  encore,  il  a  donc  recouru  à  son  procédé 
familier  :  pour  ruiner  les  documents  de  l'abbaye  rivale,  il 
commence  par  les  exploiter;  ici  encore,  il  falsifie  un  faux 
d'Aniane. 

Toutes  ces  observations  mettent  en  lumière  le  caractère 
vrai  de  la  VUa  :  l'auteur  s'empare  de  tous  les  documents 
adverses,  —  le  chapitre  d'Ardon,  l'acte  de  donation,  le  Chro- 
nicon Anianense,  —  et  les  modifie  au  profit  de  son  monas- 
tère; il  s'agit  de  combattre  pied  à  pied  chacune  des  préten- 
tions d'Aûiane  et  de  revendiquer  l'indépendance  de  Gellone. 
La  VUa  n'est  donc  pas  un  libre  jeu  d'imagination  que  se  serait 
permis  un  moine  isolé  au  fond  de  sa  cellule  :  c'est  une  œuvre 
concertée,  composée  savamment  à  une  époque  critique  de  la 
vie  du  monastère.  Orderic  Vital  l'appréciait  avec  justesse  : 
«  elle  a  été  faite  avec  beaucoup  d'art  par  des  docteurs  reli- 
gieux et  lue  respectueusement  par  des  lecteurs  studieux 
devant  la  communauté  de  tous  les  frères^,  i 


Si  tel  est  bien  le  caractère  de  la  VUa,  quelle  surprise  de 
rencontrer,  en  ce  document  hagiographique  si  prudemment 
combine,  des  emprunts  aux  chansons  que  colportaient  des 
jongleurs  mépiisés! 

En  ellel,  le  biographe  de  Guillaume,  a  l'exemple  d'Ardon, 
ne  peint  guère  son  héros  que  sous  le  froc.  De  sa  vie  anté- 
rieure, pas.sée  parmi  les  grandeurs  du  monde,  il  dit  quelque 
chose  pourtant;  et  ces  quelques  traits  de  sa  vie  séculière, 


1.  Mon.  Germ.  hist.,  SS.,  I,  pp.  309  et  810. 

'J.  Voyez  .son  cxci-llonlo  discussion,  ouvr.  cité,  pp.  ll'J-l'-i4. 

■i.  «  Quae  II  rclixiosis  ilocLoribiis  solerior  est  otiita  ot  a'  stiidiosis  locto- 
rihns  rcxcrcnU'i- iocui  esi  in  (•..niiiiuni  fralnuii  aiiiiiciiLia.  »  (Ord.ric  Vital, 
UistDria  ecclesiastica,  liv.  VI,  éd.  de  la  Société  de  riiisioiio  de  France! 
t    111.  p.  f).) 


LÉGENDES    DU   CYCLE   DE   GUILLAUME   d'ORANGE.  23 

c'est  à  des  chansons  de  geste  qu'il  les  prend.  Son  saint  Guil- 
laume, après  son  entrée  dans  le  cloître,  c'est  le  Guillaume 
d'Ardou;  avant  son  entrée  dans  le  cloître,  c'est  Guillaume 
d'Orange,  le  Guillaume  des  jongleurs. 

Ainsi,  nos  trouvères  parlaient  du  sanctuaire  de  Saint-Guil- 
hem  en  hommes  qui  l'ont  fréquenté,  ou  se  réclamaient  de  la 
vie  authentique  du  saint,  gardée  en  sa  «  maison  ».  Avertis 
par  eux,  nous  lisons  cette  Vita,  composée  par  les  moines  de 
Gellone  vers  1122,  c'est-à-dire  antérieurement  à  tous  les 
textes  poétiques  conservés.  Nous  interrogeons  cette  Vita  que 
les  jongleurs  invoquaient  comme  leur  autorité,  et  voici  qu'à 
leur  tour  les  moines  s'y  réfèrent  à  des  chansons  de  jongleurs. 

De  la  ce  problème  :  comment,  en  quelles  circonstances  ces 
jongleurs  du  nord  de  la  France  ont-ils  pu  entrer  en  relations 
avec  ces  moines  enfermés  au  fond  d'une  vallée  sauvage  du 
diocèse  de  Lodève?  Réciproquement,  comment,  par  quel  mira- 
cle ces  moines,  relégués  dans  une  vallée  perdue  du  diocèse  de 
Lodève,  ont-ils  pu  connaître  seulement  ces  chansons  colpor- 
tées par  des  jongleurs  du  nord  de  la  France,  et,  chose  plus 
étrange,  accueillir  dans  un  grave  texte  hagiographique  les 
fables  de  ces  jongleurs? 


Mettons  d'abord  en  pleine  lumière  la  réalité  du  fait  :  que 
les  moines  de  Gellone,  auteurs  de  la  Vita,  connaissent  et 
exploitent  des  chansons  de  geste. 
Il  suffit  de  transcrire  ces  deux  passages  bien  connus  : 
1°  Au  début  de  la  Vita,  l'hagiographe  déclare  qu'il  ne  dira 
rien  de  la  vie  de  Guillaume  dans  le  monde,  car,  dit-il, 
cette  «  geste  séculière  »  de  son  héros  est  célébrée  dans  tout 
l'univers  et  chantée  partout;  et  c'est  une  première  allusion 
à  des  chansons  de  geste  : 

«  Quels  sont  les  royaumes,  quelles  sont  les  provinces  et  les 
nations,  quel  es  sont  les  villes  qui  ne  célèbrent  pas  à  l'envi  les 
exploits  du  duc  Guillaume,  la  force  de  son  âme,  la  Arce  de  son 
cœur,  ses  nombreux  et  glorieux  triomphes  à  la  guerre?  Quelles 


24  JOSEPH   BÉDIER. 

assemblées  déjeunes  g<^ns,  quelles  réunions,  surtout  de  cheva- 
liers et  de  barons,  quelles  vigiles  de  saints  ne  retentissent  pas  de 
sa  gloire  et  ne  redisent  pas  en  chants  modulés  quel  grand  homme 
fut  Guillaume!,  ses  t^uerres  glorieuses  sous  Charleraagne;  com- 
ment il  a  dompté  les  Barbares;  tout  ce  que  les  Barbares  lui  ont 
f:iit  subir  de  p  ines  '  t  de  douleurs;  comment,  à  son  tour,  il  leur 
a  infligé  des  désastres  et  les  a  enfin  chassés  au  delà  des  fron- 
tières du  royaume  des  Francs?  Toutes  ces  choses  et  la  multiple 
histoire  de  sa  vie  sont  connues  presque  par  tout  l'univers.  » 

2«  Malgré  cette  assertion  qu'il  se  taira  de  la  vie  séculière 
de  Guillaume,  le  biographe  résume  ainsi,  au  chapitre  v,  les 
exploits  (le  son  héros  : 

«  En  ce  temps-là  (comme  Guillaume,  déjà  illustre  à  la  cour, 
était  devenu  le  conseiller  intime  de  Charlemagne),  les  Sarrasins  se 
rassemblant  de  toutes  parts,  forment  une  armée  immense  :  ils  tra- 
versent les  Pyrénées,  et  tous  ensemble  se  hâtent  vers  l'Aquitaine, 
la  Provence  et  la  Septimanie,  vers  les  terres  chrétiennes.  Ils  en- 
vahissent le  royaume  de  Charleraagne,  massacrent  des  chré- 
tiens sans  nombre.  Us  sont  vainqueurs;  ils  recueillent  un  grand 
butin,  emmènent  des  prisonniers  durement  liés  de  cordes,  ils 
odupent  le  pays  en  tous  sens,  comme  s'ils  devaient  le  posséder 
à  jamais.  La  nouvelle  en  est  portée  au  roi  très  chrétien,  qui  en 
ressent  une  grande  donliur.  Il  invoque  le  nom  du  Christ,  con- 
voque ses  pairs  et  ses  conseillers...  (Us  lui  indiquent  unanime- 
ment Guillaume).  Charleraagne  l'invesiit  du  duché  d'Aquitaine. 
Guillaume  part,  menant  une  armée  nombreuse  d'hommes  d'élite. 
Il  entre  en  Septimanie,  et,  ayant  franchi  le  Rhône,  il  dispose 
s«î3  troupes  sous  les  murs  d  Orange,  que  les  Sarrasins,  avec  leur 
Thibaut,  avaient  occupée  depuis  longtemps  quam  illi  Hispani 
cum  suo  Tfuobaldo  iampridem  occupaverani).  Il  a  bientôt  fait  de 
massacrer  et  de  mettre  en  fuite  les  envahisseurs,  bien  que  par 
la  suite  il  ait  eu  à  supporter,  dans  Orange  et  pour  Orange  [in  ea 
elproea],  de  longues  peines,  qu'il  surmonta  victorieusement. 
Quand  il  eut  conquis  la  ville  de  vive  force,  il  la  garda  pour  lui, 
avec  l'aveu  de  tous  ses  lioinraes.  et  il  en  fit  sa  résidence  prin- 

J.  «  Uiui  '•hnri  luvtjtnihi,  <iin  coiivi'/itus  populorum,  pi'aecipue  mili- 
tum  ac  uohilitim  virorum,  qiuu;  vi</iliae  sanctonim  dulce  twn  reso- 
nnnt  i-t  modiUatis  vocibus  décantant  qualia  et  gitantus  fuerit...  » 


LÉGENDES   DU   CYCLE  DE   GUILLAUME   d'ORANGE.  25 

cipale  :  et  c'est  pourquoi  cette  ville,  par  la  gloire  d'un  si  grand 
guerrier,  est  illustre  aujourd'hui  Jans  tout  l'univers.  Quant  à 
raconter  les  autres  exploits  de  Guillaume  et  quelles  grandes 
luttes  il  a  soutenues  contre  les  Barbares  d'outremer  et  contre 
les  Sarrasins  ses  voisins,  comment,  par  la  force  de  son  épée  et 
avec  laide  divine,  il  a  sauvé  le  peuple  de  Dieu  et  agrandi  l'em- 
pire chrétien,  je  pourrais  le  raconter;  mais  ce  serait  Id  matière 
d'un  grand  volume.  » 

Ce  récit,  il  est  constant  et  accordé  par  chacun  qu'il  est  en- 
tièrement fabuleux,  puisque,  sous  Charlemagne,  les  Sarrasins 
ne  se  sont  pas  avances  jusqu'à  Orange;  puisque  jamais  aucun 
roi  sarrasin  ne  s'est  appelé  ni  n'a  pu  s'appeler  Thibaut;  puis- 
que jamais  ni  Guillaume  de  Gellone,  ni  aucun  autre  Guil- 
laume connu  n'a  combattu  aucun  Thibaut,  sous  Orange,  ni 
ailleurs.  Ce  récit  fabuleux,  chacun  y  reconnaît  la  chanson  de 
la  Prise  d  Orange,  et,  puisque  les  moines  et  les  jongleurs 
s'accordent  à  le  rapporter,  il  faut,  ou  bien  que  les  jongleurs 
l'aient  pris  aux  moines,  ou  bien  que  les  moines  l'aient  pris 
aux  jongleurs. 

Selon  M.  Ph.-Aug.  Becker,  ce  sont  les  moines  qui  l'auraient 
inventé.  Dans  le  préambule  de  la  Vila,  dans  ces  allusions  du 
biographe  à  des  chansons  de  geste,  M.  Becker  ne  veut  voir 
que  «  des  phrases  et  un  pieux  radotage'  »;  quant  au  récit  de 
la  guerre  contre  le  roi  Thibaut,  c'est  une  simple  imagination 
de  l'auteur  de  la  Vila,  qui,  ne  sachant  rien  de  la  vie  réelle 
de  son  héros  et  voulant  en  raconter  quelque  chose,  a,  en  dé- 
sespoir de  cause,  inventé  n'importe  quoi2.  Plus  tard,  vers  1140, 
un  poète  du  nord  de  la  France,  qui  connaissait  un  personnage 
de  roman,  Guillaume  Fierebrace,  héros  du  Couronnement 
de  Louis  et  tout  a  fait  étranger  a  saint  Guillaume,  passa  par 
hasard  a  Brioude  et  a  Gellone  :  il  y  apprit  l'existence  du  saint 
et  connut  la  Vita,  apprit  ainsi  l'histoire  d'Orange  et  de  Thi- 


1.  «  Phrasen  und  fromrnen  Quatsch  »  (Die  altfraynôsische  Wilhelm- 
sage,  p.  40). 

2.  Ou  peut-être  il  avait  en  vue  un  poème,  aujourd'hui  perdu,  où  la 
«  légende  de  Borel  »  (venue  d'Italie)  avait  été  transportée  dans  le  midi 
de  la  France  (Orange)  et  en  Espagne. 


26  JOSEPH   BÉDIER. 

baut  ;  il  identifia  Guillaume  Fierebrace  avec  saint  Guillaume 
de  Gellone;  sur  quoi,  rentré  en  France,  il  composa  un 
poème,  qui  est  le  Montage  Guillaume;  partant  de  ce  poème, 
où  Thibaut  et  Orange  sont  mentionnés,  un  autre  poète  com- 
posa ensuite  la  Prise  d'Orange. 

Cette  théorie  forme  l'un  des  ressorts  du  livre  de  M.  Ph.- 
Aug.  Becker,  intitulé  Die  allfranzùsische  Wilhelmsage ; 
mais,  comme  il  y  a  substitué  lui-même,  dans  ses  écrits  pos- 
térieurs, un  système  plus  nuancé  et  que  j'aurai  ailleurs^  occa- 
sion d'exposer,  qu'il  suffise  d'avoir  résumé  ici,  très  schémati- 
queiuent,  son  explication,  et  d'y  opposer,  de  crainte  qu'elle 
ne  soil  un  jour  reprise,  cette  remarque  très  simple  que  le 
chapitre  de  la  Vila  où  Thibaut  est  nommé  ne  semble  pas  être 
le  germe  ou  le  canevas  d'un  roman,  mais  le  résumé  d'un  ro- 
man. Si  ce  Thibaut  n'avait  eu  d'existence  que  dans  ces  dix 
lignes  de  la  Vila,  insignifiantes  par  elles-mêmes,  le  jongleur 
supposé  par  Becker,  lisant  la  Vila.,  ne  l'aurait-il  pas  laissé 
pour  compte  a  l'hagiographe? 

De  plus,  on  admet  généralement  que  la  chanson  du  Pèleri- 
nage de  Charlemagne  à  Jét^usalem  est  antérieure  à  la  Vila 
sancli  WHhelmi.  Or,  Guillaume  y  est  déjà  appelé  Guillaume 
d'Orange. 

Enfin,  c'est  ici  l'occasion  de  rappeler  le  témoignage  célèbre 
d'Orderic  Vital.  Orderic  a  inséré,  comme  on  sait,  dans  le 
livre  VI  de  son  Hisloria  ecclesiastica,  un  long  extrait  de  la 
Vila  sancli  WiUielmi;'\\  a  co.mposé  ce  livre  VI  dans  l'abbaye 
de  Saint-Evroul,  en  Normandie,  entre  les  années  1131  et  1141. 
Comme  préface  à  son  extrait,  il  raconte  cette  jolie  anecdote  : 

Un  vassal  de  Guillaume  le  Conquérant,  Huon  d'Avranches, 
comte  de  Chester,  avait  comme  chapelain  un  clerc  d'Avran- 
ches nommé  Gerold,  très  zélé  à  sermonner  les  barons  et  les 
bacheliers.   Mais,  au  lieu  de  les  édifier  par  le  récit  de   vies 


1.  I>iins  1111  livre  sur  Guillaume  d'Orange,  que  publiera,  en  cette  année 
r.«i7,  la  iibruirif  II.  Cliainpiuii.  J'aurai  bien  souvent  à  y  dire  ce  que  je 
dois  aux  beaux  inivaux  de  M.  Pli.-Aug.  Becker  :  quiconque  étudie  la 
i;calo  de  Guillaume,  s'il  n'est  pas  toujours  son  adepte,  est  du  moins 
cou.slamuieQt  son  obligé. 


LÉGENDES   DU    CYCLE   DE   GUILLAUME   D'ORANGE.  27 

d'anachorètes,  ou  de  pieuses  femmes,  ou  de  saints  pré- 
lats, il  leur  parlait  des  saints  qui  furent  gens  de  guerre  :  «  Il 
leur  racontait,  et  admirablement,  l'histoire  des  saints  Dénié- 
trius  et  Georges,  Théodore  et  Sébastien,  celle  de  saint  Maurice 
et  de  la  légion  thébaine,  et  celle  de  saint  Eustache,  illustre 
guerrier,  qui  tous  sont  couronnés  au  ciel  de  la  couronne  du 
martyre.  Il  y  ajoutait  encore  des  récits  sur  le  saint  champion 
de  Dieu,  Guillaume,  qui,  après  une  longue  vie  guerrière,  re- 
nonça au  siècle  et  qui,  sous  la  règle  monastique,  fut  un 
glorieux  chevalier  du  Seigneur.  Puisque  j'ai  été  amené 
à  parler  de  Guillaume,  je  dirai  quelque  chose  de  son  his- 
toire. Elle  est  rare  en  cette  province  (la  Normandie),  et 
on  aura  plaisir  à  entendre,  de  la  vie  d'un  tel  homme,  une 
relation  authentique.  Antoine,  moine  de  Winchester,  nous 
l'a  récemment  apportée,  et  comme  nous  désirions  fort  la  voir, 
il  nous  l'a  montrée.  On  chante  sur  Guillaume  une  chanson  de 
geste%  mais  il  faut  manifestement  préférer  la  relation  authen- 
tique... Seulement,  comme  le  porteur  de  cette  relation  avait 
hâte  de  s'en  aller  et  que  j'avais  froid  aux  doigts,  j'en  ai  fait 
un  extrait  exact,  mais  abrégé...  »  Suit  l'extrait  de  la  Vila  de 
Gellone. 

Il  y  a  deux  choses  à  tirer  de  ce  texte.  Si  l'anecdote  relative 
au  bon  chapelain  Gérold  est  authentique,  s'il  est  bien  vrai 
qu'au  temps  do  Guillaume  le  Conquérant,  vers  1070,  prê- 
chant les  barons,  il  leur  proposait  comme  modèle,  auprès  de 
saint  Maurice  et  de  saint  Georges  et  des  martyrs  de  la  légion 
thébaine,  cet  autre  saint,  Guillaume,  il  faut-  que  la  légende 
du  Montage  Guillaume  se  fût  répandue  jusqu'en  Angleterre 
dès  cette  haute  époque". 

En  outre,  on  voit  que,  lisant  la  Vila,  en  1141  au  plus  tard, 


1.  Vulgo  canitur  de  eo  cantilena... 

2.  Puisqu'il  n'y  a  nul  indice  qu'à  cette  date  ait  déjà  existé  une  Vie 
latine  de  saint  Guillaume;  le  chapitre  d'Ardon  le  dépeint  comme  un  bon 
moine  et  ne  souffle  mot  des  qualités  guerrières  qui  eussent  permis  de  le 
rapprocher  de  saint  Maurice  ou  de  saint  Georges. 

3.  On  a  un  indice,  faible  il  est  vrai,  que  l'anecdote  relative  à  Gérold 
n'est  pas  fictive  :  Gérold  se  lit  moine  à  Winchester;  or,  c'est  un  moine 
de  cette  même  abbaye  de  Winchester  qui  avait  apporté  à  Orderic  la  Vita. 


28  JOSEPH    BÉDIER. 

Onieric  recoanaîl  (reniblëe  en  saint  Guillaume  de  Gellone  le 
même  personnage  que  chantaient  les  jongleurs  du  nord  de  la 
France.  Comment  a-t-il  pu  le  reconnaître,  si  \a.  cantilena  dont 
il  parle,  répandue  déjà  en  Normandie,  n'était  pas  une  chan- 
son de  la  Prise  d'Orange?  '. 

Ainsi,  le  témoignage  du  Pèlerinage  de  Charlemagne  à  Jé- 
rusalem et  le  témoignage  d'Orderic  Vital  nous  prouvent  qu'il 
n'y  a  qu'une  façon  légitime  d'interpréter  le  texte  de  la  Vila  : 
les  moines  de  Gellone  ont  connu  ei  exploité  des  romans  sur 
Guillaume  d'Orange.  Dans  le  Préambule  de  la  Vilay  pour  se 
dispenser  de  raconter  la  vie  guerrière  de  Guillaume,  ils  ren- 
voient aux  chansons  des  jongleurs  ;  dans  leur  chapitre  v,  ils 
résument  la  Prise  d'Orange,  une  chanson  de  jongleurs. 

Le  fait  est  assuré,  et  le  problème  singulier  que  nous  avons 
défini  subsiste  :  Comment  les  moines  de  Gellone  ont-ils  pu  con- 
naîli-e  seulement  ces  chansons  de  la  France  du  Nord?  Com- 
ment ont -ils  pu  leur  faire  une  place  dans  la  biographie  de  leur 
saint  ?  Quelles  sortes  de  relations  unissaient  ces  moines  et  ces 
jongleurs? 

Avant  de  proposer  une  réponse  à  ces  questions,  je  grouperai 
quelques  faits  encore,  qui  montrent  que  ces  relations  entre 
moines  et  jongleurs  furent  anciennes,  régulières  et  constantes  : 

1"  Ce  n'est  pas  seulement  dans  la  Vila  que  les  moines  ont 
accueilli  les  fictions  des  jongleurs  ,  c'est  aussi,  semble-t  il, 
comme  on  l'a  dès  longtemps  remarqué  2,  dans  un  texte  diplo- 

1.  M.  t'h.-Aug.  Bcckcr  (Die  altfz.  Wilhelmsage,  p.  40)  admet  que  la 
canttlena  comme  d'Orderic  pouvait  être  le  Couronneme?it  de  Louis  : 
eiiU'ndcz  une  foriini  primitive  du  Couronnement,  dont  le  héros  était  un 
homme  du  Nord  (Guillaume  de  Foiliers,  mort  en  9!»4,  confondu  avec  un 
(iuiihiume  uu  court  nez  qui  s'était  iUustré  en  Italie),  héros  légendaire 
(pii  n'avait  encore  rien  de  commun  avec  Guillaume  de  Gellone  ni  avec 
aucun  autre  Guillaun.e  du  Midi.  —  C'est  supposer  que  l'accident,  bizarre 
par  lui-uiénie,  de  la  confusion  de  ce  Guillaume  du  Isord  avec  saint  Guil- 
laume de  GeMone  .se  serait  i)roduit  deux  fois  ;  d'abord  dans  l'esprit 
d'Ord.M-ic  Vital,  puis,  indépendamment  d'Orderic  Vital,  dans  l'esprit  de 
ce  po.'te-voyau.'ur,  supposé  |)ar  M.  Becker,  qui,  passant  par  Brioude  et 
Gellone.  y  aurait  ajtpris  à  connaître  saint  Guillaume. 

2.  Voye/J  Révillout,  ouvr.  cité,  p.  20. 


LÉGENDES   DU   CYCLE   DE   GUILLAUME    D'ORANGE.  29 

matique  :  dans  l'acte  de  donation  du  14  décembre  804,  par  eux 
attribué  à  Guillaume,  et  fabriqué  sensiblement  à  la  même 
époque  que  la  Vtta  : 

In  nornine  Domini  ego  Vuilhelraus,  gratiaDei  comas,  recogitans 
fragilitatis  meae  casus  liumanum,  idcirco  facinora  mea  rainuanda 
vei  de  pareniibus  raeis  qui  defuncti  sunt,  id  est  genitore  meo 
Tlieuderico  et  genetrice  mea  Aldana,  et  sororibus  meis  Abbana 
et  Bertana,  tt  tiliabus  raeis  et  tiliis  Baroardo.  Vuitrario.  Gutcelrao, 
Helinbruch  et  uxoribus  meis  Cunegunde  et  Guitburgi  ;  et  nepote 
meo  Bertt'anno ;  pro  nobis  omnibus  superius  nominatis  dono  ad 
raonasteriura  quod  licitur  Gellonis... 

On  reconnaît  ici  à  peu  près  la  même  liste  de  parents  que 
dans  l'acte  du  15  décembre  dont  celui-ci  est  la  contrefaçon. 
Mais  qui  est  ce  parent  nouveau  et  qui  ne  figure  pas  dans  l'acte 
du  15  décembre  :  et  nepole  meo  Berlranno?  Les  historiens 
et  généalogistes  de  l'époque  carolingienne  l'ignorent';  mais 
les  lecteurs  des  chansons  du  cycle  de  Guillaume  le  connaissent 
bien  :  c'est  le  neveu  de  Guillaume  d'Orange,  Bertrand  lenobile, 
son  principal  compagnon  dans  le  Charroi  de  Nîmes  et  dans 
la  Prise  d'Orange. 

2°  L'église  de  Saint-Guilhem-du-Désert  ne  possède  plus  au- 
jourd'hui que  peu  de  chose  des  restes  du  saint  :  un  fragment 
du  crâne,  un  condyle  du  genou  et  une  dent  montée  sur  un 
manche  d'argent.  C'est  que  les  reliques  ont  été  dispersées 
eu  1793;  mais  un  inventaire,  daté  du  5  mai  1  90,  montre  qu'on 
y  consei'vait  encore  a  cette  date,  entre  auti"es  reliques,  «  un 
bras  de  vermeil  contenant  les  restes  d'un  bras  et  d'une  main 
de  saint  Guilhem^  ».  D'autre  part,  on  avait  ouvert,  en  1679.  le 

L  «  La  mauvaise  rédaction  du  diplôme  de  804  pour  Gellone  fait  citer  à 
Guilliem  nepote  meo  Bertranno.  Ce  Bertrand  est  parfaitement  inconnu 
ailleurs.  Est-ce  un  personnage  réel  ou  un  personnage  supposé?  La  con- 
fiance que  mérite  le  texte  unique  qui  le  cite  n'est  pas  telle  qu'on  puisse 
faire  une  place  à  Bertrand  dans  une  généalogie  de  caractère  historique  ». 
(J.  Calmette,  La  fmnille  de  saint  Guilhem,  dans  les  Annales  du  Midi, 
19U6,  p.  18  du  tirage  à  part.) 

2.  R.  Thomassy,  L'ancien?ie  abbaye  de  Gellone  (Mém.  de  la.  Société 
des  Antiquaires  de  France,  1886,  p.  ^tZ-M,  et  184U,  p.  807)  ;  —  Lericque 
de  Monchy,  L'autel  de  saint  Guillaume  (Mém.  de  la  Société  archéolo- 


30  JOSEPH  BÉDIEH. 

cercueil  du  saint,  qui  n'avait  pas  été  visité  depuis  l'époque  de 
sa  translation,  en  1139  :  un  procès-verbal,  signé  de  deux  mé- 
decins et  d'un  chirurgien',  atteste  qu'en  1679  le  corps  avait 
été  trouvé  complet  dans  la  bière,  praeter  os  unum  hrachii 
deœlri,  quod  humerum  appellant.  II  suit  de  là  que,  de- 
puis 1139  au  moins-,  on  montrait  à  Gellone  l'humérus  droit  de 
Guillaume  dans  un  reliquaire. 

Or,  le  Guillaume  des  trouvères  s'appelle  Guillaume  Fiere- 
hrace,  et  l'on  peut  choisir  l'une  de  ces  deux  explications  :  ou 
bien  il  tire  ce  surnom  du  bras  merveilleux  que  l'on  montrait 
dans  l'église  de  Gellone,  ou  bien  c'est  l'inverse  :  les  moines 
ont  pris  son  humérus  à  son  squelette  et  l'ont  enchâssé  parce 
que  son  surnom  de  Fierebrace  était  célèbre.  Dans  l'une  et 
l'autre  hypothèse,  on  voit  ici,  dès  1139,  moines  et  jongleurs 
collaborer  à  l'exploitation  des  reliques  de  saint  Guillaume.  — 
A  moins  que  ce  .'oit  simple  rencontre  accidentelle  :  les  reli- 
quaires en  forme  de  bras  n'étaient  pas  rares;  aussi  je  ne  fais 
guère  de  fonds  sur  cette  remarque. 

S»  Ce  qui  a  une  toute  autre  importance,  ce  sont  les  traits  de 
la  figure  du  Guillaume  épique  que  les  auteurs  des  chansons  de 
geste  ont  pris  a  la  tradition  monastique  et  n'ont  pu  prendre 
que  là.  Au  passage  où  il  dit  que  Guillaume  d'Orange  est  un 
saint,  le  poète  {\' Aliscans  rapporte  cette  circonstance  de  sa 

mort  : 

639    Nostra  Sires  le  vent  si  maintenir 

Que  ses  sains  anges  li  tramist  au  morir. 

C'est,  sans  doute,  une  allusion  à  la  légende,  racontée  dans  la 
Vila  (55  32),  et  la  seulement,  selon  laquelle,  à  l'instant  de  la 
nKU't  d«  saint  Guillaume,  les  anges  vinrent  au-devant  de  son 
âme  et  lui  tirent  cortège  :  deduceniWus  angelis  alacri  et 
dulce  canora  processione^. . . 

yiijur  il'-  Montpellier,  t.  IV,  IS')"»);  —  Vinas,  Visite  rétrospective  à 
S<xint-(inHhem,  p.  ij7. 

1.  AA.  SS.  dos  nollanilistos,  t.  VI  de  mai,  p.  815  (Historia  elevati 
tnifislntique  corpnris). 

'■i.  Jo  dis  au  moins,  car  l'élévation  de  1139  n'est  peut-être  pas  la  pre- 
niit-re;  il  y  en  afuii'ie  anlro,à  une  date  incertaine,  vers  la  fin  du  x»  siècle. 

li.  <'.)  qui  diminue  la  portée  de  la  remarque,  c'est  la  banalité  de  ce 
mirarlf. 


LÉGENDES   DU   CYCLE  DE  GUILLAUME  D*ORANGE.  3l 

4°  Plusieurs  auteurs  de  chansons  de  geste  savent  (cf.  supra) 
que  Guillaume,  s'acheminant  vers  le  cloître,  avait  dépose  ses 
armes  en  ex  volo  sur  l'autel  de  Saint-Julien  de  Brioud^.  Ils  le 
savent  pour  avoir  lu  la  Vita  (chap.  xx)  ou  pour  avoir  recueilli 
cette  légende  sur  place,  à  Brioude  ou  à  Gellone. 

5°  Pour  expliquer  que  les  poètes  connaissent  ces  traits  de  la 
tradition  monastique,  il  suffit  de  supposer  qu'ils  ont  lu  la  Vita. 
Mais  voici  où  cette  explication  ne  suffit  plus.  Dans  le  Montage 
Guillaume,  le  héros  réside  d'abord  à  Aniane,  puis  à  Saiut- 
Guilhem-du  Désert.  Le  vrai  saint  Guillaume  fit  ainsi,  comme 
on  a  vu.  Dans  quel  livre  un  jongleur  du  nord  de  la  France 
aurait-il  pu  trouver  la  connaissance  de  ce  fait  historique?  Pas 
dans  la  Vita,  puisqu'Aniane  n'y  est  pas  nommée.  Un  seul  texte 
indique  les  deux  résidences  du  saint,  et  c'est  le  récit  d'Ardon. 
Mais  il  nous  est  bien  interdit  de  supposer  que  la  légende  épi- 
que tire  son  origine  de  ce  texte  *.  Ce  n'est,  on  se  le  rappelle, 
qu'un  chapitre  de  la  Vie  de  saint  Benoît.  Comment  un  jon- 
gleur du  nord  de  la  France,  sans  le  secours  des  répertoires  de 
Potthast  et  d'Ulysse  Chevalier,  aurait-il  été  quérir  dans  cette 
Vie  de  saint  Benoit  les  trente  lignes  qui  concernent  Guil- 
laume? Supposé  qu'il  ait  lu  ces  trente  lignes,  quel  intérêt 
pouvaient-elles  lui  offrir?  Il  n'y  aurait  trouvé  que  ce  qui  s'y 
trouve,  rien  que  la  description  édifiante  des  vertus  d'un  bon 
moine,  nommé  Guillaume.  Ardon  ne  dit  pas  même  que  ce  bon 
moine,  qui  fut  un  grand  du  monde,  ait  été  un  homme  de 
guerre  :  pourquoi  le  jongleur  aurait-il  été  tenté  de  l'identifier 
avec  le  Guillaume  belliqueux  et  romanesque  qu'il  connaissait, 
filsd'Aimeri  de  Narbonne?  Supposé  pourtant  qu'il  ait  fait  cette 
identification  et  qu'il  ait  tirn  de  la  un  roman  du  Moniage  Guil- 
laume, il  aurait  donc  placé  l'action  de  ce  roman  à  Aniane,  puis 
à  Gellone;  à  Gellone,  non  pas  à  Saint-Guilhem-du-Désert,  puis- 
que le  texte  d'Ardon  ne  lui  donnait  pas,  et  pour  cause,  le  nom  de 
Saint-Guilhem-du-Désert.  Il  faut  donc,  et  de  toute  nécessité, 
que  l'auteur  premier  du  Moniage^  s'il  a  lu  Ardon,  l'ait  lu  dans 


1.  Pour  une  théorie  contraire,  voy.  W.  Cloetta  dans  l'A rc7i/w  de  Herrig, 
t.  CXIII,  p.  422  et  suiv.  et  dans  la  Festgabe  fur  TF.  Fôrster.  p.  99  et  suiv. 


32  JOSEPH  BÈDIER. 

le  pays.  Le  fait  que  Guillaume  avait  séjourné  d'abord  à  Aniane, 
puis  à  Saint-Guiihem,  il  faut  qu'il  l'ait  appris  non  dans  les 
livres,  mais  sur  place,  par  la  tradition  vivante.  Or,  cette  tra- 
dition, où  se  conservait-elle?  Dans  les  deux  monastères,  avant 
leur  querelle.  Mais  lorsque  leur  conflit  en  fut  venu  à  ses 
phases  violentes,  et  tout  au  moins  dès  la  première  moitié 
du  xii»  siècle,  les  moines  de  Saiut-Guilhem  prirent,  comme  on 
l'a  vu,  toutes  les  mesures  possibles  pour  qu'on  cessât  de  dire 
que  leur  abbaye  était  une  ancienne  colonie  d'Aniane  et  que 
leur  saint  avait  passé  par  Aniane  ;  le  nom  d'Aniane  était  de- 
venu tabou  d.  Saint-Guilhem.  De  là  l'indication  que  la  tradition 
épique  du  Montage  Guillaume  is' est  formée  à  une  époque  où 
les  gens  qui  passaient  par  Saint-Guilhem  y  entendaient  encore 
parler  d'Aniane  comme  de  l'abbaye-mère,  et  cela  nous  ren- 
voie très  haut  '. 

G"  Enfin,  il  faut  donner  le  relief  qu'il  mérite  à  ce  fait  encore. 
La  femme  du  Guillaume  epiijue  s'appelle  Guibourc.  Pareille- 
ment, la  seconde^  des  deux  femmes  de  saint  Guillaume  de 


1.  11  y  aurait  là  contre  une  objection  très  forte,  si,  comme  le  croit 
M.  Gloi-Ua,  Uellono  n'avait  commencé  que  récemment  à  s'appeler  Saint- 
tiuillieMi-du-Déserl.  Il  suppose  (Die  beide>i  Epen  vom  Moniage  Guil- 
laume, p.  440)  que  ce  changement  de  nom  ne  s'est  produit  qu'après  la 
Iraiislaliûii  des  reliques  du  saint  (27  février  1139).  M.  Pûckert  {oitvr. 
cité,  j).  111  et  p.  117)  lui  a  opposé  des  documents,  dont  le  plus  ancien 
date  de  938,  où  le  nom  de  saint  Guillaume  ligure  dans  la  tilulature  de 
l'abbaye  (cf.,  dans  le  même  sens,  les  très  anciennes  observations  de 
Ménard,  Mémoires  de  l'Académie  des  Inscriptions,  t.  XXIX,  17bO, 
p.  ;hi()).  M.  Cloetta  pourrait  répondre,  il  est  vrai,  que  des  formules  telles 
que  celle-ci  :  doncmnis  S.  Salvatori  et  S.  Vexillo  crucis  et  S.  Wilhelmo 
et  ruonurkis  qui  siint  in  monasterio  Gellotiensi...  indiquent  que  Guil- 
laniiii-  est  honoré  comme  un  saint  à  Gellone,  mais  non  que  le  nom  de 
sailli  (inillaumo  est  déjà  entré  dans  l'usage  pour  désigner  l'abbaye.  Mais 
c't'sl  bien  celte  preuve  que  fournissent  ces  autres  formules  :  /«  nomine 
Dei  om  ni  put  ends,  lùjo  litrengarius,  gralia  Dei  abbas  S.  Guilelmi  Gel- 
tutus  (charlo  de  1093),  ou  Ego  Berengurius,  abbas  S.  Guilelmi  (charte 
de  li'77);  voyez  ces  textes  dans  le  Cartulaire  de  Gellone,  p.  p.  Alaus, 
Cassan  et  Mnynial,  189«,  p.  i2(J0. 

y.  1,'acie  du  \h  décembre  8itl  (Aniane)  porte  iixores  meas  Viiitburgh  et 
Ctongutuie;  l'acte  du  14  décembre  8Ui  (Gellone)  porto  uxoribus  meis 
Cuiitgunde  et  Guithurgi.  1/ordro  vrai  est  :  1°  Cunégonde,  2°  Guibourc- 
coînme  le  montre  le  témoignage  du  Manuel  de  Dhuoda  (cf.  Joseph  Cal- 
mettP,  art.  cité,  jtp.  C-8). 


LÉGENDES    DU    CYCLE   DE   GUILLAUME    D'ORANGE,  33 

Gellone  s'appelait  Guibourc.  Ce  nom  nous  est  donné,  comme 
on  a  vu,  par  les  deux  actes  de  donation  de  804  ;  et  si  ces  actes 
sont  suspects  par  ailleurs,  ils  ne  le  sont  pas  en  ce  qu'ils  nous 
donnent  ce  nom  Ou  sait,  en  effet,  que  la  bru  de  saint  Guil- 
laume, Dhuoda,  a  écrit  pour  son  fils  aîné  Guillaume,  petit-fils 
du  saint,  un  court  traité  de  morale  et  d'éducation,  qu'elle  ter- 
mina le  2  février  843.  Eu  ce  livre  charmant,  elle  énumère  à 
son  flls  les  défunts  de  sa  famille  paternelle  dont  il  doit  se  sou- 
venir dans  ses  prières.  Or,  elle  nomme  à  l'enfant  les  deux 
femmes  de  son  grand -père  Guillaume,  et  ce  sont  les  deux 
mêmes  noms  que  dans  les  chartes  de  8U4  :  Chungundis, 
Wilhburgis  ^  Le  fait  que  l'une  des  femmes  de  saint  Guillaume 
s'appelait  Guibourc  est  donc  certain. 

Comment  expliquer  que  la  femme  du  Guillaume  épique  porte 
le  même  nom?  Est-ce  une  rencontre  accidentelle?  Personne 
ne  l'a  jamais  supposé  et  personne,  je  pense,  no  voudrait  le 
supposer.  Le  nom  de  Guibourc  semble  avoir  été  rare  dès  l'épo- 
que carolingienne;  au  xii»  siècle,  il  ne  se  porte  plus  guère.  Si 
l'on  tient  compte  de  sa  rareté,  il  est  hautement  improbable 
que  le  rapprochement  de  ces  deux  noms  Guillaume-GuibourCy 
s'etaiit  fait  une  fois  dans  la  réalité  de  la  vie,  se  soit  produit 
une  seconde  fois,  indépendamment  de  la  première,  dans  la 
fantaisie  d'un  poète. 

Si  on  l'admet,  quiconque  parle  du  cycle  de  Guillaume 
d'Orange  est  tenu  de  répondre  à  cette  question  :  Comment  les 
auteurs  de  nos  chansons  du  xii^  siècle  pouvaient-ils  savoir  que 
Guillaume  de  Gellone  avait  épousé  une  femme  nommée  Gui- 
bourc? Et,  plus  on  examine  la  question,  mieux  on  voit  qu'il  y 
a  deux  réponses  possibles,  et  deux  seulement. 

La  première  consiste  à  recourir  a  la  théorie  des  «  canti- 
lènes  ».  Nos  chansons  de  geste  ne  sont  que  des  remaniements 
de  chants  épiques  contemporains  des  événements.  Si  les  jon- 


1.  Le  Manuel  de  Dhuoda,  publié  par  Edouard  Bondurand,  Paris,  1887, 
p.  39.  Cf.  l'excellente  discussion  de  M.  J.  Calraette,  La  famille  de  saint 
Guilhem,  p.  6  et  suiv.  Voyez  aussi  une  étude  de  M.  Ph.-Aug.  Becker 
sur  le  Duodas  Handhuch  dans  la  Zeilschrift  fil)-  rom.  Philologie, 
t.  XXI,  p.  7.S-10L 

ANNALKS    UU    MIDL    —    XJX  3 


34  JOSEPH   BEDIER. 

gleiirs  il  11  xii«  siècle  conservent  dans  leurs  poèmes  le  nom  au- 
thentique de  Guibourc,  c'est  que.  vers  l'an  800  au  plus  tard, 
des  chants  héroïques  et  populaires  avaient  célébré  cette  Gui- 
boui'C,  de  son  vivant  même.  «  Qui  sait,  écrit  M.  A.  Jeanroy  *, 
si  sous  l'héroïne  légendaire  ne  se  cache  pas  une  héroïne  réelle, 
dont  l'histoire  était  sans  doute  bien  diflferenle  de  celle  d'Orable 
(Guibourc),  qui  s'était  signalée  peut-être  par  quelque  action 
éclatante  et  dont  le  nom  aurait  été  conservé  par  la  reconnais- 
sance et  l'admiration  populaires?  »  Il  va  sans  dire  que  la  vrai- 
semblance de  cette  explication  croîtra  ou  décroîtra  selon  que 
par  ailleurs  l'on  trouvera  ou  l'on  ne  trouvera  pas  d'autres 
raisons  de  croire  à  l'existence  de  ces  chants  populaires  de 
l'an  800.  Il  faudra,  en  tout  état  de  cause,  que  ces  raisons 
soient  bien  fortes  pour  nous  décider  à  croire  que  des  aèdes, 
au  vui«  siècle,  aient  chanté,  avec  les  exploits  de  guerre  de 
Guillaume,  les  exploits  de  sa  femme.  Tout  ce  que  nous  savons 
de  Guibourc,  c'est  qu'elle  a  donné  à  son  mari  six  enfants  au 
moins,  peut-être  neuf-  :  il  semble  peu  probable  qu'elle  ait, 
par  surcroît,  trouvé  le  temps  de  devenir  une  «  héroïne  ». 

Il  faut  choisir  pourtant  entre  ces  deux  partis  :  ou  bien  la 
vraie  Guibourc  a  été  dans  la  réalité  une  sorte  de  Bradamante 
et  a  mérite  p  ir  là  d'être  chantée,  de  son  vivant  même,  par 
des  scaldes,  — ou  bien  il  faut  se  résigner  à  une  explication  plus 
prosaïque  :  les  jongleurs  du  xu»  siècle  savent  son  nom  pour 
s'être  renseignes  auprès  des  moines  de  Gellone.  Comme  aucune 
chronique  ne  parle  d'elle  ni  aucun  texte  hagiographique, 
comme  son  nom  n'a  jamais  di^i  être  écrit  ailleurs  que  dans  des 
documents  d'ordre  privé  et  familial,  il  faut  que  les  auteurs 
des  chansons  de  geste  l'aient  pris  dans  un  de  ces  documents. 
Et  qui  aurait  pu  le  leur  fournir,  sinon  les  moines  de  Gellone? 

Or,  supprimez  par  la  pensée  le  personnage  de  Guibourc  de 
la  Prise  d  Orange,  de  la  Chanson  de  Guillaume  et  d'Alis- 
cans,  de  la  beauté  de  ces  poèmes,  que  restera-t-il? 


1.  Ho)nu,ii<i,  i.  \X.VI,  1».  '^X. 

2.  J.  CulincUi',  art.  cité,  p.  8  et  suiv. 


LEGENDES   DU   CYCLE   DE  GUILLAUME   D^ORANGE.  3Ô 


Si  nous  revoyons  d'ensemble  tous  les  faits  que  nous  venons 
d'analyser,  ils  se  distribuent  en  deux  groupes. 

D'une  part,  les  jongleurs  du  nord  de  la  France  connaissent 
fort  bien  le  sanctuaire  de  Saiul-Guillein-du-Désert;  plusieurs 
identifient  leur  Guillaume  Fierebrace  au  saint  Guillaume  qu'on 
y  vénère:  d'autres  décrivent  le  paysage  de  Saint-Guilbem  avec 
exactitude,  ou  font  des  emprunts  à  la  légende  monastique. 

Si  ces  faits  étaient  isolés,  ils  se  prêteraient  à  une  explica- 
tion très  simple  et  qui  leur  enlèverait  à  peu  près  toute  signi- 
fication :  la  VUa  sancli  Wilhebni  a  pu  être  portée  au  nord 
de  la  France  (nous  savons  par  Orderic  Vital  qu'il  en  fut  ainsi) 
et  venir  a  la  connaissance  d'un  jongleur;  d'autre  part,  un  ou 
deux  jongleurs,  d'humeur  voyageuse,  ont  pu  passer  par  Saint- 
Guilhem-du-Désert,  et,  de  retour  en  France,  consigner  dans 
leurs  poèmes  quelques  souvenirs  de  cette  visite  accidentelle. 
Mais  cette  théorie  de  l'accident  est  insufil^ante,  s'il  est  vrai, 
comme  j'ai  cru  l'établir,  que  les  jongleurs  ont  fréquenté  le 
monastère  de  Gellone  très  anciennement,  avant  même  que  la 
Vila  i\xi  composée,  et  si  la  connaissance  qu'ils  y  ont  faite  de 
Guibourc  suppose  que  les  moines  entretenaient  avec  eux  des 
relations  plus  étroites  que  celles  qu'on  a  d'ordinaire  avec  de 
simples  toui'istes. 

De  {)lus,  à  ces  faits  correspond  un  second  groupe  de  faits  : 
les  moines  de  Gellone,  à  leur  tour,  connaissent  fort  bien  les 
chansons  relatives  à  Guillaume  Fierebrace;  en  deux  passages 
de  leur  Vita,  ils  couvrent  ces  chansons  de  leur  autorité. 

Ici  encore,  la  théorie  de  l'accident  est  insuffisante.  Est-il 
permis  de  dire  :  De  même  qu'un  jongleur  ou  deux  du  nord  de 
la  Franco  ont  pu  passer  par  hasard  à  Gellone  et  y  recueillir 
quelques  traditions  monastiques,  de  même  un  moine  de  Gel- 
lone a  pu,  par  hasard,  avant  de  se  faire  moine,  entendre  quel- 
que part,  dans  le  nord  de  la  France,  des  jongleurs  chanter  de 
Guillaume  Fierebrace,  puis,  plus  tard,  par  fantaisie,,  au  fond 


36  JOSEPH    BEDIER. 

de  sa  cellule,  introduire  dans  la  Vita  quelques  réminiscences 
de  ces  chansons  jougleresques  ? 

Non  certes,  caria  Vita  n'est  pas  l'amusette  d'un  moine  isolé, 
qui  l'écrit  au  gré  de  son  caprice;  et  que  notre  étude,  oiseuse 
en  apparence,  des  circonstances  où  elle  fut  composée,  trouve 
ici  sa  justification.  La  Vita  est  une  œuvre  concertée,  faite 
avec  réflexion,  pour  le  bien  du  monastère,  au  plus  fort  de  son 
procès  contre  Aniaue.  Il  s'agit  pour  l'abbaye  de  Gellone  de 
défendre  sa  liberté,  de  prouver  qu'elle  n'a  jamais  été  sous  la 
dépendance  d'Aniane,  que  sa  relique  de  la  sainte  croix  est 
authentique,  à  telles  enseignes  que  Guillaume,  l'ayant  reçue 
des  mains  de  Charlemagne,  l'a  portée  à  Gellone.  Or,  supposons 
un  instant  que  le  moine  chargé  par  ses  frères  de  rédiger  la 
Vita  ait  le  premier  pris  sous  son  capuchon  de  mêler  a  celte 
histoire  les  récils  fabuleux  des  jongleurs,  comment  ses  frères 
auraient-ils  pris  ce  jeu  et  cette  fantaisie?  Si  per.'sonue  jus- 
qu'alors à  Gellone  n'avait  ouï  parler  de  Guillaume  d'Orange  et 
de  ce  siège  extraordinaire  d'Orange,  n'aurait-on  pas  sur  l'heure 
supprimé  de  la  Vita  ces  imprudentes  nouveautés? 

Il  ne  servirait  de  rien  de  dire  :  i'hagiographe  était  tenu  de 
rapporter  quelque  chose  de  la  vie  de  son  héros  dans  le  siècle, 
et,  comme  il  ne  savait  rien  de  cette  vie,  il  a  fait  comme  il  a  pu  : 
il  a  recouru,  faute  de  textes  historiques,  à  des  textes  légen- 
daires. C'est  là,  en  effet,  une  assertion  que  les  critiques  litté- 
raires ont  volontiers  repétée  jusqu'ici  :  les  moines  de  Gellone, 
à  leur  estime,  vivaient  dans  une  telle  crasse  d'ignorance  qu'ils 
avaient  au  xii«  siècle  tout  oublie  de  la  vie  de  leur  fondateur. 
Mais  c'est  une  erreur  de  fait,  comme  M.  Pùckert  Fabien  mon- 
tré. Les  moines  de  Gellone,  nous  l'avons  dit  ci- dessus,  con- 
naissaient le  Chromcon  Anianense,  puisqu'ils  en  ont  démar- 
qué un  passage  relatif  à  la  relique  de  la  croix,  puisqu'ils  lui 
ont  emprunté  certaines  dates'.  La,  dans  le  Chroviicon  Ania- 


1.  Vuyoz  l'uckoi-t,  p.  118,  ii.  13.  et  p.  119.  Cf.  Révilloiit,  p.  44.  —  11  s'agit 
surtout  de  (luclques  lignes  dii  cliapitrc  d'Ardon,  relatives  à  la  vèture  de 
Guillaume,  qin"  lo.->  inoiaos  d'Aniane  ont  introduites  dans  le  Cliro7iicon 
Anianense  (  Mon.  Gevm.  hisl.,  S:S.,  1,  308).  Ces  iiièines  lignes  se  lisentaussi 
dan»   la  Vita  i>.   Wilhehni  (cli.  .xxiii).   A  première  vue,  on  est  tenté  de 


LÉGENDES   DU   CYCLE   DE   GUILLAUME   d'ORANGE.  37 

nense,  qu'ils  venaient  de  relire  pour  écrire  leur  Vita^  ils 
trouvaient  (Mon.  Germ.  hisl.,  SS.,  I,  300)  un  récit  des 
exploits  guerriers  de  leur  Guillaume.  Ils  auraient  pu  racon- 
ter la  bataille  très  réelle  qu'il  livra  aux  Sarrasins  sur  la 
route  de  Narbonne  a  Carcassonne.  Ils  auraient  pu  le  faire, 
ils  n'ont  pas  voulu.  Ils  ont  choisi  de  raconter  le  siège  fabuleux 
d'Orange. 

S'ils  ont  préféré,  sous  le  regard  de  leurs  ennemis  d'Aniane, 
faire  appel  aux  chansons  des  jongleurs  et  décalquer  leurs  ré- 
cits mensongers:  s'ils  on'  o^é,  en  f-elte  œuvre  pnileiiie  qu'est 
la  Vi/a,  identifier  saint  Guillaume  au  Guillaume  des  jon- 
gleurs, je  n'en  vois  qu'une  explication  :  il  faut  qu'on  fîit  dès 
lors,  dès  1122,  habitué,  à  Aniane  comme  à  Gellone,  habitué 
dans  tout  le  pays  à  entendre  chanter  des  chansons  sur  Guil- 
laume Fierebrace,  et  c'était  normal,  et  chacun  admettait  dans 
la  région  que  c'était  le  même  personnage;  il  faut  aussi  que  les 
moines  de  Gellone  aient  trouvé  un  intérêt  réel  à  couvrir  de 
leur  autorité  ces  chansons  et,  pour  ainsi  dire,  à  les  authenti- 
quer. 

Cette  explication,  imposée  par  les  faits,  personne  n'a  osé 
encore  la  proposer  nettement.  Si  le  seul  critique  qui  ait  vrai- 
ment serré  de  près  la  question,  M.  Becker,  s'en  est  tenu,  lui 
aussi,  à  une  théorie  de  l'accident,  qui  ne  suffit  pas,  c'est  que 
tous  se  sont  arrêtés  devant  cette  difficulté,  à  quoi  j'ai  déjà  fait 
allusion  :  Comment  admettre  que  les  moines  d'une  abbaye 
perdue  au  fond  d'une  vallée  sauvage  des  basses  Cévennes 
aient  eu  une  connaissance  directe  de  la  poésie  vulgaire  du 
temps?  Qu'à  la  rigueur  l'un  d'eux  ait  pu,  par  accident,  con- 
naître une  ou  deux  chansons  de  geste,  soit;  mais  que  tout  le 
monastère  ait  connu  ces  chansons  et  s'y  soit  intéressé,  com- 
ment le  concevoir?  Quelles  chansons  de  geste,  d'ailleurs?  Des 
chansons  en  langue  méridionale,  nécessairement;  et  qui  vou- 


croire  que  les  moines  de  Gellone  les  ont  prises  directement,  comme  le 
reste,  dans  le  chapitre  d'Ardon;  mais  le  chapitre  d'Ardon  ne  donne  pas  la 
date  de  cette  vèture.  La  Vita  dit  qu'elle  eut  lieu  en  8U6,  et  le  Ch>-otiicon 
Anianense  pareillement.  Donc,  la  Vita  a  utilisé  le  Chronicon. 


38  JOSEPH   BEDIER. 

(irait  aujourd'hui  ranimer  le  fantôme  de  l'«  épopée  proven- 
çale»? 

La  réponse  est  celle  ci.  Le  sanctuaire  de  Gellone  ou  de 
Saint-Guilhem  est,  en  effet,  situé  dans  une  vallée  des  basses 
Cévennes  et  cette  vallée  est  aujourd'hui  déserte.  Mais  il  n'est 
pas  vrai  qu'elle  l'ait  été  au  moyen  âge.  Elle  était  une  étape 
du  pèlerinage  de  Saint-Jacques  de  Compostelle, 

Compostelle,  Rome,  Jérusalem,  ce  sont  les  trois  grands 
pèlerinages,  et  depuis  le  x*>  siècle  d'innombrables  pèlerins  ont 
suivi  les  chemins  que  l'apôtre  saint  Jacques,  en  semant  dans 
les  cieux  les  étoiles  de  la  voie  lactée,  avait  indiqués  à  Charle- 
magne.  Nous  avons  conservé,  comme  on  sait,  un  Guide  de  ces 
pèlerins  :  celui  qui  fut  inséré,  vers  1147  au  plus  tard,  dans  le 
Codex  Composlellanus,  mais  qui  est  nécessairement  plus 
ancien'.  L'auteur  y  décrit  les  divers  itinéraires  que  l'on  peut 
suivre.  Décrivant  la  via  Tolosana,  il  dit-  : 

Igitur  ab  his  qui  per  viam  Tolosanam  ad  sanctum  Ja- 
cobum  tendunl,  beali  confessoris  Guillielmi  corpus  est 
visilandum.  Sanclissimus  namque  Guilhelmus,  signifer 
egregius,  cornes  Caroti  magni  régis,  exUlît  non  minimus^ 
miles  foriissimus,  bello  doclissimus  Hic  urbem  Nemau- 
sensem,  ut  /ertur,  et  Aurasicam.  aliasque  mull.as  c/iris- 
iiano  imperio  sua  virlule  jwienti  subiugnv  t,  lignumque 
dominicum  apud  vallem  Gelioni  secum  deiulil,  in  qua  sci- 
licet  valle  eremiticam  vitam  duxit,  et  beulo  fine  Chrisli 
confesser  in  ea  honorifîce  requiescit.  Cuius  sacra  solem- 
nitas  quinto  halendas  iunii  colitur. 

Ces  lignes,  à  peu  près  contemporaines  de  la  Vita  Sancti 
Wllhelmi,  (lisent  que,  dans  la  première  moitié  du  xii«  siècle, 

1.  Le  Codex  de  saint  Jacques  de  Compostelle  (Liber  de  Mirnculis 
sanrii  JiK-ohi,  liv.  IV).  iiublio  pour  hi  prciuiiTe  fois  |.:ii-  le  T.  Fita  avec  le 
concours  (II!  .hiiicn  Viusoii,  Paris.  1882.  Cf.  V.  Kriedel,  hUndes  Compos- 
telbuies,  I,  L'i'poqiœ  et  le  milieu  où  fut  composé  le  Codex  Calixiimis 
dans  les  Otia  Mcrsciuiiu,  t.  I.  Liverpool,  18H9. 

2.  P.  27.  {J'.'st  (^.nni(l  llofiiaim,  je  i-mis  {Ueber  ein  Fragment  des 
GnillaiiuioaOrunge,  Munich.  1801,  p.  Gl).  qui  a  le  premier  ciié  ce  pas. 
sajçe. 


LÉGENDES   DU   CYCLE  DE   GUILLAUME   D'ORANGE.  39 

on  invitait  les  pèlerins  à  faire  le  détour  de  Gellone,  et  que, 
pour  les  y  exciter,  on  leur  racontait  l'histoire  de  la  Prise 
d'Orange  et  du  Charroi  de  Nîmes. 

Des  jongleurs  devaient  guetter  aux  étapes  les  passages  de 
pèlerins.  Nous  n'avons  pas  besoin  de  supposer  que  leurs  chants 
fussent  en  langue  méridionale  :  les  pèlerins  venaient  de  toutes 
les  provinces  de  la  France,  et  la  vieille  route  qui  menait 
vers  Saint-Jacques  de  Galice  s'appelle,  aujourd'hui  encore, 
en  plusieurs  régions  d'Espagne,  le  chemin  français  :  à  ce,î 
foules  de  pèlerins  français,  les  jongleurs  chantaient  en  fran- 
çais. 

II  semble  donc  vraisemblable  —  et  c'est  la  seule  façon,  à 
mon  sens,  d'expliquer  tous  les  faits  ici  considérés  —  que  dès 
le  début  du  xii®  siècle  au  plus  tard,  moines  et  jongleurs  colla- 
boraient à  l'exploitation  des  pèlerins  qui,  suivant  la  via  To- 
losana,  passaient  par  Gellone.  Il  s'agissait,  pour  les  moines, 
de  les  attirer  et  de  les  retenir,  et  c'est  pourquoi  la  Vita  sancti 
WilJielmi,  tout  comme  le  Guide  des  pèlerins,  a  accueilli  les 
fables  des  jongleurs,  leur  a  fait  un  sort,  les  a  accréditées. 

Ces  faits  sont-ils  isolés,  accessoires  et  sans  portée?  Il  faut 
rechercher  si  d'aventure  il  ne  s'en  produit  pas  de  semblables, 
ou  d'analogues,  à  d'autres  étapes  du  même  pèlerinage.  Ce  que 
nous  ferons  prochainement. 

Joseph  BÉDIER. 


RECHERCHES  HISTORIQUES 


SUR 


OIELOUES  I>I{0TECTE11S  «ES  TROUBADOURS 


!,ES  DOUZE  PRIM'X  NOMMÉS  DANS  LE  «  CAVALIER  SOISSEUBUT  » 
D'ELIAS  DE  BARJOLS 

{Suite  ^) 


VI 

EN    RANDOS 

Le  baron  de  ce  nom  est  à  chercher  clans  une  maison  du 
Gévaudan  qui  y  possédait  de  vastes  domaines,  dont  les  plus 
importants  étaient,  à  ce  qu'il  paraît,  ceux  des  châteaux  de 
Randon  et  de  ChàleauneuC''.  Elle  fut  du  nombre  des  plus  puis- 
santes du  pays  de  Gévaudan,  aux  xii»  et  xiii*'  siècles,  et  tout 
indique  qu'elle  dépassa  en  puissance  les  autres  familles  des 
«  huit  barons  du  Gévaud  in  »';  elle  releva,  comme  les  autres, 
de  l'evôché  de  Mende '.  Elle  put  se  distinguer,  au  cours  du 

1.  Voy.  A/i)inles  du  Midi,  XVIII,  473. 

2.  Aujniird'lmi  GliàtOiumenf-de-Randon,  Lozère,  arr.  de  Mende.  —  Dans 
les  ilocuiiH'iUs  (|aoje  cite  plus  loin,  on  voit  qu'il  y  eut  au  xip  et  xiii»  siè- 
cles deux  cliîUeaux  distincts  :  Randon  et  Ghàteauneuf.  On  y  trouve  dans 
lu  possession  des  doux  branches,  en  lesquelles  la  maison  se  scinda  au 
dt'ltul  du  XIII'  s.  :  hs  châteaux  de  Belvezet,  du  Chaylar,  de  Château- 
neuf,  do  UaiidoM,  d'Allier,  do  La  Garde,  de  Planchamp,  des  Baluies,  de 
Puyiauroiu.  do  Mirauth)!,  de  Luc,  etc.,  dans  les  mains  delà  branche  de 
Randon;  dos  ciiiUoaux  et  terres  de  ïourneniire,  de  Baet,  de  (Jubiores,  de 
Sorvios,  de  Valcscuro.  de  Rocliedure,  de  Montmirat,  du  Bloymard,  de  la 
Loiibii''ro,  do  MonlDrsior,  d'Allonc,  dans  les  mains  de  la  brandie  du  Tour- 
noi. (Inc.  Arck.  Uép.,  Lozère,  série  li  t.  1,  Mende,  188'2,  p.  33,  liasse 
G  l'.i'i;i)p.  34-.'),  liasses  G  13U-1.) 

3.  Proir-col,  Histoire  du  Géodudan,  Mende,  184(3,  t.  I,  p.  23:'i,  t.  Il,  p.  276. 

4.  Voy.  l'alihc  Baibit,  Notice  sur  (es  baron)iies  du  Châteu neuf- Ran- 
don, 'l.ms  i.'  LiitiL.  de  lu  Sor.  li'aj.  du  dép.  de  la  Lozère,  IHliU,  t.  XI, 
pp.  m  et  suiv.  —Cf.  A.  Moliuier,  Sur  la  géographie  féodale  de  la  pro- 


QUELQUES   PROTECTEURS   DES   TROUBADOURS.  Ai 

XII®  et  du  xiii®  siècles,  par  des  donations  importantes  *  ;  un  de 
ses  membres  fut,  au  xiii"  siècle,  grand-maître  de  l'Ordre  de 
Saint-Jean  de  Jérusalem,  je  veux  dire  Guillaume  de  Château- 
neuf  (1257-60)^.  En  somme,  il  n'est  pas  douteux  qu'un  En 
Randos  puisse  avoir  été  protecteur  des  troubadours  et  connu 
en  dehors  du  Gévaudan. 

Mais  l'idenlitication  individuelle  présente  des  difficultés. 
Dans  les  témoignages  historiques  qui  me  sont  connus  il  y  a 
une  lacune  et  précisément  pour  le  temps  qui  nous  intéresse. 
On  peut  cep3ndant  suppléer  à  cette  lacune  par  un  ensemble 
d'informations  antérieures  et  postérieures.  La  généalogie  de 
cette  maison  fournira,  d'ailleurs,  des  renseignements  relatifs 
non  seulement  au  Randon  protecteur  des  troubadours,  mais 
utiles  pour  d'autres  questions  encore.  Les  témoignages  tirés 
des  sources  historiques,  et  cités  dans  les  notes,  attestent  les 
noms  suivants  et  les  groupent  comme  suit  ( —  une  ligne  de 
points  signifie  que  la  filiation  n'est  pas  explicitement  expri- 
mée dans  les  actes,  par  exemple  «  Guillaume  fils  de...  »  ou 
«  Guigues,  fils  de...  »,  mais  en  résulte  directement  ou  bien  en 
doit  être  conclue)  —  ^  : 

vince  de  Languedoc  aie  m.  â.,  dans  VHist.  gén.  de  Languedoc,  XII, 
pp.  271  et  2?3-4.  —  Cette  puissante  autorité  temporelle  exercée  par  les 
évèques  de  Mende  coaime  suzerains  de  tout  le  pays  du  Gévaudan  fut 
contirmée  et  établie  d'une  fa(,"on  définitive  par  la  célèbre  Bulle  d'or  du  roi 
Louis  VII,  de  l'an  11(51  (voy.  Inv.  des  Arch.,  p.  16-1,  liasse  G  742  et 
introduction). 

1.  Hist.  gén.  de  L.,  VI,  p.  565. 

2.  Ibid.,  VI,  p.  864;  cf.  L.  Niepce,  Le  grand  prieuré  d'Auvergne, 
Lyon,  1883,  pp.  269-271;  Delaville  Le  Roul'x,  Cartul.  gén.  Hospit.,  Il, 
pp.  833,  n"  2845  et  suiv. 

3.  Le  P.  Anselme,  Hist.  généal.  et  chron.  de  la  maison  royale  de  Fr. 
des  pairs...  Paris,  1?26  et  suiv.,  t.  III,  f"'  8U8,  et  suiv.,  consacre  un  arti- 
cle à  cette  maison.  On  y  voit  presque  les  mêmes  noms  qu'ici  sauf  quel- 
ques-uns qu'il  a  intercalés  sans  aucune  justification  (-  il  l'avoue  du  reste 
lui-même  :  «  on  rapportera  ce  qui  s'en  trouve  rassemblé  jusqu'environ 
120L)  plutôt  par  ordre  chronologique  et  par  mémoire  que  par  degrez  de 
filiation  bien  certains  et  prouvez  »  f"  8U8  A — );  mais  dans  les  dates  et 
dans  les  filiations,  il  y  a  de  difïérences  considérables  entre  cette  table  et 
la  sienne,  presque  sur  chaque  point.  Dans  quelques  cas,  il  se  base  évi- 
demment, comme  les  dates  le  prouvent,  sur  quelques-uns  des  actes  que 
nous  allons  citer;  d'autre  part,  on  peut  accepter  comme  dignes  de  foi 
quelques  mentions  pour  lesquelles  il  donne  des  dates  précises  ou  bien 
même  des  renvois  à  la  source  et  où  il  s'agit  d'actes  qui  sont  perdus  ou  qui 
ne  sont  pas  encore  signalés  aujourd'hui. 


42  STANISLAS   STRONSKI. 

TABLEAU  GÉNÉALOGIQUE  DE  LA  FAMILLE  DE  RANDON-DE-CHATEAUNEUF. 

Garin*  Odilon* 

1126-1148  1126 

I 

I  i  I 

Guillaume  de  Randon»  Garin»  X» 

1118-tll76/86  t  av.  1162  1152-9 


EnRandon,  prot.  des  tr.»  Garin  de  Randon»»             Raimond  de  Barjac"' 

1176  H6-V.  1205  1198                                     1186-1191 

:  I 

Guillaume 

:  1191 

i  [ 

Odilon  Garin,  s^  du  Tournel*  Guigues  Meschin*^  [sb'  du  Ran- 

1205-11237.  donnât]  1212-tl242/3. 


I  I                                                   I 

Guigues  Mesclun,  s»--  du  T  .*  Randon  de  Chàteauneuf  *^       Guillaume  de  Randon  *' 

1237-1278  1243-tl275-7                                   1213-1268 

I  I 

Odilon  Garin,  s*"'  du  T.  Guillaume  de  Randon 

(1243)  1259-78-t92  (1266-1277...) 


1.  En  1126  :  donation  (ou  confirmation)  faite  par  Raimond,  comte  de 
Barcelone  [R.-Bérenger  III,  1093-1131]  et  Douce,  son  épouse  [fille  et  héri- 
tière de  Gilbert,  vie.  de  Milhaud  et  du  Gévaudan],  en  faveur  de  Garin  et 
d'Odilon,  du  château  de  Randon  {Inv.  Arch.  dép.  Lozère,  série  G.  I, 
p.  99,  liasse  G  455;  cf.  H.  g.  d.  L,  IV,  p.  137).  —  En  1134  :  Serment  de 
fidélité  prêté  à  Guillaume,  évêque  de  Mende  [G.  II,  4123-51,  Mas-Latrie, 
col.  1446]  par  Garin  [le  même  ou  cf.  n.  2,  an.  1162]  pour  le  château  de 
Randon  (/nu.  Arch.  Loz.,  G.  I,  p.  31,  liasse  G  117).  —  Pour  1148,  voy.  n.  2. 

2.  En  1148  :  Serment  à  Guillaume,  évêque  de  Mende,  par  «  Guillaume 
de  Randon,  fils  de  Garin  »,  pour  le  château  de  Randon  {I)iv.  Arch.  Loz., 
ibid.).  —  En  1152  :  «  Wilelmus  de  Randon  »  est  nommé  le  premier  parmi 
les  témoins  d'un  acte  de  Pagana,  sœur  de  Bernard-Aton,  vie.  de  Nimes 
(Tculet,  Layettes  du  Très,  de  chartes,  t.  I,  p.  70i').  —  Entre  1152-9  : 
Bernard  I  Durand,  abbé  de  Chambon,  reçut  de  Guillaume  de  Randon  et 
de  ses  frères  une  donation  de  tout  ce  qu'ils  possédaient  au  lieu  de  Cha- 
brollières  (//.  (/en.  de  L.,  IV,  p.  639,  pas  «  Preuves  »).  —  [1156,  novem- 
bre :  P.  Anselme,  f»  808  :  «  donna  le  mas  de  Grosfaux  à  la  commanderie 
de  Jalels  en  Vivarais  »  ;  cf.  le  suiv.]  —  Pour  1162  :  «  Copie  de  l'acte  de 
donation  du  village  de  Grosfau  aux  chevaliers  de  l'ordre  du  Temple  de 
Jnles  par  Guillaume  de  Randon  et  son  épouse  Marie  »  {Inv.  Arch.  Loz., 
G  liasse  KH)  «  pour  le  repos  de  l'âme  de  son  frère  (Guerin)  et  de  la  sienne  », 
ajout»'  P.  Anselme,  lac.  cit.  Il  avait  deux  frères  au  moins,  comme  il 
résulte  de  1»   mention    1152-9.    Grâce   à  l'amabilité  de   M.   L.   Pages, 


QUELQUES   PROTECTEURS   DES  TROUBADOURS.  43 

archiviste  do  la  Lozère,  j'ai  une  copie  du  serment  prêté  pour  le  château 
de  Randon  [en  partie?]  par  Garin  à  l'évêque  Aldebert,  nouvellement  élu 
en  1151  {Inv.,  ibid.).  Le  serment  est  en  provençal  :  Eu  Garis  a  te  Alde- 
bert evesque  non  tolrai  lo  castel  de  Rando  ni  t'en  tolrai  las  forcsas 
quel  so  ni  ade>ia?it  i  sseran  {ni  ti  descehrai?)  ni  t'en  descebrai  te 
ni'ls  evesques  que  adenant  i  sseran.  E  se  horn  era  ni  feynena  que'l  ti 
tol(/es,  ab  aquel  ni  ab  aquella  fi  [sens  :  paix]  wi  societad  no  aurai  se 
[=:  à  moins  que]  pe'l  castel  (a?)  recobrar  non  o  avia  e  quant  recobrat 
l'aurai,  eu  lo-t  redria  et  adenant  en  eis  sacrament  t'en  istaria.  E 
quant  tu  lo'm  deinayidaras  par  te  o  par  to  messatge  eu  lo't  redrai,  et 
aquel  messatges  regard  non  aura  de  me  ni  d'orne  qu'en  tornar  en 
posca  e  des  so  momment  no  m'en  gardarai  [je  n'aurai  pas  de  préten- 
tions au  château].  Aisi  t'a  tenrai  e  t'o  ate?idrai  a  te  et  a-ls  evesques 
que  seguentre  te  venran  ses  lugre  d'aver  e  d'onor  e  sses  engan,  Per 
aquetz  saintz  Evangelis  Guirent  [corr  :  juirent]  Rainiond  argidiaque, 
Guigo  prior,  Gnillem,  lo  sagresta,  Benedech  Blau,  Aldebert  de  Peira, 
Raimond  Merle  (('),  Scicard,  Ponso  de  Servaireta,  Peiro  Golfeir,  Rai- 
mo?id  Amblard,  Geremias,  Peiro  Arnald,  Raitnond  de  Castelnou.  Ab 
iiwarnatione  Dni  anno  mill.CLI,  in  TJrbe  romaiia  papa  Eugenio  et 
Lodovico  rege  Francorum  regnantibus  sub  Dno.  Amen.)  —  Vers  1174  : 
Guillelmus  de  Randone  (de  Randun)  figure  dans  deux  chartes  échangées 
entre  Bernard-Aton,  vicomte  de  Nimes,  et  Raimond  V,  comte  de  Toulouse 
(Teulet,  op.  cit.,  I,  pp.  117-8;  H.  g.  d.  i.^,  VII,  Preuves,  pp.  306-7).  — 
En  1176  :  Guillelmus  de  Radone  {s.)  assiste  à  la  publication  du  testament 
d'Ermenssindo,  comtesse  de  Melgueil  (Teulef,  op.  cit.,  I,  p.  111;  H.  g.  d.  L.*, 
VIII,  Preuves,  233-4).  —  Pour  1186  voy.  n.  3^,  qui  atteste  que  Guillaume 
de  Randon  ne  vivait  plus  à  cette  date. 

3.  Voy.  dans  le  texte  à  la 'suite  de  la  table. 

û=.  En  1198  :  H.  g,  d.  L.,  VII,  pas  «  Preuves  »,  p.  187,  nomme  Guérin 
de  Randon  comme  témoin  d'un  accord  passé,  à  cette  date,  entre  lo  comte 
de  Toulouse  et  l'évêque  de  Viviers.  (Charte  publ.,  comme  l'indique  le 
renvoi  de  VH.  g.  d.  L.,  par  J.  Columbi,  De  rébus  gestis  episcopor.  viva- 
riensium,  Lugduni,  1651,  p.  108,  «  Guarins  de  Randon  ».)  ■ —  Il  s'agit 
évidemment  d'un  fils  de  Guillaume  sans  qu'on  puisse  affirmer  ou  nier 
que  ce  tut  l'aîné  de  ces  fils  et  le  même  personnage  que  En  Randos. 

SI*.  En  1186  :  «  Raimond  de  Barjac,  fils  de  Guillaume  de  Randon  »,  fait 
une  donation  aux  chevaliers  de  l'ordre  du  Temple  de  Jales  ;  cf.  2,  an.  1162 
(Inv.  Arch.  Loz.,  G,  I,  p.  89,  n.  G  104).  —  [P.  Anselme,  f»  809  A  :  «  fit 
plusieurs  donations  à  la  commandation  de  Jalets  du  consentement  de 
Guilaume  son  fils,  en  l'an  1186,  et  au  mois  de  mars  1191;  se  dit  fils  de 
Guillaume  en  1196  (corr.,  1186)]. 

La  branche  du  Tournel  (Lozère,  arr.  de  Monde,  canton  de  Bleymard, 
commune  de  Saiat-Julien-du-Tournel). 

4.  1205  ;  «  Transaction  entre  le  chapitre  (de  l'église  de  Mende)  et  Odilon 
Garin,  seigneur  du  Tournel,  au  sujet  du  mas  de  Chadenet  »  [Inv.  Arch. 
Los.,  G,  I,  p.  240,  n.  G  1181).  —  1212,  voy.  4».  —  1219  :  «  0  lilon  Garin  re- 
connaît tenir  en  fief  le  château  du  Tournel  et  les  autres...  à  savoir...  etc.  », 
comme  p.  40,  n.  2.  (Inv.  Arch.  Los.,  G,  I,  p.  34,  n.  G130;  —  ne  marque 
pas  un  changement  à  la  seigneurie  du  Tournel,  parce  qu'il  paraît  que 
l'église  de  Mende  exigea   à  cette  date,  bien  qu'il  n'y  ait  pas  eu  instal' 


44  STANISLAS    STRONSKI. 

lation  d'un  nouvel  évêque,  un  renouvellement  général  des  hommages 
dont  plusieurs  sont  attestes;  voy.,  par  exemple,  l'acte  suiv.).  —  1-219, 
18  juillet  :  Odilon  Garin,  G.  Mescliin...  assistent  à  l'hommage  de  Rai- 
mond  d'Anduze  au  chapitre  de  l'église  de  Mende,  en  l'absence  de  l'évèque 
[Guillaume  IV,  1187-23],  Inv.  Ai-ch.  Los.,  G,  1,  pp.  24-5,  G  92.  (Je  cite  la 
formule  du  serment  de  cet  hommage  pour  laquelle  le  texte  latin,  corres- 
pondant mot  |)ar  mot  à  peu  près,  se  trouve,  ibid.,  pp.  2U-21,  n.  G  81,  dans 
un  acte  de  1273  :  Eu  R.  d'Anduza,  davan  lo  cors  de  Deu,  jure  sobre 
saings  evangelis  tochats  et  sobre  las  reliquias  de  Mosenor  saing  Pri- 
vât que  d'aquesla  hora  enans  serei  fidels  a  Mosenor  sning  Privât  et 
a  la  gleisade  Mende  et  a  mosenor  en  Guillem  l'evesque  et  a  tots  los 
altres  que  après  Lui  venran  et  al  chapitol.  Et  no  serei  en  cosseil  tii  e 
fag  per  que  perdo  vida  ni  membre  ni  sio  près;  lo  cosseil  que'm  dirayi 
per  se  (dicelis  per  vos)  o  per  lur  messalge  o  per  letras  no  manifesturei 
a  lur  da7i;  anan  et  vinen  (eundo  et  redeundo)  los  defen-irei  e-ls  gui- 
darei  («  guidabo  »)  de  tôt  'mon  poder.)  —  1224,  juillet  :  Un  acte  de  Rai- 
mond  VII  de  Toulouse  fut  passé  en  présence  de  «  Ozili  Garini  et  Gui- 
gonis  Meschini  et  (cf.  p.  51-2)  Guillehni  de  Castronovo  »  (H.  g.  d.  L., 
VIII,  Preuves,  p.  800).  —  1226,  15  avril  :  Au  moment  où  la  croisade 
de  Louis  VIII  contre  les  Albigeois  s'approchait  du  Midi,  «  sui  fidèles 
0.  Guarini  et  G.  Meschini,  frater  eius...  «  adressent  au  roi  une  lettre  par 
laquelle  ils  se  déclarent  prêts  à  changer  la  suzeraineté  de  l'évèque  de 
Mende  contre  la  sienne  et  désavouent  (cf.  acte  préc.)  toutes  relations  avec 
le  comte  de  Toulouse  (//.  g.  de  L.,  VII,  822,  et  cf.  VI,  601,  où  «  Guil- 
laume do  Mescliin  »  est  inexact).  —  En  1229  :  Odilon  Garin  et  Guignes 
Meschin  mettent  leurs  sceaux  (rect.  :  S.  Odilonis  Guarini  ;  vers.  :  S.  Gui- 
gonis  Meschini)  sur  un  acte  passé  entre  la  commanderie  du  Gap  fran(;ais 
et  Hugues  Mossatier,  prieur  de  Saint-Julien  (Blancard,  Iconographie, 
p.  66;  j'ai  trouvé  encore  une  autre  mention  du  même  acte  dans  J.  Ray- 
baud,  Hist.  des  gr.  pr.  et  du  prieuré  de  Saint-Gilles ,  p.  p.  l'abbé 
C.  Nicolas,  Nimes,  19iJl,  p.  139)  où  nous  apprenons  que  c'étaient 
«  Odilon  Guerin,  seigneur  du  Tournel  et  Guignes,  sou  fils  *  (et  non  plus 
les  deux  frères  de  l'acte  précédent),  qui  y  sont  intervenus  comme  garants 
du  traité,  parce  qu'il  s'agissait  d'une  donation  faite  par  un  hospitalier 
nommé  Fouqnes  du  Tournel,  alors  sans  doute  leur  vassal,  et  que  la  date 
exacte  est  2  septembre  12 '9.  —  Pour  1237,  n.  5,  mention  pour  cette  année, 
qui  est  d'accord  avec  celle  de  1239  pour  attester  qu'Odilon  Garin  no  vivait 
plus  à  cette  date. 

5.  Les  chartes  donnent  soit  «  Guignes  »,  soit  c<  Guignes  Meschin  ».  Des 
mentions  que  nous  citons  pour  l'an  1249,  il  pourrait  résulter  qu'il  s'agit 
de  denx  personnages  dilléronts,  tous  les  deux  fils  et  héritiers  d'O  lilon 
Garin.  Mais  il  n'est  pas  probable  que  deux  frères  aient  porté  l'un  le  nom 
de  tt  Guignes  »,  l'autre  le  nom  de  «  Guigues  Meschin  »  et,  de  plus,  que 
l'un  et  l'autre  aient  eu  le  droit  do  porter  le  titre  «  soigneur  du  Tournel  » 
(a.  1237  et  1243  pour  G.  M.,  tous  los  autres  pour  G.).  Et  d'après  l'ensem- 
ble des  mentions,  il  est  sûr  qu'il  ne  s'agit  que  d'un  seul  personnage,  Gui- 
gues, surnoM)mé  G.  Meschin,  comnu»  S(m  oncle  paternel  (n.  4'');  toutefois, 
j'écris,  pour  l'orientatiim,  soit  «  Guigues  »,  soit  «  Guigues  Meschin», 
suivant  toujours  la  source. 

1229  :  voy.  n.  4.  —  1-237  :  Le  P.  Anselme  (qui  fait  la  confusion  avec 
Guigues  Moschin  de  Randon,  oncle  de  celui  en  question),  f.  811  :  <  Gui- 


QUELQUES   PROTECTEURS   DES   TROUBADOURS.  45 

gués  Meschin   reçut  divers  hommages  en  1237   et  1238  en  présence  de 
sa  femme  et   comme   seigneur   du   Tournel  ».  —  1:239,  août  :  Un  sceau 
«  S.  Guigonis  Mescliini  »  et  verso  :  «  S.  Guigonis  filii  jquondam  0.  Gua- 
rini  x  se  trouve  sur  l'acte  de  donation  faite  par  G.  de  La  Garde  (vassal 
du  seigneur  du  Tournel)  au   prieur  de  l'hôpital  du  Gap  Français  (Blan- 
card,  Iconngruplde,  p.  67  et  cf.,  pi.  21,  n.  3);  Blancard  écrit  «  Guigues 
Meschin,  fils  d'Odilon  Guarin  »,  et  sans  doute  il  en  eut  confirmation  dans 
l'acte  lui-même,  ce  qui  éclaircit  la  question  d'identité  de  Guigues  Meschin 
et  de  Guigues;  c'est  aussi   l'interprétation  la  plus  simple  et  elle  est  con- 
firmée par  la  plupart  des  exemples,  cf.  ici  n.  5»,  an.  1243  et  1264;  mais 
le   contraire,  sceau   portant   les    noms    de    deux   personnages   n'est  pas 
impossible,   cf.  n.  4,  an.  1229).  —  1243  :  «  Pons  de  Polignac  soutint  une 
petite  guerre  contre  les  seigneurs  de  Chàteauneuf-Randon  et  Gui  Meschin, 
seigneur  de  Tournel  »  {Hist.  g.  de  L.,  VI,  p.  791)).  —  1247  :  une  plainte, 
entre  les  Alestensnnn  quatrunoniae,  portée  au  roi  par  ce  baron  contre  le 
sénéchal  de  Beaucaire  et  de  Nîmes  :  Signi/icat  dominus  Guigo  lo  Meschi... 
{Rec.  hist.  Gaul.  Fr.,  t.  XXIV,  contre  les  Enq.  adm.  du  règne  de  Saint 
Louis,  p.  p.  AI.  Léopold  Delislo,  Paris,  1904,  2"  partie,  p.  4U0.  n.  54.)  —  1248  : 
P.  Anselme,  p.  811  :  «  Guigues  Meschin...  confirma  avec  Odilon-Guarin, 
son  fils,  le  28  septembre  1248,  à  Bertrand  de  Montaigu,  commandeur  do 
Gap-Francez,  tont  ce  que  son  père  avait  donné  à  cette  commanderie  ».  1248  : 
Reconnaissance  passée  par  Guigues  Meschin  (à  l'évêque  Etienne,  1223-48) 
pour  les  châteaux  de  Ghapieu,  du  Tournel,  de  Montialoux  et  de  Montmirat 
(hio.  Arch.  Lo::.,  G  I,  p.  138,  n.  G,  631;  cf.   1249).  —  1249  :  1»  «  Accord 
entre  Odilon  de  Mercoeur,  évèque  de  Mende  [1249-74]  et  Guigues  du  Tour- 
nel (au  sujet  des  châteaux  Chapieux,   Montmirat,  Montialoux...)  »  {Inv. 
Arch.  Lo::.,  G  I,  p.  35,  n.  G,  130);  2°  a  hommage  rendu  à  l'évêque  élu  de 
Mende,   Odilon  de  Mercoeur,  par  Guigues  du  Tournel  qui  confirme  en 
outre  l'accord  précédent  »  {ibid.);  3°  «  foi  et  hommage   prêtés  par  Gui- 
gues Meschin,  fils  de  feu  Odilon  Garin»  (ibid.;  donc,  le  même  pour  d'autres 
terres  ou  bien  pour  toutes  ses  terres,   tandis  que   l'hommage  précédent 
ne  serait  rapporté  qu'aux  terres  en  litige?)  —  1259  :  «  Hommage  rendu  à 
l'évêque  de  Mende,  Odilon  de  Mercoeur,  par  Odilon  Garin,  fils  de  Guigues 
du  Tournel  [c.-à-d.  de  notre  Guigue.s]  pour  les  châteaux  de  Ghapieu,  de 
Montmirat  et  de  Montjaloux  qui  lui  ont  été  cédés  par  son  père;  le  pré- 
lat approuve  cette  cession  »  {Inv.  Arch.  Los.,  G  I,  p.  35,  .n.   G,  131).  — 
1267  :   Actes   de   reddition   par  Guigues   du   Tournel,   des   châteaux  du 
Tournel,  de  Rochedure,  de  Montmirat,   du  Bleymard,  de   Servies,  de  la 
Loubière  et  de  Montorsier  ».  [Ibid.  ;  ces  deux  dernières  mentions  per- 
mettent donc  de  constater  la  présence  dans  ses  mains  de  toutes  les  terres 
principales  dont  Odilon,   son  père,   prêta  hommage  en  1219).   —  1269  : 
Une  lettre  de  Guiguon  Me-chin,  seigneur  du  Tournel,  dans  l'alTaire  des 
plaintes   soulevées   contre  lui  et  contre  Randon  de   Ghàteauneuf  par  les 
habitants   de  la  Garde-Guérin  et  de   Raschas.  —   Guigues  (Meschin)  du 
Tournel  ne  vivait  plus  en  1278,  date  à  laquelle,  d'après  le  P.  Anselme 
(loc.  cit.).  Odilon  Garin,  seigneur  du  Tournel  prêta  hommage  (c'est-à-dire 
fils  de  Guigues  :  celui  qui  «  fut  pris  prisonnier  dans  la  guerre  que  son 
père  eut  en  1243  avec  le  vicomte  de  Polignac  au  sujet  de  la  succession  de 
Guillemette  de  Seissac,  son  ayeule  »,  P.  Anselme,  loc.  cit.  et  cf.  notre 
mention  pour  1243  et  le  renvoi  à  l'Hist.  gén.  de  Lang.,  VI,  p.  199;  qui  est 
attesté  dans  la  mention  pour  1248;  que  nous  avons  rencontré  en  1259,  où 
il  n'était  pas  encore  héritier  de  son  père  à  la  seigneurie  du  Tournel;  qui 


46  STANISLAS    STRONSKI. 

confirma  une  vente  en  126'2,  Inv.  Arch.  Loz.,  p.  32  G,  119;  qui  figura  en 
1281  comme  seigneur  du  Tourne!,  ce  qui  corrobore  la  mention  pour  1278, 
dans  une  sentence  arbitrale,  ibid.,  p.  35  G,  132;  qui,  avec  Miracle  sa  mère 
et  Eaymbaude  son  épouse,  vendit  le  village  du  Talisson  à  l'évèque  de 
Mende  pour  12,000  sous  tournois  [ibid,  G  507,  p.  112];  et  qui  ne  vivait 
plus  à  sa  date  de  1292,  à  laquelle  la  seigneurie  du  Tonrnel  se  trouvait 
déjà  en  possession  de  Garin  du  Tournel,  ibid.). 

Ce  Guignes  (Meschin),  seigneur  du  Tournel  en  1237,  attesté  comme 
vivant  encore  en  1269,  mort  vers  1278,  n'est  pas  indifTérent  pour  l'histoire 
de  la  poésie  provençale.  C'est  lui  qui  est  nommé  par  Peire  Cardenal,  335, 
57  (ce  que  n'a  pas  reconnu  INIaus,  P.  C.  Strophenbau,  p.  27  et  91),  dans 
sa  seconde  tornada  : 

Faidit,  vai  t'en  chantar  lo  sirventes 

Drecli  al  Tornel  a'  N  Guigo,  qui  que  pes. 

Car  de  valor  non  a  par  en  est  mon 

Mas  mon  senhor  En  Eblon  de  Clarmon.  (Ms.  Ebles.) 

Cela  permet  aussi  d'établir  la  date  1237  comme  tertninus  a  qiio  pour 
cette  pièce  et  de  déterminer  sa  position  relativement  à  la  priorité  de  la 
forme  strophique  en  question. 

La  branche  de  Randon.  De  deux  frères,  Odilon  Garin  (4)  et  Guignes 
Meschin  (4»),  le  premier,  fondateur  de  la  branche  da  Tournel,  se  trouve 
être  l'aine,  puisque  dans  plusieurs  actes  où  il  figure  avec  son  frère,  c'est 
lui  qui  est  toujours  nommé  le  premier.  Pourtant.  Randon  paraît  avoir 
été,  dans  la  tradition  de  la  famille,  le  château  le  plus  important.  L'expli- 
cation se  trouve  peut-être  dans  le  fait  que  l'aîné,  Odilon  Garin,  fut  pourvu 
de  la  seigneurie  du  Tournel  dès  le  vivant  de  son  père,  et  cette  hypothèse 
s'accorderait  assez  bien  avec  le  fait  qu'il  doit  avoir  été  marié  avant  la 
mort  de  son  père,  puisque  son  petit-fils,  Odilon  Garin,  fut  fait  prisonnier 
de  guerre  dès  1213.  D'antre  part,  on  verra  que  dans  la  branche  de  Randon 
même  le  titre  porté  ne  fut  plus  «  seigneur  de  Randon  >>. 

4»  {Guignes  Meschin)  —  1207  :  G.  Meschin  est  un  des  garants  dans 
l'acte  de  fidélité  jurée  à  l'évèque  Guillaume  II  par  Guigon  de  la  Garde 
{Inv.  Arch.  Los.,  G.  476,  p.  101).  —  [1212  :  P.  Anselme,  p.  811  :  «  Gui- 
gaes  Mescliin  [que  le  P.  A.  croit,  à  tort,  tige  de  la  branche  du  Tournel, 
et  qu'il  confond  avec  son  neveu  G.  M.  du  Tournel]...,  rendit  hommage  avec 
son  frère  Odilon  Garin  —  [c'est  lui  qui  fut  seigneur  du  Tournel]  —  le 
15  juin  1212  à  B..  évèque  d'Uzès  —  [corr.  Guillaume,  év.  de  Mende,  1187- 
12;{y;  le  r.  Ans.  écrit  constamment  «  B.  »  et  constamment  «  évêque 
d'U/.es  »  ;  mais,  dans  plusieurs  autres  cas,  on  peut  confronter  sa  mention 
avec  les  nôtres,  et  on  voit  qu'il  s'agit  des  év.  de  Mende]  —  de  tout  ce 
qu'il  possédoit  dans  son  diocèse  en  qualité  de  seigneur  d'Altier  —  [terre 
qui  n'appartenait  pa.s  à  la  seigneurie  du  Tournel,  mais  à  celle  de  Randon, 
cf.  5«,  1216,  1267]  »  —  la  date  précise  et  la  méthode  générale  du  P.  An- 
selme rend  l'essentiel  de  cette  mention  digne  de  foi.  —  1219  .■  «  Foi  et 
hoinniage  de  Guignes  Meschin  pour  la  moitié  de  Chàtcauneuf  »  {Inv. 
Arch..  Loi.,  G  118;  cf.  n.  4,  a.  1219;  ChtUeauneuf  faisait  aussi  partie  de 
la  seigneurie  do  Randon,  mais  en  partie  seulement,  puisque  la  branche 
Api-liier  avait  dos  droits  sur  lui  :  cf.  plus  loin).  —  1219,  18  juillet,  voy.  4. 
—  1224,  juillcl.  voy.  4.  —  1226,  15  avril,  voy.  4.  —  (1229,  voy.  4.)  —  1242  : 
«  Hommago  rendu  à  Guigues  Meschin,  seigneur  d'Altier,  par  Pierre  Bar- 
lhr.|..iny.  .  ..  ( /.  ,|.  Lo3.,  G  1]8,  p.  31;  les  terres  de  Guigues  Meschin,  dans 


QUELQUES  PROTECTEURS  DES  TROUBADOURS.       47 

lesquelles  son  vassal  a  des  reconnaissances  à  faire,  à  savoir  :  Planchamp, 
Mirandol,  Chàteauneuf,  Altier,  Montfort,  appartenaient  à  la  seigneurie 
de  Randon  et  non  à  celle  du  Tournel,  la  dernière,  Montfort,  à  toutes  les 
deux,  cf.  ")',  1265,  7,  9).  —  En  1243,  il  ne  vivait  plus. 

5'  {Randon  de  Chàteauneuf).  —  1243  :  «  Randon  de  Chàteauneuf,  fils 
de  Guignes  Meschin  [cf.  1276],  fait,  à  Montfort,  une  donation  au  comman- 
deur de  l'hôpital  du  Gap  français  et  met  son  sceau  «  S.  Domini  Kando- 
nis  »  (Blancard,  Iconographie,  p.  67,  n.  9  et  pi.  24,  n.  4).  —  1243  :  c'est 
lui  et  son  frère  Guillaume  qui  sont  les  «  seigneurs  de  Gliàteauneuf-Ran- 
don  »,  de  la  mention  rapportée  pOur  cette  année  au  n.  5.  —  1246  :  «  Re- 
quisitiou  adressée  par  Hugues  de  la  Garde,  bailli  de  l'évèque  de  Mende, 
au  seigneur  Randon  de  Chàteauneuf,  de  lui  remettre  les  châteaux  d'Al- 
tier,  des  Baluces  et  de  Planchamp,  ce  que  ce  seigneur  refusa,  prétendant 
que  c'était  par  erreur  qu'il  avait  rendu  hommage  pour  ces  châteaux  à 
l'Eglise  de  Mende  »  (/.  Ar.  Loz.,  G  119,  p.  32);  —  H.  g.  de  L.,  VI, 
p.  566  :  «  Etienne,  évêque  de  Mende  [1223-1248]  soumit  entre  autres  Ran- 
don de  Chàteauneuf  [Randonum  de  Castronovo]  et  prit  sur  lui  et  rasa 
dix-huit  de  ses  châteaux  »,  ce  qui  est  aussi  rapporté  dans  la  Gallia 
Christ.,  I,  col.  92;  c'est  sans  doute  vers  le  temps  du  conflit,  signalé  dans 
la  mention  précédente,  que  l'évèque  partit  en  guerre  contre  Randon;  les 
motifs  allégués  par  le  chroniqueur  sont  :  c<  Hanc  episcopum,..  strennuum 
se  ostendisse  in  compescendis  nobilium  vexationibus  erga  rusticos,  qui- 
bus  arare  non  nisi  dominicis  et  solemnioribus  diebus  permittebant  ».  — 
1253  :  «  Randon  de  Chàteauneuf  »  ou  «  seigneur  de  Randon  »  passe  un 
acte  concernant  les  châteaux  de  Pradelles  et  de  Chaylard,  avec  Armand- 
Falcon,  son  vassal  (/.  Ar.  Loz.,  G  397,  p.  88)  —  1262  :  voy.  5».  —  1264, 
1  mai  :  appose  son  sceau  sur  l'acte  de  vente  par  Pierre  de  Vérune  (son 
vassal,  évidemment),  à  la  commanderie  deJalez,  des  terres  sises  au  mas  de 
Las  Chasas  :  «  S.  Dni  Randonis.  D.  Cast'novo.  »  (rétro)  et  c<  S.  Randonis. 
Dni  Luchi  »  (versoj,  (Blancard,  Iconographie,  p.  67,  etcf.pl.  21  bis,  n.  2).  — 
1265  :  Une  reddition  des  châteaux  :  Belvezet,  Puylaurent,  Mirandol,  par 
Randon  de  Chàteauneuf,  seigneur  du  Luc  (Inv.,  G  120,  p.  32)  -  1266  •  une 
transaction  et  sentence  arbitrale  entre  l'évèque  et  Randon  de  Chàteau- 
neuf, tant  pour  lui  que  pour  son  fils,  Guillaume  de  Randon,  au  sujet  du 
château  de  Chaylard  et  des  terres  de  la  Garde-Guérin  {ibid.,  n.  G  397, 
p.  88)  —  1267  :  1°  actes  concernant  le  noble  Randon  de  Chàteauneuf  et  ses 
châteaux  du  Chaylard,  VV Allier,  de  Balmes,  de  Planchamp  {ibid.,  G  120, 
p.  32,  et  G  397,  p.  88)  ;  2°  une  sentence  arbitrale  entre  l'évèque,  d'une 
part,  et  Randon  de  Chàteauneuf  et  son'fils  Guillaume  de  Randon,  d'autre 
part  {voy.  ib.,  G  110,  p.  32) —  1268  :  un  rachat  des  terres  par  R.  de  Ch. 
{ibid.)  —V.  1269  :  privilèges  accordés  par  Randon  Chàteauneuf,  seigneur 
du  Luc  [P.  Ans.,  p.  811,  et  par  Guignes  Meschin  du  Tournel,  cf.  5  an. 
1269]  aux  habitants  de  Montfort  {ibid.)  —  1271  :  acte  concernant  Randon 
de  Chàteauneuf  et  le  château  de  Belvezet  {ibid.,  G  171,  p.  32)  —  1275  : 
hommage  et  serment  de  fidélité  rendus  par  Randon  de  Chàteauneuf,  fils 
de  Guignes  Meschin,  à  Etienne,  évèque  de  Mende  [E.  III,  nouveau  élu, 
1274-79]  ;  mais  il  mourut  entre  1275  et  1277,  parce  que  à  cette  dernière 
date  Guillaume  de  Randon,  fils  de  Randon  de  Chàteauneuf,  rend  hom- 
mage et  reçoit  lui-même  plusieurs  hommages  en  qualité  de  seigneur  du 
Luc  {ibid.,  9121,  p.  32;  de  nombreuses  mentions  de  ce  personnage,  nommé 
toujours  «  Guillaume  de  Randon  »,  seigneur  du  Luc,  se  trouvent  dans  les 


^8  STANISLAS    STRONSKI. 

liasses  G  120-126,  395,  403,  475,  1060;  pour  l'an  1331,  G  482,  p.  107,  imo 
mention  de  Guillaume  de  Randon  et  de  Jean  de  Randon,  son  fils,  fait 
changer  la  généal.  du  P.  Ans.). 

5b  {Guillaume  de  Randon]  —  1218  :  «  Copie  des  hommages  rendus 
par  Guillaume  de  Randon,  fils  de  Guignes  Mcschin,  à  Odilon,  évèque 
élu  de  Mende  [1249-74]  pour  ce  qu'il  possède  à  Randon,  à  Belvezet,  au 
Ghaylar,  à  la  Garde,  à  Puylaurent,  à  Planchainp  et  aux  Balmes  {I.  A. 
Loz.,  G  118,  p.  31)  —  1262  :  une  vente  «  consentie  par  Randon  de  Châ- 
teauneuf,  seigneur  du  Luc.  Guillaume  de  Randon,  son  père,  et  Guillaume, 
fils  du  précédent  »  [ihid.,  G  119,  p.  32). 


Il  résulte  des  menlioûs  laites  a.  2  a.  1176  et  o.  3'^  a.  liS'j 
que  Guillaume  de  Randon,  baron  très  puissant,  coaiine  ses 
donations  l'indiquent,  qui  vivait  encore  en  1176,  ne  vivait 
plus  en  1186.  Puisque  son  fils  Raiinond  qui  figure  dans  la 
mention  de  1186  ne  fut  tige  que  d'une  branche  cadette,  de 
Barjac,  continuée  par  son  fils  Guillaume,  il  faut  qu'il  y  ait  eu 
un  successeur  aîué  de  Guillaume  de  Randon  à  la  seigneurie 
de  Randon.  La  date  de  l'avènement  de  celui-ci  est  donc 
1176-86.  Au  xiii*^  siècle,  nous  rencontrons  deux  frères  (ffères  : 
n  5,  a.  1226;  n.  5",  a.  1212),  Odilon  Garin  et  Guigues-Mes- 
chin;  |)uisque  les  terres  qui  constituaient  le  «  Raudonnat  »  se 
retrouvent  dans  les  mains  de  Guignes  Meschiu  (n.  -'i^,  a.  1212, 
a.  1219,  a.  1242)  et  plus  visiblement  encore  dans  les  mains  de 
ses  fils  (fils  :  n.  5\  a.  1243  et  1275;  n.  5^  a.  124.)  et  «  frère  de 
Rand.  de  Ch.  »  pour  les  autres),  Randon  de  Châleauneuf 
(5=»  toutes  les  mentions)  et  Gui  laume  de  Randon  (5''  a  1249  et 
les  autres)  avec  lesquels  revient,  en  plus,  le  nom  «  Randon  » 
et  le  titre  «  de  Randon  »  il  est  évident  que  ce  Guigues-Mes- 
cbin  fut  béi'ilier  et,  vraisemblablement,  fils  du  seigneur  de 
Handon  :  et  puis(iue  nous  trouvons  la  grand*  seigneurie  du 
Tournel  (n.  4,  a.  1205;  n  5  a.  1237,  1249,  1259,  1l67)  dans 
les  mains  de  son  frère  Odilon  Garin,  ainsi  que  de  ses  succes- 
seurs en  ligne  di'oite  (  :  u.  5,  a.  1239,  1259),  il  faut  croire 
qu'elle  lut  ac([uise  du  vivant  du  précédent  seigneur  de  Ran- 
don. Il  est  clair  ([iie  l'avènement  de  ces  deux  barons,  Guigues- 
Meschiu  au  Raudonnat.  Odilon-Garin  au  Tournel,  marque  la 
mort  de  b-ui-  père,  ou  bien,  pour  ètie  plus  strict,  de  leur  tes- 
tateur; et  puisque  nous  trouvons  Odilon-Garin  a  la  seigneurie 


QUELQUES    PROTECTEURS   DES    TROUBADOURS.  49 

(lu  Tournel  dès  1205  (ii.  4  a.  1205;  cf.  sous  :  La  branche  de 
Randon)  el  que  Guignes- Meschin,  figurant  comme  garant 
en  1207,  ne  saurait  être  que  seigneur  déjà  indépendant,  on  est 
autorisé  à  dire  que  leur  prédécesseur  ne  vivait  plus  vers  celte 
date.  On  peut,  par  conséquent,  renfermer  entre  les  années 
1176-8G  et  1205  environ  la  présence  à  la  seigneurie  de  Randon 
de  l'héritier  de  Guillaume  de  Randon  et  testateur  pour  Oïlilon 
Garin  et  Guignes- VIeschin.  C'est  lui  qui  est  le  En  RindO'i  de 
la  poésie  provençale.  11  est  possible  qu'il  ait  été  identique 
avec  le  Garin  de  Randon,  dont  nous  avons  une  mention  pour 
l'an  1198;  en  ce  cas,  il  aurait  été  appelé  En  Randos  comme 
Raimon  de  Miraval  fut  appelé  En  Mirauals.  M:iis  il  e.t 
aussi  possible  que,  comme  au  degré  5^  et  5''.  un  Randon 
(de  Châteauneuf)  ait  existé  à  côté  de  Garin  de  Randon;  ce 
nom  de  famille  et  de  château  devint,  en  effet,  un  prénom, 
comme  l'atteste  n.  5'',  comme  l'atteste  aussi,  dans  l'autre 
branche,  l'existence  d'un  «  Randon  du  Tournel,  chanoine 
de  Mende  »  (a.  1291;  Inv.  Ar.  Loz  ,  G.  132,  p  35),  comme 
l'atteste  enfin  le  prénom  —  qui  peut  cependant  avoir 
été  tiré  du  nom  de  famille,  comme  cela  est  souvent  le  cas 
pour  les  noms  des  femmes  —  de  «  Randonne  de  Château- 
neuf  »  devenue  veuve  de  Raimond  de  Montauban  entre 
le  9  avril  1215  et  le  17  juillet  1220  (P.  Ans.,  f.  809; 
elle  doit  être  sœur  ou  fille  iVEn  Randon^  tandis  que  «  la 
dame  Valburge  de  liandon  »,  qui  engagea,  en  1217,  pour 
garantie  d'un  prêt  la  seigneurie  du  château  de  Serverette 
[Loz.,  ch.-l.,  arr.  et  cant.J.  probablement  son  douaire, 
V.  Inv.  Ar.  Loz.,  G,  5,  t.  V,  p.  177,  pourrait  être  veuve  de 
celui  ci). 

En  Randos  est  nommé  dans  divers 3S  autres  pièces  proven- 
çales, et  il  n'est  pas  difficile  de  voir  qu'il  s'agit  toujours  du 
même  personnage,  vivant  vers  la  fin  du  xii«  siècle,  protecteur 
des  troubadours. 

Le  Moine  de  Monlaudon  (.305,  12,  v.  14)  célèbre  aussi  «  En 
Randon  ».  Une  allusion  très  précise  à  Richard  Oœur-de-Lion 
a  permis  à  M.  Klein  {Die  Dichiungen  d.  M.  v.  M.,  1385,  p.  31) 
l'enfermer  cette  pièce  entre  la  fin  de  1193  et  le  commeace- 

ANNALP;S    DU    MIDI.    —    XIX  4 


50  STANISLAS   STRONSKI. 

ment  de  11&4,   ce  qui  prouve  qu'il  s'agit  du  Randon  déjà 
nommé  dans  les  autres  pièces^ 

Garin  d'Apchier  (162,  5,  str.  IV),  parlant  de  son  interlo- 
cuteur Torcafol,  dit  :  ...  dilz  lo  paire  N'Eraill  Que  home 
quinafre  nitaill...  No  deu  maniener  nuls  hom  bos  Per 
que  nol  manten  En  Randos  (p.  p.  Witlhoeit,  Sirvenies 
joglaresc,  p.  59).  —  M.  Appel  {Z.  f.  r.  Ph  .  XI,  223-3)  dit  : 
«  On  peut  penser  à  Randon  de  Châteauneuf,  auquel  Etienne, 
1223-47,  évêque  de  Mende,  prit  dix-huit  châteaux.  Je  ne  sais 
pas  si  le  Randon  de  Châteauneuf.  qui  se  trouve  en  conflit  avec 
révêque  de  Mende,  Odilou  de  Mercœur,  1247  1274  (v.Vaiss., 
VI,  864),  est  identique  avec  celui-là.  »  Mais  il  n'y  a  pas  de 
raison  de  chercher  ce  Randon  si  loin  dans  le  xiii«  siècle  —  (on 
verra  dans  nos  notes.  5*,  que,  si  c'était  bien  ce  Randon,  le 
terminus  a  quo  serait  1243).  Et,  en  général,  la  tendance  de 
M.  Appel  {l.  c),  ainsi  que  celle  de  M.  Witthoeft  (pp.  35-6)  à 
chercher  Garin  d'Apchier  surtout  au  xiu^  siècle,  parait  peu 
ju.stiliée.  On  est  bien  en  droit  de  dire  que  cet  En  Randos 
qui  est  nommé  par  Garin  d'Apchier  est  le  même  que  celui 
d'Elias  de  Barjols^. 


1.  J'essaierai,  dans  le  prochain  numéro  des  Annales  du  Midi,  d'expli- 
quer celte  allusion  de  Moine  de  Montaudon  (31)5,  \2),  ainsi  que  deux  allu- 
sions des  pièces  Apchior-Torcafol  (443,  1  et  443,  2). 

2.  Déjà  dans  les  mentions  faites  dans  YH.  g.  d.  L.  et  dans  Baluze,  qui 
ne  remontent  qu'à  la  seconde  moitié  du  xin"  s.,  les  plus  anciennes  con- 
nues à  M.  Appel  et  à  M.  Witthoeft,  on  voyait  que  le  nom  plein  de  cette 
famille  fut  «  de  Castronovo,  dominas  de  .\pcherio  ».  Puisque  la  famille 
est  de  Châteauneuf,  elle  ne  sera  pas,  pensera-t-on,  étrangère  à  la  famille 
des  Randon  de  Châteauneuf.  Et  il  resuite,  en  réalité,  des  renseignements 
qui  se  trouvent  dans  P.  Ansehne,  t.  111,  pp.  813  et  suiv.,  et  dans  l'Inv. 
Ar.  Los.,  L  c,  qu'elle  n'est  qu'une  branche  de  cette  famille.  Il  est  possi- 
ble de  saisir  les  degrés  suivants  dans  la  généalogie  de  cette  famille,  en 
général  d'accord  avec  P.  Anselme. 

I.  Garin  de  Ciiàteauneuf  (seigneur  d'Apchier)  :  P.  Ans.,  l.  c,  «  eut 
pour  sa  part  Arzens,  la  moitié  des  baronnies  de  Châteauneuf  et  de  Ran- 
don. et  lit  donation  de  ses  terres  à  son  iils  aîné  [Garin],  le  4  mars  118U  » 
et  «  femme  Alix  d'Apchier,  héritière  du  baron  d'Apchier,  de  S.  Auban,  de 
S.  Chely,  de  Vazeille,  de  Montalleyrac,  etc.  » 

II.  Quatre  personnages  doivent  être  regardés  comme  ses  fils  :  Garin, 
Guiguon.  (luillaume,  Raimond.  -—  /.  Garin  de  Châteauneuf  [seigneur 
d'Apchier]  :  llWl  u.  s.  —1207  ;  v.  Engagement  souscrit  en  faveur  de 
révêquf  Guillaumr  Ji  par  (iuigon  et  Garin  de  Châteauneuf  des  portions 


QUELQUES   PROTECTEURS   DES   TROUBADOURS.  51 

et  droits  qu'ils  avaient  sur  le  château  de  Randon  et  son  mandement  en 
garantie  do  la  somme  de  3,000  sous  pougeois,  reçue  du  prélat  à  titre  de 
prêt  »  {Inv .  Arch.  Loz.,  G  117,  p.  81  ;  il  serait  erroné  de  penser  à  Gui- 
gnes Meschin  de  Randon  et  à  son  frère  Odilon  Garin  du  ïournel,  parce 
que  ce  dernier  n'avait  aucune  possession  en  Randon;  il  ne  s'agit  que  des 
possessions  et  des  droits  partiels  de  la  branche  d'Apchier,  comme  il  ré- 
sulte d'ailleurs  de  la  mention  elle-même  et  de  la  différence  des  noms  que 
l'on  ne  saurait  prendre  pour  des  abréviations  admissibles);  —  1214, 
P.  Ans.  :  V  Vendit  le  2  octobre  1214,  au  commandeur  de  Jalets,  tous  ses 
pâturages  du  bois  de  Mercoire  dépendant  de  Ghàteauneuf,  pour  1,000  sois 
poyaux  et  un  cheval  «.  —  Il  faut  accepter  qu'il  vécut  jusqu'en  1245  et  qu'il 
ne  mourut  qu'entre  le  commencement,  sans  doute,  de  cette  année,  date  à 
laquelle  il  confirma  une  vente  de  son  frère  Guillaume  (voy.  sous  le  nom 
de  celui-ci),  et  le  2  septembre,  date  à  hiquelle  son  fils  Garin  (voy.  III)  prêta 
hommage;  il  doit  être  mort  fort  âgé,  ce  qui  est  d'accord  avec  le  fait  que 
son  successeur  mourut  bientôt  après.  C'est  donc  à  lui  et  non  pas  à  son 
fils  qu'il  faut  rapporter  la  mention  de  l'hommage  prêté  en  1236  à  Hugues, 
comte  de  Rodez  (P.  .4/(5.,  p.  814  et  cf.  Inv.  Arch.  Loz.,  G  74,  p.  79,  pour 
l'an  1256).  —  2.  Guignes  de  Châteauneuf,  1207  :  voy.  ci-dessus.  — 
1207  :  «  serment  de  lidélité  prêté  à  Guillaume  II,  évèque  de  Mende,  par 
Guigon  de  la  Garde...  Guigon  de  Châteauneuf,  Contor,  et  G.  Meschin  se 
portent  pour  caution...  »  {I)io.  Arch.  Los.,  G  476,  p.  105);  —  1214  : 
P.  Ans.  :  «  aprouva  la  donation  faite  par  son  frère  au  précepteur  de  Ja- 
lets, le  2  octobre  1214  *>.  —  3.  Guillaume  de  Châteauneuf  :  1215  :  i.<  vente 
par  Guillaume  de  Châteauneuf,  doyen  de  l'église  du  Puy,  à  l'église  de 
Notre-Dame  de  Croissance  [H. -Loire,  arr.  du  Puy,  cant.  de  Saugues]... 
de  tous  les  droits  qu'il  possède  dans  le  territoire,  tenement  et  village  de 
Chalmeis...;  confirmé  par  Garin  et  Raimond  de  Châteauneuf,  frères  du 
vendeur  [Inv.  Arch.  Loz.,  G  412,  p.  91)  —  1245,  2  septembre  :  voy.  III, 
Garin.  — Il  est  encore  identique,  sans  doute,  à  Guill,  de  Châteauneuf  qui 
prêta,  en  1219,  hommage  pour  sa  portion  du  château  de  Châteauneuf  {Inv. 
Arch.  Loz.,  G  118,  p.  31),  qui  figura  à  côté  de  Guignes  Meschin  etd'Odilon 
Garin  en  1224,  et  qui  fut  père  de  Guignes  de  Châteauneuf,  mentionné 
pour  l'an  1268  et  l'an  1276  [Inv.  Arch.  Loz..  120-121,  p.  132)  —  4.  Raimond 
de  Châteauneuf  :  1245,  voy.  sous  Guillaume. 

III.  Garin  de  Châteauneuf  (II,  1)  eut  plusieurs  fils  dont  Garin  de 
Châteauneuf,  son  successeur.  —  1245  :  «  Hommage  [à  l'église  de  Mende] 
de  Garin  de  Châteauneuf,  autorisé  par  son  oncle  G(uillaume)  et  non  Garin, 
d'après  II,  3)  de  Châteauneuf,  doyen  de  l'église  du  Puy,  et  par  Bernard 
de  Châteauneuf  (cf.  P.  Ans.,  813-4),  son  frère;  il  reconnaît  tenir  en  fief 
franc,  de  l'église  de  Monde,  les  châteaux  de  Saint-AIban,  d'Apchier  et  de 
Montaleyrac,  avec  leurs  droits  et  appartenances,  les  aubaines  ou  affars 
de  Montrocoux,  de  Randon  et  de  Châteauneuf  [Inv.  Arch.  Los.,  974, 
p.  19;  l'autorisation  de  la  part  de  G.  et  de  B.  tient  non  pas  à  la  minorité 
de  Garin,  mais  au  fait  qu'ils  partageaient  avec  lui  la  possession  de  ces 
terres).  —  Il  ne  vivait  plus  en  1252.  A  cette  date,  «  Odilon  de  Mercœur, 
évêquo  de  Mende,  à  la  requête  de  Garinet  de  Châteauneuf,  assisté  de  son 
aïeuL  maternel  Pons  de  Châteauneuf  [sa  mère  fut  Béatrix  de  Châteauneuf]; 
de  B.  de  Châteauneuf,  son  oncle  [v.  ci-dessus]...,  lui  donne  un  tuteur  et 
curateur,  à  l'elfet  de  reconnaître  les  fiefs  qu'il  tient  de  l'église  de  Mende  » 
[ibid.].  Ce  Garinet  n'atteint  l'âge  de  dix-huit  ans  qu'en  12.57.  —  Voy.  ihid' 
et  dans  P.  Ans.)  sur  les  dates  postérieures,  ainsi  que  sur  le  conflit  des 


52-  STANISLAS   STRONSKI. 

comtes  de  Rodez  et  des  évêques  de  Mende  au  sujet  du  fief  sur  la  seigneu- 
rie d'Apchier,  qui  tint  sans  doute  à  ce  fait  que,  en  leur  qualité  de  sei- 
gneurs en  partie  de  Chàteauneuf,  de  Eandon,  etc.,  ils  relevaient  de  l'église 
de  Mende,  tandis  que,  en  leur  qualité  de  seigneurs  «  d'Apchier,  de  Saint- 
Alban,  de  Montaleyran  et  leurs  dépendances  »  (cf.  Inv.  Arch.  Loz..  l.  c, 
an.  1261),  ils  relevaient  des  couUes  de  Rodez  (N'Uc  aiquel,  dans  16-2,  1, 
V.  5,  le  troubadour  Garin  d'Apchier  fait  une  allusion,  est,  sans  doute,  le 
comte  de  Rodez). 

Le  fait  que  les  soigneurs  d'Apchier  —  (la  mention  sur  la  femme  de 
Garin,  n.  I,  explique  comment  ils  le  sont  devenus)  —  portaient  le  titre 
«  de  Chàteauneuf  »  et  avaient  des  possessions  en  Chàteauneuf  et  en  Ran- 
don  (I,  an  1181);  II,  1,  an  1207-1214;  II,  ;J,  an  1219;  III,  an  124.:))  attestent 
qu'ils  étaient  une  branche  de  la  famille  de  Randon.  Quand  et  comment 
s'en  est-elle  séparée?  Il  faut  se  i-apporter  à  notre  table  de  la  famille  de 
Randon.  Le  P.  Anselme  croit  que  Garin  de  Chàteauneuf  (I)  fut  fils  de 
Guillaume  de  Randon  qui  correspondrait  à  notre  Guillaume  de  Randon, 
n.  2  (1148-1 176,  86).  Cela  n'est  pas  probable,  parce  que  ce  Guillaume  eut 
un  fils,  Garin  de  Randon  (n.  3^;,  attesté  pour  l'an  1198,  et  il  ne  peut  pas 
avoir  eu  deux  fils  du  même  nom.  Il  ne  peut  pas  non  plus  avoir  été  frère 
de  Guillaume,  puisque  celui-ci  eut  un  frère,  Garin,  qui  était  mort  avant 
l'an  1162,  comme  il  paraît  résulter  de  la  mention  rapportée  sous  cette 
date,  et,  ici  encore,  Guillaume,  qui  avait  plus  qu'un  frère  (v.  2,  an  11.52-9), 
ne  peut  cependant  pas  avoir  eu  deux  frères  du  nom  de  Garin.  Deux 
éventualités  restent  :  ou  bien  ce  Garin,  tige  des  seigneurs  d'Apchier,  est 
fils  d'Odilon  signalé  pour  l'an  1126,  ou  bien  il  est  fils  de  Garin,  qui  était 
frère  de  Guillaume  et  qui  mourut  avant  1162. 

Quel  est  Garin,  le  troubadour?  Une  réponse  définitive  ne  paraît  pas 
possible.  En  tout  cas,  il  faut  abandonner  complètement  la  tendance  de 
M.  Appel  et  de  M.  Witlhoeft  à  placer  son  activité  poétique  au  xiir  siècle 
surtout.  Le  seul  fait  précis,  c'est  la  mention,  dans  162,  2,  sir.  III,  d'Aza- 
laïs,  femme  (depuis  1171)  de  Roger  II  de  Béziers  (régn.  1167-1194),  morte 
avant  la  fin  du  xii«  siècle  (voy.  Appel,  loc.  cit.,  et  Witthoeft,  p.  36). 
Aucun  fait  n'oblige  à  accepter  une  date  quelconque  du  xiii«  siècle  dans 
aucune  des  pièces  du  confiit  Garin-Torcafol,  qui  se  suivirent  naturelle- 
lemcnt  toutes  d'assez  près.  Le  fait  que  Garin  est  un  troubadour  du 
XII*  siècle,  ou  bien  poétisant  surtout  au  xii«  siècle,  s'accorde  bien  avec  la 
mention  de  la  biographie  que  ce  fut  lui  qui  «  fetz  lo  premier  descort  que 
anc  fo  faitz  ».  -  -  Mais  il  reste  encore  douteux  si  c'est  avec  Garin  I, 
attesté  en  118(1,  ou  bien  avec  Garin  II,  attesté  entre  1180  et  1215,  que 
nous  avons  all'aire.  Or,  plusieurs  allusions  contenues  dans  les  invectives 
de  Torcafol  contre  Garin  d'Apchier  paraissent  indiquer  qu'il  s'agit  du 
vieux  Garin,  qui  céda  en  1180  sa  seigneurie  à  son  fils  aîné  :  l"  Torca- 
fol —  (qui  est  lui-même  appelé  par  Garin  viellz,  fJacs,  plaides  (162, 
2,  V.  1  ;  162,  4,  V.  5;  162,  7,  v.  1)  ou  bien  iovenz...  l'en  faill  J62,  5,  v.  5) 
et  ses  iocen  e  ses  vigor  (162,  5,  v.  48),  mais  qui  n'était  pas  d'une  extrême 
vieillesse,  comme  l'indique  162,  7.  vv.  18-21  :  Tossa..,  outra  doas  messos 
Son  auria  drut  de  vos)  —  insiste  à  plusieurs  reprises  et  avec  beaucoup 
d'ai)lomb  sur  la  vieillesse  de  Garin;  s'il  dit  Viellz  Comunal  (162,  8,  v.  1) 
ou  bien  :  !<:  honi  viellz  pois  desclacella  Xi  s'eis]  de  totz  pretz  ahatutz, 
liem  meracill  com  se  feiiiij  drutz  (4:33,  2,  vv.  U-8),  ou  même  :  E  de'l 
vostre  vielh  Inirat  E  de  vostrn  vielha  pansa  (443,  1,  vv.  11-12).  on  pour- 
rait regarder  tout  cela  comme  des  réponses  aux  railleries  de  Garin  ;  mais 


QUELQUES  PROTECTEURS   DES   TROUBADOURS.  53 

quand  il  lui  dit  :  Viells  e  pus  blancs  d'un  colom,  il  n'est  plus  possible 
d'y  voir  autre  chose  qu'une  allusion  exacte.  Et  c'est  ce  qui  ne  va  pas 
bien  pour  le  Garin,  mort  en  124ô,  et,  par  conséquent,  assez  jeune  vers  1190, 
date  appro-ximative  du  conflit  Torcafol-Garin.  2"  L'allusion  de  143,  1,  v.  21  : 
E  non  aves  senhoril  ne  saurait  signifier  que  Garin  «  jetzt  ohne  Oberherrn 
sei  »  (Witthoeft,  p.  29),  puisque  ave)-  senhnritc  ne  veut  pas  dire  «  avoir 
l'autorité  de  quelqu'un  sur  soi-même  »,  mais  «  avoir,  posséder  une  sei- 
gneurie ».  Et  cette  allusion  pourrait  bien  viser  le  moment  ou  Garin  le 
vieux  se  démit  de  ses  terres  en  faveur  de  son  fils  (en  se  gardant  quelques 
revenus  ou  quelque  usufruit,  ce  qui  expliquerait  telles  allusions  de  Tor- 
cafol  comme  ibid.,  v.  31-6  :  Toz  vostr'  argens  torn  en  plom  E  vostr'  affars 
desennnsa).  De  même,  c'est  avec  un  moment  postérieur  à  la  cession 
faite  par  le  vieux  Garin  que  s'accorderait  l'allusion  de  102,  8,  vv.  33-6  : 
Si  be-s  fan  gabador  Li  filial  e-lh  oissor,  Monlaur  fai  sobre  lor  Sos 
honraz  faz  auzir...  Torcafol  y  fait  donc  allusion  à  un  conflit  d'un  fils  de 
Garin  et  de  sa  femme  avec  le  seigneur  de  Montlaur;  le  fait  que  la 
femme  est  spécialement  mentionnée  paraît  indiquer  qu'il  s'agit  des  devoirs 
dus  au  seigneur  de  Montlaur  de  la  part  de  Garin  fils  pour  des  terres 
acquises  par  voie  de  mariage  (il  se  peut  bien  que  telle  ait  été  la  raison 
du  conflit  entre  les  Apchiers  et  le  seigneur  de  Montlaur,  signalé  encore 
dans  433,  1,  vv.  17-20;  pour  l'an  1302,  on  trouve  :  «  Hommage  rendu  par 
Guérin  de  Chàteauneuf,  seigneur  d'Apchier,  à  noble  Pons  de  Montlaur, 
pour  les  châteaux  et  mandements  de  Vabres,  du  Chaylan.  et  pour  ce  qu'il 
possédait  du  château  de  Doschanet  (Duobus  Canibus)  »  {Inv.  Arch.  Loz., 
G  592,  p.  130);  mais  cette  dépendance  peut  dater  d'une,  époque  posté- 
rieure; il  est  attesté  que  Pons  de  Montlaur  prêta  hommage,  en  1222,  à 
l'évêque  Guillaume  II,  pour  Vabres  et  Deux-Chiens  entre  autres,  ibid., 
G  463,  p.  102,  ce  qui  n'exclut  cependant  point  la  possibilité  d'un  sous- 
fief  existant  déjà  à  cette  époque).  En  tout  cas,  cette  allusion  à  un  fils  de 
Garin  s'accorde  bien  avec  ce  que  nous  savons  sur  la  cession  de  la  baronnie 
d'Apchier.  Et  quand  Torcafol  dit  dans  la  même  pièce,  vv.  45-8  :  Jes  no 
m'en  don  jiaor  Par  lor  dig  de  folor,  Sitôt  quatre  comtor  Mi  nienassoti 
d'aussir,  ceci  ne  se  rapporte-t-il  pas  aux  quatre  fils  du  vieux  Garin,  tous 
attestés?  (Le  titre  de  contor  était  dans  la  famille.  Il  est  attesté  pour 
Garin  le  troubadour  dans  443,  1,  vv.  1  et  6;  pour  un  des  quatre  frères. 
Guignes,  dans  notre  mention  de  l'an  1207  ;  «  Guillaume,  comtor,  sire  de 
Apchon  [Cantal,  arr.  de  Mauriac,  canton  de  Riom-ès-Montagne]  »,  dont 
je  trouve  mention  dans  Vhiv.  Arch.  Isère,  B,  t.  III,  p.  194,  n.  B  3765, 
pour  l'an  1322,  a-t-il  quelque  chose  de  commun  avec  la  famille  d'Apchier? 
(M.  M.  Boudet,  dans  son  intéressant  article  sur  «  L'affaire  de  Lugarde  » 
(Revue  de  la  Haute-Auvergne ,  1905,  I,  pp.  59-72),  où  il  a  occasion  de 
s'occuper  des  comtors  d'Apchon  (p.  61  surtout)  ne  fait  aucun  rapproche- 
ment avec  les  Apchiers  ;  voyez-y  aussi  les  notes  3,  p.  61,  et  1,  p.  62,  pour 
la  question  de  comtor,  traitée  ci-dessous);  M.  AVitthoeft  (p.  35),  sou- 
tient contre  Diez  [Leb.  u.  W.^  300)  et  contre  le  témoignage  de  Uc  Fai- 
dit  (édit.  Stengel,  86,  19  :  «  comtor,  parvus  comes  »)  que  le  comtor  était 
le  titulaire  d'une  commanderie  [comniendator]  dans  un  ordre  militaire, 
probablement  celui  des  chevaliers  de  Saint-Jean,  et  que  Garin  d'Apchier 
devait  appartenir  au  prieuré  d'Auvergne.  Mais,  c'est,  bien  entendu,  Diez 
et  surtout  Uc  Faidit,  bien  placé  pour  connaître  le  sens  d'un  mot  encore 
en  usage,  qui  sont  dans  la  vérité;  outre  que  la  dérivation  proposée  par 
Witthoeft  viole  les  règles  de  la  phonétique,  au  point  de  vue  historique, 


54  STANISLAS   STRONSKI. 

ce  titre  désignait  sûrement  un  degré  dans  la  hiérarchie  féodale  au-dessus 
du  «  vavassor  »,  du  «  miles  »  et  au-dessous  du  «  vicomte»  (Voy.  E.  Mayer, 
Dent.  u.  franz.  Verfassnngsgeschichte,  Leipzig,  1889,  t.  II,  127-8,  et 
cf.  aux  Lexiques  :  Raynouard,  P.  Meyer,  Crois.  A  Ib.,  Appel,  Chrest.^,  Stim- 
ming,  Bertr.  de  Born\  et  Godefroy.  Dict..  etc  ;  cf.  aussi  une  indication 
dans  Yhiv.  Arch.  Loz.,  G 1444,  p.  385  :  «  xyip  siècle.  Documents  historiques. 
Notes  recueillies  par  M.  Lenoir.  «  Du  mot  comptor  qui  est  moins  que  le 
baron  et  plus  que  le  gentilhomme.  »)  —  Les  quelques  allusions  saisissa- 
bles  dans  le  dialogue,  si  insuffisamment  éclairci,  entre  Garin  et  Torcafol, 
paraissent  donc  indiquer  plutôt  Garin  le  vieux  que  son  fils.  —  Quant  à 
Torcafol,  il  faut  remarquer  le  reproche  que  lui  fait  Garin  (162,  2,  vv.  47-8)  : 
Atic  sagramen  non  tengues  del  Tornel,  quant  l'avias.  Il  résulte  de  nos 
renseignements  sur  la  branche  des  seigneurs  du  Tournel  de  la  famille  de 
Randon  que  les  terres  du  Tourne!  étaient  d'une  importance  remarquable. 
Torcafol  parait  donc  avoir  été  jadis  un  des  propriétaires  de  ces  tei'res  avant 
qu'elles  eussent  passé  dans  les  mains  de  la  famille  de  Randon.  Des  mem- 
bres d'une  famille  «  du  Tournel  »  (autre  chose  que  «  seigneurs  du  Tournel  » 
delà  famille  de  Randon)  sont  même  attestés,  p.  ex.  par  Jordan  du  Tour- 
nel en  12m7  (Inv.  A.  Loz.,  G  476,  p.  105),  ou  bien  par  Fouques  du  Tournel 
mentionné  dans  la  généal.  précéd.,  n.  4,  an  1229  (p.  44),  et  cette  famille 
doit  avoir  été  importante  peu  de  temps  auparavant,  comme  l'indique  le 
fait  qu'Adalbert  du  Tournel  fut  évèque  de  Mende  de  1151  à  1187.  On  voit 
bien  par  le  ton  des  pièces  Garin-Torcafol  que  le  dernier  ne  fut  pas 
un  simple  jongleur.  Et,  en  généi-al,  on  se  demande  jusqu'à  quel  point  ce 
conflit  doit  être  rattaché  au  sirventes  jogluresc  et  si  sa  place  ne  serait 
pas  plutôt  à  côté  des  polémiques  personnelles,  telles  que  par  exemple 
celles  de  Sordel-Peire  Bremon.  Il  est  sûr,  en  tout  cas,  que  cet  échange 
ne  s'accorde  pas  avec  la  définition  de  M.  Witthoeft  (p.  8),  qui  indique 
qn'nn.  sirventes  joglaresc  doit  railler  un  jongleur  sur  ses  défauts  a  et 
notamment  avec  son  approbation  ».  (Cf.  encore  sur  ces  pièces  le  numéro 
prochain  des  An?iales). 


VII. 

LES    SIX    AUTRES   BARONS. 

N'Aymars  est,  sans  aucun  doute,  Adhémar  V  de  Limoges 
(1148-89,  majeur  seulement  en  1159),  [ils  de  Marie  de  Turenne, 
cliantee,  comme  comtesse  de  Ventadoru  (par  un  second  ma- 
riage avec  Èble  111),  par  Bernard  de  Ventadorn  ',  père  de  la 
trobaif^Uz  Marie  de  Ventadorn,  femme  d'Èble  V^.  Ce  person- 
nage est  bien  connu  par  la  vie  et  les  chansons  de  Bertran  de 
Born3  et  jouissait  d'une  grande  renommée  dans  le  monde  des 

1.  Suchier,  Jnhrhuch,  XIV,  214. 

2.  p.  Schultz  (-Gora),  Die  provenzalische7i  Dichterinnem,  p.  21. 

3.  Voy.  éd.  Stimming  et  éd.  Tliomas  :  80,  20,  v.  11  et  razo;  80,  21. 


QUELQUES  PROTECTEURS  DES  TROUBADOURS.       55 

troubadours,  car  c'est  à  lui  que  se  rapporte  presque  certaine- 
ment' la  complainte  de  Giraut  de  Bornelh  Plaign  e  sospir  e 
pîor  e  cfian  (242,  56),  où  est  pleuré  mos  seigners  n'Aimars 
que  sera  plains  per  Fransa. 

N'Eblos  est,  naturellement,  Èble  V  de  Ventadorn ,  qui 
épousa  en  1183  la  trobairitz  Marie  de  Limoges,  connu  par  les 
sirventés  de  Bertran  de  Born^,  et  qui  eut  comme  ancêtres 
Èble  III  (m.  1170),  à  la  cour  duquel  vivait  Bernard  de  Venta- 
dorn, et  Èble  II,  dit  le  Chanteur,  dont  Geoffroy  de  Vigeois 
rappelle  la  magnifique  hospitalité^,  de  même  qu'Elias  de  Bar- 
jols  célèbre  le  covit  de  son  successeur. 

En  B)  ian  (?).  —  On  peut  au  moins  remarquer  que  l'exis- 
tence d'une  famille  où  ce  nom  était  porté  est  attestée  sur  les 
confins  de  l'Albigeois  et  de  la  Guyenne.  En  1243,  un  .<  Brianus 
de  Insula  »  (Liste  ou  L'Isle-d'Albi,  Tarn,  arr.  de  Gaillac)  est 
nommé  dans  les  Rôles  Gascons^;  vers  la  fin  du  xiu»  siècle, 
on  rencontre  un  «  Briand  de  Montélimar,  seigneur  de  Lom- 
bers  eu  Albigeois»  (Tarn.  arr.  d'Albi,  cant.  de  Réalmont)^; 
d'autre  part,  on  trouve  mentionné  dans  un  acte  de  Gaston, 
comte  de  Foix,  et  de  Jean,  comte  d'Armagnac,  en  1379,  un 
«  Maurin  de  Briand,  senhor  de  Roquefort  »  (Haute-Garonne, 
arr.  de  Saint-Gaudens,  cant.  de  Salies?) '\ 

En  Miraval.  —  Dans  tout  ce  qui  a  été  dit  sur  la  date  de 
l'activité  poétique  de  Miraval,  rien  n'est  contraire  à  la  men- 
tion d'Elias,  attestant  que  ce  troubadour  était  déjà  célèbre 
vers  1190'. 

vv.  18,  75,  85  et  razo  ;  cf.  Stim.»,  p.  268;  80,  34,  v.  36,  el  ibid.,  p.  287  ;  80, 
37,  V.  53  et  razo  ;  80,  39,  v.  41  ;  80,  44,  v.  10  et  razo\  cf.  Thomas,  pp.  7-8. 

1.  H.  Springer,  Klagelied,  pp.*34  et  65. 

2.  80,  21,  V.  18  [Quatre  vescomtat  de  Limozi),  cf.  razo  et  Stimming', 
n.,  p.  267;  80,  33,  v.  1;  cf.  ibid.,  n.,  p.  284. 

3.  Chabaneau,  Biographies,  art.  Eble. 

4.  N.  1501,  p.  198,  cf.  Table. 

5.  Hist.  gén.  de  Lang.,  X,  18. 

6.  Ibid.,X,  Preuves,   1610. 

7.  P.  Andraud  {La  vie  et  l'œuvre  du  tr.  R.  de  M.,  1902,  pp.  23  et  31) 
renferme  sa  vie  approximativement  entre  1135  et  1216,  bien  que  toutes 
ses  pii''ces  soient  des  dernières  années  du  xip  siècle  ou  bien  des  pre- 
mières du  xiii"  ;  Salverda  de  Gvaye  (Annales  du  Midi,  XV,  75)  ne  croit 
pas  à  la  date  de  naissance  1135  pour  ne  pas  être  obligé  d'admettre  que  ce 


56  STANISLAS   STRONSKI. 

En  Bertran  est  Bertran  de  Born,  auquel  Elias  a  emprunté 
l'idée  de  sa  pièce.  On  l'a  dit  déjà  plusieurs  fois'. 

^^^^s  Ca5/e//a5.— Il  faut  rectifier  une  notice  de  M. O.  Schultz- 
Gora,  qui  a  rapproché  ce  passage  de  deux  autres  et  proposé 
d'introduire  dans  la  liste  des  troubadours  un  «  Castellan  »2 
Dans  le  premier  texte  cité  par  M.  Schultz,  celui  de  ^?  (Rai- 
mon  Vidal,  So  fo),  la  cobla  qui  est  attribuée  à  un  «  castel- 
lan »  est  précédée  de  deux  vers  qui  écartent  l'interprétation 
de  M.  Schultz  :  com  dis  .1.  castelas,  Mas  no  sabria  so  nom 
dir  (voy.  Mahu,  Ged.,  II,  29);  nous  n'aurions  à  choisir 
qu'entre  «  châtelain  »  et  «  Castillan»,  si  la  question  n'était 
déjà  tranchée  en  faveur  du  dernier  sens  par  la  publication 
des  autres  mss.,  dont  il  résulte  que  celte  cobla  fut  citée  par 
Raimon  Vidal  en  espagnol^.  Le  second  texte  est  la  pièce 
10,  50d'Aimeric  de  Pegulhan,  où  on  lit  (envoi)  :  Bel  Castelas 
qe  s  vostre prez  non  tolh  De  meillurar  quoi  val pro  mais 
qe  fier;  il  est  probable  que  ce  «  Bel  Castelas  »  est  un  senhal 
de  la  dame  chantée,  puisque  cette  chanson,  purement  amou- 
reuse, n'en  contient  aucune  autre  mention.  Mais  peut-être 
quelques-uns  voudront-ils  invoquer  à  ce  propos  les  relations 
connues  d'Aimeric  dé  Peguilhan  avec  la  Castille  et  sa  cour. 
Pour  notre  passage,  on  ne  saurait  rien  proposer  de  sûr*. 

S.  Stronski. 

serait  surtout  à  partir  de  l'âge  de  soixante  ans  que  Miraval  aurait  pris 
une  part  active  à  des  intrigues  amoureuses;  A.  Jeanroy  (Romania, 
XXXI 1,  lo^i)  propose  de  ne  pas  identifier  lo  troubadour  avec  le  Raimon 
de  Miraval  d'un  acte  de  1157. 

1.  Rochegude,  Paru.  Oec.,99;  Stimming,  B.  de  B^.;  Chabaneau, 
Biogr.,  art.  B.  de  B.,  razo  2,  note  4;  Thomas,  B.  de  B.,  110. 

2.  Zeit.  f.  royn.  Plul.,  X,  592. 

.  ;j.  Max  Oornicelius,  So  fo...  Berlin,  188S,  p.  29;  cf.  Groeber.  Rom.  Stiid., 
11,038:  «  Castellan,  un...  » 

4.  Voy.  notre  éd.  d'Elias,  p.  150.  11  no  s'agit  pas  d'un  nom  de  famille 
comme  «  Uandon  »  ou  bien  «  Miraval  ».  On  ne  saurait  penser  à  la  mai- 
son provençoli-  de  Castollanc,  une  des  plus  puissantes  des  xii"  et  xiu"  siè- 
cles, car  son  nom  on  provençal  était  «  de  Castoilana  »,  lat.  «  Petra  (Jas- 
tollana  ».  (Voy.  Le  P.  i.auronsi,  Histoire  de  Castella?7e,  2'  édit.,  Castel- 
huie,  IH'.lH,  pp.  09  ss.,  spéc,  pp.  81-5;  cf.  Gras-Bourget,  A?itiquités  de 
l'arr.  de  (UistelUnie,  Digne,  1842,  p.  11.) 


iVIKI.ÂNGES  ET  DOCUMENTS 


LES  LKTTRES  DE   CHARLES  VII  ET  DE  LOLMS  XI  AUX  ARCHIVES 
MUNICIPALES  DE  BARCELONE. 

Le  premier  érudit  qui  ait  songé  à  rechercher,  pour  les  pu- 
blier, des  lettres  de  rois  de  France  dans  les  collections  des 
Carias  Reaies,  aux  archives  municipales  de  Barcelone,  fut 
M.  Félix  Pasquier,  alors  archiviste  de  l'Ariège,  actuellement 
archiviste  de  la  Haute-Garonne.  Il  publia,  en  effet,  à  Foix, 
en  1895,  une  plaquette^  contenant  sept  lettres  inédites  de 
Louis  XI  découvertes  par  lui  parmi  les  Carias  Reaies  de 
1461  à  1473.  Cette  publication  est  en  général  très  correcte  et 
de  nature  à  faire  honneur  à  M.   Pasquier^.   Mais,  en  raison 

1.  Lettres  de  Louis  XI  relatives  à  sa  politique  en  Catalogne  de  1461 
à  1473.  Foix,  imprimerie  veuve  Pomiès,  1895,  in-S»  de  39  pages.  Dans 
son  introduction,  M.  Pasquier  rend  hommage  à  D.  Manuel  de  Bofarull, 
archiviste  de  la  couronne  d'Aragon,  qui  l'a  aidé  et  guidé  dans  ses  recher- 
ches. 

2.  Je  dois  faire  remarquer  cependant  que  quelques  légères  inexactitudes 
de  graphies  se  sont  glissées  dans  la  copie  de  ces  lettres,  notamment  dans 
la  copie  de  la  lettre  X,  au  comte  de  Caudale  (K.  Pasquier,  loc.  cit.,  p.  35). 
De  plus,  je  relève  dans  cette  même  lettre  une  omission  qui  change  le 
sens  d'une  phrase.   Entre  les    lignes  13   et  14  de   l'édition,    il  faut  lire: 

Catheloigne  qui  est  joignant  et  contigue  de  nostre  pays  de Pour  la 

lettre  IX,  au  Sage  Conseil  de  la  ville  de  Barcelone,  M.  Pasquierhésite,  en 


58  ANNALES    DU    MIDI. 

d'erreurs  de  classement,  trois  autres  lettres  appartenant  à  la 
même  période  échappèrent  à  ses  regards;  elles  ont  ele  [)!ibliées 
depuis'. 

Enfin,  grâce  à  un  dépouillement  complet  des  Carias  Reaies 
depuis  le  premier  portefeuille  de  la  série  jusqu'à  la  lin  du 
XV®  siècle,  j'ai  retrouvé  en  dernier  lieu,  et  tout  récemment, 
les  documents  qui  font  l'objet  de  la  présente  publication. 
Outre  une  nouvelle  letlre  de  Louis  XI  dauphin,  écrite  le 
31  mars  1447,  elle  met  au  jour  plusieurs  missives  de  Char- 
les VIP,  dont  la  politique  en  Catalogne  ne  fut  jamais,  il  est 


ce  qui  touche  le  quantième,  entre  les  deux  lectures  IX  et  XIX  :  or,  véri- 
fication faite,  je  ne  crois  pas  douteux  que  la  bonne  leçon  ne  soit  XIX, 
contrairement  à  ses  préférences.  Enfin,  il  n'est  pas  inutile  de  faire  obser- 
ver que,  dans  trois  cas,  un  millésime  erroné  a  été  adopté  :  le  n°  VI  est  de 
1462  nouveau  style  et  non  de  1463  ;  le  n»  VIII  est  de  1463  et  non  de  1464  ; 
le  n»  IX  est  de  1464  nouveau  style  et  non  de  1465.  Ces  erreurs  provien- 
nent d'une  inadvertance.  L'éditeur  a  fait  une  réduction  fautive,  parce 
qu'il  n'a  pas  tenu  compte  du  style  de  Noël,  usité  en  Catalogne,  et  dont 
les  dates  ont  été  traitées  par  lui  comme  s'il  s'agissait  du  style  de  Pâques, 
usité  en  France.  (Voir,  sur  ce  point  précis,  mon  livre  intitulé  Louis  XI, 
Jean  II  et  la  Révolution  catalane,  p.  232,  note  1.) 

1.  En  voici  l'énumération,  avec  les  références  correspondantes  :  1"  Le 
Crotoy,  14  décembre  1163,  au  Sage  Conseil  de  Barcelone  (J.  Calmette, 
Louis  XI,  Jean  II  et  la  Révolution  catalane,  p.  232)  ;  2»  .Sans  date  (oc- 
tobre 1466),  au  Sage  Conseil  de  Barcelone  {ibid.,  p.  272);  3»  Moniils-les- 
Tours,  12  mars  1472,  à  René  d'Anjou  [ibid.,  p.  327).  Seule,  cette  dernière 
est  représentée  par  une  copie  ;  pour  les  deux  autres,  nous  avons  l'origi- 
nal. Il  convient  d'ajouter  à  cette  liste  un  mandement  au  comte  de  Com- 
mingps  (Mesley,  8  août  1463),  dont  il  ne  subsiste  qu'une  traduction  en 
catalan  {ibid.,  p.  215,  note). 

2.  De  la  lettre  V,  il  existe  aux  archives  de  Barcelone,  outre  l'original 
publié  ci-dessous  à  son  rang,  une  traduction  catalane  classée  par  erreur 
à  l'année  1459  (Carias  Reaies,  1455-1462,  f"  155).  La  même  erreur  de  clas- 
sement a  été  commise  h'ftî'rf.,  f"  ],")3)  pour  une  copie  de  la  réponse  de  la 
reine  Marie  d'Aragon  à  Charles  VII,  document  qui  semble  bien  d'ailleurs 
se  rapporter  à  la  même  démarche.  Cette  lettre,  qui  n'est  pas  datée,  est 
ainsi  conçue  :  «  Uona  Maria,  etc.  Al  molt  ait  e  molt  excellent  princep  don 
Karles  per  la  gracia  de  Deu  rey  de  Ffrança,  nostre  molt  car  e  molt  amat 
cosi,  sainte  creximent  de  honor.  Molt  ait  e  molt  excellent  princep,  nostre 
molt  car  e  molt  amat  cosi,  vostra  letra  havem  rebuda  per  la  recomen- 
dacio  de  les  galees  de  vostre  argenter  e  altres  fustes,  mercaders  e  merca- 
derics  de  vostres  vassals,  a  laquai  vos  responem  que  nos  sempre  havem 
haut  e  haurem  de  bona  vohintat  en  rccomendacio  e  havem  tractât  e 
tractarom  favorablement  les  dites  galees  et  altres  fustes  et  los  mercaders 
vostres  vassals  c  les  mercaderies  de  aquelles,  axi  com  si  eren  coses  del 
dit  illustrissimo  senyor  le  senyor  rey,  raarit  e  senyor  nostre  molt  car,  car 


MELANGES  ET   DOCUMENTS.  59 

vrai,  particulièrement  active,  mais  dont  il  est   précieux  aussi 

de  relever  les  traces  à  divers  titres  et  en  raison  surtout  du  rôle 

assumé  par  son  successeur. 

Joseph  Calmette. 

I. 

Charles  VII  au  Sage  Conseil  de  Barcelone. 

Missive  contenant  copie  d'une  lettre  du  même  à  la  reine  d'Aragon.  Tours, 
9  février  [14.'J9]  (Arch.  mun.  de  Barcelone,  Cartas  Reaies,  14UU-1411*, 
orig.  pareil.) 

Charles,  par  la  grâce  de  Dieu  roy  de  France.  Très  cliiers  et 
bien  araez.  Nous  escripvons  présentement  à  nostretrés  chiére  et 
très  amée  cousine  la  royne  d'Arragon,  en  faveur  de  frère  Guigue 
de  Veauclie,  commandeur  de  IHospital  Saint- Antoine,  en  la  cité 
de  Barselonne,  en  la  forme  qui  s'ensuit  : 

A  très  liaulte  et  puissant  princesse  Marie  par  la  grâce  de  Dieu 
royne  d'Arragon,  nostre  très  chiére  et  très  amé  ^  cousine 
Charles,  par  icelle  raesme  grâce  roy  de  France,  salut  et  très 
entière  dilection. 

Très  chiére  et  très  amé  cousine.  Frère  Guigue  de  Veauche, 
natif  de  nostre  royaume,  commandeur  de  THospital  Saint- An- 
toine de  vostre  cité  de  Barselonne,  nous  a  donné  a  entendre  que, 
jaçoit  ce  que  le  dit  bénéfice  et  commanderie  lui  ait  esté  bien  et 
justement  conféré,  lui  corapète  et  appartiengne  et  en  ait  ja 
par  long  temps  joy,  que,  à  l'occasion  de  certaine  ordonnance, 
que  dit  avoir  esté  faicte  de  nouvel  en  voz  pays  et  seigneuries, 
que  doresenavant  aucun  n'y  pourra  tenir  ne  avoir  bénéfice  s'il 
n'en  est  natif,  laquelle  ordonnance  a  esté  faicte,  comme  l'en  dit, 
à  l'occasion  de  certaine  course  que  l'en  dit  avoir  esté  faicte  par 
aucuns  de  noz  gens  de  guerre  en  aucunes  parties  de  voz  pays, 
laquelle,  se  faicte  a  esté,  a  esté  à  nostre  desceu  et  grand  deplai- 
sance,  ledit  frère  Guigue  double  que,  pour  ce  qu'il  est  natif  de 
nostre  dit  royaume,  que  on  luy  vueille  mectre  ou  donner  aucun 

som  certa  aquesta  es  sa  voluntat,  e  confiam  vos  fareu  semblant  en  los 
vassals  del  dit  senyor.  E  sia,  molt  ait  e  molt  excellent  princep,  nostre 
molt  car  e  molt  amat  cosi,  en  vostra  guarda  et  protecio  la  Santa  Trinitat. 
Data...)). 

1.  Le  portefeuille  n'est  point  folioté. 

2.  Sic. 


60  ANNALES   DU   MIDI. 

empeschement  en  son  dit  bénéfice,  et  l'en  debouterpar  ce  moyen. 
Si  vous  prions,  très  chiére  et  très  amée  cousine,  que  ledit  frère 
Guigue  vous  veuillez,  en  faveur  et  contemplacion  de  nous,  avoir 
espécialement  recommandé  et  lui  laissez  tenir  et  posséder  son 
dit  bénéfice,  tout  ainsi  qu'il  a  faitjusques  a  présent  et  paravant 
ladite  ordonnance  faicte,  ainsi  que  souffrons  ceulx  de  voz  pays, 
lesquelz  souffrons  paisiblement  en  noz  royaume  et  seigneurie, 
et  vous  nous  ferez  tiés  agréable  plaisir  Nous  prions  Dieu  qu'il 
vous  ait  en  sa  saincte  garde.  Escrit  a  Tours  le  ix^  jour  de  fé- 
vrier. 

Si  vous  prions  très  acertes  que,  envers  nostre  dite  cousine 
veuillez  tellement  faire  et  vous  emploier,  que  ledit  frère  Guigue 
n'ait  en  sa  dite  commanderie  aucun  destourbier  ou  empesche- 
ment, soubz  umbre  de  la  dite  ordonnance  ou  autrement,  et 
qu'il  puisse  joir  entièrement  des  fruits  dicelle,  ainsi  que  font  en 
nostre  royaume  ceulx  qui  sont  des  pays  de  nostre  dite  cousine. 
Et,  en  ce  faisant,  vous  nous  ferez  plaisir.  Donné  à  Tours  le  neu- 

tiesme  jour  de  février, 

Charles. 

N.  PiCH  (paraphe). 

{Au  dos)  :  A  nos  très  chiers  et  très  amès  les  conseillers  de  Bar- 
celonne'. 

II. 
Charles  VII  au  Sage  Conseil  de  Barcelone. 

.Saiiit-Priest,  19  murs  [1445]  '   (Arcii.  muii.  do  Barcelone,  Cartas    Reaies, 
U11-U51.  f«  92,  orig.  pareil.) 

Charles,  par  la  grâce  de  Dieu  roy  de  France.  Très  chiers  et 
très  amés...3  le  contenu  d'icelles  et  aussi  avons  oy  maistre  Pierre 
Belaguier,  secrétaire  de  très  hault  et  très  puissant  prince  nos- 
tre... d'Arragon,  envolé  devers  nous  par  très  haut  et  très  puis- 
sant prince  nostre  très  chier  et  très  araé  cousin  le  roy  de  Na- 
varre...^ voz  lettres  et  aussi  par  la  créance  dudit  maistre  Pierre 

1.  On  lil('K.ili'!noiUau  dos  :  R.  a  vi.  do  nian;  any  MCCCCXXXVIIII. 

2.  Du  moins  la  pièce  est  classée  parmi  colles  qui  partent  ce  millésime. 

3.  Le  parcheiniu  est  troué  en  plusieurs  endroits.  Je  représente  les 
parties  enlevées  par  des  points. 

4.  Jean,  plus  tard  roi  d'Aragon. 


MELANGES    ET   DOCUMENTS.  61 

Bala^uier,  vous  requérez  que  vous  vueillons  donner  et  octroyer... 
mille  sextiers  de  fronaent  pour  la  provision  de  ladite  cité  de  Bar- 
salonne,  laquelle,  ainsi  que  nous  escrivez.,  est  pour  le  présent... 
habitée  et  y  afflue  grant  multitude  de  peuple,  tant  par  mer  que 
par  terre.  Et  combien  que  vous  ayons  en  bonne  et  singulière 
recommandation,  toutes  voyes,  pour  ce  que  nous  avons  esté  ad- 
vertiz  que,  en  nostre  dit  pais  de  Languedoc,  a  stérilité  de  blez 
l'année  présente,  ne  vous  pouvons  pour  le  présent  faire  res- 
ponse  asseurée  a  vostre  dite  lequeste,  mais  nous  avons  ordon- 
nez noz  amez  et  feaulx  conseillers  Tanguy  du  Chastel,  chevalier, 
nostre  conseiller  et  chambellan,  Jean  de  Jambes,  aussi  chevalier, 
sire  de  Montsoreau,  premier  maistre  de  nostre  hostel,  maistre 
Pierre  de  Reffuge  et  Jean  Hébert,  generaulx  conseillers  sur  le 
fait  de  noz  finances,  aler  en  nostre  dit  pays  de  Languedoc  pour 
estre  et  assister  de  par  nous  a  l'assamblée  des  gens  des  trois 
Estas  dudit  pais,  que  faisions  assembler  pour  aucunes  nos  af- 
faires, lesquelz  partent  présentement,  et  leur  avons  chargé  eulx 
informer  sur  ceste  matière,  et  se  en  nostre  dit  pais  de  Langue- 
doc a  habondance  ou  faulte  de  blez,  et  pouvez  envoyer  devers 
eulx,  et  ilz  vous  y  donneront  la  meilleure  provision  que  bonne- 
ment  faire   se  pourra.  Donné  a  Saiut-Priet   en   Daulphiné,    le 

XlXe  jour  de  marc. 

Charles. 

De  la  Loere. 

{Au  dos)  :  A  noz  très  chiers  et  grans  amis  les  conseillers  de  la 
cité  de  Barsalonne. 

IIL 

Charles  VU  au  Sage  Conseil  de  Barcelone. 

Montils-los-Toiirs,  12  mars  [1447]  (Arch.  inun.  de  Barcelone,  Cffr^a5 
Reaies,  1447,  f»  151,  orig.  parch.) 

Charles,  par  la  grâce  de  Dieu  roy  de  France.  Très  chiers  et 
bien  amez.  Nostre  très  chiére  et  très  amée  compaigne  la  royne 
nous  a  fait  remonstrer  que,  puis  aucun  temps  ença,  elle  a  en- 
voyé aucuns  de  ses  serviteurs  par  devers  très  haulte  et  puis- 
sante princesse,  nostre  très  chière  et  très  amée  cousine  la  royne 
d'Arragon.  pour  lui  remonstrer  les  droiz  et  places,  terres  et  sei- 
gneuries de  Concentane.  Borgia  et  Magailhon,  ei  aussi  lui  requé- 
rir paiement  de  la  somme  de  cent  mille   florins   d'or  restans  à 


62  annai.es  du  midi. 

paier  de  cent  soixante  mil  florins  du  dot  de  feue  la  royne  Yoland 
de  Cécile,  que  Dieu  absoille,  raére  de  nostre  dite  compaigne,  et 
pour  ce  que  nostre  dite  compaigne  ne  peut  dés  lors  avoir  res- 
ponse  ne  expedicion,  elle  renvoyé  présentement,  par  devers 
nostre  dite  cousine  la  royne  d'Arragon  et  par  devers  très  liault 
et  très  puissant  prince  nostre  très  chier  et  très  amè  cousin  le 
roy  d'Arragon,  nostre  araé  et  féal  conseiller  et  raaistre  de  nostre 
hostel  Regnault  Girard,  chevalier,  et  nos  bien  amez  Brunet  de 
Longchamp,  escuier,  nostre  escliançon,  maistre  Jean  de  Vaulx, 
nostre  juge  de  Montpellier,  et  Estienne  de  Vernois,  son  argen- 
tier', instruiz  des  droiz  de  nostre  dite  compaigne,  en  entencion 
d'avoir  sur  ce  finale  conclusion.  Et  vous  prions,  tant  acertes  que 
pouvons,  que,  en  faveur  de  nous  et  de  nostre  dite  compaigne, 
vueillez  pourchacer  et  faire  de  vostre  part,  envers  nostre  dite 
cousine  d'Arragon  et  nostre  dit  cousin  de  Navarre,  que  les  places 
et  sommes  dessusdites  soient  délivrées  et  paiées  a  ses  diz  amba- 
xadeurs,  eticeulx  benignement  oys,  et  faire  par  manière  qu'ils 
ayen^  bonne  et  briefve  expedicion.  Et  vous  nous  ferez  bien 
grand  plaisir.  Donné  aux  Montils,  prés  de  nostre  ville  de  Tours, 

le  XII«  jour  de  mars. 

Charles. 

De  la  Loere. 

{Au  dos)  :  A  nos  très  chiers  et  bien  amez  les  conseillers  de  la 
cité  de  Barcelonne  '. 

1.  C'est-à-dire  argentier  de  la  reine  de  France.  Celle-ci  a  écrit  également 
au  Sage  Conseil  une  lettre,  en  date  du  13,  conçue  dans  des  termes  ana- 
logues à  ceux  de  la  lettre  de  Charles  VII  (ihid.,  i°  152). 

2.  Hic. 

3.  On  lit  en  outre  au  dos  :  R.  al  rey  Charles  de  Franra  a  XV.  de  iiiaig, 
any  MCCCC.XLVII.  —  .J'ai  exi)Osé  la  négociation  à  laquelle  se  rapporte 
cette  missive  dans  un  article  iulitulé;  Un  épisode  de  l'histoire  du  lîous- 
sillon  au  temps  de  Charles  Vil,  paru  en  1900,  dans  la  Revue  d'histoire 
et  d'archéologie  du  Roussillo»,  t.  I,  p.  7  et  suiv.  Outre  la  lettre  de  Char- 
les VU  transcrite  ici  même  et  la  lettre  de  Marie  de  France  citée  à  la  note 
précédente,  j'ai  retrouvé,  depuis  la  publication  de  cet  article,  la  réponse, 
soigneusement  évasive,  de  Marie  d'Aragon.  Cette  réponse,  en  date  du 
y  juin  1417,  figure  en  original  dans  un  manuscrit  du  fonds  Libri  (Bibî. 
nat.,  Nouv.  acq.  franc.  l.")177,  f"  1).  En  1451,  la  cour  de  France  renouvela, 
sans  plus  de  succès  d'ailleurs,  les  mêmes  revendications.  (Arch.  nat.. 
J.  917,  n»  1).  Quant  à  l'ambassade  de  1417,  elle  était  arrivée  à  Barcelone  le 
11  mai  pour  en  repartir  le  11  juin  {Dietari  del  conseil  barceloni.  t.  II, 
p.  1«).  [.es  trois  villes  réchunécs  jiar  Charles  VII,  Concentania,  Borja  et 
Magailon,  sont  aujourd'hui  comprises,  la  première  dans  la  province  d'Ali- 
cante  et  les  deux  deruières  dans  la  province  de  Saragosse. 


MÉLANGES   ET   DOCUMENTS.  63 

IV. 

Le  dauphin  Louis  [Xl\  au  Sage  Conseil  de  Barcelone. 

Koiiians,  31  mars  [1447].  (Arch.  mun.  de  Barcelone.  Carias  Reaies, 
1441-1457,  f°  148,  orig.  papier.) 

Loys  ainsné  fils  du  roy  de  France,  daulphin  de  Viennoys.  Très 
chiers  et  bien  amez.  Puis  aucun  temps  ença,  nostre  très  re- 
doubtée  dame  et  mère  a  envoyée  devers  très  haulte  et  très 
puissant  princesse  nostre  1res  chiére  et  très  amée  cousine  la 
royne  d'Arragon'  aucuns  de  ses  serviteurs  et  officiers  pour  recou- 
vrer certaines  terres,  seigneuries  et  paiement  de  certaines  som- 
mes de  deniers  qui  iuy  appartiennent  es  roiaumes  d'Arragon, 
Valence,  Cathaloigne  et  autres  seigneuries  de  très  hault  et  puis- 
sant prince  nostre  très  chier  et  très  araé  cousin  le  roy  d'Arra- 
gon2,  tant  par  droit  de  succession  que  a  cause  de  certain  trans- 
port a  elle  fait  par  feue  nostre  très  chiére  mère  et  ayeule  Yolant, 
royne  de  Secile,  sa  mère,  que  Dieu  assoille,  et  pour  ce  que  lors 
nostre  dite  cousine  ne  peut  faire  response  final  auz  serviteurs  de 
nostre  dame  et  mère,  et,  pour  abregier  la  chose,  elle  a  envoyé 
devers  nostre  dit  cousin,  lequel,  comme  avons  sceu,  a  escript  a 
nostre  dite  cousine  et  aussi  a  très  haut  et  puissant  prince  nostre 
très  chier  et  très  amé  cousin  le  roy  de  Navarre  ^  son  frère  et 
lieutenant*,  que  les  dites  terres,  seigneuries  et  sommes  de 
deniers  ils  fassent  délivrer  a  nostre  dite  dame  et  mère,  pour 
laquelle  cause  elle  renvoie  présentement  par  devers  nostre  dite 
cousine  et  cousin  de  Navarre  ses  ambassadeurs  et  serviteurs, 
officiers  de  monseigneur  et  d'elle,  instruiz  de  ses  dits  droiz,  en 
intencion  d'avoir  sur  ce  final  conclusion,  et  délivrer  ses  dites 
seigneuries  et  sommes  de  deniers,  comme  raison  est,  et  qu'ilz 
aient  regard  a  ce  que,  de  la  part  de  nostre  dite  mère  et  ayeule, 
nostre  dite  dame  et  mère  est  yssue  de  l'ostel  d'Arragon  :  vous 
savez  que  son  fait  est  le  nostre  et  nous  touche  comme  a  elle,  et 

1.  La  reine  Marie. 

2.  Alphonse  V  le  Magnanime,  roi  d'Aragon  et  des  Deiix-Siciles. 
-3.  .Jean,  plus  tard  successeur  d'Alphonse  sur  le  trône  d'Aragon. 

4.  Aliihonse  Y.  qui  vivait  en  Italie,  avait  confié  le  gouvernement  de  ses 
Etats  patrimoniaux  à  sa  femme  et  à  son  frère, 


64  ANNALES    DU    MIDI. 

que  par  droite  succession  la  chose  nous  doit  appartenir  après 
son  trespas.  Pourquoy  nous  vous  prions  tant  acertes  que  plus 
pouons  que,  en  faveur  de  nous,  vueillez  pourchassier  de  vostre 
part,  envers  nostre  dite  cousine  d'Arragon  et  nostre  dit  cousin 
de  Navarre,  que  les  places  et  sommes  de  deniers  dessus  dites 
soient  deslivrées  et  paiées  aux  ambassadeurs  de  nostre  dite  dame 
et  raére.  eticeulx  benignement  oys,  et  faire  par  manière  qu'ilz 
aient  bonne  et  bresve  expedicion.  Et  vous  nous  ferez  très  grant 
et  agréable  plaisir.  Très  chiers  et  bien  araez,  Nostre  Seigneur 
soit  garde  de  vous.  Escript  à  Romans,  le  dernier  jour  do  mars. 

LOYS. 

BOCHETEL. 

{au  dos  :)  A  nos  très  chiers  et  bien  amez  les  conseillers  de  Bar- 
selonne. 

V. 
Charles  Vil  au  Sage  Conseil  de  Barcelone  et  aux  députés . 

Villedien,  17  octobre  14r)l  (Arcli.  mun.  de  Barcelone,  Carias  Reaies, 
1441-1454,   f"  282,  orig.  parch.). 

Charles,  par  la  grâce  de  Dieu  roy  de  France.  Chiers  et  grans 
amis.  Nous  vous  avons  par  plusieurs  fois  escript  en  faveur  de 
nostre  amé  et  féal  conseiller  et  argentier  Jacques  Cuer.  touchant 
ce  que  le  dit  Jacques  Cuer  avoit  rendue  sa  personne  en  arrest 
devers  nous  et  tous  ses  biens  en  nostres  mains,  jusques  a  ce 
qu'il  fust  justifié  d'aucunes  choses,  dont  aucuns  le  vouloient  char- 
gier  a  son  deshonneur',  vous  priant  que  les  galées  et  autres 
fustes  de  France,  ou  nostre  dit  argentier  et  plusieurs  autres  no- 
tables marchans  de  nostr.3  royaume  ont  leurs  biens,  deniers  et 
marchnndiscs,  voulsissiez  ensemble  les  patrons,  marchans  et  au- 
tres gens  estans  en  icelles.  avec  leur  robe,  deniers  et  marchan- 
dises, traicter  et  faire  traicier  le  plus  favorablement  et  aima- 
blement que  pourriez  :  lesquelles  choses  contons*  fermement 
que  vous  avez  fait  et  soyez  toujours  en  voulenlé  de  faire  pour 
amour  et  contemplacion  de  nous.  Toutesfoiz.  il  a  esté  rapporté 


1.  Passage  intéressant  en  ce  qui  concerne  Jacques  Cœur. 
2.  Ms.:  Cotons. 


MÉLANGES   ET    DOCUMENTS.  65 

par  deçà  que  aucuns,  estans  sur  la  mer  es  marches  de  par  delà, 
se  sont  esforcez  et  veulent  esforcer  déporter  dommaigeaus dites 
galées  et  fusles.  Et  pour  ce  que,  comme  avons  escript,  nous 
avons  grant  désir  et  affection  a  l'entretenement  des  dites  galées 
et  au  fait  do  la  marchandise  qui  se  conduit  par  le  moien  d'icel- 
les,  et  que  l'empeschement  qui  leur  pourroit  estre  donné  seroit 
grant  domraaige  à  la  chose  publique  et  la  destruction  de  notre 
dit  argentier  et  de  plusieurs  autres  marchons  de  nostre  dit 
royaume  et  a  nous  très  grant  despiaisir;  nous  vous  prions  et  re- 
quérons de  rechief,  le  plus  affectueusement  que  pouons,  que  les 
dites  galées  et  fusles,  e/iserable  lesdits  deniers  et  marchandises 
et  autres  gens  estans  en  icelles,  veuillez  traicter  et  faire  traic- 
ter  en  toute  amitié  et  faveur  et  ne  souftVir  faire  a  eulx  ni  a  leurs 
dits  deniers  et  marchandises  aucun  erapeschemenl  ou  destour- 
bier  en  corps  ne  en  biens,  en  aucune  manière;  mais  s'aucune 
chose  leur  esioit  faicte  au  contraire,  la  vueillez  faire  reparer  et 
raectre  a  plaine  délivrance,  en  leur  donnant  tout  confort  et  aide, 
ainsi  que  vouldriez  que  feissions  pour  les  vostres  en  cas  sembla- 
ble et  greigneur.  Et  vous  nous  ferez  très  agréable  et  singulier 
plaisir.  Donné  à  Villedieu  le  dix  septiesme  jour  d'octobre. 

Charles 

De  la  Loere. 

{au  dos:)  A  nos  obiers  et  grans  amis  les  conseillers  et  députés 
de  la  cité  de  Barcelone'. 


II 


UN    CONTRAT    DE   MARIAGE   GASCON  DU    XV»   SIECLE. 

L'acte  que  nous  reproduisons  plus  loin  est  conservé,  sous  le 
numéro  14526,  dans  les  Archives  du  Grand  Séminaire  d'Auch 
où  nous  avons  pu  en  prendre  copie  grâce  à  l'obligeance  de 
M.  Lalagùe.  Il  est  rédigé  sur  un  assez  grand  |)archemin,  me- 
surant 67  centimètres  de  haut  sur  42  de  large.  L'écriture, 
posée  et  régulière,  est  de   l'époque.   A  partir  de  la  ligne  62, 

1.  En  outre,  le  veiso  porte  cette  mention  ;  R.  al  senyor  rey  de  França  a 
XIII  de  noembre  del  any  RI.CCCCLI,  sobre   les  fustes  del  argenter. 

ANNALES   DU    MIDI.   —   XIX-  y 


66  ANNALES   DD   MIDI. 

l'encre  change,  ainsi  que  l'écriture  qui  devient  plus  cursive  ; 
ce  fait  justifie  ce  qui  est  expliqué  à  la  ligne  63  touchant  la  con- 
fection (le  la  charte. 

L'objet  de  l'acte  est  le  contrat  de  mariage  de  noble  Bertrand 
de  Navailles,  seigneur  de  la  Mothe-Pouilhon,  avec  demoiselle 
Agnete  de  Navailles,  fille  de  dame  Marguerite  de  Ciderac  et 
sœur  de  noble  Roger  de  Navailles,  seigneur  de  Sales  (6  octo- 
bre, 1445). 

A  la  suite  de  cet  acte  s'en  trouve  un  second,  qui  compte  dix- 
sept  lignes,  émane  du  même  notaire,  et  présente  un  change- 
ment d'écriture  identique  à  celui  que  nous  signalons  ci-dessus. 
Il  est  daté  de  «  Castanhons  »  (Castagnos,  canton  d'Amou), 
7  octobre  de  la  même  année,  c'est-à-dire  le  lendemain  du  jour 
où  fut  signé  le  contrat.  Il  relate  le  transport  de  Bertrand  de 
Navailles  audit  lieu  de  Castagnos,  pour  y  aviser  tous  les  fiva- 
tiers  absents  la  veille,  des  conditions  du  contrat  et  recevoir 
leur  serment.  Nous  jugeons  superflu  de  reproduire  cette  courte 
pièce. 

Ce  qui  fait  l'intérêt  de  la  charte  que  nous  donnons,  c'est 
avant  tout  qu'elle  offre  un  spécimen  de  la  langue  des  actes 
notariés  du  xV  siècle  dans  la  Chalosse  méridionale.  L'on 
n'a  publié  que  fort  peu  de  documents  chalossais  en  gascon. 
L'on  nous  saura  sans  doute  gré  de  présenter  celui-ci ^ 

En  voici  un  bref  résumé  :  1.  1-6  :  Énonciation  du  mariage. 

—  6-14  :  dot  à  Agnete  de  Navailles;  mode  et  termes  du  paie- 
ment. —  15-31  :  Cens  et  censitaires  qui  en  seront  la  garantie. 

—  31-40  :  Retour  de  dot;  gages  qu'en  donne  l'époux.  — 
40-51  :  Formules,  déclarations  et  serments  affirmant  la  soli- 
dité de  ces  conventions.  —  51-60  :  Les  fivatiers  présents 
jurent  fidélité  à  leurs  nouveaux  seigneurs.  —  60-4  :  Date. 

Georges  Mii.lardet. 


1.  Les  iUaliques  représentent  les  abréviations  résolues.  Nous  mettons 
entre  crochets  []  les  lettres  que  nois  avons  ju^^é  indispensable  de  sup- 
pléer, mais  qu'aucune  abréviation  n'autorise  paléoyraphiquenient  à  intro- 
duire. 


MÉLANGES   ET   DOCUMENTS.  &t 

[I]  In  nomine  domini  Amen.  Conegude  cause  sie  que,  en 
pre^enci  de  rai  woiari  et  deus  testimonis  ius  scriutz,  per  lo 
meyan,  intercession  et  voluntat  deus  très  nobles  et  po-[21deros 
senhov  et  done,  Moss.  lo  viscompte  de  Carmalh  et  de  Madone 
Ysabe  de  Fuix  sa  molher  senhor  et  done  de  Nabalhes,  es  stat  trac- 
tât, aiustat  et  acordat  matrimoni  enter  los  nobles  Madone  Mar- 
garide  de  Ciderac,  done  [3]  de  Sales  et  de  Frontuy  et  Rotger  de 
Nabalhes  son  flili  senhov  de  Sales  et  de  Frontuy  de  une  part,  et  lo 
noble  hondrat  escuder  Bertran  de  Nabalhes.  senhor  de  la  Mote 
de  Polhon,  d-Arricau,  et  de  Feugars,  en  sa  partide  [4]  d'aute. 
So  es  a-ssauer  :  que  losd.  Madone  Margaride  et  lod.  Rotger  son 
tilli,  de  lor  bon  grat,  an  dade  et  autreyade  Agnete  de  Nabalhes, 
fllhe  de  lad.  Madone,  sor  deud.  Rotger,  per  molher  et  per  spose, 
a  le  ley  [5]  de  Diu  et  de  Rome,  aixi  cum  Sancte  Gli^e  vol  et 
raane,  aud.  Bertran  de  Nabalhes,  senhor  que  dessw*.  Et  lod.  Ber- 
tran de  Nabalhes,  senhor  desus  dit,  de  son  bon  grat  se  es  dat'  et 
autreyat  per  marit  et  per  spos,  a  la  ley  de  ['ij  Diu  et  de  Rome,  si 
cum  Sancte  Glise  bou  et  mane,  a  lad.  Agnete  de  Nabalhes.  Et 
suber  lo  oontreyt  deud  matrimoni,  et  per  que  aquet  plus  gracio- 
sementz  et  amoroseme^ztz  se  ensegui,  los  suberd?7.3r  raay  et  fllh 
done  [7]  et  senhor  que  dessus,  que  an  promes  et  prometen,  dar 
et  pagar  en  dot,  et  per  nom  de  dot  de  maridatge  de  lad.  Agnete, 
molhe?'  deud «7  Bertran  de  Nabalhes,  senhor  susd.,  la  some  de 
sept  centz  franx  bordales.  [8j  Et  le  quoau  some  de  .\ii.c.  franx 
pi'ometon  et  prometen  losdiitz  Madone  Margaride.  et  Rotger  son 
fllh,  senhor  que  dessM5.  portar  et  pagar  audi/  Bertr.in  de  Na- 
balhes, senhor  prédit,  et  a-ssons  hertz,  ordenh  et  successors,  [9] 
per  aques  termis  qui-s  seguen  :  so  es  a-ssaber,  dus  centz  franx 
la  2  que  audiran  misse  nuptiau,  et,  per  cascun  an  après,  de  an 
en  an  annuaument  et  continuademen^  seguent,  cent  franx,  tant 
entrou  que  [10]  tote  led.  some  de  .vu.  c.  franx  sie  pagade.  Et, 
—  pagatz  que  seran  losd.  .u.c.  franx  deu  prnmer  paguement,  — 
fo  accordât,  enter  lesd.  partides,  sus  los  scincq  centz  restanti! 
de  qui  ansditz  .vii.c.  franx  bordales,  [H]  so  es  a-ssaber  :  que, 
per  lo  deflfalime^t  de  cascun  paguement  deus  scinq  centz 
franco;  los  suberd.  raay  et  fllh,  de  lor  bon  grat  et  unide  volun- 
tat, per  lor,  lors  hertz  et  successortz,  an  dat  et  assignat  ausd. 


1.  Charte  :  es  se  dat.. 

2.  =  lors  que. 


68  ANNALES   DD  MIDI. 

Bertran  [12]  et  Agnete,  marit  et  mo\\\er,  ei  a  lors  hertz,  ordenh  et 
successors,  per  cascun  deusd.  pajîuemé'wiz  annuaus  defalheniz, 
scinq  franca?  bordales  de  prjmfflu,  per  cascun,  et  per  tusteraps 
mes,  per  lod.  senhor  de  la  Mote,  son  hertz,  [13]  e<  successortz  de 
luy,  et  de  led.  Agnete  descendentz,  recebedors  et  culhidors,  a  la 
valor  et  raontanse  de  vint  el  sincq  franco;  bordales  de  prj'ras 
fius  per  totz  losd.  scinq  paguemewtz,  et  tant  entrou  que  seren 
fl4j  pagatz  pe?'  lod.  senhor  de  Sales  o  sons  hertz  et  successors  de 
tote  led.  some  de  .v.  c.  francx.  Et,  per  losquoaus  scinq  franx  de 
ipnm  flu  per  lo  deiïalhiment  de  cascun  paguement  annuaus,  et 
per  ios  .XXV.  f.  per  totz  losd.  [13]  paguementz  si  feytz  no  eren, 
cum  diit  es,  et  per  tote  led.  some,  expressément  Ios  an  mes  en 
lorpoder,  tiense  et  sasine,  so  es  assauer  :  Ios  homis,  caps-casaus, 
flus  et  fluaters  seguentz ,  losquoaus  dixon  que  edz  [16]  aben, 
et  lors  ancestres  senhovs  de  Sales,  et  aben  tengut  et  possedit,  en 
la  parropie  de  Castenhos',  so  es  a-ssauer  :  lo  casau  de  Gassie  de 
la  Cau,  lo  casau  de  lohan  deu  Besii,  lo  casau  de  Bidau  d-  Arrat, 
lo  casau  de  [17]  Avnauton  d-  Aret-Iusan,  lo  casau  de  Per  Arnaud 
deFortan,  lo  casau  de  1  Estele,  lo  casau  de  Per  Arnaud  de  Ca- 
saubon,  lo  casau  de  Lobainho,  lo  casau  de  Clauset,  lo  casau  de 
Buse,  lo  casau  de  Benga,  lo  casau  de  Sansoo,  [18],  lo  casau  de 
Passicoset,  lo  casau  de  Passicot,  lo  casau  de  Camp  perer,  totz 
losd.  homis,  casaus  et  flus  d-aqueiz,  tant  que  monten  losd. 
.XXV.  franx  et  lad.  some,  ab  tote  la  senhorie,  dretz,  et  deuertz 
que  [19]  aueu.  Et  suber  aquetz  losd.  Madone  Margaride  et  Rot- 
ger  son  filh  senhov  de  Sales,  per  lor,  lors  hertz  et  successors, 
ares  per  lasuetz,  et  lasuetz  per  ares,  despuys  lo  comensement 
deu  termi  prumer  per  pagar  losd.  v.  c.  [^0]  franx  bordales  en 
abant,  s-en  son  desbestitz  et  despartitz  deu  tôt  et  an  ne  ma«gs- 
vestitz,  sasitz,  posseditz  et  metutz  et  pausatz  en  lor  loc  et  cum 
a  berays  senhor  et  donc,  losd.  Bertran  de  Nabalhes  et  Agnete  sa 
[21]  molher  e^  lors  hertz,  ordenh  et  successors,  per  ne  far  et  dis- 
pausar  et  usar  cum  de  lor  propri  cause,  et  aixi  cum  hom  pot  et 
deu  far  et  usar  de  homis  subgetz  et  fiuaus,  balhatz  suber  co?2treyt 
de  matr^'raon^  et  per  [ti]  some  dotau,  e  schetz  que  arres  qu-en 
prenquen  no  sie  condat  per  usure,  ni  per  arnau,  ni  en  solution 
0  deduct/on  de  pague  ni  diminution  de  led.  some  de  scincq  centz 
franco;  bordales,  mas  ac  tenguen,    [23]  possedesquen  franque- 

i.  Casta^Tios-Souylens,  canton  d'Aniou   Landes). 


MÉLANGES   ET   DOCUMENTS.  C9 

ment,  cum  per  cause  dotau  assignade  cum  diit  es.  Et  an  promes 
et  antreyat  losd.  Madone  de  Sales  et  Rotger  senhov  de  Sales,  son 
fllh,  lad.  donation  et  assignation  aixi  per  lor  feyt[e]  thier  bone, 
(^24|  ferme,  estable,  de  lor  médis,  de  lors  hertz,  snccessors  et  de 
toî.es  antes  pe?'Sones  deu  mon,  qui,  pe?'  norae  de  lor,  question, 
perturbat?on,  impediment  los  y  fesse,  dar,  far,  o  meter  volos  o 
podosse  en  augune  muneyre.  [25]  Et,  en  lo  cars  •  que  per  lor,  o 
augun  aute  en  nome  de  lor.  ne  ère  feyte  demande  ni  question, 
volon,  aut'-eyan  losd.  may  et  fllh,  senhors  de  Sales  2,  que  fosse 
nulhee?^  de  nulhe  valor,  are  pe/-  lasuetz,  et  lasuetz  per  are,  et  no 
ne  [2G]  fossen  auditz  ni  escotatz  en  res,  abantz,  cum  dessus  es 
diit,  cum  p^^r  cause  dotau  et  per  amor  flliau  et  fraternau,  que  en 
vert  lad.  Agnet.e  valos  et  tengos.  Et,  per  aixi.  ne  los  prometon 
far  et  portar  bone,  ferme  garen-[27j-thie,  atau  garentbie  cmn 
hom  deu  et  es  tengut  de  far  et  portar  de  tau  donation  et  assigna- 
^eon  feyte  suber  co^treyt  de  matrmiowi.  Et  plus,  suber  lod.  con- 
treyt  de  matreraoni,  fo  arcordat  enter  lesd.  partides  so  [28]  es 
a-ssaber  :  que  si  lod.  senhor  de  Sales  o  sons  hertz  successors 
balheuen  et  pagueben  aud.  senhov  de  la  Mote  biu  estan,  —  o 
a-ssons  hertz,  successors  après  la  fin,  —  led.  some  de  scincq  centz 
franx  bordales  en  ung  pague-J29j  ment,  o  en  tant  cum  dessus 
son  noraiatz,  que,  —  feytz  los  paguementz  de  tote  lad.  some,  — 
lod.  senhov  de  la  Mote  et  sons  hertz  successors  relaxin  et  tornin 
'osd.  horais  et  fluaters  aud.  hostau  et  senhorie  de  Sales,  tôt  aixi 
que  de  [30]  lor  los  an  reeebutz  ;  totes  betz,  cum  diit  es,  que  los 
flus  et  autres  debers  qui  seren  reeebutz,  de  qui  lad.  some  sere 
pagade,  no  fosse  ni  podosse  esser  domandade  audi<  senhov  de  la 
Mote,  ni  a-ssons  hertz  et  successors,  ni  condat  en  [31]  solution  de 
pague,  de  to^  ni  de  partide.  Et  aixi  medw,  si  ère  cause  que  des- 
biencosse  deud.  matrtmoni  schetz  heret  —,  so  que  no  fera',  si 
Dius  platz  —,  en  aquet  cas,  losd.  homis  et  fluaters  tornassen 
aud.  senhov  et  hostau  [32]  de  Sales.  Et,  si  cas  ère  que  lod.  senhor 
de  Sales  0  sons  successors  pagassen  lad.  some  de  .v.  c.  franx 
bordales,  et,  erapres  aquetz  pagatz,  desbie  deud.  matrimoni 
schetz  heret  de  lor  descendut  et  engendrât,  lod.  senhov  de  133]  la 
Mote,  de  son  Ijon  grat,  en  quet  cas  assigne,  obligue  yppotheca 
per  ferm,  exprès  obliguement  et  assignation  de  torn  de  dot  de 

1.  Graphie  =:  caas. 

2.  Les  trois  mots  suivants  sur  un  grattage. 

3.  {Sic)  sur  grattage. 


70  ANNALES    DU   MIDI. 

maritlatge,  a  lad.  Agncte  sa  molher,  —  o  Rudit  Rotger  senhor  de 
Sales,  son  fray,  si  ère  [34^  no  ère,  o  adaquet.  o  ad  aquere  a  qui 
lod.  dot  et  some  de  .vu.  c.  franx  de  maridatge  deure  tornar  et 
estader.  —  suber  tôt  aquet  hostan  cauererie'  et  affar  de  la  Mote 
de  Pollîon,  hostaus,  teres  Ireytes  et 2  a  trer,  molins  |3oJ.  raoliars, 
flus,  rendes,  beys  causes  ons  que  ssien,en  tau  Cormo,  mwneyre  et 
condition  que  lad.  Agnete,  —  0  lod.  Rotger  son  fray,  si  ore  no 
ère,  o  aquet,  0  aquere  a  qui  led.  some  deud.  dot  deure  tornar  et 
estader,  —  an  ten-[36]  gossen.  possedissen  bonemewt  et  pasible- 
ment,  cum  for  et  costume  es  de  maridatge  en  la  biele  d-Acqx, 
ans  f  rs  et  costumes  d-Acqx.  Empero  fo  arcordat  enter  lesd. 
partides  que,  —  pagan  et  tornan  led.  some  de  dot  de  [37]  mari- 
datge. per  los  termis  et  paguementz  ai\i  que  aud.  senhov  de  la 
Mote  seren  statz  feytz,  après  que  d  sbingut  sie  deud.  matri- 
moni  —,  que  lod.  hostau,  teres,  molins  flus.  rendes,  beys,  causes 
deud.  senhov  de  la  Mote  fossen  qw/ttis.  [38].  Et,  en  lo  cas  que 
hom  no  pagasse  et  tornasse  lad.  some  de  torn  de  dot  de  mari- 
datge en  los  terrais  susd.,  que  led.  Agnete.  —  o  lod.  Rotger  son 
fray,  si  ère  no  cre.  0  a-jMe/,  0  aquere  a  qui  lod.  dot  de  maridatge 
deu  [39]  retornar  et  estader  —,  agossen,  tengossen  et  possedis- 
sen lauanidit  hostau,  cabarerie,  teres,  molins,  rendes,  beys, 
cause*  deud.  senhov  de  la  Mote  ab  totz  sons  dretz  et  deuertz  et  ab 
totes  sas  aperthienses  bonementz  et  passblementz,  [40]  cum  per 
cause  dotau,  sclietz  perde  ténor,  cum  for  et  costume  es  de  mari- 
datge en  la  biele  d-Acqx.  Asso  et  totes  et  sengles  les  causes 
susd.  an  manat,  promes,  autreiat  et  obligat  lesd.  p;irtides,  cas- 
cune  endret  si,  tenir  [41]  et  complir.  en  obligation  de  totz  et 
sencles  lors  beys  et  causes  raobles  et  no  moldes,  pre^eus  et  abie- 
dors,  ons  que  ssien,  per  totz  locx  et  per  tote*  senhovies.  et 
volentz  essev  destretz,  compellitz  et  penheratz  en  totz  et  sencles 
lors  beys  et  cause*,  [42]  per  thenir  et  far  tenir  tote*  et  sencles  las 
causes  en  la  présent  carte  contengudes  et  expressades,  ab  totz 
et  sengles  senhors  et  iudyos,  temporaus  et  de  glisi,  la  une 
senhov\Q  no  ce.ssan  ni  demoran  per  1-autre,  per  totz  locx  et  per 
totes  sen/tories  [43]  ons  lesd.  parthides  ne  seren  clamantz  o  ren- 
curantz,  o  cascune  de  lor  per  si,  aixi  cura  per  cause  conegude, 
degude,  iudyade,  et  en  raang  de  senhor  fermade,  schetz  tôt  senhor 


1.  {Sir)  cf.  ligne  ;W. 
W.  Sur  grattngc. 


MELANGES   ET   DOCUMENTS.  71 

reclam[ar] ',  renunciawt  a  totz  fors,  costumes,  stab-[441-liraentz, 
priuiletgi3S,  franquesses  et  usatges  de  locxs  et  de  teres,  feytz  o 
affar,  autreiatz  o  a-d-autreiar,  a  totz      ...2  bic,  cort.  appeu, 
clam,  se«/iorie,  pieytesie,    a  penhere  tort[e|,  a  totz   dies  cos- 
costumaus,  de  coselh  et  d-auocat,  a  tote  domant  [45]  de  libeu  0 
d-aute  petitïon  en  scri'ut,  a  toiz  feriatz  0  festiuaus,  a  totes  letres 
de  grâce  et  d-estat,  erapetrades  o  a  empetrar,  au  priuilegi  de 
crotz  prese  0  a  prener.  et  au  sant  passatge  d-outremar  et  a  tote* 
aute^  renunciatîons.  [461  enspeci'awmentz  et  expresse'  renuncian 
losd.  Madone  Margaride  et  Rotger  de  Nabalhes,  son  fllh,  senhors 
que  dessM5.  aus  dretz  qui  disen  que  donateon  pot  estar  reuocade 
per  ingratitut  0  imraensitat.  aus  dretz  [47]  qui  disen  que  dona- 
tion excédent  .v.  c.  diers  d-aur  no  bau  ni  thien,  si  no  es  insi- 
nuade  d-auant  iudge,  aus  dretz  qui  aiuden  aus  decebutz  otre  la 
mieytat  deu  iust  pretz,   a  la  condiUon  per  cause,  [48]  a  la  condi- 
teon  sclietz  cause  et  de  no  dreyturer  cause,  aus  dretz  qui  disen 
que  generau  renu?îciatîon   no  bau  ni   thien,  si  la  caw^e  no  es 
expressade  a  la  qt^oau  hom   enten  renu^ciar,  et  a  totz   autre* 
dretz  screutz  et  no  [49]  scriutz,  canonixs  et  ciuils,  au  beneflci  de 
diuision,  a   la  generau  costume  de  Gaschonhe,   a  lautantiqMe 
pre.se«cie,  a  1-autantique  «  hoc  itaque  et  utroqwe  »,  au  cenat- 
consul  de  la  ley  Euellian.  au  dret  qui  ditz  «  Rem  major.   [50] 
pcn.  »,  au  dret  qui  ditz  «  Si  qua  mulier...   »,  et  a  totz  autre* 
dretz,    leys,  fors,  costumes,  exeptions,   defen^eons,    cautheles, 
deffuy^e*,  subtilitatz,  ab  las  qwoaus,  o  ab  augune  de  las  qwoaus, 
podossen  anar  0  hier,  o  far  [51]  anar  o  hier  contre  las  cause*  en 
la  pre*ent  carte  coy^'tengudes  et  expre*&ades.  Et  per  mayor  fer- 
metat  que  [aye]^,  juran  cascune  parthide  de  lor  bon  grat  que 
contre  no  yran  en  negune  maneyre.  Et  aqui  medix  [S'a]   losd. 
Madone  Margaride  et  lod.  Rotger  senhors  de  Sales,  de  lor  bon 
grat,  dixon  que  quittaben  et  relaxaben  del  oblic  et  segrement  et 
de  totes  causes  que  lor  fossen  tengutz.  los  surno»^iatz  lors  [53] 
homis  et  flbaters  de  Castawhons,  aus  qui  son  presens  et  aus  abs- 
centz.  Et  mandan  aqui  mede*[a]  lohan  deu  Besin,  Bidau  de  Aret, 
Agassie  de  la  Cau,  a  Per  Arnaud  de  Forcau,  a  ArnaMton  de  Aret, 

1.  Usure. 

2.  Mot  de  trois  lettres  déchiré. 

3.  =  spécialement  et  expressément. 

4.  Charte  :  adff  p.  ê.  pron.  neut.  antécédent  du  que  qui  suit.  Cf.  lan- 
dais at  =z  cela. 


72  ANNALES    DU    MIDI. 

paropiantz  de  [34]  Castanhons,  lors  homis  sosmes  et  fibateys 
aqui  presens,  aixi  ben  aus  abscentz,  que  de-ssi  en  auant  recone- 
gossen,  los  totz  ensemps,  et  cascuw  per  si.  per  lor  senhor  et  done 
lod.  Bertran  de  Nabalhes  senhor  de  le  Mote  [55]  de  Polhon,  et 
led.  Agnete  sa  molher,  et  los  pagassen  et  responossen  de  totz 
lors  fins,  ceys  et  rendes  de  qui  a  le  montante  de  .xxv.  franx,  et 
deu  raan,  clam,  bic,  cort  de  totz  auies  dretz,  deuertz  qui  cren  tew- 
gutz  (56]  de  far,  ni  aben  acostu^nat  de  far,  audit  senhor  de  Sales, 
dabant  lo  temps  deu  présent  mairimom,  dona/ion,  assigna/ion 
per  lod.  senhor  de  Sales  et  sa  done  may  feyte*,  et  fessen  et  pres- 
tassen  segrement  de  tideutat,  que  [57]  sosmes  son  tengutz  de 
ffar  a  senhor^  a  1-auantd.  Bertran  de  Nabalhes  senhor  de  le 
Mote.  El,  fasen  asso,  losd.  Madone  de  Sales,  Rotger  senhor  de 
Sales,  son  fllh,  los  quittaben  et  relaxaben  lo  segrement  qui 
1-eren  [58]  tengutz,  et  los  remeten  per  totz  temps.  Encontinent 
los  auantd.  lohan  deu  Besin,  Vidau'de  Aret,  Gassie  de  la  Cau, 
Per  Arnaud  deu  Fortan,  Arnaiclon  de  Aret,  homis  et  fluaters 
susd.,  qui  aqui  eren  pre^ens,  dixon,  [39)  responon  que  edz  volen 
obedir  aus  manderaentz  a  lor  per  lod.  senhor  de  Sales  feytz,  et 
eren  prestz  et  apparelhatz  de  receber,  et  recebon,  en  tant  quant 
deben,  cum  a  lor  senhor  et  done  losd.  Bertran  senhor  de  le  Mote 
[60  et  Agnete  sa  molher.  Et.  de  totes  et  sangles  les  qwoaus  cau- 
ses, lesd.  partides  requerin  sengles  cartes,  o  tantes  quantes  mes- 
tier  ne  auren  ne  requerin.  de  une  ténor.  Asso  fo  feyt  a  Sales 
Pisoo  ',  lo  M-e  [61]  iorn  deu  mes  d'-Octobre.  1-an  mil  .IIII.  C.  XLV. 
Pre^entz  testimonis  fon  Guilhem  Arnawton  de  Sales,  bayle  deud. 
loc,  Guilhem  deu  Portau,  Guilhem  Arn^wd  deu  Portau  deCarmun, 
iuratz  de  Sales,  [62]  et  io  Ard.  de  Cassoarames,  notari,  codidiutor 
de  Maeste  lohan  de  Gassoaremes,  notari  public  de  Bonut^  et 
per  1-octoritat  imperiau,  qui  la  présent  carte  retenguo  et  enre- 
[63)-giste  et  per  autre  man  serte  en  queste  forme  publique  mete 
la  fe,  et  io  condiutor  susd.  —,  feyt  collateon  ab  1-original  deud. 
Maeste  Jolian  —,  la  senhe  et  son  sen-[64]-hau  costumât  y  pause. 
(Paraphe  :) 

1.  Siillcs|)issi\  canton  d'Ortiipz  (B.-Pyr.),  à  5  kilomùLres  de  Suult-do-Na- 
vaillcs.  —  Cf.  P.  Raymond,  Dict.  topof/r.  des  li.-Pyr.,  p.  155. 

2.  Bonnut,  canton  d'Orlliez,  à  (5  kiloinètrcs  d'Amou.  —  Cf.  P.  Ray- 
nioml,  op.  cit.,  p.  :j:!.  —  Bonnut  faisait  partie  de  la  Chalosse  et  delà  sub- 
délégatiun  de  Saint-Scver.  —  La  cliarle,  œuvre  de  notaire  chalossais,  et 
rédigée  en  Chalosse,  est  donc  un  document  exact  sur  la  langue  des  actes 
publics  de  ce  pays. 


MÉLANGES  ET   DOCUMENTS.  73 


III 


A    PROPOS    d'une    récente   EDITION    DE    GUILLAUME    ADER 

{.suite  *.) 


V.  2300  que  deu  hust  ei  l'eschascle  est  traduit  :  «  le  dernier  éclat 
échappé  au  tronc  ».  C'est  peu  exact.  Ascla  ou  eschascla  (cf.  Donjat, 
Lespy  et  usage  de  L.  S.),  c'est  refendre  du  bois  généralement  en  deux 
morceaux,  appelés  asclos  ou  échasclos.  Ici,  le  morceau  de  bois,  le  hust, 
c'est  Jupiter  et  les  deux  asclos  sont  :  Hercules  et  Dardan.  Ader  dit  par 
suite,  non  que  le  Gascon  est  le  dernier  éclat  du  tronc  Dardanus,  mais 
qu'il  est  la  deuxième  bùciie  de  refend  (que  Dardan,  Héraclès  et  Jupiter 
me  pardonnent)  de  la  souche  Jupiter;  et  que  la  première  bûche  (Dardan) 
s'étant,  si  j'ose  dire,  consumée,  c'est  à  la  seconde  (Hercule,  représenté 
par  Henri)  à  recueillir  l'héritage  de  la  première.  J'explique,  je  ne  traduis 
paa,  ce  serait  moins  facile,  à  moins  qu'on  ne  veuille  se  contenter  de  ce 
mot  à  mot,  fort  peu  respectueux  des  héros  et  des  dieux  :  «  car  de  la  sou- 
che, il  est  la  bûche  de  refend.  »  —  2317  amairj)iague  fort  dous  :  «  ca- 
resse tout  doucement.  *>  Pour  amaignaga,  cf.  Mistral  :  amaniaga  et  notre 
note  au  v.  1871.  —  Dous  est  adverbe  comme  souvent  encore  dans  la  lan- 
gue parlée;  dans  cette  facétie,  par  ex.,  où  un  touriste  demande  à  un  ber- 
ger des  Pyrénées  pourquoi  il  ne  siffle  pas  plus  fort  pour  faire  venir  ses 
brebis  et  où  celui-ci  lui  répond  en  le  regardant  : 

Ké  siularn  tout  dous 

Can  las  bèstis  soun  près  de  nous. 

—  2320  aut'ardent  ne  signifie  pas  «  haut,  ardent  ».  mais  «  aussi  ardent  » 
=  auta  ardent  et  cet  auta  commande  le  que  qui  commence  le  v.  2322.  — 
2326  arrephoita  signifie  »  replanter  »  et  il  serait  bon  d'indiquer  un  peu 
mieux  dans  la  traduction  qu'il  a  pour  complément  non  pas  liri,  mais 
casau.  —  2332  la  conducte  e  la  guise  =  la  conduite  et  la  direction  ;  cf. 
Dastros,  I,  267,  4.  Guisa  s'emploie  encore  à  L.  S.  dans  le  sens  de  <.<  con- 
duire, diriger,  mener  >>  :  guisa  tm  chibau  =  conduire  un  cheval  cf.  vv. 
311  et  974.  — 2331  apapachouat  figure  dans  Doujat  sous  la  forme  apa- 
payssouna.  — 2344  jjoï  de  hu  armes  ne  doit  pas  être  traduit  par  :  «  père 
des  armes  »,  mais  «  père  d'armes  »  [du  petit  Hercule],  de  même  qu'on 
dit  :  «  mère  de  lait,  »  —  2349  dab  desi  non  traduit  :=  «  avec  ardeur.  »  — 
2353  «  enfonce  profondément  et  fortement  sa  dent  et  son  dard.  »  —  2361 
suou  mentoun  =  «  sur  le  menton  »  et  non  «  sur  la  figure  »,  et  fait  allu- 
sion, à  en  juger  par  la  suite,  à  la  barbe  blanche  du  bragart  cabaillé  de 
la  souque  d'Eslarac.  — 2365  de  tous  nujos  é  pais  =^  a  de  tes  aïeuls  et 
pères.  T)  —  2371  «  le  feu  de  paille  »  implique  une  idée  de  brièveté,  de  vie 
éphémère  que  ne  veut   pas   exprimer  le    Gascon    :  «    ...    faire  flamber 

1.  Voy.  Annales,  t.  XVIII,  p.  209  et  357. 


74  ANNALES    DU    MIDI. 

comme  de  la  paille  aux  quatre  coins  du  monde...  »  —  2372  cors  = 
(i  coins  »  et  non  «  parties  »;  cf.  Mistral  :  cor  3;  Camélat  Piti-Piu,  p.  10  '■ 
«  At  pople  armiimhrém  lou  éras  coustumas  d'en  téms  é,  ras  leyéndas 
dét  cor  dét  hoiiéc.  »  —  2^379  qu'et...,  mettre  :  que-t...  et  traduire  :  «  qu'il 
te  grave...  »  —  2385-8  :  «■  Je  vois  d'un  Enée  le  fidèle  Acliate  quand  je  vois 
lo  Gascon  qui  suit  de  si  près,  les  armes  à  la  main,  Hercule  à  la  guerre.  » 
V.  2406  lous  Césars  :  il  ne  serait  pas  inutile  do  renvoyer  à  Mistral  s. 
v,  pour  qu'on  ijùt  se  rendre  compte  que  César  s'emploie  dans  le  Midi 
comme  nom  commun  avec  le  sens,  qu'il  a  ici,  de  «  vaillant  homme  ».  — 
2410  desperat  n'est  pas  traduit.  Ce  mot  n'a  rien  à  voir,  sans  doute,  avecle 
désespoir,  et  est  une  alléralion  de  desparat  (cf.  Mistral  :  despara)  = 
esp.  :  disparado  :  «  toujours  parti  en  guerre.  »  —  2444  le,  corr.  :  la.  — 
2454  lou  brabe  des  Césars  «  le  plus  brave  des  Césars  »  et  «  le  brave  des 
braves.  »  Ader  me  paraît  jouer  ici  sur  le  double  sens  de  César  comme 
nom  pi-opre  et  comme  nom  commun.  Cf.  Mistral,  s.  V  brave  où  l'on  trou- 
vera l'expression  :  brave  coum  César.  —  2460  à  la  note  à  ce  vers  et  pi)ur 
expliquer  que  le  cramail  soit  les  armes  parlantes  des  Caraman,  il  est 
dit  :  «  ..  comte  de  Caraman  (par  corruption  Carmaing  et  Cramail).  »  Il 
serait  plus  juste  de  dire  que  Caraman  est  une  forme  qui  doit  exister  quel- 
que part  de  cramail  <  caramail  <  caramanh  <  caraman.  —  2161-2  on 
a  peine  à  comprendre  qu'on  ne  comprenne  pas  des  phrases  aussi  simples  : 
«  enfumé  de  la  vertu  qu'allument  dans  son  cœur  ce  boute-feu  de  Mars, 
Uranie  et  Clio.  >  —  2470  beil  (?)  est  traduit  par  «  œil  »  qui  se  dit  pour- 
tant oueil  partout  ailleurs,  par  ex.  aux  vv.  572,  876,  979,  2537.  —  2471 
arrajous  {'radiolos)  n'a  pas  exactement  le  même  sens  que  array.  Ce 
n'est  pas  le  «  rayon  »,  c'est  le  «  rayonnement  »,  l'acte  de  rayonner,  de  ré- 
chauffer, lioutà-sà  l'arrajou.  c'est  se  mettre  à  l'endroit  où  le  soleil  darde 
ses  rayons,  chauffe  le  plus  —  2480  cariau  m'étonne.  Cette  forme  existe- 
t-elle  dans  le  patois  d'aujourd'hui?  En  somme.  Mistral,  le  seul  qui  la 
donne,  n'en  connaît  pas  d'autre  exemple  que  celui-ci  qui  pourrait  être  une 
coquille  pour  :  courau  —  graone  =  «  gravier  ».  —  2483-4  la  traduction 
n'est  pas  construite. 

V.  2b01  p lichens  ne  signifie  pas  «  puissance  »,  mais  «  puis  »  et  s'oppose 
à  are:  «  celui-ci  maintenant  a  le  bon  droit  et  [mis  il  n'en  a  guère.  » 
Cf.  Lespy,  5.  v°.  Fondeville,  Calvinisme,  v.  1470.  —  2508  «  cela,  c'est  être 
aussitôt  dedans  que  dehors,  à  la  façon  des  bohémiens  joueurs  ;  »  —  de  cartes? 
d'instruments  de  musique?  A  cette  époque,  joufjaire  doit  plutôt  indiquer 
un  jou(iur  do  cartes  ou  autres  jeux  de  hasard.  —  2518  ce  vers  ne  m'est  pas 
clair,  et  il  ne  me  paraît  pas  surtout  avoir  le  sens  qu'on  lui  donne.  Per 
l'un  et  j)er  l'autre  se  rapportent  probablement  à  costats.  «  Vous  enten- 
dez celui-là  [le  Gascon]  d'un  côté  et  de  l'autre  les  ligueurs.  »  Aiigits 
peut  encore  être  un  impératif  :  c<  entendez.,.  »  —  2520  ligne,  corr.  :  ligue, 
allusion  à  la  fois  à  la  Ligue  des  Grecs  contre  Troie  et  à  la  Ligue  des 
Ligueurs. —  2.523  Gracie,  corr.  :  Grecie:  c'esi  l'identification  qui  continue 
entre  les  Grecs  et  les  Ligueurs.  —  2537-39  nous  avons  ici,  si  nos  souve- 
nirs du  Musée  du  Prado  ne  nous  trompent  point,  le  portrait  physique 
fort  exact  de  Philippe  II.  Ce  prince  avait,  en  effet,  les  sourcils  très  rele- 
vés, les  i)ommcttes  rouges,  les  cheveux  roux  et  le  nez  quelque  peu  en 
forme  de  museau.  —  2542-3  ces  vers  font  sans  doute  allusion  aux  terri- 
bles maladies  dont  souffrit  Philippe  II  dans  les  dernières  années  de  sa 
vie,  qui  sont  aussi  celles  de  son  intervention  la  plus  active  en  Erance.  Il 


MELANGES   ET   DOCUMENTS.  75 

eut  les  reins  et  les  flancs  couverts  d'ulcèreb  et  fut  privé  de  l'usage  de  ses 
jambes.  — 25^0  ce  «  seignor  Cousconil  »  pourrait  être  le  fameux  général 
Alexandre  Farnèse,  qui  obligea  Henri  IV  à  lever  le  siège  de  Paris.  Parmi 
les  sens  de  Cousconil,  Mistral  en  enregistre  un  assez  grossier.  —  2547 
peu  mange  ou  per  la  punte  :  du  côté  du  manche  ou  du  côté  de  la  pointe. 
—  2548  Mistral  nous  apprend  qu'en  Provence  on  dit  généralement  :  lou 
(jrun  Caire;  il  devait  en  être  de  même  en  Gascogne.  —  Madril.  Cette 
forme  de  Madrid  est  curieuse  en  ce  sens  qu'elle  se  retrouve  dans  l'adj. 
madrileno.  De  plus,  les  paysans  des  environs  de  Madrid  et  même  les 
habitants  des  bas  quartiers  de  la  capitale  disent  los  Madriles  au  lieu  de 
Madrid.  —  2555  la  rnatèro  à  L.  S.  est  un  piège  à  oiseaux  fait  de  la  façon 
suivante  :  une  fosse  carrée  sur  laquelle  on  tend  comme  un  toit  une  motte 
de  terre  \viato]  munie  de  tout  son  gazon,  au  moyen  d'un  bâtonnet  verti- 
cal. Ce  bàlon,  en  sa  partie  infériiure,  porte  sur  le  pis7ial  ou  pisualh, 
morceau  de  bois  fourchu,  à  l'endroit  oii  les  deux  branches  de  la  fourche 
se  rejoignent,  ces  deux  branches  d'ailleurs  s'étendant  vers  l'intérieur  de 
la  fosse,  sur  le  vide.  L'oiseau  arrive,  voit  l'appât  au  fond  de  la  fosse,  se 
perche  sur  la  fourche,  fait  tout  basculer  par  son  poids  et  reste  prisonnier 
dans  la  niatcre.  La  meilleure  traduction  française  me  parait  être  '• 
<i  trappe.  »  — per  aciou  =  par  là-bas  ;  acy  =  ici.  —  2560  après  alUvme, 
une  virgule  et  non  un  point.  —  2561  lou  bieil  gelous,  c'est  Philippe..  — 
2565  Ce  sont  les  armes  de  Philippe  IL  avec  des  aigles,  qui  figurent  déjà 
dans  les  armes  des  rois  catholiques  et  ne  sont  pas,  par  suite,  d'origine 
impériale,  les  barres  ou  bâtons  d'Aragon,  les  lions  de  Castille  et,  enfin, 
trois  fleurs  de  lys;  cf.  Lafuente,  t.  IX,  p.  115.  Par  nostes  au  v.  2566, 
peut-être  Ader  veut-il  opposer  les  trois  lys  français  à  ceux  qu'avait  déjà 
Philippe  IL  —  2581  de  la  niique  deu  pan  v~  de  la  mie  du  pain  ».  —  2584 
berot  me  parait  une  coquille  pour  :  beroi — apechiou  pâturage.  «  Patus  » 
n'est  guère,  je  crois,  du  français  courant  ni  académique  —  2587  couei- 
tioue,  d'après  Mistral,  s.  v"  coutieu,  signifierait  «  inculte  »  en  Gascogne, 
sens  qui  conviendrait  fort  bien  ici  et  c^ue  nous  retrouvons,  à  peu  près, 
dans  Dastros.  I,  109,  595  sq.  : 

Tant  es  bertat  que  7nas  ploujados. 
Que  mas  brumos,  mas  arrousados 
Qu'azaygo'ùon  ton  camj)  coueytiou... 

«  ton  champ  stérile  »,  qui  le  serait,  du  moins,  sans  mes  arrosages.  —  2588 
d'après  le  contexte,  la  sarde  et  le  bailhac  ne  peuvent  guère  désigner  que 
des  herbes  ou  des  broussailles.  Le  baillac  doit  être  le  même  mot  que 
à  L.  S.  balhar,  et  une  autre  foi-me  de  balharc,  issue  d'une  simplification 
différente  du  groupe  final  rc.  Or,  à  L.  S.,  le  balhar  est  une  plante  four- 
ragère qui  resseuible  tellement  à  l'orge  que  les  paysans  disent  naïvement 
que  l'orge  est  la  femelle  du  balhar.  Citons  un  passage  de  Dastros  où  se 
retrouvent  la  brioue  et  le  baillarc,  I,  185,  686  sq.  : 

E  jou  [-t  bailli]  blat  rouget  é  groussaigno 
brioiJo,  segle  que  blat  espraigno, 
baillarc,  orch  coiiadrat  é primauc... 

Quant  à  la  sarde,  je  ne  la  trouve  ni  dans  Lespy,  ni  dans  Doujat;  mais 
M.  Jordana  y  Morales,  dans  son  lexique  intitulé  :  Algunas  voces  fores- 
taies...  (Madrid,  1900),  donne  sarda   comme  svnonyme  du  catalan  gar- 


76  ANNALES   DU   MIDI. 

rign.  et  la  snrda  désignerait,  (}n.  Aragon,  soit  des  buissons  de  certaines 
variétés  de  ciiênes,  soit  toutes  sortes  de  végétations  basses  et  rabougries, 
comme  celles  du  thym,  du  pinastre,  etc.  En  somme,  le  sens  général  qui 
conviendrait  bien  ici  est  celui  de  «  buissons,  broussailles  ».  Citons  le 
vieux  français  sart,  «  terre  stérile,  couverte  de  broussailles  »,  Godefroy  ; 
et  à  L.  S.  :  échartic  «  terre  défrichée  »,  qu'il  faut  peut-être  décomposer 
en  ex-  sart-  ic;  échartiga  :  «  défricher  »,  opération  qui  consiste  surtout 
à  enlever  buissons  et  broussailles.  —  [halhnrk  (dans  les  Landes,  parfois 
avec  substitution  de  suffixe  :  balhart)  =  «  paumelle,  baillarge  ».  Sur  ce 
mot,  dérivé  de  balearicum,  voy.  A.  Thomas,  Mél.  d'étymol.  franc., 
p.  27.  —  L'on  a  peut-être  donné  par  extension  le  nom  de  bailhark  à  cette 
herbe  improductive  dont  l'épi  ressemble  à  un  épi  d'orge  et  que  l'on  intro- 
duit par  plaisanterie  dans  la  manche  des  gens  :  il  est  très  difficile  de  s'en 
débarrasser.  A  Bordeaux,  les  gamins  appellent  cette  herbe  «  des  voleurs  ». 

—  sarde,  catal.  sardônica  f.  a  herba  que,  menjada  ô  bégut  lo  such  de  ella, 
obliga  â  fer  gestos  corn  de  riiirer,  y  causa  la  mort  ab  ells  »  (Labernia).  — 
Comme  le  v.  fr.  sarde  =  sardoine  (v.  Godefroy),  ce  doit  être  le  mot 
en  question.  Le  caractère  dangereux  de  la  sardônica  convient  au  sens 
du  contexte.  —  G.  M.].  —  •2589-90  «  qu'il  ne  s'étonne  pas  si  des  brebis, 
agneaux,  taureaux,  beaux  moutons,  il  ne  voit  plus  que  les  peaux.  »  Les 
bergers  ont  mangé,  fait  disparaître  le  reste,  en  lui  disant,  sans  doute, 
que  le  bétail  est  mort  de  maladie,  et  en  en  conservant  la  peau,  comme 
c'est  d'usage  dans  ce  cas-là.  —  2591  niajouraus  «  bergers  chefs  »  ici.  — 
La  vieille  édition  donne  : 

que  d'aquets  inajouraus  s'et  aff'raire  sa  toque 

«  car  s'il  associe  ses  troupeaux  avec  de  tels  bergers  »,  sens  qui  me  satis- 
fait pour  ma  part.  M.  V.  corrige  en  :  s'et  s'affraire  et  s'atoque  et  intro- 
duit un  verbe  atouca  avec  un  sens  qu'aucune  note  ne  vient  justifier.  — 
2592  broque;  cf.  Dastros,  II,  68,  23-1  : 

E  poudiom  ana  a  l'aumoyno 
Dap  cadun  soiin  bastoiin  pelât. 

V.  2G07  arruha-s  ce  n'est  pas  se  précipiter  en  avant,  mais  :  «  se  héris- 
ser, hérisser  ses  plumes  »  comme  font  les  coqs  au  moment  de  se  battre. 

—  261ti  ses  failli,  omis  :  »  sans  manquer  [son  coup]  »  —  2617  d'un  coti- 
ratge  trop  grand,  omis  :  «  le  dernier  rejeton  au  trop  grand  cœur  de  l'ar- 
bre de  Dardanus  ».  A  m  liiis  qu'il  ne  faille  comprendre  que  le  loup  n'a 
fait  preuve  que  de  trop  de  courage  en  allant  tuer  Henri  III  au  beau  milieu 
de  toute  son  armée.  —  2622  per  courounai  dessus  «  pour  couronner  sur 
lui  »,  sur  son  dos,  puisque  le  Gascoun  est  à  cheval  sur  le  Dragon.  — 
26:iU  oilouhi  est  traduit  par  «  ensorceler  »;  «  fasciner  »  conviendrait 
peut-être  mieux.  Lorsque  on  rencontre  lo  loup,  si  le  loup  vous  voit  le 
premier,  vous  restez  enloubit,  c'est-à-dire  incapable  de  parler  et  de  mar- 
cher pendant  un  certain  temps.  C'est,  du  moins,  ce  que  croient  et  disent 
les  paysans.  Mon  oncle  m'a  plusieurs  fois  conté  que  cela  était  arrivé  à 
ma  grand'mère.  En  tout  cas,  aujourd'hui  qu'il  n'y  a  plus  de  loups,  enlou- 
bit cunlinue  à  s'employer  à  \j.  S.  au  sens  de  «  rester  sans  voix  et  sans 
mouvement.  »  —  2t>r/  Couscouil,  cf.  v.  25i5.  —  Baldeu  =  l'archiduc 
Albert  (?)  —  Escrig  enregistre  baldeu  avec  le  sens  de  «  cul  ».  —  2639  an, 
corr.  :  au.  C'est  l'emploi  bien  connu  de  l'article  devant  les  noms  de  per- 


MKLANGES   ET   DOCUMENTS.  77 

sonne  en  gascon.  On  pourrait  songer  à  an=:  a  en,  n'était  l'Henric  qui 
suit.  — <i641  ou,  corr.  :  0)1.  —  "^645  malese  «  l'ourré  »,  cf.  vv.  1576,  L'^GQ 
et  esp.  :  maleza.  —  2646  saubemai  «  chèvrefeuille  i>.  Pourquoi  ne  pas 
conserver  les  expressions  hardies  de  l'auteur?  Un  «  chèvrefeuille  »  de 
bons  fruits  est-il  bien  plus  étonnant  qu'une  «  fourmilière  »  de  blés? 
Le  chèvrefeuille  est  sans  doute  symbole  d'abondance  par  sa  végétation 
luxuriante  et  touffue.  De  plus,  nous  avons  ici  une  sorte  de  litanie  à  la  Gas- 
cogne, où  Ader  use  de  toute  la  liberté  d'expression  permise  dans  ce  genre 
de  prières.  —  2648-9  «  que  notre  Gascogne  soit  la  reine  secrète  »,  c'est- 
à-dire  :  qu'elle  soit  reine  sans  en  avoir  le  titre  officiel.  Y  aurait-il  là  quel- 
que allusion  à  quelque  maîtresse  gasconne  de  Henri  IV,  à  quelque 
Laure?  Ader  veut-il  dire  qu'en  donnant  à  Henri  IV  de  vaillants  soldats 
la  Gascogne  lui  donnera  ses  vrais  fils  et  sera  sa  vraie  femme,  quoiqu'en 
secret?  Je  ne  sais,  inais  le  sens  littéral  n'est  pas  douteux.  A  la  même 
époque  on  disait  que  le  prince  de  Condé  était  le  «  capitaine  muet  » 
(c.-à-d.  secret,  de  la  conspiration  d'Amboise.  Citons  encore  Dastros,  I, 
269,  14  «  yo  mudo  paraulo  »  —  2660  de  detras  ii7i  Barthas  «  de  derrière 
un  buisson.  »  Cf.  Doujat  :  «  bartns,  buisson,  broussaille  ».  —  Dastros 
fait  aussi  l'éloge  de  Du  Bar  tas,  I,  116,  811  sq.  —  2665-6  «  et  que  la  race 
de  ce  roi  gascon  durei'a  tant  qu'à  aucun  autre  au  monde  jamais  plus  il  ne 
fera  place  ».  —  2667-8  «  Ensuite  Vulcain  représente  sur  le  bouclier,  tout 
au  bord,  avec  des  replis  ondoyants,  la  mer  qui  va  et  vient.  »  —  2670  Naus 
ne  saurions  bien  comprendre  ce  vers  et  ce  passage  si  on  ne  nous  avertit 
pas  en  note  qu'il  est  un  poisson  de  mer  appelé  :  lou  rey ;  cf.  Mistral  s.  v". 
—  2672  coume  rei  :  jeu  de  mots  sur  le  double  sens  de  rei  :  1°  roi  ;  2°  pois- 
son de  mer  appelé  roi.  Le  mot  a  ici  les  deux  sens  à  la  fois.  Coume  rei  ne 
signifie  pas,  d'ailleurs,  «  comme  un  roi  »,  mais  «  comme  roi,  en  sa 
qualité  de  poisson  roi  ».  —  2686  «  que  finalement  de  tout  le  monde  ils  ne 
reçoivent  que  des  couronnes  ».  A  moins  que  en  fin  ne  soit  un  latinisme 
et  ne  signifie  :  «  jusqu'à  la  (in  »  qui  se  dirait  dans  le  pur  gascon  d'Ader  : 
«  dequie  la  fin  et  à  L.  S.  duico  la  fin  ».  —  2687  Ha  «  va  I  »  C'est  l'excla- 
mation pour  faire  avancer  les  bêtes  encore  aujourd'hui*. 


m.  —  Lou  Catounet. 

P.  183,  10.  Bei-in.  Cervantes  cite  cet  auteur  dans  le  D.  Quichotte, 
part.  II,  chap.  xxxiii  ;  «  Todo  cuanto  aqui  ha  dicho  el  buen  Sancho,  — 
dijo  la  Duquesa,  — son  sentencias  catonianas,  ô,  por  lo  menos,  sacadas 
de  las  mismas  entranas  del  mismo  Micael  Verino  ».  Voir  la  note  de  Cle- 
mencin  à  ce  passage.  Remarquons  que  Cervantes,  tout  comme  Ader,  asso- 
cie Caton  et  Verino.  Quant  à  la  vogue  du  Caton  en  Espagne,  ajoutons  à 
ce  que  nous  en  avons  déjà  dit  plus  haut  dans  I,  hitroduclion ,  que  le 
premier  livre  de  lectui-e  s'appelle  encore  là-bas  Catô?i  :  «  livre  composé 
de  phrases  et  de  périodes  courtes  et  graduées  pour  exercer  à  la  lecture  les 
débutants».  Acad.,  s.  v».  — «Pourquoi  ne  vas-tu  pas  à  l'école  ?  »  demande 

1.  J'ajouterai  à  ce  que  j'.ai  dit  à  propos  du  v.  1901  que  «  lou  bouymc  désigne  aujour- 
d'hui à  Aignan  (Gers  l'étui  en  bois  où  lo  faucheur  met  sa  pierre  à  aiguiser  la  faux.  Cet 
objet  a  passablement  la  forme  d'un  carquois  et  il  se  porte  le  plus  souvent  sur  le  bas-ven- 
tre, pendant  d'une  ceinture  » . 


78  ANNALES  DU  MIDI. 

dans  les  Cuenfos  color  de  rosa  de  Trueba  (xix"  s.)  un  riche  monsieur  à 
un  enfant.  «  Parce  que  je  n'ai  pas  de  quoi  acheter  un  Caton  »,  lui  ré- 
pond celui-ci.  —  P.  184,  3  s'empare  de  bous  signifie  exactement  :  il 
s'appuie  sur  vous.  —  P.  184.  1.  8  aue  pic  ou  pelade,  expression  relevée 
par  Doujat  s.  v»  pic.  Ce  sont  deux  façons  différentes  de  se  procurer  un 
morceau  de  quelque  chose  :  en  le  coupant  (pic)  ou  en  l'arrachant  {pelade). 

—  P.  184,  8  et  9  da  deu  pe...  da  deu  nas  :  ces  deux  expressions  se 
retrouvent  réunies  dans  Dastros,  II,  30,  8.  —  La  seconde  se  lit  encore 
dans  Dastros,  t.  I,  p.  iv,  v.  3,  et  est,  de  plus,  donnée  par  Doujat  s.  v  7ias 
avec  le  sens  :  «  hocher  la  tête,  rejeter,  mépriser  ».  —  P.  185,  1.  5  parla 
dab  sa  cohe,  cf.  Doujat  s.  v°  :  cofo  :  bol i  parla  d'an  sa  cofo,  je  veux 
parler  à  lui  tète  à  tète,  quand  on  veut  faire  des  reproches  à  quelqu'un.  »  — 
III,  4  à  rapprocher  Garros,  Hannibal,  104  : 

Aixi  tu  serviras  oey-mes  d'e>ise)'iament 

A  tots,  que  lo  maïc  hà  no  dura  longament... 

—  IV,  2  haubareu.  Il  est  probable,  en  effet,  que  le  sens  pri?nitif  de  hauba- 
reu  ou  aubareu  est  celui  de  «  hobereau  »,  oiseau  de  proie  (cf.  Mistral  • 
aubaJieu).  Cependant,  au  français  «  hobereau  »,  dans  ce  sens-là,  corres- 
pond dans  notre  auteur  Gefit.x.  224  houbreau,  ce  qui  laisse  supposer  que 
le  mot  ne  s'employait  plus  dans  le  domaine  d'Ader  avec  son  sens  propre  et 
primitif,  mais  avec  son  sens  figuré  et  dérivé  qu'il  a  encore  aujourd'hui  à 
L.  S.  de  «  écervelé,  bruyant,  tapageur  ».  Quiti  aubarèu!  quino  auba- 
rèlo!  dit-on  de  celui  ou  de  celle  qui  mène  grand  bruit,  surtout  dans  les 
auberges.  Par  suite,  la  traduction  qui  nous  paraît  convenir  le  mieux 
n'est  pas  «  pique-assiette  »  mais  «  casseur  d'assiettes  ».  Notons  que  Das- 
tros, I,  113,  706,  emploie  encore  haubaréou  au  sens  de  oiseau  de  proie, 
et  que  nos  deux  auteurs  lui  donnent  la  même  épithète  de  «  bolo-haut  ». 

—  V,  2-3  : 

Bési,  )iou-t  arridis  dou  rney  niau 
q'ùan  loii  mey  sye  bieil,  lou  tou  que  sera  )iai( 

Hourcadut. 

—  JX,  2  peut-être  serait-il  possible  et  utile  de  conserver  lo  subjonctif 
du  gascon  :  «  ...  n'en  puissent...  »  —  XI,  1-2,  l'esp.  dit  : 

sirve  à  sefior 

y  sabras  de  dolor. 

—  XIII,  2  esla-s-en  en  «  s'en  rapporter  à  »  s'emploie  oncore'aujonrd'liui 
et  l'on  trouvera  un  autre  exemple  de  cette  expression  dans  Dastros,  t.  I, 
p,  XII,  v.  12.  —  Je  traduirais  qu'en  haran  d'une  façon  i)lus  précise  par  : 
«  que  décideront.  »  Encore  aujourd'hui  à  L.  S.,  après  avoir  longuement 
parlé  d'une  atfaire,  on  termine  en  disant  :  é  bé,  qué-n  hèm?  «  hé  bien, 
que  décidons-nous?  »  —  les  getis  de  ben  sont  les  gens  de  bien  que  l'on  a 
pris  i)Our  arbitres  pour  tâcher  d'arranger  une  affaire  sans  aller  en  justice. 

—  XIV,  2  riche  poulenl  pourrait  bien  ne  pas  signifier  :  «  riche  et  opu- 
lent, mais  «  i)iiissammont  riche  ».  Noter  que  l'expression  usuelle  aujour- 
d'hui ilans  le  Gers  est  :  rich-opulén.  Nous  mettons  le  trait  d'union 
Itour  indiquer  que  ces  doux  mots  doivent  se  prononcer  d'une  haleine,  sans 
virgule.  Peut-être  on  était-il  de  même  de  riche-poutent.  En  somme,  il  ne 
s'agit  que  de  richesse  dans  ce  quatrain.  Dans  l'expression  bes  e  cabaus, 


MÉLANGES   ET   DOCUMENTS.  79 

bes  nie  paraît  signifier,  comme  aiijourd'lmi  à  L.  S.,  «  les  biens  immeu- 
bles »  et  cabaus  «  les  «  capitaux  »  ou  «  biens  meubles  ».  Cf.  Doujat  : 
Cahal.  —  XVIII,  2  empacha-s  «  se  tromper  »  aurait  besoin  d'une  note 
justificative.  Ce  mot  ne  signifierait-il  pas  plutôt  :  «  tarder  s>,  ce  qui  est  un 
gros  défaut  dans  les  dons  que  l'on  fait.  Empaches  dans  le  Gent,  v.  1397, 
est  employé  comme  synonyme  de  destrics,  au  sens  de  :  «  chose  qui 
entrave,  retarde.»  Cf.  Doujat,  empacli  et  empaches.  —  4.  Cf.  Le  Guide 
des  Gascons...  (Paris,  Garnier,  1858),  p.  171,  n°  11  :  «  un  bienfait  repro- 
ché n'est  compté  pour  rien  ».  —  XIX,  4.  Que  lampournè  remonte  à 
lampous)iè,  cela  est  encore  attesté  par  la  forme  lampoyiiè,  Garros,  Epist., 
I,  100  : 

leicha  ans  tauernés 

Ans  turliiretz,  marmytos,  Imnpoynes... 

Lo  descridat  mestie  de  gaynardiza. 

Quant  au  changement  de  s  en  y  devant  consonne,  il  se  retrouve  dans 
Garros,  et  il  est  fréquent  dans  toute  une  partie  de  la  Gascogne,  à  l'ouest. 
A  propos  du  changement  de  s  en  r  dans  lampouriié,  peut-être  pourrait-on 
citer  aux  vv.  9i39, 1379,  1477  eshalaiirit  qui  correspond  au  prov.  esbaluusit  ; 
galère  »  truie  mère  »  à  Cazères  (Landes)  à  côté  de  galese  (Lespy)  ;  dans 
la  trad.  gasconne  de  la  Disciplina  Clericalis  :  cordurey  pour  costurey 
(dans  Mistral  :  courdurié]  ;  dans  Uastros,  I,  178,  482  et  ailleurs  :  wrma 
pour  usma;  enfin,  et  surtout  (car  la  position  de  l's  est  ici  la  même)  : 
piiDiache  et  pusnache  dans  Lespy.  —  [Le  passage  de  s  k  r  devant  con- 
sonne se  produit  actuellement  dans  le  patois  d'Arrens  en  plusieurs  cas, 
notamment  devant  d  :  hé  sun  tur  dus  se  dit  couramment  pour  :  tus  dus, 
au  témoignage  de  M.  Camélat.  V.  Revue  des  patois  gallo-ronians ,  Ca- 
mélat,  le  Patois  d'Arrens  et  Réclams  de  Biar)i  et  Gascoiigne,  190-5, 
p.  124.  —  G.  M.]  —  Quant  aux  deux  radicaux  lamp  et  ramp,  je  note 
qu'ils  existent  aussi  bien  au  Midi  qu'au  Nord  et  avec  des  sens  sensible- 
ment voisins.  Nord  :  lamponner  et  raniposner ;  Midi  :  lampourna  et 
rampoutia  (Mistral)  ;  ce  dernier  avec  le  sens  de  «  cramponner  »  qui  n'est 
pas  très  loin  de  celui  de  lampourna,  s'il  est  vrai  que  les  cancaniers  soient 
facilement  bavards  et  les  bavards  facilement  crampons.  Avons-nous  là 
deux  radicaux  difterents  ou  deux  doublets  phonétiques  d'un  même  radi- 
cal ?  C'est  ce  que  nous  dira  sans  doute  un  jour  M.  J.  dans  une  addition 
à  son  suggestif  article  des  Annales,  XVII,  75.  En  attendant,  notons  dans 
Doujat  rampoyno  «  quelque  relique  de  fièvre  »  et  dans  Garros,  Egl.  7  : 

Si  beue  vos,  jo  n'e  que  de  rauipoyna 

et  dans  Dastros  (cité  par  Mistral,  s.  v  rampogno)  : 

Si)i  pan  7ii  car,  vin  ni  ramjjoino 

ou  rampoyna,  rarnpoino  semblent  signifier  «  de  la  piquette  ».  —  XX,  2 
d'humbles  parents  ne  te  font  pas  de  honte  »,  ne  sont  pas  pour  toi  un 
déshonneur.  Hèn  est  un  indicatif  et  non  un  subjonctif-impératif.  —  XXI, 
2  esburba-s  me  paraît  le  même  mot  que  le  vieux  français  :  s'esbriver.  — 
Remarquer  de  la  doun=  dou?i,  qui  se  retrouve  dans  Gent,  v.  2449,  dans 
Dastros,  I,  263,  14,  et  qui  est  donné  par  Doujat  :  de  là  oun  où,  auquel  lieu, 
en  quel  endroit  (sans  interrogation).  »  —  3  truque-taiilés,  cf.  Doujat  : 
«  truco-tauliés,  fainéant,  vaurien,  vagabond.  »  Le  sens  de  taulé  est  bien 


80  ANNALES    DU    MIDI. 

celui  que  nous  avons  fourni  à  M.  J..  et  qui  se  retrouve  Geiit,  v.  2100.  — 
Garros,  Egl.  G,  nous  dit  d'un  joyeux  compagnon  qu'il  se  fit  herniite  : 

...  aprop  aue  gaturlejat 

e  dam.  taiis  gens  com  et  bandolejat... 

triicat  taules,  heyt  deu  balandureu... 

—  4  enjourrit  à  L.  S.,  c'est  le  contraire  d'un  «  désgourdit  ».  c'est  un 
meurt-de-peur,  un  trenibleur.  Nous  retrouvons  ce  mot  uans  Dastros. 
I,  15,  218  sq.,  parmi  les  injures  que  l'été  adresse  à  l'hiver,  et  avec  le  sens 
bien  net  de  '  «  engourdi,  meurt-de-froid  »  : 

Mésjoii  é  bergouignasso  qui  m'auch 
m'eygrim'  ataii  contro  aqiiet  bauch 
coiïo-tisous  é  coïio-cene 
d'ijouer  que.  nou  bau  pas  lou  pêne, 
perdut,  eticheprit,  enjourrit, 
barbo-gilut,  barbo-lourit... 

M.  J.  a  eu  tort  d'assimiler  enjourrit  à  Venjaurit  de  Mistral  et  de  Dou- 
jat,  qui  se  retrouve  aussi  dans  Dastros,  II,  324,  1.  Il  faut  donc  traduire 
i<  enjourrit  »  par  :  «  engourdi  »  ou  terme  synonyme,  «  empaillé  »,  par 
exemple.  —  XXIV  cf.  Ilourcadut,  n»  213  : 

Dap  cen  chagris  nou  pnguéren  pas  n  dente. 

Le  Guide  des  Gascons ,  p.  171,  n"  9  :  «  cent  heures  de  chagrin  ne  paient 
pas  un  denier  de  dettes  ».  —  XXX,  2  arrebrec  :  c<  rebrec,  un  reste,  un 
hiiiUon  ;  rebrega,  chUXonnev;  rebregat ,  chilTonué,  liaillonné,  soupi  (?!  » 
Doujat.  —  XXXIII,  1  alielequade  Doujat,  s.  v»  aferlecat  renvoie  à 
afizoulat,  afusculat,  où  il  donne  un  sens  qui  justifie  la  traduction  de  M.  J. 

—  XXXV,  1-2  ces  deux  dernières  lignes  de  la  p.  225  doivent  être  reportées 
à  XXXIII,  v.  1-2.  —  3  car  rida,  «  quereller,  agacer,  harceler  »  (Doujat). 
Garros,  Egl.  8,  87  :  «  tarridu  los  talens,  »  éveiller  la  faim,  mettre  en 
appétit  ».  —  Id.  J.  César,  12  : 

U)i  tant  espauentos  miracle  de  natura 
me  turrida  lo  co  d'assaja  l'aventura 

«  m'incita  à  tenter  l'aventure  »  —  Id.  Epist.  1,  74  : 

...  leixa  aqcra  costuma, 
jterqe  l'amie  aixi  tu  perderes, 
e  l'enemic  qui  drom  tai'ridares 

V   ...  lu  réveillerais  l'ennemi  qui  dort.   »  —  XXXVII,  4   cf.   Hourcadut, 

""  ^-'-^  • 

Lou  qui  n'a  pas  di/iès  en  bousse 

Que  ca'à  abé  paraît  le  en  bouque. 
llita  Lill,  :i. 

(Jiiien  no  tiene  miel  en  la  orza  téugala  en  lu  boca. 

—  XXXVllI,  1  noter  le  sens  fort  curieux  de  niaynatjario  chez  Dastros. 
I.  ■',  11)  : 

Que  tiare  ses  jou  la  gario 
e  fout  auto  maynatjario, 

=  oiseau  de  basse-cour.  —  XXXIX,  3-4  cf.  Ilourcadut,  n"  107  ; 


MÉLANGES    ET    DOCUMENTS.  81 

Tan  ba  lou  péga  enta  la  ho/in 
qu'à  la  fi,  lou  tutou  qu-i  dantoure, 

mieux  présenté  à  L.  S.  : 

Can  ta  soubén  ban  à  la  hoim 

ke-y  dèchon  l'arrémèro  oxi  lou  tutoun. 

—  XLII,  3  letre-herits.  Dastros,  I,  70,  142  et  195,  4,  emploie  ce  mot  au 
sens  de  «  savant  »  sans  la  moindre  nuance  de  raillerie.  Garros  l'emploie 
en  bonne  part,  Egl.  5,  45.  Doujat  note  que  «  letroferit  se  dit  le  plus  souvent 
par  risée  ».  —  XLIII,  4,  àe  a  de  beres  on  peut  encore  rapprocher  :  a  de 
maies,  Gent,  vv.  1164,  1895,  et  a  de  passetenips,  ibid.,  v.  1894.  Cf.  un 
proverbe  français  qui  a  cours  dans  mon  pays  :  «  Amis  comme  deux  frè- 
res, mais  les  bourses  ne  sont  pas  sœurs.  »  —  XLV,  i  pèche  :  pour  ce  sens 
de  pèche  =  «  faire  manger,  nourrir.  »  Cf.  Dastros,  I,  45,  232  ;  112.  684  ; 
162,  12;  188,  791.  —  XLVIII  cf.  Hourcadut,  n"  31  : 

Lou  qui  né  tribaille  pas  pouri 
que  calera  que  tribailli  roussi, 

—  LU,  4  Hita,  620,  4  : 

Hace  andar  de  caballo  al  pedn  el  servicio. 

—  LUI,  4  arrouigne  peut  signifier  «  gale  «  dans  certains  cas,  par  ex. 
LXXXVIII,  4,  mais  je  crois  qu'il  a  ici  comme  Gent,  v.  1160,  son  sens  le 
plus  courant  de  «  crasse  ».  La  gale  n'attend  pas  d'être  vieille  pour  déman- 
ger. —  LIV,  4  «  tel  s'en  dit  [ami]  et  il  n'y  a  pas  à  s'y  fier  »  ;  «  dit  on  »  =: 
dits  O'iïi  ou  sa  dits  ou  sa  dits  om,  mais  jamais  se-7i  dits.  Cf.  X,  3; 
XXXIV,  4  ;  XXXIX,  3  ;  XLIV,  2  ;  XLIX,  4;  LUI,  3.  —  LVII,  4  bare.  On 
pourrait  ajouter  à  la  note  à  ce  vers,  pour  donner  raison  à  M.  J.,  des 
exemples  tirés  de  Hourcadut,  n"»  313,  584  et  de  Dastros,  passim.  Nous 
nous  contenterons  du  plus  caractéristique,  Dastros,  I,  3,  56  : 

Aro  pe)'  hé,  lou  mes  de  niay 
bava  suu  soun  d'un  branle  gay... 

—  LX,  4  qu'a  tu  =  qu'  e  a  tu  =  qu'  ei  a  tu  =  «  c'est  à  toi  ».  —  LXI, 
1  groiïa;  cf.  Gent.  v.  1317.  —  4  cf.  Hourcadut  n"  17  : 

lou  Ihéit  caut  que  hé  ?7iinya  la  soupe  réde, 

—  LXIII.  Le  début  de  ce  quatrain  est  interrogatif.  L'impératif  est  ^3re;î  et 
nonprenes.  Il  faut  donc  traduire  :  «  Avec  ta  femme  prends-tu  conseil  sur 
des  choses  qui  ne  vont  pas  plus  loin  que  la  maison?  [sur  des  affaires  de 
ménage,  d'administration  intérieure).  Si  ta  femme  sait  que  tu  as  fait  quel- 
que chose  de  mal,  c'est  une  affaire  réglée,  puis  touches-y  si  tu  l'oses  »  : 
que  je  n'entends  pas  au  sens  de  «  frappe  si  tu  oses  »,  mais  dans  celui  de 
«  touches-y  si  tu  oses,  soit  aux  affaires  intérieures,  soit  aux  extérieures  ». 
Elle  profite  du  fiasco  de  son  nu^ri  pour  lui  enlever  même  le  ministère  des 
affaires  étrangères,  si  j'ose  m'exprimer  ainsi.  Aquoi  prou  dit,  littérale- 
ment :  «  c'est  assez  dit  »,  s'emploie  à  L.  S.  au  sens  de  :  «  assez  causé,  ça 
suffit,  c'est  fini,  c'est  réglé,  c'est  une  affaire  entendue  »,  et  indique  soit 
un  accord  définitif,  soit  une  rupture  définitive  des  négociations.  —  LXV,  2 
«  encore  plus  qu'il  ne  leur  appartient,  qu'il  ne.  leur  est  dû,   qu'ils  ne  le 

A.NNALES    DU    MIDI.    —   XIÏ.  6 


32  ANNALES   DU    MIDI. 

méritent  ».  —  LXVI,  3-4  «  et  le  plus  souvent  tel  te  cachera  qui  du  doigt 
montrera  ta  cachette  ».  Notre  traduction  est  moins  poétique  que  celle  de 
M.  J.  qui  personnifie  le  méfait,  mais  nous  la  croyons  plus  naturelle  et 
plus  exacte.  Atau  =  <i  tel  »,  cf.  Cat.  LIV,  4  et  Lespy,  s.  v  1.—  LXVII,1 
trebulossis  ou  trehoulossis.  Lespy  donne  :  «  tribulossi,  tracas,  ce  qui 
donne  de  l'inquiétude  »,  qui  ne  peut  être  qu'une  autre  forme  du  même 
mot,  et  qui  doit  se  rattacher  à  trihula  (donné  encore  par  Lespy)  plutôt 
que  à  :  trihalh.  —  LXIX,  3-4  je  comprends  «  aux  noces  où  on  n'est  pas 
invité,  le  chapon  est  sans  queue  »  [par  où  on  puisse  le  prendre],  c'est- 
à-dire  :  «  qu'on  ne  tàte  pas  des  bons  morceaux  ».  Peut-être  s'agit-il  aussi 
des  poires  ou  pommes  cuites  appelées  capotis  et  que  l'on  attrape,  en 
effet,  par  la  queue,  que  l'on  a  soin  de  leur  laisser.  Sur  ce  sens  de  capou, 
outre  l'usage  de  L.  S.,  cf.  Lespy,  s.  v".  —  LXX.  i  prenes  parie  pourrait 
avoir  un  sens  plus  précis  que  celui  que  lui  donne  M.  J.,  à  savoir  : 
«  prendre  femme  »  ;  cf.  Lespy  :  lyarie  2  ;  Dastros,  I,  5,  114  et  ailleurs.  — 
LXXI,  4  toumeja.  Ajouter  à  la  note  de  M.  J.  :  «  et  tourna  se  trouve  Gent., 
Y_  890  ».  —  LXXV,  1  sie,  cf.  tzia,  Garros,  Egl.  4  v.  29.  —  4  «  tel  que  tu 
crois  vivant,  la  mort  l'eminène  ».  Jamais  se  pense  ne  pourrait  se  dire  : 
petise-s.  \^(i  pronom  complément  conjoint  ne  peut  se  mettre  après  le  verbe 
qu'à  l'impératif  et  à  l'infinitif.  —  [Par  exception,  on  trouve  dans  les  an- 
ciens texLes  le  pronom  postposé  à  un  mode  fini  autre  que  l'impératif  daiis 
la  locution  usitée  dans  les  titres  :  seguen-se  las  ordonanses  que...  — 
G.  ^I.]  —  LXXIX,  3-4  «  celui-là  y  [à  son  but]  va,  dit-on,  tout  droit  et  ne 
perd  ni  sou  bien  ni  ses  peines  ».  Celui-là  =  celui  qui  voit  mieux  la  fin  que 
le  commoncement.  On  trouverait  d'autres  exemples  de  que  =  «  et  il  »  ou 
bien  «  car  »,  et  dès  le  quatrain  suivant  v.  4.  Quant  à  de  ciment,  cf.  notre 
note  à  Gent.  v.  38.  —  LXXXI ,  4  signifie  littéralement  «  car  en  ce  jour-là 
les  pierres  s'y  voient  clair»,  c'est-à-dire  qu'on  les  voit  clairement  pour  les 
prendre  et  vous  les  jeter.  Je  ne  pense  pas  qu'il  s'agisse  ici  des  peires 
dont  il  est  question  Gent.  v.  2100  et  où  les  inarciiands  étalaient  leurs  mar- 
chandises. Dans  ce  cas,  il  faudrait  voir  dans  se  un  de  ces  pronoms  dits 
étiques.  purement  explétifs,  et  entendre  que  non  seulement  le  marchand, 
mais  même  son  étalage,  a  l'œil  ouvert  sur  le  client  malhonnête.  Ce  serait 
une  exagération  poétique.  —  LXXXII,  2  amarra.  A  L.  S.,  les  gens  avides, 
toujours  à  l'affût  d'un  gain  à  réaliser,  sont  flétris  de  l'épithète  de  :  amar- 
rans.  —  LXXXlll,  2  littéralement  «  et  s'en  garde  toujours  [quelque 
chose]  »  ne  dit  jamais  toute  sa  pensée.  Saiiha-s  a  le  sens  qu'il  a  dans 
l'expression  courante  :  at  bas  pu  dise,  saiibo  t-ec  «  tu  ne  veux  pas  le  dire, 
garde-le  pour  toi  ».  — LXXXV,  3-4  Le  rapprochement  dans  ces  deux  vers 
de  poioichut  et  de  cautelous  nous  pousse  à  reproduire  deux  définitions 
de  Doujat  :  «  cautélo,  pointillé;  cautelous,  riotcux,  pointilleux,  fâcheux  ». 
—  LXXXVIII,  3  lou  cas,  corr.  Ions  cas.  —  XC,  2  Hourcadut,  n»»  105  et 
Cl()  :  Que  calï  decha  drourni  lou  ca  qui  droum.  —  XCL  4  cf.  Hourcadut  : 

Dai^  temps  é  paille  las  mésplos  que  maduren. 

—XCIV,  4  je  n'omettrais  pas  eau  dans  la  traduction  :  «  et  c'est  pour  cela  qu'il 
en  est  réduit  à  se  vanter  lui-même  ».  —  XCV,  1  hraguere.  Aux  renseigne- 
ments déjà  fournis  à  M.  J.,  j'ajoute  que  raquèro  à  L.  S.  =  «  une  faiblesse 
générale,  un  état  maladif,  surtout  celui  où  vous  laisse  une  maladie.  Un 
convalescent  dira  par  ex.  :  Akéro  frèbé  kem'a  déchat  uo  raquére  dessus, 
ne  me  l'en  podi  pa  tira,  «  cette  fièvre  m'a  laissé  une  faiblesse  dont  je  ne 


MÉLANGES  ET   DOCUMENTS.  83 

puis  me  débarrasser  ».  Même  sens  à  Duhort-Bachen  (Landes).  —  Mainte- 
nant notre  assimilation  de  hraguère  à  flaquére  peut-elle  se  soutenir?  Il 
y  a  un  inconvénient  assez  grave,  et  c'est  que  du  même  radical  flacc-  Ader 
t'wehlaqua,  Gent,  204;  hlac,  ibid.  vv.  1902,  2486,  nulle  part/ira^a,  hrago. 
Cependant  l'emploi  de  deux  foi'mes  différentes  d'un  môme  mot  ou  d'un 
même  radical,  dans  un  seul  endroit,  n'est  pas  pour  étonner  ceux  qui  pra- 
tiquent les  dialectes  vivants.  —  Citons  encore  ici  Dastros,  II,  37,  5  : 

La  rnalo  raquo  i^ousco  aucise 
Loii  qui  penso  dets  hé  ploura. 

Nous  trouvons  enfin  la  raca  comme  maladie  du  bétail  dans  Garros, 
Egl.  6,  42  : 

Que  l'Esclarmonda  aué  la  priisarana 

E  son  bestia  la  raca  e  musarana. 

—  4  niescounec)uts  «  reniés  »  [de  leurs  enfants  ou  héritiers  qui  ne  veu- 
lent plus  les  reconnaître  pour  leurs  parents  ou  bienfaiteurs  maintenant 
qu'ils  n'ont  plus  rien  à  leur  donner].  —  Le  Guide  des  Gascons,  p.  172, 
n"  82  :  «  celui  qui  se  défait  de  son  bien  avant  que  de  mourir,  se  prépare 
à  bien  souftrir  ».  —  XCVI,  1  gorge  a  ici  le  même  sens  qu'en  esp.  dans 
l'expr.  :  estar  de  gorja,  «  être  en  fête,  être  joyeux,  être  de  bonne  humeur,». 
Je  traduirais  :  t^  avec  ses  amis,  quelque  petit  mot  pour  rire...  »;  avoir 
«  la  gorja  »  signifie  «  être  ivre  »  dans  Garros,  Egl.,  2,  102.  —  3  parla 
lourd  ne  signifie  pas  :  «  parler  rude  »  mais  «  parler  sale  »  et  oppose  les 
«  propos  obscènes  »  aux  «  propos  enjoués  ».  —  XCVII,  ^  prou  de  temps 
«  assez  longtemps  ».  —  XCIX,  4  aleite.  A  la  note  de  M.  J.  à  ce  mot 
ajouter  :  cf.  Dastros,  I,  33,  385  sq.  où  il  s'agit  de  choisir  entre  plusieurs 
poires  : 

Et  troubo  béro  la  prmnéro 

la  secoundo  es  encoué  plu  béro, 

aquer'  es  bouno  à  la  coulou, 

l'auto  l'y  sembla  encoué  milhou: 

souti  ouéil  d'arré  nou  l'aproufieyto 

per  y  counegue  nado  lieyto, 

et  pot  e?i  tout  aquet  barrailh 

couéilhe  bét  é  boun  tout  à  tailh. 

et  où  l'on  voit  que  du  sens  de  «  choix»,  par  l'intermédiaire  de  «  différence 
qui  sert  à  faire  un  choix  »,  aleite,  Iheyte,  liéyto  étaient  arrivés  à  signi- 
fier tout  uniment:  «  différence  ».  J'oserais  donc  traduire  :  «  d'un  méchant 
à  un  bon  il  y  a  bien  de  la  différence  »  ou  «  de  quoi  justifier  un  choix  ». 

J.    DUUAMIN. 


GOMPTKS  RENDUS  flRITIQURS 


Joseph  Dechelette.  Les  vases  céramiques  ornés   de  la 
Gaule  romaine.  Paris,  Picard,  19J4  ;  2  vol.  in-4°. 

Il  n'est  pas'de  ruine  gallo  romaine  qui  n'ait  fourni  des  spéci- 
mens de  ces  poteries  rouges  que  les  archéologues  d'autrefois 
dénommaient  improprement  poteries  samiennes  et  que  l'on 
appelle  de  préférence  aujourd'iiui  poteries  sigillées.  Cette  céra- 
mique de  la  Gaule  n'avait  jamais  été  l'objet  d'une  étude  d'en- 
semble. On  connaissait  beaucoup  d'oftlcines  de  potiers  dont  on 
avait  retrouvé  les  fours  et  les  déchets  ;  dans  la  statistique  dres- 
sée en  1902  par  M.  Adrien  Blanchet,  on  en  compte  une  centaine. 
Mais  il  ne  faut  pas  confondre  les  fabriques  do  poterie  commune, 
réparties  sur  toutes  les  régions  du  territoire  gaulois,  et  les  ate- 
liers de  poterie  sigillée,  qui  exigent  une  argile  exceptionnelle, 
un  outillage  spécial  et  un  personnel  d'ouvriers  d'urt.  On  avait 
publié  la  plupart  des  estampilles  de  fabricants;  e  les  figurent 
au  Corpus  des  inscriptions  latines.  On  avait  reproduit  certains 
types  de  décoration,  ceux  qui  paraissaient  être  les  plus  rares, 
surtout  les  médaillons  historiés.  Mais  on  n'avait  jamais  étudié 
de  près  la  technique;  on  n'avait  jamais  inventorié  les  sujets 
d'ornementation;  on  était  fort  mal  renseigné  sur  les  origines  et 
le  développement  de  cette  importante  industrie.  M.  Déch  dette  a 
comblé  cette  lacune.  Il  a  visité  les  principaux  centres  de  produc- 
tion, tous  les  musées  do  France,  presque  tous  ceux  de  l'Europe 
et  nombre  de  collections  particulières.  Il  a  noté,  moulé,  photo- 
graphié, collationné.  Il  a  consacré  à  cette  tâche  ardue  plusieurs 


COMPTES    RENDUS   CRITIQUES.  85 

années  de  son  labeur.  Si  l'effort  fut  considérable,  le  résultat  est 
de  tout  premier  ordre.  M.  D.  ajoute  un  chapitre  nouveau  à  l'his- 
toire économique  de  la  Gaule  et  de  l'empire  romain,  en  même 
temps  qu'à  l'histoire  de  l'art  antique. 

Ces  produits  céramiques  ne  procèdent  pas  d'une  industrie  indi- 
gène. «  Ils  ne  représentent  en  réalité  que  la  dernière  manifes- 
tation d'une  technique  déjà  bien  ancienne,  qui  a  parcouru  les 
étapes  de  la  civilisation  gréco-romaine...  De  la  Grèce,  elle  a 
gagné  l'Italie  méridionale  et  l'Aquitaine  ».  Les  Grecs,  en  effet, 
n'avaient  pas  ignoré  la  technique  du  relief  moulé;  celle-ci  s'était 
peu  à  peu  développée  sur  le  sol  hellénique,  parallèlement  au 
procédé  de  l'ornementation  peinte  ;  elle  avait  produit  les  grands 
vases  archaïques  à  relief  de  Rhodes,  de  Crète,  de  Béotie.  Le 
bucchero  nero  des  Etrusques  décorait  de  reliefs  estampés  ou 
moulés  son  épaisse  pâte  noire.  Au  r^  siècle  avant  notre  ère, 
Arezzo  possédait  les  plus  célèbres  ateliers  de  poterie  sigillée. 
Les  vases  arrétins  les  plus  anciens,  qui  paraissent  dater  du 
11^  siècle,  portent  encore  une  couverte  noire,  comme  les  vases 
étrusco-campaniens  du  siècle  précédent.  Dès  le  début  du  i"  siè- 
cle, le  vernis  rouge  a  remplacé  le  vernis  noir.  Grâce  à  l'élégance 
raffinée  des  modèles  figurés,  qui  sont  empruntés  à  l'art  helléni- 
stique de  la  belbi  époque,  grâce  aussi  à  la  finesse  plastique 
de  la  pâte,  qui  ne  laisse  rien  perdre  de  la  souplesse  des  formes 
et  do  la  pureté  des  lignes,  les  poteries  d'Arezzo  sont  restées  les 
chefs  d'œuvre  du  genre.  Des  manufacturiers  comme  les  Peren- 
nii  et  les  Cot-nelii  étaient  de  véritables  artistes.  Ils  fabriquaient 
également  de  la  vaisselle  unie  et  lisse;  c'était  cette  marchandise 
à  bas  prix  que  l'on  rencontrait  sur  tous  les  marchés  d'Italie  et  de 
province.  «  Les  vases  unis  d'Arezzo  ont  été  importés  en  Gaule 
par  quantités  considérables.  »  Chez  les  Gaulois,  pendant  la  pé- 
riode qui  précède  immédiatement  la  conquête,  la  poterie  peinte 
constituait  la  principale  série  de  la  céramique  indigène.  Nous 
connaissons  l'un  des  centres  de  cette  industrie;  c'était  Lezoux, 
Ledosus,  en  Aivernie.  «  Les  vieux  céramistes  de  Lezoux,  der- 
niers représentants  des  traditions  celtiques,  disparurent  l'un 
après  l'autre,  vers  le  commencement  du  lef  siècle  de  notre  ère, 
sans  avoir  formé  de  nouveaux  apprentis.  >•  Leurs  successeurs 
immédiats,  en  effet,  bien  que  leur  nom  révèle  nettement  une 
origine  gauloise,  délaissèrent  la  technique  nationale.  «  La  clien- 
tèle avait  appris  à  connaître  les  pâtes  rouges  d'Arezzo,  solides 


86  ANNALES  DU   MIDI. 

et  sonores,  protégées  par  un  vernis  inaltérable,  ornées  de  reliefs 
délicats,  et  séduisantes  par  l'éclat  de  leur  couleur  coralline.  Le 
nouveau  procédé,  d'ailleurs,  est  en  partie  purement  mécanique 
et  d'une  application  facile.  Il  s  ;  prête  aisément  à  une  production 
abondante.  C'en  est  fait  de  l'ancienne  méthode,  et  l'emploi  du 
pinceau  se  trouve  condamné.  » 

Pour  utiliser  leurs  riches  gisements  d'argile,  les  potiers  gau- 
lois imitèrent  donc  la  technique  de  leurs  concurrents  italiens. 
Sans  doute,  leurs  produits  conservèrent  une  lourdeur  toute  pro- 
vinciale. «  Le  sentiment  de  la  mesure  et  de  l'harmonie,  qui  a 
guidé  les  potiers  d'Arezzo,  dépositaires  des  saines  traditions  de 
l'art  grec,  manquait  à  l'éducation  des  céramistes  gaulois.  »  Mais 
il  s'agissait  d'une  concurrence  commerciale,  dune  lutte  écono- 
mique. L'avantage  des  Gallo-Romains  était  dans  la  modicité  des 
prix  de  vente,  que  permettait  une  main-d'œuvre  peu  coûteuse. 
Ils  eurent  vite  fait  de  réduire  à  néant  l'importation  italienne. 
\  leur  tour,  ils  écoulèrent  en  Italie  les  produits  de  leurs  offlci- 
368.  Ils  réussirent  bientôt  à  s'emparer  de  tous  les  marchés  occi- 
dentaux. Ils  ruinèrent  complètement  l'industrie  toscane. 

Les  vases  céramiques  ornés  de  la  Gaule  romaine  se  classent 
en  cinq  catégories  :  vases  moulés;  —  vases  à  reliefs  d'applique; 
—  vases  décorés  à  la  barbotine,  sans  aucun  emploi  du  moule;  — 
vases  à  décor  incisé,  dont  l'ornementation  est  presque  toujours 
linéaire;  —  Imitations  de  vases  métalliques,  patères  et  œno- 
choés  dont  le  décor  est  surtout  réservé  aux  anses,  vases  an- 
thropomorphes et  zoomorphes.  Les  grandes  divisions  de  l'ou- 
vrage correspondent  à  cette  classification  générale.  Mais  M.  D. 
a  naturellement  consacré  la  plus  grosse  part  de  son  travail  aux 
poteries  moulées,  qui  forment  le  groupe  de  beaucoup  le  plus 
important.  Celles-ci  se  subdivisent  elles-mêmes  en  pâtes  blan- 
ches ou  jaunâtres,  de  glaçure  jaune  ou  verte,  dont  il  faut  cher- 
cher les  prototypes  dans  la  vallée  du  Pô,  et  en  pâtes  rouges,  à 
vernis  ruuge,  dont  les  modèles  sont  dérivés  de  la  technique 
arrétine.  Les  vases  à  pâtes  blanches  sont  sortis  des  manufactu- 
res de  la  vallée  de  l'Allier;  on  les  fabriquait  à  Saint-Remy-en- 
Rolhit.  à  Vichy  et  à  Gannat.  Ils  ne  comportent  qu'un  nombre 
très  restreint  de  types  figurés.  Les  vases  rouges,  dont  la  pro- 
duction fut  si  intense,  proviennent  de  trois  régions  :  la  Gaule 
méridionale,  !;■  Gaule  du  Centre,  la  Germanie.  Les  ateliers  ger- 
mains restent  étrangers  au  cadre  que  s'est  imposé  M.  Déchelette. 


COMPTES    RENDUS    CRITIQUES.  87 

Au  cœur  même  de  la  Gaule  se  perpétuait  la  vie  des  ateliers 
arvernes.  «  Sur  tout  le  territoire  romain,  la  fabrique  de  Lezoux 
n'est  égalée  par  aucune  autre,  à  partir  des  premières  années  du 
second  siècle.  »  En  1887,  Plicque  y  avait  exploré  près  de  deux 
cents  fours.  M.  Déehelette  a  relevé,  sur  des  estampilles,  les  noms 
de  quatre-vingt-seize  potiers.  Des  milliers  de  vases  firent  connaî- 
tre ces  noms  dans  les  provinces  les  plus  lointaines  et  même  au 
delà  des  frontières  de  l'Empire.  Mais  les  véritables  créateurs  de 
cette  industrie  d'exportation  appartenaient  à  la  Gaule  du  Sud- 
Ouest.  Avant  les  officines  gallo-romaines  de  Lezoux  avaient 
prospéré  celles  de  la  Graufesenque,  de  Montans,  de  Banassac, 
dans  le  pays  des  Rutènes  et  des  Gabales. 

La  Graufesenque  n'est  plus  qu'un  lieu-dit,  à  2  kilomètres  à 
l'est  de  Milliau,  non  loin  du  Tarn.  «  C'est  là,  dans  une  vallée  au 
sol  argileux,  fermée  par  de  hautes  murailles  rocheuses,  que  la 
voie  romaine,  allant  de  Segodunum  (Rodez)  à  Luteva  (Lodève), 
rencontrait  une  des  trois  localités  connues  des  Rutènes,  le  Con- 
datomagus,  ou  Champ  du  Confluent,  de  la  Table  de  Peutinger.  » 
Les  fouilles  de  l'abbé  Cérès,  conservateur  du  Musée  de  i^odez, 
qui  découvrit  le  premier  gisement  en  1882,  celles  de  MM.  Hermefc 
et  de  Carlshausen,  commencées  en  1901,  ont  permis  définitive- 
ment d'établir  que  la  Graufesenque,  durant  la  seconde  moitié  du 
premier  siècle  de  notre  ère,  fut  «  le  centre  de  fabrication  céra- 
mique le  plus  important  de  tout  l'empire  romain  ».  On  a  retrouvé 
de  ses  produits,  en  notable  quantité,  sous  les  cendres  du  Vésuve. 
Les  dix-neuf  bols  ornés  des  musées  de  Pompéi  et  de  Naples  ont 
livré  à  M.  D.  un  précieux  point  de  repère  pour  le  classement 
chronologique  des  vases  rutènes.  D'autres  ont  été  rencontrés 
dans  plusieurs  castella  du  limes  germanique,  avec  des  monnaies 
qui  ne  sont  ni  antérieures  à  Vespasien.  ni  postérieures  à  Tra- 
jan.  Tout  au  nord  du  Rhin,  chez  les  Bataves,  l'ancienne  Fictio 
(Vechten)  possédait  un  entrepôt  des  vases  de  la  Graufesenque. 
L'Angleterre,  l'Espagne,  l'Afrique  du  Nord  s'approvisionnèrent 
de  vases  sigillés  dans  la  vallée  du  Tarn.  La  technique  de  ces  po- 
teries est  conforme  à  celle  des  vases  d'Arezzo.  Mais  la  pâte  est 
plus  dure,  ayant  subi  sans  doute  à  la  cuisson  une  température 
plus  élevée.  Le  vernis  est  plus  brillant;  ces  fabriques  rutènes 
ont  eu  aussi  la  spécialité  d'un  vernis  jaune  à  veines  rouges,  qui 
imite  l'aspect  du  marbre.  Les  formes  ont  changé  et  ne  présen- 
tent plus  le  même  profil  qu'en  Toscane.  Enfin    les  reliefs  ne 


88  ANNALES   DD   MIDI. 

constituent  plus  de  véritables  compositions;  la  panse  se  divise 
en  compartiments  où  se  répètent  les  mêmes  figures.  La  nature 
des  types  Hgurés  permet  de  distinguer  les  produits  rutènes  des 
produits  arvernes.  Sur  sept  cent  quatre-vingt-treize  types  ca- 
ractéristiques de  Lezoux  et  cent  douze  types  caractéristiques  de 
la  Graufesenque,  on  en  connaît  seulement  vingt  qui  sont  com- 
muns aux  deux  fabriques.  Quarante  trois  potiers  de  Condatoma- 
gus  nous  ont  laissé  leurs  noms. 

Banassac  (département  de  la  Lozère,  arrondissement  de  Mar- 
vejols)  éiait  sur  le  territoire  des  Gabales.  Ce  furent  dos  ouvriers 
de  la  Graufesenque,  semble-t-il,  qui  vinrent  s'installer  à  cet  en- 
droit. Ils  avaient  emporté  avec  eux  un  petit  matériel  de  poin- 
çons-matrices; les  types  qu'ils  durent  modeler  sur  place  sont 
d'une  exécution  maladroite  et  rudimentaire.  Mais  leur  fabrique 
sut  bientôt  se  signaler  par  une  spécialité  exclusive  :  ils  mirent  à 
la  mode  les  vases  épigraphiques  à  légendes  décoratives.  L'in- 
scription occupe  le  milieu  de  la  panse,  entre  une  bordure  d'oves 
et  une  zone  de  fleurons,  de  feuilles,  de  personnages  ou  d'ani- 
maux. On  y  lisait  des  invitations  à  boire  :  «  Bois,  ami,  de  mon 
vin  «  {biOe,  amice,  de  meo);  «  remplis-moi  de  bière»  {cervesa 
reple).  Certaines  formules  amoureuses  ne  sont,  peut-être,  f(uedes 
appels  à  la  dive  bouteille  :  «  Salut,  ô  divine  !  »  [ave,  divina); 
«viens  à  moi,  amie  »  (veni  ad  me,  arnica).  Les  légendes  Bonus 
puer,  Bona  puella,  conviennent  à  des  objets  offerts  en  cadeau. 
Ces  industriels  eurent  aussi  l'heureuse  idée  d'expédier  dans  les 
diverses  régions  de  la  Gaule  des  vases  décorés  d'acclamations 
ethniques.  Les  Rémois,  les  Séquanes.  les  Lingons,  les  Trévères 
recevaient  de  Banassac  des  poteries  avec  formules  appropriées  : 
Remis  féliciter!  Lingonis  féliciter!  Sequanis  féliciter!  Treveris 
féliciter!  Hanassac  avait  également  l'Italie  dans  sa  clientèle.  On 
a  retrouvé  l'un  de  ses  produits  à  Pompéi.  La  période  d'activité 
de  cette  manufacture  peut  donc  être  fixée  approximativement 
au  dernier  quart  du  i*'  siècle.  Sous  les  Antonins,  les  potiers 
Gabales  végètent  ou  bien  ont  disparu. 

Montans  s'élève  sur  la  rive  gauche  du  Tarn,  à  une  lieue  environ 
en  aval  deGaillac,  sur  un  plateau  qui  domine  d'une  soixantaine  de 
mètres  le  niveau  de  la  rivière.  Ce  fut  un  oppidum  assez  prospère 
au  temps  d'Auguste,  si  l'on  en  juge  par  les  monnaies,  et  dont  la 
vitalité  s'arrête  après  Marc  Aurèle.  Les  établissements  cérami- 
ques de  cette  localité  nous  sont  connus  depuis  les  intéressantes 


COMPTES   RENDUS    CRITIQUES.  89 

découvertes  d'Elie  Rossignol,  qui  commencèrent  en  18o9;  le 
musée  Saint-Raymond  de  Toulouse,  grâce  à  un  don  généreux  de 
M.  Rossignol,  possède  la  série  la  plus  importante  des  vases 
sigillés  de  Montans.  Ici,  comme  à  Lezoux,  les  ateliers  gallo- 
romains  n'avaient  fait  que  succéder  à  des  ateliers  gaulois  qui 
fabriquaient,  dans  les  derniers  temps  de  l'indépendance,  des  pote- 
ries peintes  à  décoration  géométrique.  Parmi  les  types  figurés,  les 
sujets  mythologiques  sont  en  petit  nombre;  la  majorité  des 
reliefs  nous  montrent  des  gladiateurs,  des  bestiaires  et  surtout 
des  animaux.  Voisins  de  la  Garonne,  «  les  potiers  de  Montans 
utilisaient  la  grande  voie  fluviale  qui  leur  ouvrait  en  Aquitaine  de 
larges  débouchés  ».  Aussi  exportent-ils  de  préférence  leurs  pro- 
duits dans  le  sud-ouest  de  la  Gaule.  Leurs  vases  abondaient  sur 
le  marché  de  Bordeaux. 

Le  second  tome  de  l'ouvrage  de  M.  Déchelette  est  un  Cof-pusdea 
types  figurés  et  des  motifs  ornementaux  qu'il  a  pu  recueillir  sur 
les  poinçons,  moules  et  vases  d3S  officines  gallo-romaines.  Ce 
riche  inventaire  comprend  1185  numéros  pour  les  seuls  vases 
moulés.  139  pour  les  poteries  à  reliefs  d'applique  de  fabrication 
arverne  et  153  pour  celles  de  la  vallée  du  Rhône;  il  est  illustré 
d'environ  liJOO  dessins.  Voici  les  principales  conclusions  que 
l'auteur  a  dégagées  de  ce  travail.  Les  potiers  ont  puisé  leurs 
modèles  aux  sources  hellénistiques.  Ils  n'ont  jamais  repré- 
senté les  divinités  gauloises.  C'est  exclusivement  sur  les 
vases  à  pâtes  blanches  de  Saint-Rémy  et  de  Gannat  qu'apparais- 
sent quelques  rai'es  éléments  d'origine  celtique.  Le  décor  des 
poteries  routes  fut  d'abord  composé  de  simples  ornements,  guir- 
landes et  godrons  ;  telle  était  à  la  même  époque  la  décoration  des 
vases  d'Arezzo,  alors  en  décadence.  Quand  les  ateliers  rutèneset 
arvernes  adoptèrent  le  décor  figuré,  il  fallut  constituer  un  réper- 
toire de  types.  On  emprunta  les  motifs  non  pas  à  la  céramique 
italienne,  mais  à  des  objets  de  toute  nature,  statues,  statuettes, 
reliefs,  intailles;  sous  l'Empire,  les  sculpteurs  de  bas-reliefs 
usaient  volontiers  du  même  expédient.  Presque  toute  la  série  des 
Vénus  est  empruntée  par  les  céramistes  à  des  œuvres  populaires 
de  la  sculpture  gréco-romaine.  Les  sujets  les  plus  communs  sont 
naturellement  ceux  qui  étaient  à  la  mode  dans  l'art  décoratif  du 
Haut  Elmpire  :  Amours  et  Vénus,  Silènes  et  Satyres,  Tritons, 
Tritouesses  et  Néréides.  Mercure  se  manifeste  sous  une  douzaine 
d'aspects.  Hercule  sous  une  trentaine.  Les  sujets  de  genre,  les 


90  ANNALES  DU   MIDI. 

scènes  rustiques,  idylliques,  familières  reproduisent  naïvement 
ou  gauchement,  parfois  même  à  contre-sens,  des  thèmes  de  l'école 
alexandrine.  Les  scènes  de  l'amphilhéâ+re  et  les  sujets  de  chasse 
sont  répétés  à  satiété.  Le  céramiste  Libertus,  artiste  de  talent 
qui  vivait  à  Lezoïix  vers  1  époque  de  Trajan  et  qui  eut  un  rôle 
prépondérant  dans  la  composition  du  léperloire  lédozien,  imita 
de  préférence  la  décoration  des  vases  métalliques.  Si  l'on  excepte 
les  produits  de  Libertus  et  de  quelques  autres,  les  vases  sigillés 
de  la  Gaule  romaine  n'offrent  leplus  souvent  qu'un  décor  de  rem- 
plissage, obtenu  à  l'aide  de  poncifs  dont  le  choix  ne  fut  pas  tou- 
jours intelligent  et  dont  le  groupement  n'est  )»as  toujours 
fort  logique.  Mais,  déclare  judicieusement  M.  D.,  «  si  nous 
nous  représentons  qu'à  partir  du  second  siècle  le  commence- 
ment de  la  décadence  des  arts  industriels  n'était  pas  moins  sen- 
sible en  Italie  et  dans  toutes  les  provinces,  nous  serons  conduits 
à  juger  avec  moins  de  sévérité  l'œuvre  des  potiers  gaulois.  Il 
sera  plus  équitable,  en  effet,  d'envisager  avant  tout  le  puissant 
effort  accompli  par  eux  dans  le  domaine  industriel.  Tandis  que 
leurs  tours  ne  cessaient  de  produire,  aux  conditions  les  plus  éco- 
nomiques et  par  énormes  quantités,  une  poterie  dont  les  quali- 
tés techniques  provoquent  aujourd'hui  l'admiration  des  céramis- 
tes, alors  qu'un  commerce  des  plus  florissants  s'exerçait  sur  cette 
marchandise  et  la  transportait  au  loin,  que  devenait  l'activité 
jadis  si  féconde  des  représentants  de  cette  industrie  dans  les 
régions  méridionales  de  l'Empire?  Où  trouver  alors,  soit  en  ter- 
ritoire hellénique,  soit  en  Italie,  une  fabrique  comparable  à  celle 
de  Lezoux?...  C'est  à  ce  titre  qu'il  est  juste  de  revendiquer  pour 
les  officines  de  la  Gaule  romaine  un  rang  des  plus  honorables 
dans  l'histoire  du  travail  aux  temps  antiques  ». 

Nous  savons  d'autre  part  que  de  nombreuses  industries  furent 
prospères  en  Gaule,  sous  l'Empire  :  telles  la  métallurgie,  la 
bijouterie,  la  verrerie,  la  laine,  le  lin.  «  On  rencontrait  dans  les 
petites  villes  gauloises,  dit  M.  Ferrero,  des  artisans  habiles, 
très  exactement  initiés  aux  diverses  industries  orientales  et  qui 
excellaient  à  les  imiter.  L'Italie  et  les  provinces  danubiennes 
leur  fournissaient  des  débouchés.  Il  semble  résulter  de  ces  faits 
que  la  Gaule  aurait  joué  quelque  temps,  dans  le  monde  antique, 
le  rôle  assumé  par  l'Allemagne  depuis  une  trentaine  d'années. 
La  Gaule  excella  dans  la  vulgarisation  industrielle  et  dans  ce 
qu'on  appelle   aujourd'hui  la  pacotille.  Rien   d'étonnant  à   ce 


COMPTES   RENDUS   CRITIQUES.  91 

qu'elle  ait  fini  par  devenir  riche.  Richesse  considérable,  richesse 
comparable  à  celle  de  l'Egypte.  Ces  deux  provinces  furent  long- 
temps les  plus  florissantes  de  l'empire,  les  plus  imposées  aussi  ». 
De  cette  prospérité  économique  résulta,  d'après  M.  Ferrero,  un 
fait  politique  dont  l'importance  est  capitale  :  la  Gaule  fit  contre- 
poids à  l'Egypte  et  à  l'Asie  Mineure.  «  J'estime  que,  sans  la 
Gaule,  Rome  ne  fût  pas  restée  capitale  de  l'empire.  » 

H.  Graillot. 


V.  Crescini.  Manualetto  proveuzale,  per  uso  degli  alunni 

délie  FacoUà\di  lettere seconda  edizione  emendata 

ed  accresciuta.  Vérone  et^Pa(loue,prucker,  1905;  ia-12  de 
548  page-,. 

C.-H.  Grandgent.  An  Oatline  of  the  Phonology  and  Mor- 
phology  of  old  Provençal.  Bostoo,  Heath,  1905;   petit. 
ia-S*^  de  xi-159  pages. 

La  deuxième  édition  du  Manuel  de  M.  'V.  Crescini  a  été  déjà 
annoncée  sommairement  ici  (XVII,  448);  si  nous  y  revenons 
aujourd'hui,  c'est  pour  insister  sur  quelques  points  de  détail  de 
l'introduction  grammaticale.  Cette  publication  ne  pouvait  s'ac- 
commoder que  d'une  rapide  esquisse  de  la  grammaire  proven- 
çale; M.  Crescini,  dont  les  notes  prouvent  qu'il  est  admiiable 
ment  au  courant  de  la  bibliographie  du  sujet,  n'a  rien  oublié 
d'essentiel.  Voici  les  remarques  et  observations  que  nous  a  sug- 
gérées la  lecture  de  cette  partie  du  Manualello. 

Phonétique.  —  P.  o.  La  forme  valdôtaine  zh'  <  caru  est  rele- 
vée ;  à  en  rapprocher  la  forme  tsi  <  capul  des  dialectes  franco- 
provençaux.  —  P.  6.  L'explication  de  aigua  par  * augua  ne  me 
paraît  pas  admissible.  On  s'étonne  de  ne  pas  voir  citée  ici  la 
dissertation  de  M"e  Hiirlimann  (cf.  i^oma^ita,  XXXIII,  461),  au  lieu 
du  paragraphe  de  Meyer-Liibke,  qui  est  vraiment  trop  bref.  Il  en 
est  un  peu  de  même  d'ailleurs  de  celui  qui  est  consacré  par 
M.  Crescini  au  traitement  de  a.  Il  n'aurait  pas  été  inutile  de  rap- 
peler que  a  fermé  est  devenu  d'assez  bonne  heure  o,  du  moins 
dans  de  nombreux  dialectes;  il  n'est  pas  parlé  non  plus  des 
formes  gasconnes  où  aa  provient  de  a  fermé.  —  P.  10,  Debetz 
(avec  e  ouvert)  s'explique  par  etz  {estis).  —  P.  22.  Gallicisme  en 


92  ANNALES    DU    MIDI. 

parlant  de  joi  est  trop  vague;  on  peut  préciser  et  dire  poitevi- 
nisme;  cf.  Jeanroy,  Poésies  de  Guillaume  IX,  p.  12.  —  P.  33.  Le 
domaine  de  it,  eh  lat.  et)  devrait  être  indiqué  d'une  manière  plus 
précise.  —  F.  38.  Euz(i  vient  de  * elicem  non  de  llicem.  —  P.  43. 
Probaina  renvoie  a  *prop  igina,  non  à  propaginem.  —  P  44,  n.  1. 
Le  renvoi  à  Foerster,  op.  cit.,  est  insuffisant,  le  volume  ayant 
été  cité  vingt-quatre  pages  avant.  —  P.  45.  J'écrirais  lauzenja, 
breujar,  greujar,  et  p.  48  manjadoira.  —  P.  46,  1.  5.  A  propos  de 
cj,  tj,  il  fallait  mettre  en  tète  du  développement  les  formes 
de  la  Chanson  de  Sainte  Foi,  qui  sont  les  plus  anciennes.  — 
P.  52, 1.  8.  La  forme  a-uel  est  française.  —  P.  54.  Le  phénomène 
s  >  i  est  à  rapprocher  de  t  >  i,  traité  à  la  page  précédente,  le 
processus  étant  en  somme  de  même  nature.  —  Ibid.  Dominicus 
est  aussi  représenté  par  domergue.  au  moins  comme  nom  propre. 

—  P.  57.  L'explication  de  l  ^  i  dans  aitre  (allerum)  est  intéres- 
sante, et  le  rapprochement  avec  les  langues  de  la  péninsule  ibé- 
rique me  paraît  s'imposer;  mais  aiial,  aitant  représentent  acla- 
lis,  actanium.  —  P.  61.  Conortar  ne  pré.sente  pas  au  premier 
abord  le  même  traitement  que  preon  :  l'explication  donnée  par 
M.  Grandgent  [Old  Provençal,  p.  oO)  est  plus  claire.  —  P.  63. 
L'explication  donnée  en  note  pour  orne  me  paraît  être  la  bonne. 

—  P.  65.  C'est  hoc  +  que  au  lieu  de  hoc  -\-  ue  qu'il  faudrait  par 
analogie  de  dunque  ;  mais  cette  addition  n'est  pas  nécessaire.  — 
P.  68,  n.  2.  Il  n'est  pas  probable  que  palais  soit  un  emprunt 
français;  l'emprunt  remonterait  trop  haut,  car  on  prononce  le 
second  a. 

Morphologie.  —  P.  78.  Il  ne  me  paraît  pas  douteux  que  cabal- 
lario  représente  de  très  bonne  heure,  dans  le  latin  vulgaire, 
l'ensemble  des  cas  obliques  du  singulier.  —  P.  82.  Breviari,  tes- 
timoni  ne  peuvent  pas  être  comparés  à  damnalge,  etc.  :  il  s'agit 
de  formes  savantes  ou  demi-savantes.  —  P.  87-8.  Je  crois  à  la 
théorie  de  M.  Philipon  sur  l'origine  des  noms  propres  en  -on.  La 
question  de  l'accent  est  capitale;  l'accentuation  germanique 
Hugo,  Hi'igun  n'a  pu  être  changée  que  sous  une  influence  latine. 
La  question  de  s  du  nominatif  me  paraît  beaucoup  moins  impor- 
tante. —  P.  90.  Cor  (lat.  cor)  est  encore  sans  s  dans  la  plupart 
des  dialectes  du  midi  ;  il  n'en  a  sans  doute  jamais  eu  dans  le 
parler  populaire.  —  P.  115.  Je  ne  crois  pas  —  d'accord  en  cela, 
sauf  erreur.  a^fcM.  Chabaneau  —  à  1  existence  de  l'article  el.  — 
P.    115-6.  Los  formes  de  l'article  signalées  dans  Ux  Chanson  de 


COMPTES   RENDUS    CRITIQUES.  93 

Sainte  Foi  remontent  à  ipse  et  ipsa  ;  la  graphie  du  manuscrit  ne 
doit  pas  nous  faire  illusion. 
Additions.  —  P.  171,  l.  24.  Lire  domine  au  lieu  dç  nomine. 

La  grammaire  de  l'ancien  provençal  que  publie  M.  Grandgent 
estl-i  fruit  de  longues  années  de  travail,  car  l'auteur  déclare 
dans  sa  préface  qu'il  s'en  est  occupé  plus  ou  moins  régulière- 
ment pendant  une  période  de  vingt  ans.  Il  y  a  des  chances  à 
priori  pour  que  le  résultat  d'un  .si  long  labeur  soit  excellent;  et 
la  lecture  du  petit  livre  de  M.  Grandgent  confirme  en  très  grande 
partie  cette  présomption. 

Le  volume  comprend,  après  une  courte  introduction,  la  phoné- 
tique et  la  morphologie  de  l'ancien  provençal.  Dans  l'introduc- 
tion le  classement  des  voyelles  et  des  diphtongues  (p.  5)  n'est 
pas  des  plus  heureux,  car  s'il  s'agit  de  représenter  le  son  de  la 
diphtongue  ue,  il  est  peu  logique  de  mettre  sur  la  même  ligne  o 
et  de  classer  cuec  à  côté  de  olh;  cf.  uei  =  ai.  Ce  tableau  devrait 
être  refait. 

Nous  exprimerons  le  même  désir  pour  la  carte  qui  est  en  tête 
de  l'ouvrage  et  qui  gagnerait  à  être  développée;  M.  G.  aurait 
dû  ajouter  le  nom  des  villes  importantes  qui  se  trouvent  en  deçà 
ou  au  delà  de  la  frontière  linguistique.  Dans  la  même  introduc- 
tion, rénumération  des  caractères  qui  distinguent  le  gascon  des 
autres  dialectes  méridionaux  fp.  7)  est  trop  brève  aussi;  il  aurait 
fallu  parler  du  traitement  de  II  devenu  final,  puisqu'il  est  ques- 
tion de  II  intervocalique. 

Voici  ce  qui  nous  a  paru  contestable  dans  la  phonétique. 
P.  1 1,  Rem.  3.  Classer  reddedi  à  part,  avec  tes  parfaits  en  -dedi.  — 
P.  1i,  g  îi.  L'upsilon  n'est  pas  toujours  rendu  par  m,  i;  ex.  gup- 
sos  ^jéis  (plâtre).  —  P.  16,  Rem.  I  (e)  ;  la  forme  sélse  avec  le 
premier  e  fermé,  dans  le  languedocien  moderne,  doit  être  an- 
cienne. —  P.  18,  R.  6.  Le  croisement  de  plexus  et  de  paxillus  pour 
donner p^ais  est  peu  vraisemblable;  il  suffit  de  remarquer,  pour 
expliquer  le  changement,  que  les  sonsej  eiai  sont  très  voisins  . 
ce  qui  explique  que  ay  (habeoi  soit  si  facilement  passé  à  ei.  — 
P.  21,  R.  3.  Je  ne  vois  pas  qu'il  y  ait  trop  de  hardiesse  à  faire 
remonter  ara  au  lat.  vulg.  âora.  Le  iirec  à'pa  irait  à  merveille, 
mais  la  sémantique  serait-elle  satisfaite  ?  —  P.  24.  C'est  trop  vite 
dit  que  de  dire  :  ioi,  ioia,  ioios  sont  d'origine  française  :  il  y 
aurait  lieu  au  moins  de  préciser  la  date  et  la  provenance.  — 


94  ANNALES    DD    MIDI. 

P.  26,  R.  1.  Piiu  dans  ' pû{e)Uicella  changé  en  piu  sous  l'influence 
de  pius  paraîtra  au  moins  invraisemblable!  C'est  un  développe- 
msnt  phonétique  qu'il  faut  invoquer,  celui  de  u  en  i  devant 
labiale  (voy.  Thomas,  Nouveaux  essais,  p.  210,  n.  1).  Je  ne  crois 
pas  non  plus  à  l'influence  de  az  (ad)  sur  vas  >  ves  :  le  change- 
ment s'explique  par  l'emploi  du  mot  comme  proclitique  (avec  in- 
fluence du  V  initial).  —  P.  26,  R.  2.  Aissi  venant  de  eissi  s'expli- 
que aussi  phonétiquement;  l'analogie  n'a  rien  à  faire  dans  ce 
développement.  —  Ibid.  R.  3.  L'influence  française  dans  ti-esanar 
est  toat  à  fait  contestable.  —  P.  27.  R.  3.  Fenit  s'explique  comme 
vezi  par  dissiinilation  vocalique.  —  P.  32  :  Flebilem  ne  peut  pas 
àonwQT  frevol\  cf.  avol  ;  faut-il  admettre  '  flebulem  ?  —  P.  33, 
R.  4.  L'analogie  de  ferra  n'a  que  faire  dans  le  traitement  de 
ferre-,  cf.  auj.  tourre  et  tour,  mourre  et  mour,  sorre  et  sor.  — 
P.  33,  R.  o.  L'explication  de  coma  par  analogie  de  bona,  mala  ne 
me  paraît  nullement  démontrée.  Cet  a  peut  avoir  été  emprunté 
dans  des  locutions  comme  les  suivantes  :  com  a  mi,  com  aco,  etc. 

—  P.  35.  R.  i.  Les  doubles  formes  frair,  fraire,  etc.,  ne  doivent 
rien  à  des  formes  comme  vair,  vaire:  pour  sorre,  sor,  cf.  supra. 

—  P.  3j,  N.  2.  L'alternance  entre  n  et  r  (dans  mongue,  morgue) 
est  une  question  de  pure  phonétique;  cf.  domergue,  canorgue,  les 
noms  de  lieu  en  -argues  {-anicas),  etc.  Cf.  encore  p.  52,  1,  où 
la  même  explication  revient.  —  P.  3">,  R.  1.  L'explication  de  faim 
(facimus)  serait  mieux  à  sa  place  dans  la  morphologie.  —  P.  40. 
M.  G.  consacre  un  paragraphe  aux  consonnes  :  pourquoi  ne 
l'a-t-il  pas  fait  également  pour  les  voyelles?  C'était  le  cas  de 
citer  ici  E.  Mackel,  Die  germanischen  Elemente...,  etc.  Ce  para- 
graphe ne  perdrait  rien  à  être  un  peu  plus  développé.  —  P.  53, 
R.  2.  Puisque  M.  G.  cite  les  départements  où  r  intervocalique 
passe  à  z,  s,  il  eût  pu  ajouter  l'Aude  à  l'Hérault  et  au  Gard, 
les  exemples  tirés  des  archives  narbonnaises  étant  très  nom- 
breux —  P.  54,  R.  3.  Mezeis  n'a  pas  subi  d'influeuce.  U  s'agit  là 
de  mots  très  fréquemment  usités,  où  le  passage  de  <  à  d,  puis  z 
ne  présente  pas  de  difficultés.  —  P.  54,  R.  5.  Calabre  au  lieu  de 
Vadabre,  par  l'analogie  de  Calabria,  est  bien  invraisemblable. 

—  iôîci.  Que  vient  faire  ici  le  «  bourguignon  »  [sor,  sobre)?  — 
P.  61.  U  n'est  pas  probable  que  vezoa  (vidua)  soit  un  mot  savant, 
pas  plus  (\\XG  pi'rdoa,(iic.  (voy.  ThomsiS,  Essais  de  philologie,  p.  90); 
c'est  le  même  traitement  qui  de  vèzoa  a  fait  dans  les  dialectes 
modernes  x-éuza.  —  P.  62,  leuns  pas  davantage.  —  P.  65.  Saubia 


COMPTES   RENDUS   CRITIQUES.  95 

est  aussi  languedocien;  of.  Revue  des  langues  romanes,  1897, 
p.  321,  §  162.  —  Fbid.  Le  processus  de  cambiare  ..  cambiar  me 
paraît  mal  exposé  :  que  vient  faire  la  forme  caniar  ?  —  P.  66, 
Asabenlar  est  évidemment  refait  sur  sabenl;  il  était  inutile  de  le 
rappeler.  —  Ibid.  En  employant  i  pour  j  partout,  M.  G.  rend  les 
mots  méconnaissables;  si  piion  est  un  emprunt  français,  il  faut 
au  moins  l'écrire  pijon!  —  P.  66.  Cargar  et  clergue  [cierge]  exis- 
tent dans  les  dialectes  modernes;  ils  sont  évidemment  anciens. 
—  P.  68.  Pourquoi  êcTwe  parage  et  viaie  ?  —  Ibid.  Sazo  ne  peut 
pas  venir  de  stationem.  Le  provençal,  le  français  et  l'espagnol 
exigent  sationem  :  la  saison  est  proprement  le  temps  des  semail- 
les. —  P.  68.  N.  2.  Poizo  doit  être  commun  aux  dialectes  méri- 
dionaux. Ce  chapitre  3  [Groups  ending  in  y)  devra  être  retouché 
dans  une  deuxième  édition.  —  P.  70,  R.  3.  Pâlies  peut  être  rap- 
proché du  lang.  mod.  tebés,  coubés  où  s  est  emprunté  aux  formes 
féminines  coubézo.  lebézo ;  *padillus  est  bien  inutile.  —  P.  76.  Le 
développement  de  amygdala  présente  peu  de  difficultés  si  on 
lient  compte  de  la  forme  amendola;  ce  n'est  pas  le  seul  cas  où 
upsilon  a  passé  à  i,  e  en  latin  vulgaire;  cf.  p}'esbilerum ;  n  épen- 
théthique  ne  fait  pas  non  plus  de  dilflculté.  —  P.  77.  Batejar 
vient  de  baplidiare. 

Mo7'phologie.  —  P.  101.  Le  paragraphe  119  sur  les  dérivés  de 
ipse  devrait  être  plus  développé.  —  P.  110.  Quin  et  quina  me 
paraissent  représenter  qûn,  qûno  proclitiques,  dans  des  phrases 
exclaraatives  comme  qûn  âme;  ainsi  donc  qui  unus  et  non  qui- 
nam.  —  P.  130.  Il  me  paraît  difficile  d'admettre  que  i  de  la  pre- 
mière personne  du  prétérit  de  l'indicatif  soit  dû  à  l'analogie  de 
Vi  de  vei,  dei,  etc  ,  où  il  formait  le  second  élément  d'une  diph- 
tongue et  avait  peu  d'i  valeur  par  lui-même. 

Un  index  assez  détaillé,  mais  non  complet  termine  l'ouvrage. 

Malgré  les  réserves  que  nous  avons  dû  faire  sur  quelques 
points  de  détail,  ce  petit  livre  est  appelé  à  rendre  de  grands 
services.  La  plupart  des  grammaires  provençales  que  nous  avions 
jusqu'ici  servaient  d'introduction  ou  d'appendice  à  des  recueils 
de  textes  ;  elles  n'existaient,  pour  ainsi  dire,  qu'en  fonction  de 
ces  recueils.  C'est  ici  la  première  grammaire  qui  se  présente 
sous  une  forme  indépendante.  Saluons-la  avec  sympathie  et 
souhaitons  lui  bon  succès.  Quoi  qu'elle  n'ait  pas  de  prétentions  à 
être  complète,  les  principaux  faits  s'y  trouvent,  et  si  l'auteur, 
comme  il  est  probable,  la  tient  au  courant  et  la  fait  profiter  des 


96  ANNALES  DU   MIDI. 

indications  de  la  critique,  elle  deviendra  un  manuel  indispen- 
sable, J-  Anglade. 


L'abbé  J.  Lestrade.  Les  Huguenots  dans  le  diocèse  de 
Rieux.  Auch,  Cocharaux,  Paris,  Champion  [1905];  in-S" 
de  xiii-258  pages.  {Archives  historiques  de  la  Gascogne, 
2*  série,  fascicule  VIII). 

La  «  Société  historique  de  Gascogne  »,  continuant  ses  publica- 
tions de  documents  sur  les  guerres  de  religion,  nous  donne  Les 
Huguenots  clans  le  diocèse  de  Rieux  après  Les  Huguenots  en  Com- 
minges,  dans  la  Navarre  el  en  Béarn.  M.  l'abbé  Lestrade,  auteur 
de  l'une  et  de  l'autre  publications,  a  trouvé  les  principales 
sources  de  la  première  dans  les  riches  archives  de  la  Haute- 
Garonne  (fonds  de  l'évêché  de  Rieux).  Il  a  mis.  en  outre,  à  con- 
tribution les  archives  de  Muret,  celles  de  l'Ariège,  celles  du  Par- 
lement de  Toulouse  et  même  les  archives  nationales.  Le  présent 
recueil  donne  des  renseignements  nouveaux  et  précis  sur  la  mar- 
che de  Montgomery.  Ce  dernier,  appelé  par  la  reine  de  Navarre 
au  secours  de  Navarreins  assiégé  par  Terride,  partit  de  Castres, 
traversa  le  Lauragais,  le  comté  de  Foix.  le  Nébouzan,  le  Bigorre, 
et  arriva  en  B'arn  après  avoir  déjoué  la  surveillance  de  Belle- 
garde,  de  Damville  et  du  terrible  Monluc.  Son  armée  passa,  pil- 
lant et,  dévastant  le  pays.  11  est  possible  de  déterminer  son  iti- 
néraire à  travers  le  diocèse  de  Rieux  et  aussi  les  dates  exactes  de 
son  passage.  Ces  détails  ne  nous  apprennent  rien  de  nouveau 
sur  les  rava^(es  que  causaient  les  troupes  calvinistes  ou  catho- 
liques. Celles-ci,  dailleurs,  étaient  aussi  ardentes  que  celles-là 
à  s'emparer  de  tout,  même  des  biens  ecclésiastiques;  Monluc 
nous  renseigne  à  ce  sujet. 

M.  l'ablié  Lestrade  a  eu  1  heureuse  idée  de  ne  pas  s'arrêter  au 
xvi«sit''cle;et  une  s<''rie  de  documents,  laplus  nombreuse  (p. 59-212), 
nous  fait  connaître  comment,  de  1G2.3  à  la  veille  de  la  Révolu- 
tion M769),  les  catholiques,  devenus  les  maîtres,  traitèrent  les 
huguenots.  Destructions  des  murs  des  villes  protestantes  et  des 
temples,  contributions  à  des  œuvres  exclusivement  catholiques, 
entraves  ii  l'exercice  du  culte,  conversions  forcées,  surveillance 
des  nouveaux  convertis,  mise  en  demeure  de  ces  derniers  de 
pratiquer  leur  nouvelle  religion,  entraves  aux  mariages  mixtes, 


COMPTES   RENDUS   CRITIQUES.  97 

ministres  condamnés  à  mort  etfidùles  aux  ^salères,  mises  hors  la 
loi,  voilà  le  régime  auquel  furent  soumis  ceux  qui  ne  voulaient 
pas  abandonner  la  foi  de  leurs  pères.  La  noblesse  céda,  surtout 
après  la  Révocation  de  l'Edit  do  Nantes.  Il  en  fut  de  mêine  de  la 
haute  bourgeoisie  Ou  tr)uve  mê  n  ?  parmi  les  chefs  actuels  du 
parti  catholique  des  descendants  de  notables  huguenots, 
d'anciens  des  Eglises  réformées.  Le  peuple  seul  résista,  et  on  se 
demande  comment  la  religion  protestante  a  pu  conserver  tant 
d'adeptes  dans  un  pays  où  les  rigueurs  déployées  contre  elle 
furent  si  impitoyables. 

Deux  documents  sont  particulièr.'ment  remarquables,  car  leur 
porti'^e  dépasse  les  événements  à  propos  desquels  ils  furent  rédi- 
gés. Le  premier  est  le  «  Mémoire  su'^  les  nouveaux  convertis  »  qui 
fut  envoyé  par  M.  de  Bertier.  évêquede  Rir-ux.  à  l'archevêque  de 
Paris,  en  1698,  en  réponse  à  la  lettre  écrite  parce  dernier,  de  la  part 
du  roi,  sur  la  conduite  à  suivre  envers  les  huguenots  qui,  apiès 
avoir  abjuré,  continuaient  à  pratiquer  le  calvinisme.  Ce  mémoire 
a  été  publié  par  M  .Jean  Lemoine  dans  les  «  M  ■moires  des  évê- 
ques  de  France  sur  la  conduite  à  tenir  à  l'égard  des  réformés.  » 
(Paris,  Pii-ard.)  La  minute  trouvée  aux  archives  de  la  Haute 
Garonne  diffère  en  trois  endroits,  légèrement  il  est  vrai,  du  texte 
imprimé.  Elle  estaccompagnée.  en  outre,  d'annotations,  citations 
et  remarques  soit  ajoutées  après  l'envoi,  soit  supprimées  dans  la 
rédaction  officielle.  Les  moyens  proposés  sont  les  suivants  : 
1"  dans  chaque  lieu  exiler  et  envoyer  le  plus  loin  qu'on  pourra 
quelques-uns  de  ces  vieux  piliers  de  consistoire,  et  les  plus  opinià 
très  «  aux  colonies  françaises  ».  Le  prélat  ajoute  en  note  que  ce 
n'est  pas  une  dureté,  mais  un  moyen  d'empêcher  de  nuire,  que 
d'exiler;  2"  révoquer  la  dernière  déclaration  par  laquelle  les 
biens  des  réfu,,àé3  sont  unis  aux  domaines  de  Sa  Majesté,  ensuite 
appliqués  aux  hôpitaux  et  en  dernier  lieu  donnés  aux  plus  pro- 
ches parents  des  réfugiés.  C'est  cette  dernière  disposition  qui  est 
mauvaise  ;  3"  «  défendre  aux  nouveaux  convertis  d'exercer  la  fonc- 
tion de  médecin,  apothicaire  et  chirurgien,  ni  de  tenir  boutique 
sans  permission  par  écrit  des  intendants  des  provinces,  qui  ne 
les  accorderont...  que  sur  le  certificat  de  l'évêque  diocésain  que 
ces  particuliers  ont  fait  continuel. ement  toutes  les  fonctions  de 
catholiques,  du  moins  depuis  un  an.  »  Il  est  dit  enfin  «  qu'on  ne 
peut  se  dispenser  d'obliger  par  des  peines  pécuniaires  tous  les 
nouveaux  réunis,  sans  distinction,  d'aller  à  la  messe  et  aux  ins- 

ANNALES    DU    .MIDI.    —    XIX  7 


98  ANNALES   DU   MIDI. 

tructions,  d'y  conduire  leurs  enfants  et  d'assister  encore  avec 
modestie  aux  divins  mystères,  sous  peine  de  prison.  »  Un  com- 
mentaire ne  pourrait  qu'affaiblir  la  portée  de  ce  document. 

Le  temps  marche,  et  un  demi  siècle  plus  tard,  le  29  juillet  1753, 
M.  de  La  Roche-Aymon,  archevêque  de  Narbonne,  envoie  à  M.  de 
Catellan,  évêque  de  Rieux,  sur  la  conduite  qu'il  doit  tenir  à 
regard  des  huguenots  des  conseils  que  M  L.  déclare  pleins  de 
modération  et  de  prudence.  Le  roi  et  ses  ministres  sont  décides 
à  arrêter  les  entreprises  des  religionnaires  en  faisant  cesser 
entièrement  les  assemblées,  baptêmes  et  mariages,  qui  se  font  au 
désert.  Des  troupes  seront  bientôt  envoyées.  Mais  le  ministère 
persiste  à  croire  que  le  mal  serait  moins  grand  si  les  évêques  se 
relâchaient  de  la  rigueur  des  épreuves  que  la  plupart  exigent 
des  nouveaux  convertis  avant  de  les  marier.  Les  curés  devront 
s'abstenir  de  donner  dans  les  actes  de  baptême  la  qualité  de  flis 
naturels  aux  enfants  de  ceux  qui  n'ont  pas  été  mariés  à  l'e^lise. 
On  donnera  simplement  la  qualité  de  dis  à  tous  les  enfants, 
quelle  que  soit  leur  origine.  Le  Conseil  de  S.  M.  est  d'avis  que  les 
curés  ne  sont  pas  juges  de  la  qualiié  des  enfants  pas  plus  que 
de  leur  sexe,  et  doivent  se  borner  à  enregistrer  la  déclaration 
qui  leur  est  faite.  Voilà  donc  les  mariages  au  désert  interdits  et 
cependant,  en  quelque  sorte,  reconnus.  L'archevêque  se  plaint 
doucement  et  dit  à  son  correspondant  <^  qu'il  ne  s'agit  pas  au- 
jourdhuy  d'exiger  tout  ce  qui  seroit  à  désirer...  C  est  aujour- 
d'huy  plus  que  jamais  le  cas  de  devoir  dire  :  Quod  polest  sacer- 
dos  (acial,  quod  non  potesl  misericorailer  gemal.  »  Le  clergé  lit, 
en  effet,  tout  ce  qu'il  put  et,  en  1767,  le  curé  de  Saverdun  s'en- 
tendait traiter  de  délateur  par  M.  de  Paulhiac,  seigneur  du  lieu. 

Le  recueil  est  terminé  par  de  nombreux  arrêts  du  Parlement 
de  Toulouse  contre  les  huguenots. 

Après  cette  analyse,  il  est  inutile  d'insister  sur  la  conscience 
avec  laquelle  M.  L.  a  reproduit  les  documents.  Peut-être  eût-il 
mieux  fait  de  les  transcrire  tous  intégralement,  car  l'auteur  ne 
peut  jamais  savoir  si  un  détail  qui  lui  paraît  inutile  ou  négli- 
geable ne  sera  pas  pour  tel  lecteur  d'une  certaine  iraporiance. 
Mais  cette  observation  ne  vise  que  peu  de  passages  de  ce  livre 
très  remarquable.  M.  l'îibbé  L.  n'ambitionne,  dit-il,  que  «  le 
téaioi  nage  d'absolue  impartialité  que  des  juges  non  suspects 
lui  ont  procédeiuuient  décerné.  ■  Il  le  mérite  par  ie  choix  des 
documents.  Pourtant  ses  convictions  se  font  jour  parfois  dans 


COMPTES   RENDUS   CRITIQUES.  9Ô 

les  commentaires.  Il  emploie  pour  désigner  le  protestantisme 
l'expression  aujourd'hui  tombée  en  désuétude  de  R  P.  R.  [reli- 
gion prétendue  réformée],  qui  n'a  d'ailleurs  jamais  appartenu 
au  langage  de  l'histoire.  Il  qualifie  de  théâtral  le  style  dans 
lequel  !'«  Histoire  du  protestantisme  français  »  raconte  une 
scène  cV abjuration  qui  eut  lieu  sous  la  halle  du  Mas-d'Azil.  Ce 
n'est  pas  le  style  qui  est  théâtral,  c'est  la  scène  organisée  par 
le  clergé  catholique.  Le  seul  point  intéressant  est  de  savoir  si 
les  détails  reproduits  sont  exacts. 

Quant  aux  expressions  d'abjuration  et  d'apostasie,  pourquoi 
s'en  moquer  quand  ce  sont  des  huguenots  qui  en  font  usage? 
Elles  ne  sont  pas  exclusivement  réservées  aux  catholiques  et, 
si  elles  sont  ridicules,  pourquoi  M.  L.  s'en  sert-il  fp.  vii)? 

En  résumé,  cette  publication  est  d'une  importance  capitale. 
Très  complète  et  très  impartiale,  elle  fait  honneur  à  la  Société 
historique  de  Gascogne  et  à  M.  l'abbé  Lestrade. 

A.  ViGNAUX. 


REVUE    DES   PÉRIODIQUES 


PÉRIODIQUES  FRANÇAIS  MERIDIONAUX 


Alpes  (Basses-). 

Annales  des  Basses-Alpes.  Bulletin  trimestriel  de  la  So- 
ciété scientifique  et  littéraire  des  Basses-Alpes,  26*^  année, 
t.  XII,  1905. 

Fasc.  %.  P.  1-8.  Cauvin.  Etudes  sur  la  Révolution  dans  les  Basses-Alpes. 
La  Grande  Peur.  [Juillet-août  1789;  d'après  les  archives  de  Digne, 
Moustiers  et  Seyne  ;  caractère  patriotique  que  prennent  là  les  mesures 
de  défense  improvisées  par  les  paysans  et  les  bourgeois,  l'ennemi 
étant  supposé  venir  du  dehors  ;  persistance  des  milices  et  gardfs  natio- 
nales ;  suite  et  fin,  p.  85-95.]  —  P.  8.  X.  Nobles  de  Digne.  [Mention  d'un 
acte  du  notaire  Gaudemar,  arch.  des  B.-A.,  sans  intérêt.]  —  P.  9-22. 
Jaubeut.  Souvenirs  de  décembre  18")1.  [Impressions  d'un  écolier  sans 
doute  véridiques,  mais  lointaines  et  contrôlées  par  des  lectures.]  — 
P.  '<jy-84.  LiEUTAun.  Une  nouvelle  source  de  l'histoire  bas-alpine.  Le 
journal  de  Jean  Lefèvre  (1382-1388).  [Fin.  Extraits  de  l'édition  Moran- 
villé,  annotations  d'intérêt  local;  utile.]  —  P.  35-52.  Da.mase-Arbaud. 
Les  possessions  de  l'abbaye  de  Saint-Victor  dans  les  Basses-Alpes. 
Diocèses  di;  Senez  (Suite  et  p.  96-111),  d'Embrun  (p.  IHu-C,  à  suivre). 
[Précis,  beaucoup  de  renseignements  et  de  références  ;  notices  sur  la 
famille  de  (Jastellane,  sur  les  seigneurs  de  Moriez  ot  de  la  Mure.]  — 
P.  G2-4.  Vars.  Un  milliaire  d'Aurélien.  [Trouvé  à  Saint-Jeannet,  quar- 
tier Salignac  ;  publié  d'après  un  estampage  :  imp.  caes.  l.  dom.  |  aure- 

UANUS  p.   F.   I  INVICT.  AUO.    P.  M.  |  TRIB.   P.   VI  .  COS   .  III  .  |  P.  P.  PROCOS  | 


PERIODIQUES   MÉRIDIONAUX.  101 

P.K3TIT.  oRBis  |  REFEC  ]  ET  RESTiTUiT  |  XV.  |  .  L'éditeur  annoncc  une 
étude  de  topographie  à  ce  sujet,  non  encore  parue.]  —  P.  i-xliv  (avec 
pagin.  spéciale).  Extraits  des  comptes  de  la  vicomte  de  Valernes  (1401- 
1408).  [Sans  nom  d'éditeur;  aucune  note  ;  aucune  indication  d'origine- 
Peu  utilisable  en  l'état.] 

Fasc.  97.  P.  65-84.  F.  Vkve.  Paul  Arène.  [Né  à  Sisteron,  2Q  juin  1843; 
mort  à  Antibes,  17  déc.  1896  ;  biographie  littéraire  et  documentée, 
intéressante.]  —  P.  111-8.  J.  Delmas.  De  Céreste  à  Reillane.  [Souve- 
nirs historiques.]  —  P.  119-122.  V.  L[ieutaud].  Donation  de  Volone  et 
de  Rognes  (3  février  1489)  par  Fouque  d'Agout,  seigneur  de  Sault,  Mison, 
Tour-d' Aiguës  et  Volone,  à  Fouquet  Vincens,  coseigneur  de  Rognes. 
[Résumé  avec  extraits;  orig.  Arch.  B.-d.-R.,  reg.  Phénix,  B,  f.  190.].  — 
P.  123-4.  [Lieotaud].  Changement  du  nom  de  la  Tour  de  Bevons  en 
celui  de  Valbelle  (février  1687).  [A  la  demande  de  J.  de  Valbelle,  mar- 
quis de  Tourves,  glorieux  descendant  d'un  pharmacien  marseillais;  le 
peuple  a  continué  à  appeler  cette  localité  La  Tourré.] 

Fasc.  98.  P.  129-53.  Bigot  (P. -H.).  Saint-Sauveur  de  Manosque.  [Mono 
graphie  utile  et  bien  documentée  ;  quelques  notes  bibliographiques  sur 
les  précédents  historiens  de  Manosque;  description  de  l'église;  catalo- 
gue avec  lacunes  des  curés  de  Saint-Sauveur.  A  suivre.]  —  P.  154-79. 
V.  LiEUTAUD.  Le  protocole  de  Jean  Monge,  notaire  à  Digne,  1478.  [Des- 
cription du  manuscrit  très  précise  ;  grand  nombre  de  renseignements 
d'intérêt  économique  et  social.]  —  P.  188.  X.  Résumé  en  français  du 
testament  de  Pons  de  Justas,  seigneur  de  Peypin  (27  mars  1327). 
[Aucune  indication  d'origine.] 

Fasc.  99.  P.  189-209.  XX.  Une  promenade  à  Chanolles.  [Rien  d'historique.] 
—  P.  210.  [Texte  provençal  de  r]acte  de  réception  du  juge  et  du  viguier 
annuels  dignois,  Antoine  Reynard  et  Maurice  Taulier,  23  mai,  4  juin 
1432.  Orig.  arch.  munie.  Digne,  BB  15,  f°  xi.J  —  P.  211-36.  Arnaud 
d'Agnel.  Le  préhistorique  dans  le  sud-ouest  des  Basses- Alpes.  (12  plan- 
ches et  plan.)  L.-G.  P. 

Charente. 

Société  historique  et  archéologique  de  la  Charente,^  Bul- 
letin et  Mémoires^  7*^  série,  tome  V,  1904-1905. 

I.  Bulletin.  —  P.  xxvii.  Mourier.  Note  sur  un  ex-libris  de  Cosson  de 
Guimps,  bibliophile  angoumoisin.  —  P.  xxviii-xxxvi.  G.  Ch\uvet. 
Hypothèses  sur  les  sujets  représentés  dans  les  sculptures  de  Saint- 
André  de  Rufifec.  —  P.  xxxvi-xxxviii.  G.  Chauvet.  L'hommage  du  roi- 


102  ANNALES   DU  MIDI. 

telet    et  la  fête  des  fous  à  Villejésus  (xv-xvin*  s.).  —   P.    xxxix-xl. 
Lettre  de  Jean  de  Neuville,  lieutenant  en  Aquitaine,  à  Richard  II  (1380), 
p.  p.  DE  La.  Martinière.  [Au  sujet  de  l'abbé  de  Bournet  :  épisode  du 
grand  schisme.]  —  P.  xlii-xlv.  D.  Touzaud.  Saint  Cybard  et  les  reclus 
au  vi«  siècle  et  jusqu'au  xvii'^  siècle.  [D'après  l'étude  d'Esmein,  avec  des 
notes   complémentaires.]  —  P.  XLV-XLVin.  D.  Touzaud.  Le  louage  des 
domestiques  agricoles  et  les  foires,  fêtes  ou  assemblées  d'accueillage  en 
Angoumois  et  Poitou.  [D'après  l'opuscule  de  Papillaud  sur  les  Foires 
de    la   région  de  Barbezieux   et   d'autres  sources.]  —  P.  xlix-lyi. 
G.  Chauvet  et  J.  de  La  Martinière.  Notice  sur  Brigueil.  [Etude  criti- 
que sur  la  monographie  due  à  l'abbé  Pérucaud.]  —  P.  lxiv-lxv.  A.  Fa- 
VRAUD.   La  station  gallo-romaine  de   la   Font-Brisson  (commune  des 
Gours).  —  P.  Lxxii.  Abbé  Legrand.   Note  sur    des    cartiers  d'Angou- 
lême.  —  P.  Lxxiii.  G.  de  La  Martinière.  Note  sur  l'évaluation  de  la 
seigneurie  de  Balzac  (1778).  —  P.  lxxiv-lxxv.  Lettre  de  M.  de  Breteuil 
au  syndic  de  Blanzac,  p.  p.   J.  de  La  Martinière.  [1719,  janvier  ;  au 
sujet  du  logement  du  régiment  de  Poitou.].  —  P.  lxxvi-lxxvii.  Abbé 
Mondon.  Deux  ermitages  de  la  Charente.  [A  Bellevaud  et  à  Pranzac] 
—  P.  Lxxvii-Lxxviii.  E.  Biais.   Le  portrait  en  émail,  par  Petitot,  de 
François  V^I   de  La  Rochefoucauld.    [L'auteur  des  Maximes.]   —  Id. 
L'office  de  la  Vierge  exécuté  par  Jany  (1651)  pour  le  même.  —  P.  lxxix. 
Id.   Note    sur  le  portrait  de    la   duchesse  d'Estissac  par  Nattier.  — 
P.  Lxxxiii-Lxxxiv.  Mourier.   Note  sur  trois  ex-Jibris  (xvii'^-xviii'  s.)  du 
marquir,  d'Aubeterre,  des  marquis  de  La  Rochefoucauld-Bayers  et  de 
Montalembort.    —  P.    lxxxiv-xc.  Abbé  Pérucaud.  Note  sur  l'origine 
des  seigneurs   de  Brigueil,  suivie  d'observations  par  J.  de  La  Marti- 
nière.  [Celui-ci    remarque  avec  raison  que   rien  ne  prouve  jusqu'ici 
que  cette  seigneurie  ait  appartenu  avant  1283  à  la  maison  de  Roche- 
chouart.]  —    P.   xc.   Abbé    Perchet  et  J.   de  La   Martinière.   Note 
relative  à  la  famille  d'Alloué  et  à  ses  alliances  au  xvii»  siècle   avec 
le  seigneur   de  Rochevert  (Chartrain).  —  P.  xcm-xnv.   Abbé  Legrand. 
La  protestation  de  dom  Mathieu  Messeix,  bénédictin  de  Saint-Maur, 
résidant  au  monastère  de  Bassac  (29  octobre  178L.  [Au  sujet  de  lu  ré- 
forme de  l'ordre  de  Saint-Maiir  et  de  rassemblée  tenue  à  Saint-Denis 
(septembre  1783),  avec  extraits  et  commentaire.]  —  P.  xcvii-xnx.  Abbé 
Legrand.  La  déformation  du  nom  d'Eparchius  en  Cybard.  —  P.  xcix-cii. 
Mourier  et  J.  de  La  Martinière.  Note  sur  Rouillé,  intendant  de  la  gé- 
néralité de  Limoges,  et  sur  l'agrandissement  du  couvent  des  Minimes 
d'Angoulôme  en  170j.  —  P.  ni-riu.  Mourieu.   Un  ex-libris  du  mnrquis 
d'Argenson. 


PERIODIQUES   MERIDIONAUX.  103 

II.  Mémoires  et  Documents.  —  P.  1-410.  Livre  des  Fiefs  do  Guil^ 
laume  de  Blaye,  évèque  d'Angoulême,  p.  p.  l'abbé  J.  Nanglard.  [Avec 
introduction  et  notes  :  recueil  do  chartes  conservé  au  trésor  de  l'évê- 
clié  d'Angoulême,  dépôt  distinct  des  Archives  départementales;  les 
chartes  éditées  s'échelonnent  de  1173  à  1491;  le  recueil  comprend  de 
plus  une  liste  de  fiefs  par  châtellenies  ;  les  états  de  droits  dus  à  l'évè- 
que  par  les  paroisses  des  archiprêtrés  et  des  décimes  supportés  par  les 
bénéficiers  du  diocèse  au  xv«  siècle  ;  enfin,  une  relation  de  l'élection  et 
du  sacre  d'Octavien  de  Saint-Gelais  (1494).  Guillaume  de  Blaye,  qui  fit 
commencer  le  Livre  des  fiefs,  mourut  évèque  d'Angoulême  en  1307. 
L'introduction  et  les  notes  sont  utiles,  mais  contiennent  quelques  er- 
reurs, notamment  sur  la  chronologie  des  Lusignan  ;  le  recueil  ren- 
ferme des  documents  de  premier  ordre  pour  l'histoire  politique,  écono- 
mique et  sociale  de  l'Angoumois.  Une  table  excellente  a  été  dressée  par 
J.  DE  La  Martiniére.]  P.  B. 

Drôme. 

Bulletin  de  la  Société  d'archéologie  et  de  statistique  de 
la  Drame,  t.  XXXIX,  1905. 

P.  1-72.  Ch.-F.  Bellet.  Histoire  de  la  ville  de  Tain.  [Fin.  L'auteur  ter- 
mine la  première  partie  de  cet  important  travail  par  une  étude  sur  le 
rôle  du  clergé.  La  cure  relevait  de  l'archiprêtré  de  Saint-Vallier  et  de 
l'archevêché  de  Vienne.  Depuis  le  x«  siècle,  les  Bénédictins  de  Chxny 
avaient  à  Tain  un  prieuré  dont  les  revenus  en  biens-fonds  étaient  de 
10,000  livres  et  qui  avait  dii  être  composé  de  six  religieux  dont  l'un 
remplissait  les  fonctions  de  curé  de  la  ville.  Le  prieur  affermait  (ar- 
rentement)  les  biens  de  la  mense  à  des  rentiers  qui  en  percevaient  les 
revenus  à  charge  de  subvenir  à  l'entretien  des  religieux,  d'entretenir 
le  curé,  son  vicaire  et  ses  clercs,  de  payer  les  impôts  du  prieuré,  une 
part  de  la  prébende  des  religieux  et  de  faire  aux  pauvres  les  aumônes 
accoutumées  d'après  des  listes  dressées  par  le  prieur  et  les  consuls  de 
la  ville,  sous  le  contrôle  du  capitaine-châtelain.  Mais  si  les  rentiers  se 
montraient  exigeants  dans  le  prélèvement  de  la  dîme,  ils  négligeaient 
souvent  d'acquitter  les  charges  qui  leur  incombaient.  Pendant  le  xvii» 
et  le  XVIII»  siècles,  il  y  eut  plaintes  et  protestations  incessantes  des 
habitants  privés  des  offices  et  des  aumônes,  des  curés  non  rétribués,  des 
consuls  contre  les  prieurs.  La  foi  de  la  population  reste  cependant  in- 
tacte grâce  au  dévouement  des  curés  aidés  des  confréries  pieuses.  On 
trouve  dans  les  comptes  de  la  ville  la  première  mention  d'une  école  en 


104  ANNALES   DU    MIDI. 

1391,  puis  régulièrement  à  partir  de  1599.  Le  maître  d'école  recevait 
de  la  communauté  des  habitants,  en  1599,  16  écus,  30  sols  ;  en  1720, 
100  livres  ;  en  1750,  150  livres,  plus  une  rétribution,  payée  par  les  familles 
des  écoliers,  de  5,  10,  15  ou  20  sols  par  mois.  Le  maître  était  désigné 
d'un  commun  accord  par  les  prieur,  curé,  consuls  et  notables  habitants. 
Les  familles  riches  envoyaient  leurs  enfants  au  collège  des  Jésuites  de 
Tournon.  En  1789,  grâce  à  une  fondation,  des  religieuses  dirigent  une 
école  pour  les  filles  pauvres.  En  1785,  le  seigneur,  M.  Mure  de  Larnage, 
fonde  une  école  de  garçons.  Un  hôi)ilrtl  fut  créé  en  1481  ;  il  fut  très  flo 
rissaut  dès  les  premières  années  du  xvip  siècle.]  —  P.  73-91,  196-218, 
273-91.  Brun-Durand.  Le  président  Charles  Dncros  et  la  société  protes- 
tante en  Dauphiné  au  commencement  du  xvir  siècle.  [Suite  et  à  suivre. 
Retrace  le  rôle  joué  par  Ducros  qui,  dès  1602,  prit  en  main  la  défense 
des  intérêts  du  tiers  état  dans  le  procès  des  tailles,  par  lequel  les  Dau- 
phinois réclamaient  la  substitution  de  la  taille  réelle  à  la  taille  person- 
nelle et  la  suppression  de  l'exemption  dont  jouissaient  les  nobles  et  les 
magistrats.  En  1604,  il  obtint  la  fondation  d'un  collège  à  Die.  11  est 
désigné  par  Henri  IV  pour  être  le  représentant  de  robe  du  parti  protes- 
tant auprès  de  lui  ;  il  est  le  porte-parole  de  Lesdiguières  dans  les  synodes 
protestants  de  la  province  ;  il  est  en  1609  président  de  la  Chambre  de  l'Edit 
à  Grenoble.  L'auteur  s'attache  à  montrer  le  caractère  politique  des  as- 
semblées protestantes  qui,  malgré  l'Edit  de  Nantes,  essayent  de  jouer 
un  rôle  prépondérant  dans  l'Etat.]—?.  100-15,  149-67,  292-314,385-405. 
J.  CiiEV.ALiER.  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  des  comtés  de  Valenti- 
nois  et  Diois.  [Suite.  Histoire  détaillée  du  développement  du  protestan- 
tisme dans  cette  région  pendant  la  seconde  moitié  du  xvi'^  siècle  :  exploits 
du  baron  des  Adrets,  de  Montbrun,  de  Lesdiguières;  pillages  et  ven- 
geances tour  à  tour  exercés  par  les  protestants  et  les  catholiques.  A 
signaler  la  création  de  «■  Ligues  de  l'équité  »,  associations  de  défense  des 
bourgeois  et  des  paysans  contre  les  déprédations  des  gens  de  guerre  des 
deux  partis.  Un  certain  Jean  Serves,  dit  Pommier,  originaire  de  Mont- 
miral,  qui  imi  eui  l;i  direction,  se  trouva,  en  1579,  à  Li  tête  de  quatre 
mille  hommes  armés,  li'auteur  conduit  son  récit  jusqu'en  1642.]  — 
P.  1:^1-48.  A.  BiiRETTA..  Les  cités  mystérieuses  de  Strabon.  [A  suivre. 
Cf.  Strabon,  I.  IV,  cli.  i,  |  J(S5.  Sur  l'emplacement  d'Aeria,  terrftoire  des 
Cavares,  M.  I'..  cherche  d'abord  ce  (qu'est  r"Iaapoç;  ce  serait  l'Eygues  dont 
le  confluent  a  lieu  «  en  face  du  point  où  les  Cévennes  se  soudent  au 
Rhône  ».]  —  P.  18.5-95.  Dom  G.  ?*Lvii,let-Guy.  J.  de  Montchenu,  comte 
et  évêque  de  Viviers  de  li78  à  U97.  —  P.  5^33-52,  406-33.  R.  V.  C. 
Population  des   laillabilités  du  j)auphiné.  [A  suivre.   D'après  un  docu- 


PERIODIQUES   MERIDIONAUX.  105 

ment  del44ff.  qui  doit  ("Ire  identifié  avec  l'étude  de  rintendantBouchu,  de 
1698.] —  P.  258-6Ô.  X.  Notes  historiques  sur  la  famille  Bonnot-Condillac. 
[Récit  des  démêlés  entre  les  parents  de  Condillac  au  sujet  de  sa  succes- 
sion.] —  P.  266-72.  A.  Lacroix.  Les  environs  de  Chàtillon.  [Suite.  Village 
de  Barnave  à  2  kil.]  —  P.  315-35,  376-81:.  E.  Melmkr.  Les  ponts  anciens 
sur  le  Pihône.  [Suite  et  fin.  Le  pont  ancien  fut  probablement  commencé 
sous  les  auspices  d'Odon,  évèque  de  Valence,  et  de  ses  neveux  les 
seigneurs  de  Crussol.  Un  pont  suspendu,  œuvre  de  J.  Seguin,  fut 
ouvert  en  1830  et  devint  gratuit  en  1885  seulement;  le  pont  de  pierre 
(pont  Loubet),  inauguré  en  1905,  est  le  premier  édifice  en  maçonnerie 
construit  sur  le  Rhône  depuis  ceux  de  la  Guillotière  et  de  Pont-Saint- 
Esprit.]  0.  N, 

Garonne  (Haute). 

I.  Bulletin  de  la  Société  ai  chéulogique  du  Midi  de  la 
France,  1905-1906. 

p.  370-2.  Pasquier.  Sarcophage  du  xiv  siècle,  découvert  place  Dupuj',  k 
Toulouse  (avec  figure).  —  P.  372-3.  Pasquier.  Remarques  sur  les  en- 
ceintes fortifiées  de  Caumont  et  du  Castelas  de  Belvezet,  près  d'Uzès. — 
P.  373-8.  Cartailhac.  L'ambre  dans  les  dolmens  et  les  grottes  sépul- 
crales du  Midi.  —  P.  379-82.  J.  de  Lahondès.  Le  vieil  Aibi;  Exposition 
Léon  Soulié  ;  notice  biographique  sur  Soulié.  —  P.  388-95.  Galabert. 
Jean  Valette  Penot,  peintre  montalbanais  ;  exposition  de  ses  œuvres 
A  Bordeaux  en  1766.  —  P.  395-400.  J.  de  Lahondès.  Une  vue  du  quai 
de  la  Daurade  en  1781  ('avec  une  planche  et  deux  figures).  —  P.  400-3. 
Bégouen.  Une  stèle  funéraire  romaine  trouvée  à  Saint-Girons  en  décem- 
bre 1905.  [Très  bonne  lecture  et  étude  de  l'inscription.]  —  P.  404-6, 
FouRGous.  Une  statue  de  saint  Pierre  du  xiii»  siècle  (àRampoux,  Lot); 
un  buste  de  femme  du  xiv  siècle  à  Cahors.  —  P.  406.  Delorme.  Note 
sur  des  monnaies  romaines  trouvées  à  Nolet,  près  Grenade.  —  P.  406. 
Cartailhac.  Une  cachette  de  haches  de  bronze  près  Millau  (Aveyron).— 
P.  407-8.  Delorme.  Prospectus  de  marchand  toulousain  du  xvii'  siècle. 
—  P.  409-11.  Abbé  Breuil.  La  dégénérescence  des  figures  d'animaux  et 
motifs  ornementaux  à  l'époque  du  renne.  —  P.  411-3,  Abbé  Galabert. 
Un  manuscrit  explicatif  des  hymnes  du  Bréviaire.  [Du  début  du  xv  siè- 
cle.] —  P.  413-8.  Désazars  de  Montgailhard.  Le  tableau  de  Seysses; 
un  coin  du  vieux  Toulouse  (avec  deux  fig.  et  une  gravure).  [Excellente 
étude  sur  le  tableau  du  xvn"  siècle,  conservé  dans  l'église  de  Seysses 
et  représentant  une  procession  des  Carmes  qui  entre  à  Toulouse  par  la 
barbacane  du  Château  Narbonnais  ]  —  P.  418-28.  J.  de  Lahondès.  La 


1U6  ANNALES   DU   MIDI. 

restauration  des  monuments.  [Discours  très  intéressant.]  —  P.  429-42. 
DÉSAZ.4RS  DE  MoNTGAiLH.'^RD.  Rapport  général  sur  le  concours  de  l'an- 
née. [Notices  sur  des  ouvrages  couronnés  inédits  :  Au  Pays  de  Brassac 
(histoire  des  châteaux  de  Ferrières,  Brassac,  Belfortès,  de  Castelnau- 
de-Brassac)  ;  François-Louis  Lemercier  du  Chalonge  (biographie  de 
cet  évèque  constitutionnel  de  Pamiers);  Les  Vicomtes  et  la  vicomte 
de  Paulin  dans  le  comté  de  Castres;  Histoire  de  Saint-Michel-de- 
l'Ancs.]  —  P.  443-6.  J.  de  Lahondès,  et  p.  505-10,  Rachou.  Album  de 
portraits  de  parlementaires  toulousains.  [Intéressantes  notices  sur  ce 
recueil  précieux  de  123  portraits  de  parlementaires  toulousains  exécutés 
à  la  fin  du  xvii"  siècle.]  —  P.  448-9.  Ms'  Douais.  Un  contrat  entre  bala- 
dins à  Tholose  en  1663.  —  P.  450-7.  Ms'  Batiffol.  Manuscrit  toulousain 
au  British  Muséum.  [Ce  Graduel  romain,  qui  n'a  rien  de  toulousain, 
renferme  cependant  trois  pièces  extraites  du  cartulaire  de  Saint-Étienne, 
dont  deux  paraissent  inédites.]  —  P.  451-2.  J.  de  Lahondès.  Notice  sur 
ce  même  manuscrit.  —  P.  452-5.  Id.  Les  statues  des  deux  femmes  por- 
tant un  lion  et  un  bélier.  [Description  et  explication  de  ce  bas-relief 
du  Musée  de  Toulouse.]  —  P.  456-8.  J.  de  Lahondès.  Despanses  pour 
les  Jeux  Floraux  suivant  le  testametit  de  Darne  Clémence,  1650.  — 
P.  458-9.  Barrière-Flavy.  Sceau  ou  contre-sceau  du  xy«  siècle,  trouvé  à 
Auterive  (Haute-Garonne).  —  P.  459-65.  De  Puybusque.  Comptes  d'apo- 
thicaire au  xvn'  siècle.  [Curieux  documents  tout  à  fait  moliéresques.] 
—  P.  473-7.  Cartailhac.  Les  palettes  des  dolmens  aveyronnais  et  des 
tombes  égyptiennes  (avec  planche).  —  P.  477-9.  Lamouzèle.  Sur  quel- 
ques outils  en  pierre  taillée  et  en  pierre  polie  de  Castelmaurou  (Haute- 
Garonne).  —  P.  482-3,  48.J-8.  Delorme.  Une  médaille  satirique  du 
XVI'  siècle;  Jeton  satirique  contre  les  femmes,  xv*  siècle  (planche).  — 
P.  401.  Delorme.  Fragment  de  colonne  sculpté  provenant  du  cimetière 
des  Sopt-Deniers  de  Toulouse.  —  P.  491-9.  De  Bourdes.  Un  cahier  de 
comptes  manuscrit  de  1687,  relatif  au  Parlement  de  Toulouse.  [Docu- 
ment intéressant  pour  la  composition  du  Parlement  et  les  traitements 
des  parlementaires.]  —  P.  500-5.  Massif.  Les  étudiants  et  les  régents 
du  collège  Saint-Martial  à  Toulouse.  [D'après  une  pièce  des  archives 
du  Lot,  de  1751.]  —  P.  511.  Abbé  Lestrade.  Impression  d'imagerie 
populaire  à  Toulouse  ;  24  septembre  1522.  —  P.  511-3.  Abbé  Galabert. 
Strophes  janséniennes  :  Les  quatre  embarras  (du  xviii'  siècle).  — 
P.  513-20.  J.  de  Lahondès.  Le  Congrès  de  la  Société  française  d'archéo- 
logie tenu  à  Carcassonnc  et  à  Perpignan.  —  P.  520-5.  M»'  Douais. 
D'Assézat  créancier  d'un  étudiant,  15,55;  Testament  de  Pierre  d'Assézat, 
18  aoilt  1581.  [Documents  extraits  des  Archives  des  notaires.]  —  P.  525-6. 


PERIODIQUES  MÉRIDIONAUX.  107 

J.  DE  Lahondés.  Une  vue  panoramique  d'Albi  (fin  du  xviif  siècle).  — 
Abbé  Lestrade.  Histoire  de  l'art  à  Toulouse  ;  nouvelle  série  de  baux 
à  besogne.  [Documents  de  1471  à  1677  sur  la  chapelle  Saint-Pierre  et 
Saint-Géraud,  l'église  Saint-Georges,  les  églises  de  Pouse,  Saint-Martin- 
des-Pierres,  Deyme,  Saussens,  Muret,  Montgiscard,  Saint-Jory;  le  châ- 
teau des  Varennes,  etc.]  —  P.  542-4.  Cartailhac.  Edouard  Piette,  sa  vie, 
ses  œuvres  préhistoriques.  Ch.  L. 

II.  Mémoires  de  l'Académie  des  Sciences,  Inscriptions 
et  Belles-Lettres  de  Toulouse,  10*'  série,  t.  V,  1905. 

P.  140-56.  Desazars  de  Montgailhard.  L'art  à  Toulouse,  ses  enseigne- 
ments professionnels  pendant  l'ère  moderne,  2'=  partie.  Début  du 
xviii»  siècle.  [L'école  de  Toulouse  est  restée  fidèle  à  l'art  italien,  tout 
académique;  c'est  Antoine Rivalz  qui  y  fait  triompher  r« académisme  ». 
Ecole  de  dessin  inaugurée  par  lui  (1726-1735)  sous  le  patronage  des 
capitouls.  Après  sa  mort,  G.  Cammas  en  devient  le  directeur  (1737).  | 

P.  D. 

Gers. 

I.  Bulletin  de  la  Société  archéologique  du  Gers,  1905. 

p.  15-23.  A.  Branet.  Le  manoir  de  Saint-Cricq.  —  P.  24-9.  Abbé  Gaubin. 
Barcelonne  (fin).  —  P.  29-35.  A.  Miégeville.  Demande  de  transfert  de 
l'évèché  d'Agen  à  Auch  (an  Xl-1817).  —  P.  36-7.  Plainte  d'un  père  au 
sujet  de  l'inconduite  de  son  fils  (1786).  —  P.  44-6.  A.  Lavergnk.  Paul 
Parfouru,  ancien  archiviste  du  Gers.  —  P.  47-54.  Abbé  Breuil.  Fon- 
dation de  M.  de  la  Mothe-Houdancourt  pour  l'àme  d'Anne  d'Autriche. 
—  P.  54-68.  Oh.  Samaran.  Le  voyage  des  ducs  de  Bourgogne  et  de  Berri 
en  Gascogne,  pendant  l'hiver  de  1700-1701.  [Excellent  travail.]  —  P.  68- 
70.  Sance.  Organisation  de  la  garde  nationale  à  Ansan  et  Lucvielle 
(1791).  —  P.  70-81.  R.  Pagel.  Dom  Brugèles,  prieur  de  Sarrancolin. 
[L'auteur  des  «  Chroniques  ecclésiastiques  du  diocèse  d'Auch  »  fut  con- 
damné aux  galères  comme  coupable  de  faux.  Gracié  à  l'occasion  du 
sacre  de  Louis  XV,  il  rentra  dans  son  monastère  de  Simorre  dont  il  fut 
un  des  principaux  dignitaires.  Il  s'agissait  d'une  délibération  du  Chapi- 
tre, antidatée.  Le  Chapitre  tout  entier  paraît  coupable,  et  le  monastère 
de  la  Daurade,  contre  lequel  luttait  l'abbaye  de  Simorre,  n'avait  pas 
moins  à  se  reprocher.]  —  P.  81-2.  Prières  des  patriotes  pendant  les  trois 
journées  de  juillet  1830.  —  P.  82.  Transfert  de  l'horloge  du  prieuré  à  la 
mairie  d'Auch.  —  P.  82.  Certificat  de  M.  de  Villars  pour  justifier  la 
conduite  de   Jean-Jacques  de   Cardaillac-Lomné    à    l'attaque   du   châ- 


108  ANNALES    DU   MIDI. 

teau  do  Sarrancolin,  en  l.')n2.  —  P.  83.  Une  origine  du  mot  Gironde. 
[Légende  absurde.]  —  P.  8ô-7.  Dartigues.  L'assistance  médicale  gra- 
tuite dans  la  généralité  d'Aucli.  —  P.  87-102,  196-208.  Abbé  S.  Daugé. 
Un  pliysiocrate  seigneur  de  Roquelaure  :  le  marquis  de  Mirabeau.  — 
P.  102-6.  Abbé  Lamazouade.  Notes  sur  Castelnau-Barbarens.  —  P.  112- 
29,  231-53.  A.  Miégeville.  Etude  historique  sur  les  haras  de  la  géné- 
ralité d'Aiich  et  du  département  du  Gers.  [Bon  travail,  plein  de  rensei- 
gnemeuts  intéressants  ;  de  1740  à  la  fin  de  l'ancien  régime.]  —  P.  129-32. 
.J.  Mastron.  Budget  d'un  curé  au  xviii»  siècle,  Cambo  (Gironde.)  — 
P.  132-52.  208-31.  J.  de  Broqua.  Antoine  d'Escrimes,  maréchal  de  camp 
des  armées  de  Louis  XVI.  —  P.  152-63.  L.  Mazeret.  Quelques  sceaux 
gascons  inédits.  —  P.  163-72,  312-18.  Barada.  La  garde  d'honneur  de 
Napoléon  I"  à  son  passage  à  Auch.  (Suite  et  fin.)  —  P.  173-9.  De  Sar- 
DAC.  Monsieur  Eugène  Camoreyt.  [Excellente  notice.]  —  P.  179-80.  En- 
tretien des  tapisseries  du  château  de  Pau.  —  P.  181-91.  Carrère  et 
Rolland.  Excursion  en  Pardiac.  —  P.  253-60.  Abbé  Tournier  Les 
fléaux  dans  les  environs  de  Jegun.  —  P.  262-91.  Béinétrix.  Un  collège 
de  province  sous  la  Renaissance.  Les  origines  du  collège  d'Auch  (1540- 
1590).  [A  suivre.]  —  P.  291-8.  A.  Lavergne.  La  commanderie  de  la 
Cavalerie.  [Bonne  étude  monumentale  d'une  église  du  xr  ou  xii'  siècle, 
accompagnée  d'un  cliché  de  M.  Lauzun.]  —  P.  304-8.  Ch.  Palanque. 
Note  sur  des  objets  provenant  des  fouilles  d'Antinoé.  —  P.  309-10.  Bré- 
gail.  Echaullburée  au  théâtre  de  Toulouse  (an  V).  [Lettre  d'un  député 
du  Gers,  Gauran,  à  un  de  ses  collègues  du  même  département.  Cet  épi- 
sode de  l'histoire  de  Toulouse  a  été  déjà  traité.]  —  P.  319-20.  La- 
mazouaih:.  Mesures  agraires  et  impôts  de  Sauveterre  au  xvni=  siècle. 
—  P.  321-6.  Abbé  Lagleize.  Les  Flourantini  viennent  au  secours  de  la 
commune  d'.\uch  en  1793.  —  P.  327-8.  Cieutat.  Armoiries  d'Auch  et  de 
Saiiit-Piiy.  [.\rrèt  de  la  Cour  d'Agen  ordoanant  la  transcription  de 
lettres  patentes  de  Louis  XVIII  qui  autorisent  ces  deux  villes  à  porter 
des  armoiries.  On  n'a  pas  trouvé  la  transcription.] 

A.  V. 

II.  Revue  de  Gascogne,  nouvelle  série,  t.  V,  46®  année, 
1905. 
Janvier  : 

P.  5-21.  A.  Jkanuuv.  L'abbé  Léonce  Couture.  [Eloge  prononcé  le  17  jan- 
vier 19itl,  à  la  séance  [jublique  de  la  Société  archéologique  du  Midi  de 
la  Franco.]  —  L*.  25-31.  59-(it;.  .\.  IJegert.  Evoques  gascons  devant  l'In- 
quisition romaine  (suite  et  (in).  —  P.  32-8.  V.  Foix.  Fables  choisies  du 


PERIODIQUES   MÉRIDIONAUX.  109 

nouveau  «  Lïi  P'ontaine  »  de  Bayonne.  [Choix  des  variantes  les  plus 
caractéristiques.  Complément  à  l'étude  préliminaire  parue  dans  un 
numéro  précédent.]  —  P.  39-40.  D"'  J.  de  Sardac.  Dépenses  pour  une 
exécution  à  Lectoure  en  1518.  [Curieux  détails,  notamment  sur  le  salaire 
des  «  sargans  et  companhons  »  qui  assistèrent  le  maître  des  hautes 
œuvres,  et  du  <f  barbier  »  qui  «  bacquet  1-espasi  d-ung  mes  a  medecinar 
lo  bras  »  du  condamné  qui  eut  le  poing  coupé.  D'après  les  comptes 
consulaires  de  Lectoure,  aux  Arch.  de  cette  ville.] 
Février  : 

P.  49-59,  149-60.  F.  Sarran.  Une  anthologie  gasconne  :  les  Poètes  gascons 
du  Gers,  par  J.  Michelet.  —  P.  69-78,  268-77.  G.  Balencie.  Chronologie 
des  évèques  de  Tarbes  (1227-1801). 
Mars  : 

p.  97-112.  A.  Clergeac.  Jean  IV  d'Armagnac  et  les  papes  d'Avignon, 
Innocent  VI  et  Urbain  V.  —  P.  ll:j-24.  A.  Degert.  La  célébration  du 
décadi  dans  une  commune  rurale.  [Il  s'agit  de  Gamarde,  canton  de 
Montfort  (Landes).  Les  cérémonies  s'organisèrent  avant  l'institution 
officielle  du  culte  décadaire  par  la  Convention.  D'après  un  registre  offi- 
ciel des  procès-verbaux  de  ces  célébrations  conservé  aiix  archives  muni- 
cipales de  Gamarde.]  —  P.  125-34.  J.  Duffour.  Heures  anciennes 
d'Auch.  —  P.  135-8.  C.  Cézérac.  A  propos  d'une  lettre  inconnue  du  ma- 
réchal Lannes.  —  P.  139-40.  J.  Lestrade.  Louis  XIII  et  les  prédications 
du  P.  Rebourg  à  Lectoure. 

Avril  : 

P.  145-9.  Ch.  Samaran.  Biaise  de  Monluc  défend  son  frère  Jean  devant 
l'inquisition  romaine.  [Addition  de  délai!  aux  articles  de  M  Degert,  cités 
plus  haut,  sur  les  démêlés  de  Charles  IX  et  de  la  papauté.  Texte  de  la 
lettre  de  Biaise  de  Montluc  au  pape  Pie  IV  (20  déc.  1.563)  pour  défendre 
son  frère.  D'après  une  copie  trouvée  dans  les  papiers  du  cardinal  de 
la  Bourdaisière.]  —  P.  161-71,  215-22.  C.  Daugé.  Quelques  comptes 
du  vieux  Lourdes.  —  P.  172-9.  P.  Coste.  Comment  se  faisait  uu  évêque 
constitutionnel.  —  P.  180-1.  A.  D[egerï].  Une  tragédie  jouée  à  Pau  : 
Phalaris.  —  P.  182-6.  J.  Lestrade.  Deux  documents  sur  le  collège  de 
Gimont. 

Mai  : 

P.  193-205.  J.-B.  Gabarra.  Un  poète  gascon  :  le  chanoine  J.-F.  Pédegert. 
[Cite  plusieurs  extraits.  Dans  le  bulletin  de  Borda,  l'abbé  Beaureddon, 
si  je  ne  me  trompe,  avait  aussi  rapporté  quelques  fragments  du  poète 
landais.]  —  P.  206-15.  A.  Degert.  Le  plus  ancien  manuscrit  connu  du 


110  ANNALES   DU    MIDI. 

prieuré  de  Saint-Orens  (d'Aucli).  —  P.  -223-34.  A.  Benaben.  Lettres  iné- 
dites du  dernier  évêque  de  Lombez. 

Juin.: 
P.  241-3.  A.   Degert.    Nécrologie    :    M»"'   Balaïn,   archevêque  d'Aucli.  — 
P.  244-.59.   J.    DuFFOUR.  Doléances  des  évèques  gascons  au   concile  de 
Vienne  (1311).  —  P.  260-4.  Cézérac.  Le  dernier  prieur  de  Saint-Orens. 

—  P.  265.  J.  Lestrade.  A  l'abbaye  de  Saint-Polycarpe.  —  P.  266. 
G.  MoLLAT.  Un  procès  criminel  à  l'officialité  d'Auch,  en  1336.  —  P.  267. 
A.  Degert.  Pierre  Charron  réprimandé  par  le  Parlement  de  Bordeaux. 

—  P.  278.  Lafargue.  Charges  et  revenus  d'un  curé  de  campagne  en  1790. 

Juillet-aoùl  : 

P.  289-317.  A.  Clerge.ac.  La  désolation  des  églises,  monastères  et 
hôpitaux  de  Gascogne  (13.56-1378).  —  P.  318-26,  441-55.  V.  Aijriol. 
La  coutume  de  Cadeilhan.  [Notions  géographiques ,  économiques 
et  historiques  sur  ce  petit  village  du  Gers,  canton  de  Lombez, 
autrefois  membre  de  la  commanderie  de  Montsaunès.  Transcriptions 
annotées  du  texte  latin  de  la  coutume,  d'après  une  copie  qui  est  sans 
doute  du  xv^  siècle,  et  d'une  traduction  française  du  xviii"  siècle,  con- 
servées aux  archives  départementales  de  la  Haute-Garonne.  Certains 
mots  gascons  ne  sont  pas  bien  interprétés  :  il  n'y  a  aucun  rapport  éty- 
mologique entre  espleissa,  «  couper  les  branches  d'un  arbre  «  et  espleita, 
«exploiter  »  (p.  443,  n.  5),  entre  barat,  «  fraude  »  et  harat  «  fossé  », 
de  vallatum  (p.  444,  n.  3).J  —  P.  327-48,  425-40,  503-21',  548-62. 
A.  Degert.  L'ancien  diocèse  d'Aire.  [Avec  sa  compétence  et  sa  science 
habituelles,  M.  A.  D.  donne,  dans  une  série  d'importants  articles,  l'his- 
toire religieuse  d'une  partie  de  la  Gascogne  qui  n'a  pour  ainsi  dire  point 
été  étudiée  jusqu'ici.  Ce  sera  là  une  étude  délinitive  à  mettre  à  côté  de 
la  précieuse  histoire  des  évèques  de  Dax.  Reproduction  de  la  carte  de 
r«  Evesché  d'Aire,  tracée  par  le  S'  Pierre  de  Val,  seci-étaire  de  Mons. 
l'Evesque  ».  Beaucoup  à  apprendre  dans  le  texte  et  les  nombreuses 
notes  aux  références  précises  qui  documentent  l'étude.]  —  P.  349-54. 
S.  Daugé.  Ruines  gallo-romaines  de  Saint-Lary.  -^  P.  354-8.  J.  Duffo. 
Le  bien  patrimonial  de  saint  Vincent  de  Paul.  —  P.  362-3.  A.  Degert, 
Deux  lettres  inédites  d'Henri  IV.  —  P.  365-71.  E.  Castex.  Construction 
d'un  couvent  de  capucins  à  Gondrin. 

Septembre-octobre  : 

p.  385-406,  490-502,  519-37.  C.  Tauzin.  Les  débuts  de  la  guerre  de  Cent 
ans  en  Gascogne  (1327-1310).  [Excellente  étude  du  savant  érudit 
landais.]—  P.  407-24.  J.  Dedieu.  Le  prieuré  de  Saint-Lézer  sur  l'Adour, 


PERIODIQUES   MERIDIONAUX.  111 

en  1402.  —  P.  -456-62.  C.  Ckzérac.  L'abbé  de  Montesquiou-Fezensac,  prieur 
de  Saiiit-Orens.  [Complément  à  l'article  signalé  plus  haut.]  —  P.  163-4. 
Cardaillac.  Question  -.ISaticta  Fades  de  Cuberturis  ?  [Quelle  identifica- 
tion se  proposer  pour  ce  Sainte-Foi,  en  Toulousain?] 

Novembre  : 

P.  481-y.  Gh.  Samaran.  Une  croix  reliquaire  des  comtes  d'Armagnac. 

Décembre  : 
P.  538-48.  A.   Clergeac.   Deux  lettres    inédites   de  Marca.   —  P.  563-5. 

J.   Lestrape.  a  propos  de  Guillaume  Ader.    [Quelques  détails  inédits 

sur  la  vie  de  G.   Ader,  médecifi.]  —  P.  566.  A.  D[egert].  L'historien 

bayonnais  Veillet  nommé  chanoine  de  Dax. 

G.  M. 

Gironde. 

ArcJiives  historiques  de  la  Gironde^  t.  XL,  1905. 

p.  i-xiv  et  1-81  iU.  J.  Lépicier.  Table  chronologique  des  documents  et 
table  alphabétique  des  noms  de  lieux  et  de  personnes  publiés  dans  les 
volumes  XXI  à  XXXIX.  [L'une  va  de  la  p.  1  à  156,  l'autre  de  la  p.  157 
à  80<>.  Il  est  aisé  et  agréable  de  louer  un  travail  aussi  considérable  et 
aussi  bien  fait,  mais  on  comprendra  qu'il  soit  impossible  d'en  parler 
avec  quelque  détail.]  P.  D. 

Isère. 

I.  Bulletin  de  V Académie  delphinale,^^  série,  t. XIX,  1905. 

P,  51-83.  PicoLET  d'Hermillox.  Note  sur  la  fondation  du  diocèse  de 
Chambéry.  [Discours  de  réception.  La  note,  quoique  faite  de  seconde 
main,  est  utile  et  ^précise.  Le  diocèse  date  seulement  de  1779:  il  a 
éprouvé  depuis  des  modifications  importantes.] — P.  95-176.  Capitaine 
JusTER.  Fort  Barraux  en  1814  et  1815.  [Etude  très  complète  d'après  les 
Archives  de  la  guerre  et  celles  de  l'Isère.  Le  fort  couvrait  seul  Grenoble 
contre  les  Autrichiens  venant  de  Genève.  Il  devint  un  des  points 
d'appui  d'Augereau  dans  sa  campagne  et  fut  rendu  par  lui  le  26  avril  1814. 
En  1815,  le  fort,  moins  bien  approvisionné,  mal  défendu  par  une  garni- 
son médiocre,  est  bloqué  par  les  Autrichiens  jusqu'au  8  août.  Appendice 
formé  de  diverses  pièces.]  —  P.  195-235.  Abbé  A.  Milliat.  Pétrarque. 
Ses  rapports  avec  Humbert  II  et  les  Chartreux.  [Le  poète  n'est  pas 
venu  en  Dauphiné  ;  mais  des  Dauphinois  l'ont  fréquenté.  Il  rencontra  à 
la  Sainte-Baume  le  dauphin  Humbert  II  et  ne  s'en  félicita  point.  A  la 
chartreuse  de  Montrieux,  où  était  entré  son  frère,  il  vit  le  prieur,  Per 


112  ANNALES   DU    MIDI. 

ceval  de  Valence,  un  Dauphinois:  il  comble  les  Chartreux  de  loiiann[es; 
M.  M.  ajoute  qu'il  fut  ramené  par  eux  à  hi  foi.]  —  P.  237-78.  Capitaine 
JusTER.  Les  gardes  d'honneur  de  Grenoble  (1811)  et  de  Vienne  (18:)7). 
[Désignés  pour  faire  le  service  auprès  de  l'empereur  lorsqu'il  viendrait 
à  passer  dans  ces  villes.  Trop  détaillé  pour  le  sujet,  qui  est  mince.  Les 
gardes  grenoblois  devaient  endosser  un  uniforme  majestueux,  dont  spé- 
cimen en  couleur.]  —  P.  279-305.  .T.  de  Beylié.  Lettres  inédites  de  Bar- 
nave  sur  la  prise  de  la  Bastille  et  sur  les  journées  des  5  et  6  octobre. 
[Avec  quelques  documents  annexés;  le  tout  fort  intéressant.  Les  billets 
échangés  entre  Barnave  et  M"""  de  Staël  mettent  au  jour  au  moins  l'un 
des  mobiles  d'action  du  député  —  ses  relations  personnelles  avec  Nec- 
ker  —  et  ses  rapports  avec  la  cour,  plus  anciens  qu'on  ne  croyait.]  — 
P.  327-501.  Cl.  Faure.  Histoire  de  la  réunion  de  Vienne  à  la  France 
(1328-1454).  [Publication  in  extenso  d'une  thèse  de  l'Ecole  des  Chartes 
dont  les  positions  ont  paru  en  janvier  1905  (Cf.  Annales,  t.  XVIII, 
p.  278)  sous  un  titre  un  peu  différent.  Nous  nous  contenterons  de  ren- 
voyer le  lecteur  à  l'analyse  de  ces  positions,  sauf  les  quelques  remar- 
ques suivantes.  Les  consuls  de  Vienne  semblent  pourvus  d'uue  moindre 
autorité  que  nous  ne  l'avions  cru  d'abord  (v.  p.  396)  :  ils  n'avaient  pas 
de  juridiction  ;  ils  se  bornaient  à  protéger  les  habitants,  à  administrer 
les  finances  et  les  travaux  publics.  Le  travail  de  M.  F.,  d'ailleurs  so- 
lide et  intéressant,  ne  nous  fait  pas  pénétrer  assez  profondément  dans 
la  vie  municipale.  Sur  la  place  où  se  réunissaient  les  bourgeois,  ombra- 
gée d'un  orme  que  le  consulat  avait  placé  dans  ses  armoiries  (d'où  le 
nom  de  «  paroisse  de  l'Orme  »  ou  «  grande  paroisse  »,  la  plus  riche, 
ayant  le  «  grand  banneret  »,  et  fournissant  quatre  consuls  sur  huit), 
nous  nous  permeltrons  de  le  renvoyer  à  un  article  paru  ici  même 
(t.  XI,  p.  348);  sur  le  sens  du  mot  i<  feu  »,  du  moins  en  Languedoc,  à 
nos  Instit.  polit,  et  administr.  du  pays  de  La)iguedoc,  p.  619.  A 
suivre.]  P.  D. 

H.  Reoue  épigi'aphiqiie,  t.  V,  1905. 

Janv.-mars,  N°  1601.  Epitaphe  trouvé  à  Dauphin  (Basses-Alpes).  [Le  sur- 
nom gaulois  Uellico  parait  nouveau  à  M.  Espérandieu,  quoique  la 
forme  Bellicus  soit  connue  par  plusieurs  exemples  ]  — N"  1602.  Fonda- 
tion de  jeux  annuels  par  un  personnage  de  rang  sénatorial.  [Ce  frag- 
ment, depuis  longtemps  au  musée  d'Arles,  a  provoqué  au  Cl.  L.  un 
essai  de  restitution  (jue  M.  E.  améliore.  Le  fondateur  a  pour  surnom 
Camo.rs.  M.  Muwat  suppose  qu'il  est  le  même  qw'Aulus  A/tnius  Ca- 
mars,  connu  i>ar  une  inscription  de  Rome,  inscrit  dans  la  tribu  Teren- 


PERIODIQUES   MERIDIONAUX.  113 

tina,  qui   était   celle   d'Arles.   La   Camargue   lui  aurait   appartenu  et 
aurait  pris   son  nom  :  Camartiacicm.]  —  P.  132-7.  Remarques  épigra- 
pliiques,  par  A.  Héron  de  Villefosse.  Saint-Paulien  {Haute-Loire  . 
[La  ville  du  Puy  n'a  jamais  été  une  colonie  romaine.  La  capitale  des 
Vellavi  était  Ruessium  ou  Revessio,  devenu  Saint-Paulien.  Toutes  les 
inscriptions  et  toutes  les  sculptures  antiques  du  Puy  viennent  de  Saint- 
Paulien.]  Dàir-el-Gamar  [Liban).  Les  7iaviculaires  maritimes  d' Arles. 
[Il  s'agit  de  l'inscription  n"  1351  de  la  Revue.  Elle  est  malheureuse- 
ment fragmentaire,  mais  suffit  à  montrer  que,  vers  le  début  du  ni'  siè- 
cle, les  cinq  corporations  des  naviculaires  maritimes  d'Arles,  qui  trans- 
portaient à  Rome,   sur  ses   navires,  les    céréales  de  la    Narbonnaise, 
avaient  eu  lieu  de  se  plaindre,  auprès  du  procurateur  impérial  de  l'an- 
none  de  cette  province,  des  difficultés  qu'ils  rencontraient  dans  le  port 
d'Ostie.  Le  procurateur  prit  des  mesures  très  intéressantes  pour  leur 
donner  satisfaction.  L'inscription  de  Daïr-el-Gamar,  qui   rappelle  cette 
curieuse  affaire,  est  entrée  au  Louvre-  Elle  est  sur  bronze.  Elle  avait  été 
transformée  en  couvercle  do  ciste,  ce  qui  l'a  sauvée  d'une  perte  com- 
plète. M.  H.  de  V.  améliore  la  lecture  de  quelques  passages.] —  P.  138-4^4. 
Médaillons  en  terre  cuite  ornés  de  sujets  avec  épigraphe,  par  le  C'  R. 
Mowat.  [Il  s'agit  de  huit  médaillons  provenant  d'Orange.  Restitution 
des  légendes  :  [Jupiter  o^ptirnlus  Maximus];  [Merciirius  f\elix  nobis ; 
Nica,  Par[the]nopaee  J  Tu  sola,  nica.  Légendes  :  Féliciter  ;  Malisius; 
Epegesine;  Lente  inipelle  ;  Vides  quam  be/ie  chalas  ;  Dionysius,  qua 
hora  volt,  \_r\icet  chalare;  Vicisli,  domina;  Teneo  te;  Philocte.  Les 
décors  de  la  céramique  rhodanienne  rattachent  étroitement  les  ateliers 
d'Orange,  de  Vienne,   de  Lyon,  aux   représentations  scéniques  de  ces 
villes,   même  les  décors  erotiques.   E21  effet,   les  spectateurs  romains 
avaient,    en   ce  genre,   iine  force  d'endurance  dont   nous   ne   pouvons 
douter.] 
Avr.-juin.  N"'  1007-12.  Inscriptions  fragmentaires  de  Poitiers.  —  P.  154-9. 
Dieux  de  la  Gaule,  par  A.  Allxier.  Deus  '/ elo,  à  Périgueux.  [Il  est  as- 
socié  à  la  déesse  Stanna.  Ce  dieu  est  la  belle  fontaine  de  Toulon  et 
Stanna  la  rivière  à  laquelle   cette  source  donne  naissance.]  Mars   Tri- 
ttdlus,   au    musée  de   Mende,  provenant  de   Saint-Laurent-de-Tréves, 
canton  de  Florac.  Tutela  de  Bordeaux.  Tutela  do  Lyon?  Juillet  1905  à 
juin  1900.  —  N°1021.  Autel  aux  Mères,  découvertàSavoillaus  (Vaucluse). 
—  N"  1022.  Autel  à  Mercure,  trouvé  à  Vaison  (Vaucluse).  —  N°  1023.  Autel 
à  Vatio,  trouvé  à  Vaison.  [Florian  Vallentin  voit  dans  la  déesse  Vatio 
la  personnification  divinisée  de  la  ville  de  Vaison.  Hirschfeld  y  voit 
celle  de  la  rivière  d'Ouvèze.   Le  gentilice  Birrius  est  assez  rare.]  — 

ANNALES    DU    MIDI.    —    XIX  8 


114  ANNALES  DU   MIDI. 

N"  1624.  Epitaphe  provenant  d'Aps  (Ardèche).  Le  surnom  Atiamoenus 
est  nouveau.]  —  N°  1625.  Marque  du  fabricant  Hermias  sur  un  bassin 
de  plomb  acheté  à  Aps.  —  N»  1626.  Epitaphe  chrétienne  à  Saint-Thomé 
(Ardèche).  [Elle  est  fragmentaire.]  —  N°  1627.  Dédicace  d'un  locus  con- 
sacré à  Jupiter.  [C'est  un  petit  autel  trouvé  à  Bauveplantade,  dans  la 
vallée  de  l' Ardèche.  M.  E.  voit  avec  raison  dans  le  mot  locus  un  empla- 
cement. Je  ne  traduirais  pas  constitua  par  «  a  bâti  »,  mais  simple- 
ment par  «  a  constitué  ».  —  N<>  1628.  Epitaphe  d'Aigaliers  (Gard).  [Le 
surnom  gaulois  Dumnias  est  nouveau.]  —  P.  168-72.  Remarques  épi- 
graphiques,  par  A.  Héron  DE  ViLLEFOSSE.  Orange{Vaucluse),  [Etudiant 
sur  place  la  fameuse  inscription  trouvée  en  1904,  M.  H.  de  V.  rejette  le 
Inclus  inercurialis  auquel  avait  fait  penser  une  lecture  insuffisante.  Il 
lit,  au  dernier  paragraphe  : 

et  meris  VI  ad  luclum 
versus  p{edes)  LXXV  et  au.e 

Il  ne  retrouve  pas,  à  la  fin  de  la  dernière  ligne,  les  éléments  de  la  for- 
mule :  in  annos  singulos.  Dans  ludus  sans  épithète,  il  voit  plutôt 
une  école  primaire  qu'une  école  de  gladiateurs.  Il  déplore  l'absence  d'un 
petit  musée  municipal  à  Orange,  où  tout  a  disparu  par  l'incurie  des 
habitants,  sauf  ce  qui  est  d'un  transport  difficile,  comme  le  théâtre  an- 
tique. Tous  les  amis  de  l'histoire  et  de  l'art  s'associeront  à  l'éloquente 
adjuration  de  M.  H.  de  V.]  —  P.  173-5.  Dieux  de  la  Gaule,  par  A.  Allmer. 
Tiitela  Vesunna  de  Périgueux.  [Vesunna  est  la  personnification  divi- 
nisée de  la  ville  des  Pétrucores.  Il  y  avait  une  tour  romaine  dite  la  Tour 
deVésonne.]  Maires  Uhelnae,k  kwTioX  (Bouchos-du-Rhône).  [Les  mères 
Ubelnae  sont  les  déesses  protectrices  de  la  vallée  de  l'Huveaune.]  — 
P.  17")-6.  M.  E.  améliore  la  lecture  d'une  inscription  trouvée  dans  la 
villa  gallo-romaine  d'Arneps  (Haute-Garonne),  en  lisant  :  Titullus  Cin- 
tugnati  filius.  E.  B. 

Landes. 

Bulletin  de  la  Société  de  Borda,  t.  XXX,  1905. 

t*.  1-47.  J.-M.  Pereira  de  Lima.  Ibères  et  Basques,  traduit  du  portugais 
par  le  D''  Voulgre.  (Suite  et  fin.)  [Présente  les  conclusions  de  son  étude  : 
origine  touranienne  des  Ibères;  analogie  «  flagrante  ■»  (?)  des  dialectes 
de  langue  ibérique  :  basque,  étrusque  et  picte;  «  filiation...  assez  directe 
des  Basques,  comme  descendants  des  Ibères.  »  Suivent  des  notes  et 
pièces  justificatives,  notamment  un  tableau  de  la  déclinaison  euska^ 
tienne,  d'après  Charancoy,  et  plusieurs  fragments  de  chansons  et  poèmes 
basques  on  dialectes  bas-navarrais  et  souletin  avec  traductions  en  fran- 


PÉRIODIQUES   MERIDIONAUX.  115 

çais.]  —  P.  49-72.  A.  Darricau.  Le  marquis  de  Vignolles.  [Étude 
généalogique  et  biographique.]  —  P.  77-132,  185-237.  C.  Daugé.  Gram- 
maire gasconne.  [Y .  A7tfiales,  t.  XVIII,  p.  556.]  — P.  133-57.  G.  Beaurian- 
Contribution  à  l'iiistoire  de  l'instruction  publique  en  Béarn.  [Étude  do- 
ciimentée  sur  les  écoles  à  Pontacq,  depuis  le  xvp  siècle  jusqu'à  la 
fin  du  xviii%  d'après  des  documents  d'archives  :  listes  de  régents  et 
de  maîtresses  d'écoles  (celles-ci  au  xviii"  siècle  seulement)  ;  durée  de  la 
régence;  patrie  des  régents  (très  vai'iable,  mais  ils  sont  ordinairement 
d'origine  béarnaise)  ;  Leur  rétribution  ;  leur  enseignement  ;  moyenne  de 
l'instruction  primaire  ;  la  nomination  des  régents  appartenait  aux  jurats 
sous  le  contrôle  d'abord  de  l'évêque  et  plus  tard  de  la  Cour.]  —  P.  161- 
84.  J.  Beaurredon.  La  paroisse  de  Bascons  au  xviii*  siècle.  [Etude 
d'histoire  paroissiale  d'après  un  manuscrit  de  84  pages  intitulé  :  Livre 
des  affaires  paroissiales  de  Saint-Amand  de  Bascon  à  commencer  à 
la  fin  du  7nois  de  février  1731...,  par  J.-J.  Lavenère,  curé  de  Bascon. 
Se  poursuit  jusqu'en  1789.]  —  P.  241-79,  285-350.  M.  de  Chauton. 
Cahier  de  doléances  des  paroisses  de  la  sénéchaussée  de  Tartas 
en  1789.  [Publie  tout  au  long  —  en  le  faisant  précéder  de  quel- 
ques éclaircissements,  dont  plusieurs  sont  dus  à  M.  F.  Abbadie,  —  le 
texte  des  cahiers  de  doléances  de  61  paroisses  de  la  sénéchaussée, 
d'après  les  originaux  conservés  dans  les  archives  familiales  de  M"  de 
Chauton,  notaire  à  Tartas.  L'arrière-grand-père  de  M.  de  Chauton  avait, 
en  qualité  d'ayocat  du  roi  au  siège  de  Tartas,  en  1789,  groupé  ces 
cahiers  qui  demeurèrent  dans  la  famille.  Il  faut  féliciter  M.  de  Ch. 
d'avoir  sauvé  de  l'oubli  des  documents  importants  qui  auraient  pu 
s'égarer  dans  d'autres  archives  privées,  moins  soigneusement  tenues.] 

G.  M. 

Pyrénées  (Basses-), 

I.  Bulletin  de  la  Société  des  sciences  et  arts  de  Bayonne^ 
1905. 

p.  5-256.  E.  DucÊRi';.  Bayonne  sous  l'Empire.  Études  napoléoniennes. 
[Suite  et  à  suivre.  Cinquante  et  une  études  détachées,  dont  beaucoup 
sont  fort  curieuses.  L'anecdote  d'ailleurs  l'emporte  sur  l'histoire  propi'e- 
ment  dite  ;  mais  comment  faire  le  départ  entre  l'une  et  l'autre?  L'inédit 
n'y  manque  point.]  P.  D. 

IL  Reclams  de  Biarn  et  Gascougne^  t.  VIII,  1904. 

P.  1-6.  C.  Labeyrie.  Les  foires  en  Chalosse.  [Etude  de  psychologie  régio- 
nale.]  —   P.  67-71,   95-8.    J.-B.   Laborde.  Un  poète  béarnais  oublié  : 


116  ANNALES   DU   MIDI. 

François  Destrade.  [Notes  biographiques  sur  ce  poète  né  à  Oloron 
vers  1820.  Quelques  citations.]  —  P.  79-84.  E.  Bourciez.  Règles  ortho- 
graphiques du  gascon  moderne.—  P.  109-13,  ir)4-8,  230-3, 295-8.  C.  Daugé. 
Le  mouvement  félibréen  dans  le  S.-O.  —  P.  129-31.  L.  Constans.  Le 
félibrige  et  l'école  primaire.  —  P.  168-70.  J.-B.  Laborde.  Un  mot 
encore  sur  Destrade.   —  P.  170.  Deux  documents  sur  Despourrins. 

Tome  IX,  1905. 

p.  21  9.  E.  Bourciez.  La  version  gasconne.  [M.  E.  B.  reprend  cette  ques- 
tion qu'il  traite  avec  sa  maîtrise  coutumière.  Lire,  p.  28,  la  délicieuse 
traduction  du  sonnet  d'Andrèu  Baudorre  intitulé  Esthi.]  —  P.  160-4. 
L.  Batcave.  Quelques  documents  sur  le  poète  oloronais  Destrade. 

G.  M. 

Pyrénées-Orientales. 

Société  agricole,  scientifique  et  littéraire  des  Pyrénées- 
Orientales,  t.  XLVII,  1906. 

P.  5-558.  P.  Vidal  et  J.  Calmette.  Bibliographie  l'oussillonnaise.  [Ce 
remarquable  et  excellent  travail  est  bien  ce  qu'ont  voulu  les  auteurs  : 
«  un  tableau  de  la  littérature  scientifique,  géographique,  historique, 
archéologique  et  économique  »  de  la  province,  et  un  «  instrument  de 
travail  destiné  à  fournir  pratiquement  au  chercheur  l'indication  des 
ouvrages  et  articles  à  consulter  sur  une  période,  un  sujet,  un  person- 
nage ou  un  lieu...  »  Deux  tables  alphabétiques  la  complètent  :  l'une  est 
la  table  des  noms  d'auteurs,  l'autre  celle  des  rubriques  des  matières.] 

P.  D. 

Savoie  (Haute-). 

Revue  savoisienne,  1905. 

P.  2-3.  Marteaux.  Note  sur  l'étymologie  de  Saint-Alban,  nom  de  plu- 
sieurs villages  du  département  de  la  Savoie  et  de  l'appellation  de  mont 
du  Chat.  [Il  en  résulterait  que  les  noms  act.:els  proviennent  do  noms 
romains  plus  tard  oubliés.]  —  P.  4.  Font.une.  Note  sur  des  peintures 
découvertes  au  palais  de  l'isle,  à  Annecy.  —  P.  6.  Miquet.  Rectification 
de  la  date  de  naissance  de  l'astronome  Bouvard,  directeur  de  l'Obser- 
vatoire de  Paris.  —  P.  7-29.  C.  Duval.  Le  sénateur  Folliet.  [Notes  sur 
sa  famille.  Sa  biographie.  Ses  œuvres.  En  dehors  de  sa  vie  parlemen- 
taire, il  a  été  un  historien  de  la  Savoie.  Portrait.]  —  P.  39-48.  F.  Miquet. 
Recherches  sur  quelques  ingénieurs  savoyards  au  service  do  la  France 
avant  1860.  [Anciens  élèves  de  l'École  polytechnique.  Notices  biographi- 
ques. Intérêt  presque  uniquement  local.  Quelques-uns  ont  rempli  leurs 


PÉRIODIQUES   MERIDIONAUX.  117 

fonctions  dans  le  Midi,  en  particulier  dans  l'Ariège,  la  Hante-Garonne 
et  le  Tarn-et-Garonne.]  —  P.  62-5.  J.  Désormaux.  Notes  philologiques. 
Dzà  103  È.  [On  se  promène  à  Annecy  sous  les  arcades,  et  cette  prome- 
nade s'appelle  Diô  lôz  È.  M.  D.  étudie  le  mot  ê  et  le  fait  venir  de 
ati'ium.]  —  P.  78-4.  Note  des  registres  paroissiaux  d'Orcier  mention- 
nant la  réunion  des  villageois  en  1792  et  le  vote  qu'ils  émirent  en  faveur 
de  l'annexion  de  la  Savoie  à  la  P'rance.  Lue  par  M.  Pictard.  —  P.  79. 
C.  Marteaux.  Note  où  l'auteur  rectifie  certains  noms  du  Faucigny 
déformés  dans  rinve?itaire  des  archives  des  dauphins  de  Viennois  à 
Saint-André  de  Grenoble  en  1436,  publié  en  1871,  à  Lyon,  par  le  cha- 
noine U.  Chevalier.  —  P.  79-83.  Le  testament  de  Claudine  de  Chatïar- 
don,  veuve  Lambert  (février  1543),  p.  p.  J.-F.  Gonthier.  [Avec  brève 
notice  généalogique.  Intérêt  purement  savoyard.]  —  P.  84-6.  F.  Sor- 
DELLi.  Note  sur  l'herbier  des  Alpes  de  la  Savoie  offert  par  J.  de  Bon- 
jean  à  l'impératrice  Joséphine.  —  P.  87-91.  Voyages  du  seigneur  de 
Villamont,  partant  de  «  la  duché  de  Bretaigne  »,  pour  aller  en  Terre- 
Sainte,  par  la  Savoie,  le  Piémont,  l'Italie,  la  Grèce,  la  Syrie  et  l'Egypte, 
au  mois  de  juin  1589.  Ses  deux  passages  en  Savoie,  p.  p.  le  D'  Tho- 
NiON.  [Passages  intéressant  la  Savoie  de  cette  relation  qui  eut  sept  édi- 
tions de  1596  à  1619.  Une  notice  et  des  notes.]  —  P.  92-100.  F.  Miquet. 
Eecherches  sur  quelques  officiers  savoyards  au  service  de  la  France 
avant  1860.  [Notes  biographiques.  Plusieurs  ont  servi  dans  le  midi  de 
la  France.]  —  P.  121-4.  A  propos  de  la  vente  du  château  de  Rumilly- 
sous-Cornillon  et  dépendances  aux  Muffat-Saint-Amour,  de  Mégève. 
[M.  J.  DussAix  publie  l'acte  de  vente  et  peut  ainsi  rectifier  la  date  de 
cette  vente,  survenue  en  1737,  et  le  nom  des  acquéreurs.]  —  P.  125-9. 
C.  Marteaux.  Noms  de  lieux  dans  des  chartes  de  1153,  1250  et  1448. 
[Notes  linguistiques  sur  des  noms  de  lieux  savoyards  déjà  identifiés.] 
—  P.  129-34.  F.  Miquet.  Recherches  sur  quelques  fonctionnaires  sa- 
voyards ayant  servi  en  France  avant  1860  et  sur  leurs  familles.  [Notes 
biographiques.]  —  P.  144-5.  Un  autographe  inédit  du  conventionnel 
Simond,  p.  p.  F.  Miquet.  [Lettre  où  il  dénonce  comme  agioteur  le  tail- 
leur René  dont  il  n'était  pas  content  parce  qu'il  trouvait  trop  cher  le 
costume  qu'il  lui  avait  commandé.]  —  P.  151-2.  Marteaux.  Note  sur 
l'appellation  «  Laciiat  ».  [Vient  du  latin  câlàmum,  chaume,  par  le  bas- 
latin  cabnis.]  —  P.  154-5.  Id.  Note  étymologique  et  historique  sur 
Duingt.  ~  P.  155.  Id.  Note  sur  un  sceau  en  fer  trouvé  aux  environs  de 
Saint-Jorioz.  —  P.  159-63.  J.-F.  Gonthier.  Les  paroisses  du  diocèse  de 
Genève  dépendant  d'Ainay.  [Détermination  de  ces  paroisses.]  —  P.  163-5. 
M.  DussAix.   Le  trousseau   d'une  mariée  savoyarde  au  xviii'  siècle. 


118  ANNALES  DU   MIDI. 

[Contrat  de  mariage. J  —  P.  236-42.  M.  Bruchet.  Les  impressions  d'un 
prêtre  bolonais  à  travers  la  Savoie  au  xvii"  siècle.  [Passages  relatifs  à 
la  Savoie  d'une  relation  inédite,  traduite  par  M.  Ad.  Vautier,  du  voyage 
que  fit  en  France  Sébastien  Locatelli,  en  1664.] 

M.  D. 

Vaucluse, 

Mémûires  de  l'Académie  de  Vaucluse,  3®  série,  t.  V,  1905. 

Fasc.  1.  P.  Il-Si8.  DiDiÉE.  Un  héros  vauclusien.  Episode  de  la  prise  de 
Bomarsund  en  1854.  [Notice  en  style  fleuri  et  bizarre  sur  le  sous-lieute- 
nant Gigot  qui  prit,  le  14  août,  le  fort  du  sud  et  détermina  la  capitula- 
tion de  la  place  ;  sa  carrière  fut  retardée,  puis  interrompue  par  des  actes 
d'indépendance  ;  il  fut  blessé  et  fait  prisonnier  à  Wissembourg.]  — 
P.  83-96.  Bayol.  L'eau  potable  en  Avignon.  [Bonne  étude  d'histoire 
économique  et  d'administration.  Cf.  une  lettre  rectificative  de  quelques 
détails  du  D''  Pamard,  ibid.,  p.  280.] 

Fasc.  2,  3.  P.  105-17.  VissAc.  M""  de  Sombreuil  et  l'hôtel  des  Invalides 
d'Avignon.  [Notice  surtout  littéraire  ;  ne  croit  pas  au  verre  de  sang  ; 
la  phrase  v-  Il  est  des  heures  extatiques  où  l'illusion  se  teinte  d'émerau- 
des  (I)  »  =  elle  eut  un  moment  d'espoir;  quek|ues  détails  sur  l'hôtel  des 
Invalides  d'Avignon  dont  le  mari  de  M""  de  S.,  Villelume,  fut  gouver- 
neur.] —  P.  119-46,  287-310.  P.  de  Faucher.  Le  pont  de  Bollène  et 
sa  chapelle  de  Notre-Dame  de  Bonne- Aventure.  [Bonne  étude  histo- 
rique et  archéologique.]  —  P.  147-96.  V.  Laval.  Lettres  inédites  de 
Rovère.  [Suite.  Documents  utiles,  bien  commentés.]  —  P.  261-70.  Re- 
quin. La  fresque  des  Spiefumi  à  la  métropole  d'Avignon.  [Bonne  des- 
cription; d'ailleurs,  la  fresque  n'est  pas  de  Charonton  et  l'évèque  Gui 
Spiefumi  n'a  jamais  existé  :  de  nouvelles  preuves  sont  ajoutées  à  la  dé- 
monstration d'Albanès.  Elle  fut  exécutée  avant  1426,  probablement  par 
ordre  de  Charles  de  Spiefami,  peut-être  par  Bertrand  de  la  Barre.]  — 
P.  271-80.  MoLLAT.  Les  changeurs  d'Avignon  sous  Jean  XXII.  [Extrait 
d'un  ouvrage  en  préparation.] 

Fasc.  4.  P.  311-21.  Vissac.  John  Stuart  Mill.  [Souvenirs  sur  son  séjour  à 
Avignon,  à  Monloisir.]  —  P.  325-70.  F.  Sauve.  La  région  apt  sienne  ; 
étude  d'iiistoirc  et  d'arcliéologie.  IL  Gargas.  [Beaucoup  de  renseigne- 
ments.]—  P.  371-88.  liiMASSET.  De  la  juridiction  du  ban  à  propos  d'un 
procès  entre  la  communauté  de  Roquemaure  et  M.  Charles-Sébastien 
du  Laurens  de  Beaurogard.  [Procès  plaidé  de  1780  à  1784  au  sujet  de  la 
«  nobililé  »  de  l'ile  d'Oiselay,  allodium  Ausseleti,  qui  fut  proclamée 
par  la  Cour  de  Montpellier.] 


PÉRIODIQUES  NON   MERIDIONAUX.  119 

Tome  VI,  1906. 

Fasc.  1-2.  P.  7-26.  Bruguier-Roure.  Le  roi  Giannino.  [Essai  intéressant 
pour  identifier  ce  mystérieux  aventurier  et  retrouver  les  événements 
historiques  utilisés  par  sa  légende.]  —  P.  27,  179-218.  J.  Gibaud.  Les 
Etats  du  comtat  Venaissin  depuis  leurs  origines  jusqu'à  la  fin  du 
XVI*  siècle.  [Très  important  mémoire.  A  suivre.] 

Fasc.  3.  P.  219-38.  Vissac.  Dom  Pernety  et  les  illuminés  d'Avignon. 
[Curieux  épisode  de  l'histoire  de  l'occultisme  au  xviii*  siècle;  ce  groupe, 
formé  en  Prusse  et  qui  compte  parmi  ses  disciples  la  famille  polonaise 
Grabianca,  Philibert  de  Morveau  (Brumore),  deux  Anglais,  les  frères 
Bousie,  et  le  comédien  Bauld  (de  Sens),  se  transfère,  en  1783,  à  Bédar- 
rides  chez  M.  de  Vaucroze.  Pernety,  persécuté  par  le  légat  d'Avignon, 
meurt  en  1801.]  —  P.  211-76.  A.  Durand.  Correspondance  de  [l'évèque] 
constitutionnel  Périer.  [Douze  lettres  à  Grégoire  et  autres,  de  1791 
à  1797;  orig.  de  la  coll.  Gazier.  Très  utile  supplément  à  la  biogra- 
phie de  ce  prélat.]  L.-G.  P. 

PÉRIODIQUES  FRANÇAIS  NON  MÉRIDIONAUX. 

1.  —  Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres.  Comp- 
tes rendus,  1905. 

P.  285-93.  JouLiN.  Les  établissements  antiques  de  Toulouse.  [Exposé  trop 
sommaire  des  recherches  de  l'auteur  à  Toulouse,  dans  la  banlieue,  dans 
les  vallées  de  la  Garonne,  du  Tarn  et  sur  plusieurs  coteaux  du  Gers.]  — 
P.  383-7.  Vasseur.  Découverte  de  poteries  peintes  à  décoration  mycé- 
nienne dans  les  environs  de  Marseille.  [Trouvaille  importante  rattachée 
à  la  céramique  ibéro-mycénienne.]  —  P.  41.5-23.  Dufourcq.  Lérins  et  la 
légende  chrétienne.  [Tend  à  prouver  que  les  gestes  des  martyrs  d'Agaune 
ne  sont  pas  isolés  dans  l'œuvre  d'Eucher,  des  évèques  ses  amis,  de 
l'école  de  Lérins,  et  en' rapproche  les  gestes  de  Nazaire,  de  Pontius,  de 
Sébastien.] — P.  423-41.  D"' Capitan  et  abbé  Arnaud  d'Agnel.  Rapports 
de  l'Egypte  et  de  la  Gaule  à  l'époque  néolithique.  [D'après  des  silex  de 
l'île  de  Riou.]  —  P.  783-7.  Babelon.  Les  fouilles  de  la  Turbie.  [Histoire 
succincte  des  fouilles  ;  importance  des  résultats.]  Ch.  L. 

2.  —  Bibliothèque  de  V Ecole  des  chartes.,  1905. 

P.  5-69.  H.  O.MONT  Nouvelles  acquisitions  du  département  des  manuscrits 
de  U  Bibliothèque  nationale  pendant  les  années  1903-1904.  [Beaucoup 


120  ANNALES   DU   MIDI. 

intéressent  le  Midi  ;  ainsi,  852  :  Terrier  des  cliâtellenies  d'Escorailles 
et  de  Reilhac  (Cantal),  1439;  853  :  Livre  de  notes  de  G.  Bancal,  notaire, 
de  Saverdun  (Ariège),  1494-1495;  854  :  Registre  de  Mahet,   notaire  à 
Corrousac  (Haute-Garonne),  1513-1516,  et  n»'  1871,  1872,  1874,  1880, 
1884,  1887,  2391,  2403,  10188,  10372,  20205;  ainsi,  20468-20480  : 
treize  mss.  ou  autographes  de  Brantôme.]  —  P.  246-55.  Ch.  Samaran. 
De  quelques  manuscrits  ayant  appartenu  à  Jean  d'Armagnac,  évêque 
de  Castres,  frère  du  duc  de  Nemours.   [Frère  puîné  (1440-1493),  et  de 
.semblables  goûts  artistiques.  Description  des  mss.,  au  nombre  de  trois  : 
des  traductions  latines  de  divers  traités  d'Aristote  (Bibl.  nat.,  lat.  6323*); 
un  missel  (British  Muséum,  addit.  mss.  19897);  un  magnifique  bréviaire 
en  deux   volumes  (collection  H.   Yates  Thompson).   Jean  était  abbé 
d'Aurillac  et  fit  exécuter  un  sceai;,  décrit,  pour  sa  cour  abbatiale.]  — 
P.  255-60.    L.   Delisle.   Note  complémentaire  sur  les  manuscrits  de 
Jean  d'Armagnac,  ,dac  de  Nemours.  [Complément  de  la  liste  publiée 
par  le  même  en  1868  (Cabinet  des  mss.,  I,  p.  86  sqq.).]  —  P.  281-6.  H. 
MoRANViLLÉ.   De  l'origine  de  Thomas  de  la  Marche.  [Se  rapproche  de 
l'hypothèse  de  M.  Boudet  et  combat  celle  de  G.  Paris,  du  moins  partiel- 
lement; car  il  croit  que  Thomas  était  le  fils  ou  du  comte  de  la  Marche 
ou  de  Gautier  d'Aunoy,  amant  de  la  comtesse,  sans  qu'on  pût  savoir 
duquel,  mais  non  de  Philippe  de  Valois.  C'est  de  ce  doute  fâcheux  que 
Thomas  aurait  été  victime.]  —  P.  401-25.  E.  Clouzot.  Un  voyage  à  l'île 
de  Cordouan  au  xvp  siècle.  [Le  voyageur  n'est  rien  moins  que  le  sieur 
de  La  Popelinière,  l'annaliste  excellent  et  bien  connu  des  guerres  de 
religion.  Il  alla  à  Cordouan  en  1591,  avec  une  délégation,  et  visita  les 
travaux  de  la  nouvelle  tour  que  bâtissait  l'architecte  Louis  de  Foix.  Il 
n'y  a  dans  son  Journal  ni  description  minutieuse  de  l'île,  ni  repérage 
des  distances  ;  encore  moins  dans  le  Mémoire  qui  suit.  On  ne  peut  donc 
en  tirer  grand  profit  pour  l'étude  des  modifications  du  littoral.]  — 
P.  426-34.  L.  D.  Vers  français  sur  une  pratique  usuraire  abolie  dans  le 
Dauphiné  en  1501.  [Il  s'agit  d'emprunts  gagés  sur  des  ventes  de  denrées 
alimentaires,  dits  «  mortes  pensions  ».  Cette  pratique  fut  interdite,  à 
la  requête  des  Etats,  par  ordonnance  du  lieutenant  général  en  Dauphiné, 
dont  texte.  Une  pièce  de  vers  français  constate  la  satisfaction  du  peuple.] 
—  P.  (i33-54.  Ch.  DE  La  Roncière.  Henri  II  précurseur  de  Colbert. 
[Comme  réformateur  de  la  marine,  qu'il  trouvait  en  un  déplorable  état. 
Il  fait  mettre  d'un  coup  sur  chantier  à  Marseille  et  à  Toulon  26  galères, 
modifie  le  commandement,  nommant  Strozzi  capitaine  général  des  galè- 
res, au  lieu  de  La  Garde  mis  eu  prison,  etc.  Le  reste  de  l'article  est  le 
récit  des  exploits  de  Strozzi,  de  ses  démêlés  avec  lo  connétable  de  Mont- 


PÉRIODIQUES  NOiN    MERIDIONAUX.  121 

morency,  et  des  intrigues  devant  lesquelles  il  fut  obligé  de  déserter 
(16  septembre  1551).  La  Garde,  relaxé,  le  remplaça  à  son  tour,  sans 
l'égaler.]  —  P.  G55-60.  L.  .Halphen.  Une  rédaction  ignorée  de  la  Chro- 
nique d'Adémar  de  Chabannes.  [A  quelle  rédaction  de  la  Chronique  ont 
été  faits  les  emprunts  du  chroniqueur  de  Saint-Maixent?  Ce  n'est  pas 
au  ms.  A  (Bibl.  nat.,  lat.  5927),  comme  le  veut  M.  Lair.  Mais  si  l'on 
rapproche  le  texte  du  chroniqueur  du  ms.  lat.  692  de  la  Bibl.  vaticane, 
on  s'aperçoit  que  les  deux  textes  ont  une  source  commune,  à  savoir  une 
rédaction  qui  contenait  en  un  seul  livre,  sans  les  digressions,  les  incohé- 
rences du  ms.  A,  l'histoire  de  l'Aquitaine  et  spécialement  du  Poitou  de 
Pépin  I"  au  début  du  xi"  siècle.]  P.  D. 

3.  —  Bulletin  de  géographie  historique  et  descriptive^ 
1905. 

P.  183-212.  P.  BuFFAULT.  La  marche  envahissante  des  dunes  de  Gascogne 
avant  leur  fixation.  [Proteste,  avec  raison  semble-t-il,  contre  l'exagéra- 
tion à  laquelle  se  porte  la  théorie  de  «  l'antique  stabilité  »  du  littoral 
gascon.  Fournit  de  nombreuses  preuves  du  mouvement  des  lignes  de 
dunes,  poussées  parle  vent  d'Ouest,  jusqu'à  ce  que  les  travaux  de  boise- 
ment exécutés  de  l'an  X  à  1863  les  aient  immobilisées.  Textes  et  docu- 
ments, la  plupart  inédits,  contemporains  de  la  marche  des  dunes,  signa- 
lant leur  progrés  vers  l'Est.]  —  P.  213-6.  Ch.  Duffart.  Etat  actuel  de 
la  question  des  transformations  anciennes  et  modernes  du  littoral  gas- 
con, de  la  formation  récente  et  du  comblement  des  lacs  landais.  [Sim- 
ples «  positions  de  thèse  »,  dont  l'auteur  demande  qu'une  mission  scienti- 
fique soit  organisée  par  le  Ministère  afin  de  les  vérifier.]  —  P.  217-86. 
A.  Pawlowski.  L'île  d'Oléron  à  travers  les  âges,  d'après  la  géologie,  la 
cartographie  et  l'histoii'e.  —  P.  237-51.  Id.  Jean  Fonteneau,  dit  Alfonce, 
ses  collaborateurs  ;  la  science  de  la  cosmographie  au  milieu  du  xvi"  siè- 
cle. [Sous-titre  un  peu  ambitieux.  M.  P.  n'accorde  pas  à  l'éditeur  d' Al- 
fonce, M.  Musset,  que  ce  navigateur  fût  un  cosmographe  original  :  cor- 
saire, pirate  du  reste,  il  a  plagié  dans  sa  Cosmographie  Enciso,  Suma 
de  geografia,  sans  bien  le  comprendre  parfois.  Son  collaborateur  Olivier 
Bisselin,  auteur  de  tables  marines  qui  accompagnent  les  Voyages  aven- 
tureux de  Jean  Alphonse,  Xanto)igeois,  est  peut-être  le  capitaine  Oli- 
vier Vasselin,  un  Normand;  un  autre,  Sécalart,  pilote  de  Honfleur,  a  ou 
composé  ou  compilé  les  Voyages,  de  concert  avec  Alfonce.]—  P.  252-66. 
J.  FouRNiER.  Le  marquisat  des  îles  d'Or.  [Fief  formé  des  îles  d'Hyères, 
moins  PorqueroUes,  depuis  François  I".  Le  nom  d'îles  d'Or  leur  est 
donné  d'abord  par  Nostradamus,  en  1515,  dans  sa  Vie  des  plus  célè- 


122  ANNALES   DU    MIDI. 

bres  poètes  provençaux.  Le  baron  de  Saint-Blancard,  général  des  galè- 
res de  France,  premier  marquis  des  îles  (juill.  1531),  eut  à  les  défendre 
contre  les  pirates  barbaresques.  Ensuite  Henri  II  confère  le  marquisat 
au  comte  de  Rockendorf,  Allemand  réfugié  en  France  ('1549)  ;  puis  il 
passe  de  main  en  main  et  est  réduit  à  l'état  de  simple  fief  en  1785.] 

P.  D. 

4.  —  Bulletin  historique  et  philologique  du  Co?nité  des 
travaux  historiques  et  scient i Tiques,  1904. 

p.  13-28.  E.  PoupÉ.  Documents  relatifs  à  des  représentations  scéniques 
en  Provence  du  xx"  au  xvii»  siècle.  [Cf.  trois  communications  précéden- 
tes, ibid.,  1899,  1900,  1903.  Ces  documents  sont  tirés  des  archives  de 
douze  communes  du  Var,  outre  les  archives  de  ce  département.  Ils 
mentionnent  51  représentations  et  donnent  le  titre  de  54  pièces,  énumé- 
rées.  Allocations  communales,  etc.]  —  P.  35-42.  M.  Raimbault.  Jean- 
Antoine  Lombard,  dit  Brusquet,  viguier  d'Antibes  en  1518.  [Fou  de 
cour,  d'origine  provençale.  Attaché  à  la  personne  de  Henri  II,  alors  dau- 
phin, il  devint  son  valet  de  chambre  (lettres  du  23  juin  1542)  et  viguier 
d'Antibes,  où  il  était  né.  Textes.]  —  P.  248-52.  De  Sarran  d'Allard. 
Note  sur  une  transaction  entre  Durand  de  Montai  et  la  commune  de  la 
Roquebrou.  [De  février  1302,  au  sujet  du  pont  commun.  Elle  complète 
la  transaction  de  févr,  1282,  passée  entre  la  commune  et  le  même  sei- 
gneur. {Gî.ibid.,  1902).  Texte.]  —  P.  270-90.  Guillibert.  Constat  au 
prieuré  de  Saint-Jean-de-Malte  de  la  commanderie  d'Aix  en  1.373.  [Pro- 
cès-verbal constatant  les  ressources  de  la  maison,  tiré  des  archives  du 
Vatican.  Texte  et  traduction.]  —  P.  445-72.  Portal.  Une  mine  de 
fer  des  environs  de  Lacaune  (Tarn)  au  xv«  siècle.  [Trois  actes  de  1466, 
dont  deux  sont  des  transactions  entre  le  seigneur,  comte  de  Castres,  et 
lés  tenanciers,  tandis  que  le  troisième  règle  l'octroi  des  concessions  et 
l'exploitation  de  la  mine  de  la  Leune.  Les  documents  de  ce  genre  sont 
rares  ;  ceux-ci  fournissent  «  des  doanées  nouvelles  sur  les  rapports  des 
tenanciers  et  des  travailleurs  ».]  —  P.  525-87.  G.  Doublet.  Le  théâtre 
au  monastère  de  Lérins  sous  Louis  XIV.  [Tragédie  jouée  en  1668  audit 
monastère,  intitulée  Saint  Honorât,  œuvre  de  nulle  valeur,  d'ailleurs 
mutilée.]  —  P.  555-6.  Brutails.  Rectification  â  la  liste  des  abbés  de 
Sainte-Croix,  de  Bordeaux.  [De  1455  à  1490,  au  lieu  d'un  seul  abbé 
mentionné  dans  la  Gallia  christiana,  il  y  en  eut  deux,  appelés  tous 
deux  Pierre  de  Foix  ;  d'où  la  confusion.]  —  P.  630-43.  A.  Gandilhon. 
Etude  sur  un  livre  d'heures  du  xiv"  siècle,  fragment  d'un  ancien  bré- 
viaire du  diocèse  de  Dax.  [Par  certaines  fêtes,  spéciales  au  calendrier 


PERIODIQUES  NON   MERIDIONAUX.  123 

de  ce  bréviaire,  on  doit  le  rapprocher  des  mss.  d'Aire,  de  Toulouse,  ori- 
ginaires du  diocèse  de  Dax,  et  conclure  qu'il  en  provient  également.] 

1905. 

P.  10-3.  A.  Leroux.  Processions  demandées  par  Louis  XI  aux  religieux  de 
Saint-Léonard  en  1479.  [Le  roi  espérait  que  le  «  glorieux  saint  Léonard  » 
favoriserait  ses  entreprises  contre  Maximilien  d'Autriche.  Il  y  eut  trois 
semaines  de  processions.  La  relation  de  ce  fait  est  écrite  en  français, 
circonstance  très  notable.]  —  P.  76-146.  G.  Dupont-Ferrier.  Etat  des 
officiers  royaux  des  bailliages  et  sénéchaussées  de  1461  à  1515.  Séné- 
chaussée de  Lyon,  [Nous  mentionnons  cet  «  état  »,  parce  qu'il  constitue 
un  spécimen  fort  remarquable  de  travaux  que  M.  D.-F.  prétend  éten- 
dre à  toute  la  France.  Au-dessous  du  nom  de  chacun  des  personnages 
qui  y  figurent  sont  analysés  ou  indiqués,  avec  références,  tous  les  actes 
qui  se  rapportent  à  ses  fonctions.  Cet  état,  portant  sur  une  seule  séné- 
chaussée, suppose  déjà  un  labeur  considérable.  Que  sera-ce  s'il  s'agit 
de  tous  les  bailliages  et  sénéchaussées  du  royaume  1  Or,  M.  D.-F.  em- 
brasse à  peine  plus  d'un  demi-siècle.  Sa  Gallia  regia,  comme  il  dit,  à 
la  différence  de  la  Gallia  christiana  pi-ise  pour  terme  de  comparaison, 
risque  fort  de  rester  en  route.  Mais,  telle  quelle,  elle  est  appelée  à  ren- 
dre de  grands  services.  Bon  nombre  des  officiers  royaux  en  Lyonnais 
étaient  issus  du  Midi  ou  y  possédèrent  aussi  des  charges.  Par  exemple, 
Jean,  comte  de  Comminges,  bâtard  d'Armagnac,  devenu  lieutenant  du 
roi  en  Lyonnais  (1468),  fut,  en  même  temps,  gouverneur  du  Dauphiné 
et  gouverneur  de  Guyenne.] —  P.  150-3.  U.  Rouchon.  Deux  lettres  de 
Henri  III  au  baron  de  Saint- Vidal.  [Des  16  et  27  mars  1585,  tirées  des 
archives  de  la  Haute-Loire,  destinées  à  prévenir  les  agitations  qui  ont 
précédé  la  Ligue.]  —  P.  215-24.  Abbé  Arnaud  d'Agnel.  Rôle  de 
soixante-quatorze  esclaves  provençaux  échangés  ou  rachetés  à  Alger 
par  le  sieur  de  Trubert.  [En  exécution  de  l'accord  signé  le  17  mai  1666 
entre  Louis  XIV  et  le  divan.  Le  rachat  coûtait  très  cher  :  54,000  livres 
pour  68  esclaves;  il  devenait  une  lourde  charge  pour  les  commu- 
nautés de  Provence,  la  plupart  des  captifs  étant  incapables  d'y  con- 
tribuer. Villes  taxées  :  La  Ciotat,  Marseille,  Martigues,  Cassis,  Can- 
nes, etc.]  —  P.  24-5-71.  P.  Coquelle.  La  mission  de  J.-B.  de  Cocquiel  à 
Alger  et  Tunis  (1640)  d'après  des  documents  inédits.  [Après  de  nom- 
breuses hostilités  entre  les  Turcs  et  les  Marseillais  notamment,  le 
«  Bastion  de  France  »,  simple  maison  bâtie  en  vue  du  commerce,  près 
de  la  Calle,  avait  été  détruit,  au  grand  préjudice  de  la  Compagnie  mar- 
seillaise pour  le  commerce  de  la  Barbarie.  Cocquiel,  envoyé  par  Riche- 
lieu, réussit  à  rétablir  la  capitulation  relative  au  Bastion  et  au  comi 


124  ANNALES   DU    MIDI. 

merce,  et  à  signer  nn  traité  de  paix  avec  le  divan  d'Alger,  qui  d'ailleurs 
ne  l'exécuta  nullement.]  —  P.  4U1-5.  Hérelle.  Etat  des  manuscrits  de 
pastorales  basques  conservés  actuellement  (nov.  1905)  dans  les  dépôts 
publics.  [A  la  Bibl.  nat.  33  mss.,  à  celles  de  Bordeaux  37,  de  Bayonne 
13;  aux  arch.  muuicip.  d'Ordiarp  1  ms.  Titres  des  pièces.]  P.  D. 

5.  — Mélanges  d'archéologie  et  cC histoire  de  V Ecole  de 
Rome,  1905. 

p.  223-42.  Ancel.  Les  tableaux  de  la  reine  Christine  de  Suède;  la  vente 
au  régent  d'Orléans.  [Rôle  considérable  joué  dans  cette  affaire  par  le 
Toulousain  Crozat.]  —  P.  273-93.  M.\rtin-Ch.'\.bot.  Le  registre  des  Let- 
tres de  Pierre  Ameil,  archevêque  de  Naples,  puis  d'Embrun  (1365-1379). 
[Importantes  pour  l'histoire  du  Dauphiné.]  Ch.  L. 

C.  —  Le  Moyen  âge,  2^  série,  t.  VIII,  1904. 

P.  281-337.  L.  Levillain.  La  translation  des  reliques  de  saint  Austre- 
moine  à  Mozac  et  le  diplôme  de  Pépin  II  d'Aquitaine  (863).  [Le  saint  est 
le  premier  évèque  et  l'apôtre  de  l'Auvergne.  Ses  ossements  reposèrent  à 
Issoire,  puis  à  Volvic,  jusqu'au  moment  où  l'abbé  Lanfroi  les  fit  em- 
porter à  son  abbaye  de  Mozac.  M.  Krusch  date  cette  translation  de  767, 
Mgr  Duchesne  de  761  ;  mais  le  document  sur  lequel  ils  s'appuient  n'a 
peut-être  pas  la  valeur  qu'ils  lui  attribuent.  C'est  un  diplôme  de  Pépin, 
donné  à  Clermont,  lequel,  d'après  M.  L.,  serait  un  acte  récrit,  com- 
posé non  au  \nv  s.,  mais  vers  1095;  il  se  rapporterait  non  à  Pépin  le 
Bref,  mais  à  Pépin  II,  roi  d'Aquitaine;  la  translation  aurait  eu  lieu  du- 
rant l'hiver  de  862-863,  avant  le  1"  février.  Conclusions  accessoires  inté- 
ressantes sur  le  roi  Pépin  II,  l'évêque  intrus  Adebert,  le  catalogue 
épiscopal  de  Clermont  et  celui  des  abbés  de  Mozac,  etc.  Texte,  publié 
avec  grand  soin,  du  susdit  diplôme.] 
T.  IX,  1905. 

P.  258-62.  G.  lIuET.  Déformations  de  quelques  noms  propres  des  chan- 
sons de  geste  dans  les  imitations  en  moyen-néerlandais.  [Explique  en 
particulier  celle  du  mot  «  Ganelon  »,  et  conclut  que  les  gens  des  Pays- 
Bas  ont  dii  connaître  les  récits  épiques  sur  Roncevaux  par  des  textes 
écrits,  et  non  par  la  tradition  orale  qui  n'admettrait  pas  des  transfor- 
mations pareilles.]  — P. 263-7.  Deux  privilèges  de  Raimond  BérengerlV, 
comte  de  Provence  et  de  Forcalquier,  en  faveur  de  la  commune  de 
Seyne,  confirmés  par  le  roi  Charles  II  d'Anjou.  [Publication  anonyme. 
Il  s'agit  de  Seyne-les-Alpes,  arr.  de  Digne.  Privilège  des  28  nov.  1222  et 
5  août  1223,  l'un  relatif  à  la  liberté  des  legs  et  à  celle  des  nouveaux  ha- 


PÉRIODIQUES   NON    MERIDIONAUX.  125 

bilants,  l'autre  accordant  aux  consuls  divers  droits  de  justice  et  leur 
confirmant  le  consulat,  le  tout  sous  certaines  conditions.]  P.  D. 

'3'.  —  Revue  d'histoire  ecclésiastique^  1905. 

p.  557-65,  785-810.  J.-M.  Vidal.  Notice  sur  les  œuvres  du  pape  Benoît  XII. 
[Ce  pape  n'est  autre  que  Jacques  Fournier,  ancien  évêque  de  Pamiers, 
qui  avait  dirigé  le  tribunal  d'inquisition  établi  dans  ce  diocèse  contre 
les  hérétiques.  Quoique  theologorum  sumniiis  au  dire  de  ses  contem- 
porains, ses  œuvres  théologiques  étaient  restées  dans  la  pénombre. 
M.  V.  les  fait  connaître  d'après  les  manuscrits  de  Rome,  spécialement 
les  commentaires  sur  saint  Mathieu.]  P.  D. 

8.  —  Revue  historique,  t.  XG,  1906. 

P.  18-60.  E.  RossiER.  L'affaire  de  Savoie  et  l'intervention  anglaise  en  1860. 
[La  Savoie  est  devenue  française  en  1860;  mais,  en  vertu  du  traité  de 
Vienne  de  1815,  sur  ce  point  demeuré  valide,  elle  ressortit  au  système 
défensif  de  la  Suisse.  Incidents  que  cette  question  a  provoqués  durant 
et  après  l'annexion  :  l'Angleterre,  qui  se  juge  dupée  par  Napoléon  III,. 
intervient  éiiergiquement  en  faveur  des  droits  de  la  confédération  sur 
le  Chablais  et  le  Faucigny,  sans  rien  obtenir,  et  ainsi  se  termine  entre 
elle  et  la  France  l'entente  inaugurée  lors  de  la  fondation  du  second 
empire.]  —  P.  77-80  et  340.  Correspondance.  [Discussion  entre  MM.  A. 
Richard  et  P.  Meyer  sur  le  surnom  donné  à  Aliénor,  duchesse  d'Aqui- 
taine, femme  de  Louis  VII,  puis  de  Henri  II  Plantagenet.  L'un  pense 
que  ce  surnom  équivaut  à  «  aliet  d'or  »  ou  grand  aigle  d'or;  l'autre 
que  le  sens  du  jeu  de  mots  imaginé  pour  expliquer  le  nom  d'Aliénor 
demeure  douteux,  «  aliet  »  signifiant  émouchet,  épervier,  et  non  aigle.] 

Tome  XGI,  1906.  Néant.  —  Tome  XCII,  1906. 

P.  1-41.  Ch.-V.  Langlois.  Doléances  recueillies  par  les  enquêteurs  de  saint 
Louis  et  les  derniers  Capétiens  directs.  [D'après  les  enquêtes  publiées 
par  L.  Delisle  dans  les  Historiens  de  la  France,  t.  XXIV.  On  conserve 
des  fragments  de  celles  de  1217-1248,  faites  en  Saintonge  et  en  Poitou, 
en  Languedoc  et  dans  d'autres  parties  de  la  France  ;  puis  des  docu- 
ments relatifs  aux  restitutions  opérées  de  r~'54  à  1262  dans  les  pays 
désolés  par  la  guerre  des  Albigeois.  A  suivre.]  P.  D. 


NÉCROLOGIE 


M.  Emile  Molinier,  conservateur  honoraire  du  musée  du  Louvre, 
est  décédé  à  Paris,  le  6  mai  dernier,  à  l'âge  de  49  ans.  Il  était  frère 
de  M.  Auguste  Molinier,  mort  il  y  a  deux  ans  à  peine,  et  de 
M.  Charles  Molinier ,  professeur  d'histoire  à  la  Faculté  des  lettres 
de  Toulouse,  membre  du  Comité  de  rédaction  de  notre  Revue. 
Ancien  élève  de  l'École  des  Chartes,  il  s'était  bien  vite  consacré  à 
l'histoire  de  l'art,  et  presque  toute  son  œuvre  intéresse  l'art  et  l'ar- 
chéologie. Nous  ne  pouvons  oublier  cependant  que  le  sujet  de  sa 
thèse  de  l'École  des  Chartes  est  pris  dans  notre  histoire  méri- 
dionale, et  que  cette  thèse,  sous  le  titre  suivant  :  Étude  sur  la  vie 
dWrnoul  d'Audrehem,  a  été  insérée,  avec  de  nombreuses  et  pré- 
cieuses pièces  justificatives,  dans  les  Mémoires  présentés  par 
divers  savants  à  l'Académie  des  Inscriptions,  2^  série,  t.  VI, 
!>■«  partie.  Arnoul  d'Audrehem  fut  lieutenant  général  en  Languedoc 
durant  les  années  les  plus  malheui-euses  du  règne  de  Jean  le  Bon. 
C'est  dire  rinlérôt  de  l'œuvre  que  M.  E.  Molinier  lui  a  consacrée. 


Le  19  juin  dernier  est  mort  M.  Jean-Henri-Antoine  Doniol,  né 
à  Riom  le  20  avril  1818.  Ancien  préfet,  ancien  directeur  de  l'Im- 
primerie nationale,  il  a  écrit  des  ouvrages  généraux,  dont  le  prin- 
cipal est  une  Histoire  des  classes  rurales  en  France  (1857),  rema- 
niée et  rééditée  en  l'JÔO  sous  le  titre  de  Serfs  et  vilains  au  Moyen 
âge.  Mais  ses  travaux  administratifs,  ou  d'iiistoire  générale,  ne 
lui  faisaient  pas  perdre  de  vue  l'histoire  de  son  pays  d'origine, 
comme  en  témoignent  ses  éditions  du  Cartulaire  de  Brioude 
(186?),  du  Cartulaire  de  Sauxillanges  (1864)  et  des  Lettres  du 
conventionnel  Soubrany  (1867). 


NÉCROLOGIE.  127 

M.  Alphonse  Picard,  libraire-éditeur,  à  Paris,  et  l'un  des  édi- 
teurs de  notre  Revue,  est  mort  le  23  juin  dernier.  Par  sa  longue 
carrière  consacrée  presque  entièrement  à  la  librairie  ancienne,  par 
la  publication  de  la  Bibliothèque  de  l'École  des  Chartes,  des 
Comptes  rendus  des  séances  de  V Académie  des  Inscriptions  et 
Belles-Lettres  et  des  Séances  et  Travaux  de  l'Académie  des 
sciences  morales  et  politiques ,  par  la  publication  de  nombreuses 
œuvres  des  historiens  de  notre  temps,  par  sa  science  bibllogra- 
pliique  et  le  concours  très  précieux  qu'elle  lui  permit  de  prêter  aux 
savants  et  érudits,  il  tient  une  large  place  dans  le  développe- 
ment des  connaissances  historiques  durant  la  seconde  moitié  du 
xix.e  siècle. 


CHRONIQUE 


L'Académie  des  Inscriptions  a  décerné  pour  la  troisième  fois  le 
second  prix  Gobert  n  M.  A.  Richard  pour  son  Histoire  des  com- 
tes de  Poi  ou.  MM.  Sama.ran  et  Mollat  obtiennent  une  partie  du 
prix  Bordin.  Au  concours  des  Antiquités  de  la  France,  M.  L.  Mi- 
rot  reçoit  une  médaille  pour  ses  deux  ouvrages,  Isabelle  de 
France,  reine  d' Angleterre,  comtesse  d'Angouléme,  et  Les  insur- 
rections urbaines  au  début  du  règne  de  Charles  VI;  M.  Serbat 
une  antre  {Les  assemblées  du  clergé  de  France  de  1561  à  1615); 
de  môme  M.  H.  d'Allemagne  {Les  cartes  à  jouer,  du  xive  au 
xxe  siècle).  Signalons  parmi  les  mentions  celles  de  MM.  G.  Doï- 
TiN  {Manuel  pour  l'étude  de  l'antiquité  celtique),  l'nbbé  G.  Ali- 
BEHT  {Histoire  de  Seyne),  E.  Bonnet  {Antiquités  et  vionuments 
du  déparle^ncnt  de  l'Hérault),  H.  Moris  {Cartulaire  de  V abbaye 
de  Lérins). 

M.  Stanislas  Stronski,  l'érudit  et  consciencieux  éditeur  d'Elias 
de  Barjols.  prépare  une  édition  critique  des  poésies  de  Folquet 
de  Marseille. 

L'Esquisse  historique  de  la  littérature  française  au  Moyen 
âge  de  Gaston  Paris,  tout  récemment  publiée  (Paris,  A.  Golin, 
19U7),  comprerul  un  l;iljleau  sommaire,  mais  très  exact  et  vivant, 
de  la  littérature  provençale,  considérée  surtout  dans  ses  rapports 
avec  la  littérature  française  du  nord. 


Une  nouvelle  édition  des  v  Essais  »  de  Montaigne.  —  Le  tome  I 
de  l'édition  nouvelle  «les  Essais  de  Montaigne,  due  à  la  munifi- 


CHRONIQUE.  129 

cence  de  la  ville  de  Bordeaux,  vient  de  paraître.  C'est  un  somp- 
tueux volume  in-4o  de  xxiv-47.j  pages,  tiré  sur  papier  à  bras  parla 
maison  F.  Pech  et  G'^,  de  Bordeaux,  véritable  chef-d'oeuvre  de 
typographie,  accompagné  d'une  héliogravure  et  de  deux  photogra- 
phies hors  texte  (prix  :  25  francs.  — 50  exemplaires  numérotés  ont 
été  tirés  sur  papier  de  Hollande,  grand  iu-4o,  texte  réimposé; 
36  seulement  sont  mis  dans  le  commerce  au  prix  de  100  francs). 

Cette  édition  nouvelle  des  Essais  —  l'édition  municipale  — 
doiine  pour  la  première  fois  le  texte  authentique  et  définitif  de 
Montaigne.  Elle  a  été  établie  d'après  le  fameux  exemplaire  de 
Bordeaux,  enfin  déchiffré  et  transcrit  complètement.  Au  texte  on  a 
joint  toutes  les  variantes,  corrections  et  repentirs  de  Montaigne, 
en  sorte  que  l'on  peut  suivre,  pour  ainsi  dire,  pardessus  l'épaule, 
le  travail  minutieux  de  l'auteur  modifiant  et  complétant  le  texte 
de  1588.  Par  un  artifice  typographique  très  simple  et  très  clair  on 
a  distingué  le  texte  primitif  de  1580  des  apports  successifs  posté- 
rieurs. Il  est  désormais  possible  de  faire  l'histoire  du  livre  et  de  la 
pensée  de  Montaigne.  On  peut  leur  appliquer  —  ce  qui  n'a  jamais 
été  fait  —  la  méthode  historique,  la  seule  rationnelle  pour 
débi'ouiller  cette  œuvre  complexe.  Un  appareil  critique  très  soigné 
donne  toutes  les  variantes  imprimées  et  manuscrites.  Cette  édition 
résume  donc  tous  les  travaux  déjà  faits  sur  les  Essais  et  en  même 
temps  présente  l'ouvrage  sous  un  jour  tout  nouveau. 

Entreprise  grâce  à  l'initiative  de  M.  de  la  Ville  de  Mirmont, 
professeur  à  l'Université  de  Bordeaux,  adjoint  au  maire,  sous  les 
auspices  et  avec  la  collaboration  de  la  commission  des  Archives 
municipales  de  cette  ville,  elle  a  été  dirigée  avec  une  sûreté  et  une 
diligence  vraiment  dignes  de  l'œuvre  par  M.  F.  Strowski,  profes- 
seur à  l'Université  de  Bordeaux.  M.  Strowski  s'est  placé,  par  ce 
beau  travail,  au  premier  rang  des  familiers  et  des  fervents  de  Mon- 
taigne. Il  ne  s'est  pas  contenté  de  donner  tous  ses  soins  à  l'établis- 
sement scrupuleux  du  texte,  besogne  délicate  entre  toutes.  Il  a 
écrit  en  tête  du  volume  une  importante  introduction  sur  l'histoire 
des  Essais,  qui  met  définitivement  en  lumière  la  valeur  inestima- 
ble de  l'exemplaire  de  Bordeiux.  Trois  appendices  donnent  les 
variantes  très  curieuses  de  ponctuation  et  d'orthographe,  les  leçons 
des  éditions  de  15S0  et  1582,  enfin  un  choix  de  leçons  de  l'édi- 
tion de  1595,  qui  démontre  qu'il  convient  de  n'accorder  qu'une 
confiance  limitée  à  la  vulgate  publiée  par  Mi'e  de  Gournay. 

Ce  tomel  contient  le  livre  I  des  Essais.  C'est  dans  ce  livre  que 

ANNA.LKS  DU  MIDI.   —   XIX  9 


130  ANNALES   DU   MIDI. 

se  trouvent,  on  le  sait,  quelques-uns  des  chapitres  les  plus  célè- 
bres :  ceux  notamment  du  Pédantisme  et  de  VlnstUuUon  des 
Enfants.  L'édition  comprendra  quatre  volumes.  Elle  sera  accom- 
pagnée de  notices  sur  les  sources  de  Montaigne,  de  notes  expliquant 
les  allusions  historiques,  enfin  d'un  lexique  définitif.  Cette  œuvre 
magnifique,  due  à  l'initiative  municipale  et  aux  efforts  des  érudits 
bordelais,  est  une  éclatante  manifestation  de  vie  intellectuelle 
régionale  et  une  contribution  capitale  à  l'histoire  des  lettres  fran- 
çaises *.  ^  P.  C. 

Adoptée  par  la  Chambre  après  le  Sénat,  le  12  décembre  dernier, 
la  proposition  relative  au  dépôt  facultatif  dans  les  Archives  dépar- 
tementales des  minutes  des  actes  notariés,  va  devenir  une  loi.  Peu- 
vent être  déposées  auxdites  archives  les  minutes  antérieures  à  1790, 
puis,  à  l'avenir,  celles  qui  dateront  de  plus  de  cent  ans;  de  même 
les  minutes,  registres  et  dossiers  des  greffes.  Les  archivistes  dépar- 
tementaux ou  autres  délégués  du  ministère  de  l'Instruction  i)ubli- 
que  peuvent  être  autorisés  à  vérifier  l'intérêt  historique  de  ces 
documents  là  où  ils  se  trouvent,  afin  d'en  assurer  la  conservation 
et  le  classement.  L'autorisation  est  donnée  à  la  requête  du  procu- 
reur de  la  République,  par  ordonnance  de  référé  du  président  du 
tribunal  civil. 

Chronique  de  l'Hérault. 

Si  j'ai,  trop  longtemps  peut-être,  retardé  la  publication  de  cette 
chronique,  c'est  que  je  craignais  qu'elle  n'eût  un  peu  trop,  pour 
le  bon  renom  de  notre  activité  littéraire  et  scientifique,  l'aspect 
d'un  procès-verbal  de  carence.  La  voici  cependant  telle  quelle,  et 
je  m'en  excuse. 

A  la  Bibliothèque  de  la  ville,  depuis  le  Catalogue  du  Fonds  de 
Languedoc  (Cf.  Annales  du  Midi,  XV,  1903,  p.  564),  qui  s'est 
prouvé  à  l'usage  un  excellent  instrument  de  travail,  rien  n'a  été 
publié  sauf  les  autographes  de  Fabre  et  de  ses  amis  qu'insère  de 

1.  Citons  à  ce  propos  les  ouvrages  suivants  qui  viennent  de  paraître: 
Strowski  (F.).  Montaigne.  Paris,  Alcan,  1906;  in-S"  de  viii-3.56  pages  (col- 
lect.  des  Grands  philosophes).  —  Zangroniz  (J.  de).  Montaigne,  Amyot 
et  Salint.  Etude  sur  les  sources  des  «  Essais  ».  Paris,  Champion,  1906; 
petit  in-S"  do  xvi-196  pages  {Bibl.  littér.  de  la  Renaissance,  t.  VIH. — 
Montaigne.  Journal  de  voyage,  p.  p.  L.  Lautrey.  Pai'is,  Hachette,  1906; 
petit  in-8°  de  531  pages. 


CHRONIQDE.  131 

temps  à  autre  la  Revue  d'Italie.  La  question  du  transfert  du  Lycée 
dans  le  local  rendu  vacant  par  la  fermeture  du  Collège  catholique 
n'ayant  pas  fait  un  pas,  et  la  proposition  rivale, —  transfert  dans 
les  casernes  actuelles,  qui  seront  prochainement  évacuées  par 
les  troupes,  —  étant  également  en  suspens,  il  en  résulte  que  la 
Bibliothèque  continue  à  ne  pouvoir  s'agrandir,  agrandissement 
pourtant  aussi  séant  que  nécessaire.  A  la  Bibliothèque  de  la  ville 
a  été  déposé  un  bas  relief  de  bronze  symbolisant  le  souvenir  d'Al- 
fieri,  hommage  offert  à  Montpellier  par  la  municipalité  d'Asti  lors 
des  fêtes  du  centenaire  du  tragique  astésan.  La  ville  de  Montpel- 
lier avait  adressé  au  municipe  d'Asti  la  copie  du  catalogue  de  la 
Bibliothèque  du  poète,  avec  beaucoup  de  belles  paroles  et  une  let- 
tre éloquente  de  M.  le  député  Mas.  Le  conservateur  du  musée, 
M.  d'Albenas,  a  publié  une  nouvelle  édition,  augmentée  et  très 
améliorée,  du  catalogue  du  Musée  F.-X.  Fabre. 

Aux  Archives  municipales,  M.  Berthelé  travaille  à  la  rédaction 
des  tomes  II  et  IV  de  l'Inventaire;  aux  Archives  départementales, 
il  a  achevé  de  publier  le  tome  IV  de  la  série  C,  Intendance.  Ces 
travaux  ofticiels  ne  l'empêchent  pas  de  poursuivre  ses  recherches 
personnelles  d'archéologie  et  d'épigraphie.  Il  a  fait  accepter  par  le 
Comité  des  travaux  historiques  le  principe  d'un  grand  recueil 
d'Archéologie  et  épigraphie  campanaires.  En  attendant  qu'il  le 
réalise,  il  vient  de  publier  un  volume  de  Mélanges  où  l'on  retrou- 
vera de  nombreux  articles  de  campanographie.  et  sa  description 
de  la  collection  Didelot,  collection  de  moulages  d'art  gallo-romain 
et  médiéval  récemment  acquise  par  la  Faculté  des  lettres,  le  seul 
guide  et  catalogue  que  nous  en  ayons  jusqu'à  présent.  M.  B.  y 
décrit  avec  compétence  et  amour  cette  collection  dont  il  s'est  cons- 
titué le  cicstos  et  ultor,  comme  dit  Vex  libris  de  la  Marciana. 
Malheureusement  pour  les  médiévistes,  le  projet  de  publication 
du  Cartulaire  de  Maguelone,  dont  M.  Fabrège  s'était  fait  le  géné- 
reux promoteur,  est  abandonné.  Il  n'en  reste  que  la  copie  exécutée 
sous  la  direction  de  M.  Berthelé  et  les  recherches  déjà  entreprises 
par  lui,  recherches  arides  et  difficiles,  pour  lesquelles  il  n'aura 
pas  même,  comme  réi-om pense,  le  plaisir  de  la  publicité.  L'avor- 
tement  de  cette  tentative,  dont  M.  Berthelé  n'est  à  aucun  degré 
responsable,  fait  craindre  que  le  Cartulairf.  de  MnguelonexvQ  soit 
jamais  imprimé.  Et  cependant,  quelle  mine  infiniment  précieuse 
de  documents  il  y  a  là  pour  l'histoire  des  origines  languedociennes 
et  de  toute  la  France  méridionale  1  —  La  séparation  de  l'Etat  et 


132  ANNALES    DU    MIDI. 

des  Églises  aura  pour  les  Archives  départementales  de  Montpel- 
lier un  résultat  aussi  favorable  qu'inattendu  :  le  palais  (?)  ex-épis- 
copal  va  être  affecté  à  leur  dépôt.  La  place  ne  leur  y  manquera 
pas,  et  elles  s'y  trouveront  sensiblement  rapprochées  des  Archives 
de  la  ville.  Il  y  a  là  un  double  intérêt  de  concentration  et  de  déve- 
loppement, mais  ce  n'est  sans  doute  qu'après  bien  des  travaux 
d'aménagement  que  ce  transfert  sera  possible. 

Nos  Sociétés  savantes  continuent  un  sommeil  paisible.  UAcadé- 
mie  des  sciences  et  lettres  a  consacré  tout  son  tome  IV  à  la  publi- 
cation d'un  Bourdaloue,  par  quoi  le  doyen  honoraire  Castets  a 
rivalisé  avec  le  P.  Griselle.  Le  tome  III  reste  inachevé  au  second 
fascicule,  consacré  à  une  amusante  et  piquante  étude  anecdotique 
sur  les  Bonaparte  à  Montpellier,  due  à  la  savante  plume  de 
M.  Grasset-Morel.  Le  fascicule  I^''  avait  été  rempli  par  une  mono- 
graphie de  M.  de  Saporta  sur  le  débat  universitaire ,  aussi 
insoluble  qu'intéressant,  entre  Aix  et  Marseille.  Depuis  lors, 
les  publications  de  la  section  des  lettres  sont  arrêtées  par  une 
f;\cheuse  thésaurisation.  —  Quant  à  la  Société  d'archéologie,  elle 
n'a  plus  rien  publié  depuis  1903  [Une  villette  de  Languedoc  :  Lan- 
sargues,  monographie  de  M.  Gazalis  de  Fondouce).  Mlle  l.  Gui- 
raud  prépare  un  travail  biographique  et  de  minutieuse  docu- 
mentation sur  l'évêque  Guillaume  Pellicier.  Souhaitons  qu'elle  le 
rende  plus  utilisable  que  ses  aînés  en  le  munissant  d'index  co- 
pieux, complets  et  bien  faits.  Quant  à  la  publication  des  Cartu- 
aires  d'Aniane  et  de  Gellone,  elle  est  provisoirement  suspen- 
due; l'un  des  auteurs,  M.  Cassan,curé  d'Aniane  (précision  néces- 
saire, vu  la  célébrité  fâcheuse  que  s'est  acquise  son  scandaleux 
homonyme  le  cui'é  de  Faugères),  est  mort  en  pleine  activité  intel- 
lectuelle, et  le  survivant  M.  Meynial  (qui  a  récemment  pris  l'ini- 
tiative du  jubilé  du  romaniste  Fitting),  semble  détourné  par  d'au- 
tres préoccupations.  —  La  Société  de  géographie  a  publié  dans  sa 
Géographie  départementale  (non  sans  ladrerie  et  tiraillements, 
dit-on,  en  matière  de  planches)  une  importante  monographie  de 
M.  Emile  Bonnet,  dont  nous  reparlerons. —  Quant  à  la  Société  des 
langues  romanes,  elle  obéit  au  conseil  de  Théophile  Gautier,  et     • 

Doucement  de  chemin  suit  son  petit  bonhomme. 

Le  lexique  de  la  langue  de  Ronsard,   de  M.  Vaganay,  n'a  pas 
encore  commencé  de  paraître. 
A  la  Faculté  des  lettres,  il  y  a  lieu  de  signaler  quelques  muta- 


CHRONIQUE.  133 

tions.  M.  Galniette,  pour  qui  avait  été  créée,  en  1903,  une  confé- 
rence spéciale  d'iiistoire  (fondation  Tenipié  Melon),  a  quitté  l'Uni- 
vetsitéde  Montpellier  pour  celle  de  Dijon,  où  il  a  été  récemment 
promu  à  une  chaire  magistrale.  Il  continue  et  achèvera  inces- 
samment le  classement  des  Archives  de  la  Faculté  de  médecine 
de  Montpellier,  dont  l'inventaire  sera  publié  aux  frais  de  l'Uni- 
versité. M.  Delacroix,  niaitre  de  conférences  de  philosophie,  a  été 
remplacé  par  le  psychophysicien  M.  Foucault.  M.  Martinenche, 
nommé  à  la  Sorbonne  après  une  lutte  épique  et  mouvementée 
où  il  n'a  pas  été  toujours  combattu  à  armes  courtoises,  a  été 
remplacé  dans  son  double  enseignement  par  M.  Henri  Mérimée, 
qui  a  en  préparation  une  thèse  sur  la  comédie  valenciane.  Son 
prédécesseur  avait,  en  1906,  publié,  coup  sur  coup,  deux  volumes, 
l'rn  de  critique  littéraire,  Molière  et  le  théâtre  espagnol,  l'autre 
d'impressions  de  voyage,  —  Propos  d'Espagne,  —  qui  peignent 
tout  entier  son  talent  i)rimesaulier  et  brillant,  trop  habile  seule- 
ment à  dissimuler  la  finesse  de  son  observation  et  la  solidité 
de  son  érudition  sous  des  dehors  parfois  fantaisistes  et  volontaire- 
ment légers. 

La  thèse  de  M.  Louis  André  sur  Le  Tellier,  dont  je  parlais  ici- 
mème  (1903,  XV,  p.  569),  a  vu  le  jour  à  la  fin  de  1906,  et  a  valu  à 
son  auteur,  avec  un  prix  à  l'Académie  des  sciences  morales,  les 
félicitations  méritées  de  son  jury.  La  petite  thèse  était  consacrée  à 
la  publication  de  Deucc  Mémoires  de  Cl.  Pelletier,  utile  contribu- 
tion à  la  connaissance  de  l'historiographie  française  au  xviie  siècle. 
M.  Louis  Thomas  poursuit  la  difficile  élaboration  de  son  étude 
d'anthropogéographie  languedocienne.  M.  Albert  Monod  étudie  la 
défense  de  la  religion  contre  les  philosophes  au  xvjii«  siècle,  et 
M.  Buchenaud  étudie  le  roman  social  de  George  Sand.  M.  .Tules 
Goulet  achève  sa  seconde  thèse. 

Un  ancien  étudiant  de  notre  Faculté,  M.  J.-B.  Séverac,  licencié 
de  philosophie,  a  soutenu,  au  printemps  de  1906,  ses  thèses  de 
doctorat  sur  Ce  que  Nietzche  pensait  de  Sacrale  (question  un  peu 
étriquée,  peut-être,  pour  une  thèse),  et  sur  La  secte  des  Honiines 
de  Bien  en  Russie,  travail  de  sociologie  confus  et  hâtif,  mais  pré- 
sentant (résultat  de  recherches  personnelles)  un  tableau  assez  neuf 
d'un  de  ces  groupements  mystico-anarchistes  dont  le  pullulement 
explique,  pour  une  part,  l'actuelle  décomposition  de  la  Russie.  Le 
jury  a  su  gré  à  M.  Séverac  d'avoir  voyagé  en  Russie  pour  pré- 
parer son  travail  à  l'époque  des  troubles  terroristes ,  et  d'y  avoir 


134  ANNALES  DU  MIDI. 

couru  de  sérieux  dangers  :  il  lui  a  conféré  la  mention  honorable. 
L'année  1907  sera  marquée  ici  par  la  soutenance  des  thèses  de 
M.  V.  Durand  sur  Le  Jansénisme  au  XVIIlo  siècle  et  J.  Colbert, 
évêque  de  Montpellier,  actuellement  sous  presse;  —  M.  Cabanes 
a  présenté  pour  la  licence  un  bon  mémoire  surie  rôle  du  clergé 
pendant  la  révolution  de  1848,  surtout  dans  le  diocèse  de  Mont- 
pellier; —  M.  Lacroix,  professeur  au  Lycée  d'Alais,  a  donné,  pour 
le  diplôme  de  hautes  études  d'histoire,  un  Mémoire  svir  les  Mémoi- 
res de  Mme  Rolland  (éd.  Perroud)  considérés  comme  source  his- 
torique; —  M.  Grousset  prépare,  pour  le  même  examen,  un  tra- 
vail sur  La  situation  économiqite  de  la  Lozère  pendant  la  Révo- 
lution-    et  M.  Vidal,  pour  la  licence,  examine  l'importance 

\\\?,io\-\(\ViQ  à'Un  Recueil  de  lettres  inédites  sur  les  événements 
politiques  de  1651-1652  que  possède  la  Bibliothèque  de  la  Ville 
(cod.  41).  Ces  divers  travaux  sont  sortis  de  la  conférence  d'his- 
toire moderne  à  la  Faculté  des  lettres,  et  se  poursuivent  sous  ma 
direction. 

Le  Comité  pour  l'histoire  économique  de  la  Révolution,  formé 
au  mois  de  juin  1905,  après  une  première  réunion  où  il  a  élu  pour 
président  M.  Gachon,  n'a  pas  été  convoqué  en  1906. 

La  disparition  de  la  Faculté  de  théologie  de  Montauban  a  eu  un 
contre-coup  favorable  pour  l'Université  de  Montpellier.  Un  cours 
d'histoire  du  christianisme  primitif  a  été  créé  et  confié  à 
M.  E.-Ch.  Bahut,  que  sa  thèse  sur  Le  Concile  de  Turin  et  l'hono- 
rable polémi(iue,  qui  en  fut  la  suite,  avec  Mk''  Duchesne  quali- 
fiaient hautement  pour  celte  nomination. 

M.  Lambert,  directeur  honoraire  du  Conservatoire  municipal  de 
musique,  a  enfin  publié  le  recueil  impatiemment  attendu  de  Chants 
et  chansons  populaires  du  Languedoc ,  auquel  il  a  travaillé  pen- 
dant toute  sa  vie.  Ces  deux  volumes  seront  désormais  le  livre  fon- 
damental du  folk  lore  musical  languedocien  :  le  premier  comprend 
les  chants  du  premier  âge,  pour  endormir,  pour  éveiller,  les  rondes 
enfantines,  les  jeux  d'enfants,  les  formules  d'élimination,  les  diffi- 
cultés de  prononciation,  les  dictons  facétieux  sur  les  noms  de 
baptême,  les  incantations  enfantines,  les  rondes  ;  le  second  volume 
énumère  les  danses  (bourrées,  rigaudons,  montagnardes,  diverses), 
les  chansons  de  printemps  et  la  copieuse  série  des  chants  d'amour, 
—  y  compris  le  mariage  et  ses  conséquences  :  7)ial  maridado, 
marit  jalous  et  cougùous  (Paris,  Welter,  2  vol.  in-8",  1906).  Le 
beau  recueil   d'Antiquités  et  monuments  du  département  de 


CHRONIQUE.  135 

-  l'Hérault,  de  M.  Emile  Bonnet,  est  aussi  un  livre  capital  pour  les 
études  languedociennes  médiévales.  L'auteur  y  a  groupé,  classé  et 
décrit  tous  les  monuments  (édifices,  monnaies,  inscriptions,  objets 
mobiliers)  conservés  ou  trouvés  dans  le  département  et  actuelle- 
ment connus,  pour  les  six  périodes  préromaine,  gallo-romaine, 
wisigothe,  carolingienne,  romane  et  gothique.  C'est  un  guide  par- 
fait pour  le  touriste  archéologue  et  un  excellent  point  de  départ 
pour  continuer  des  recherches  et  reprendre  des  discussions.  Il  faut 
souhaiter  que  M.  Bonnet  continue  cet  inventaire  pour  la  période 
moderne,  de  la  Renaissance  à  1900  :  il  ne  serait  pas  moins  utile, 
et  les  oeuvres  à  inventorier  ne  seraient  pas  moins  importantes. 
Signalons  enfin  deux  récentes  monographies,  l'une  purement  his- 
torique, l'autre  d'intérêt  universitaire  et  social.  M.  Saint-Quirin 
(de  Gazenove)  a  étudié  Les  verriers  de  Languedoc  de  1290  à  1790 
(un  vol.  in-8o,  362  pp.  Montpellier,  Bœhm,  1904  [en  réalité,  1906]), 
avec  une  érudition  très  précise  et  très  documentée,  et  il  a  su  faire 
revivre,  à  travers  toutes  les  vicissitudes  de  son  histoire,  cette  noble 
corporation.  MM.  les  docteurs  Truc  et  Pansier  ont  publié  l'Histoire 
de  rophlalinologle  à  VÉcole  de  Montpellier,  du  XII^  au 
XX^  siècle.  Après  une  courte  introduction  sur  les  diverses  phases 
de  l'histoire  de  l'ancienne  École  de  médecine  et  du  Collège  de 
chirurgie,  les  auteurs  donnent  la  liste,  —  biographique  et  autant 
que  possible  bibliographique,  —  de  tous  les  oculistes  ayant  pra- 
tiqué à  Montpellier  depuis  le  quatorzième  siècle,  depuis  Bienvenu 
de  Hierusalem  et  Bernardus  Provenzal  jusqu'à  la  création  de  la 
chaire  d'ophtalmologie  actuelle  et  de  la  nouvelle  clinique,  et  ter- 
minent par  une  vue  d'ensemble  sur  l'importance  des  progrés 
accomplis  et  des  services  rendus.  L'honneur  de  l'admirable  orga- 
nisation de  cette  clinique  revient,  avant  tous,  au  Dr  Truc. 

Le  Congrès  des  Sociétés  savantes  doit  se  tenir,  en  1907,  à  Mont- 
pellier. Il  faut  espérer  que  le  désir  de  paraître  avec  honneur  à  cette 
solennité  intellectuelle,  et  l'appât  des  palmes  académiques  qui  en 
sont  la  conséquence  obligatoire,  sinon  le  motif,  stimuleront  le 
zèle  somnolent  de  nos  érudits  locaux. 

L.-G.  Pélissier. 


LIVRES  ANNONCÉS  SOMMAIREMENT 


AuRBLLE-MoNTMORiN  (R.  d').  Samarobriva,  Uxellodunum.  Pé- 
ronne,  1903;  in-12  de  26  pages.  —  Etude  étymologique  tendant  à 
prouver  que  Saynarobriva  Ambianorum  doit  être  cherchée  à 
Péronne,  et  Uxellodunum  à  Capdenac. 

Dbsdevises  du  Dezert. 

BoNNEFOY  (G.),  statistique  générale  avec  carte  économique  du 
département  du  Puy-de-Dôme.  Clermont-Ferrand,  Monier,  1903, 
in-8°  de  79  pages  (1"  fascic  des  Mémoires  de  la  Société  des  Amis 
de  VUniversité  de  Clermont-Ferrand).  —M.  B.,  déjà  connu  par  de 
nombreux  travaux  sur  l'histoire  administrative  du  Puy-de-Dôme, 
nous  donne  dans  ce  mémoire,  d'après  les  documents  officiels  les 
plus  complets  et  les  plus  récents,  une  étude  détaillée  sur  le  mou- 
vement de  la  population  dans  le  Puy-de-Dôme  depuis  1790,  sur 
la  statislique  cadastrale  du  département,  la  zoologie  et  la  bota- 
nique agricoles,  le  régime  des  eaux  et  forêts;  des  tableaux  résu- 
ment les  données  statistiques  fournies  par  le  texte.  Une  carte 
très  claire  et  très  ingénieuse  complète  l'ouvrage  et  fixe  dans 
l'esprit  la  physionomie  du  département.  D.  d.  D. 

BouBOUNELLE  (H.).  Saint-Flour  et  ses  environs.  Saint-Flour, 
1903;  in-12  de  127  pages.  -  Le  guide  du  touriste  à  Saint-Flour 
occupe  dans  cette  brochure  70  pages  environ.  Détails  sur  Saint- 
Flour,  le  viaduc  de  Garabit,  les  châteaux  du  Sailhans.  d'Alleuze, 
des  Ternes  et  de  Roffluc,  l'église  de  Villedien  et  les  eaux  de 
Chaudes-Aiguës.  Quelques  indications  bibliographiques.  Les  cha- 
pitres sur  les  châteaux  d'Alleuze  et  du  Sailhans  sont  dus  à 
M.  Léon  Belard,  archiviste  de  Saint-Flour.  D.  d.  D. 


LIVRES   ANNONCES   SOMMAIREMENT.  137 

Brémond  (E.).  République  de  Marseille,  i2Hi257  ;  son  origine, 
son  organisa  lion,  sa  fin.  Marseille,  Auberiin  et  RoUe,  1905;  in-S" 
de  ".t  pages.  —  L'auteur  n'a  pas  eu  «  la  prétention  de  faire  une  œu- 
vre d'érudition,  mais  de  rappeler  des  souvenirs  oubliés  et  de 
porter  à  la  connaissance  de  tous  quelques-unes  des  années  glo- 
rieuses et  néfastes  de  la  seule  ville  qui,  avant  1792,  a  osé  pren- 
dre, en  France,  le  nom  de  République  ». 

Cet  opuscule  n'est,  en  effet,  qu'un  travail  de  vulgarisation, 
rédigé  d'après  les  histoires  de  Rufli,  Papon,  Guindon  et  Méry,  etc. 
Après  quelques  pages  relatives  aux  origines  de  Marseille  (où  l'on 
ne  voit  pas  sans  surprise  qu'au  temps  des  Phocéens  la  culture  de 
l'orange/- florissait  en  cette  ville),  l'auteur  expose  la  situation  de 
Marseille  et  la  généalogie  de  ses  vicomtes,  puis  la  façon  dont  elle 
se  libéra  de  leur  autorité.  Une  deuxième  partie  traite  de  l'admi- 
nistration et  de  l'organisation  de  la  république,  dont  la  troi- 
sième et  dernière  partie  raconte  la  fin. 

Dans  tout  cela,  non  seulement  on  chercherait  en  vain  quelque 
chose  de  nouveau  (M.B.  nous  a  prévenus),  mais  quelque  chose  d'in- 
téressant: c'est  un  récit  sec  et  décoloré,  peu  propre,  je  le  crains, 
à  attirer  les  lecteurs  et  à  leur  inculquer,  comme  le  voudrait  l'au- 
teur, l'amour  du  passé  de  leur  ville.  Il  s'écoulera  sans  doute  bien 
du  temps  encore  avant  que  l'on  puisse  donner  au  public  un  abrégé 
intéressant  de  l'histoire  de  Marseille  au  moyen  âge:  il  faudrait 
d'abord  que  cette  histoire  fût  refaite  complètement,  autant  du 
moins  que  le  permettent  les  trop  rares  documents  qui  en  subsis- 
tent. M.  Clerc. 

Cohen  (G.).  Histoire  de  la  mise  en  scène  dans  le  théâtre  reli- 
gieux du  moyen  âge  [avec  six  planches  gravées].  Paris,  Cham- 
pion, 1906;  petit  in-8o  de  304  pages.  —  Jamais  cet  intéressant 
sujet  n'avait  été  traité  avec  cette  ampleur  et  cette  abondance 
d'informations;  aussi  le  volume  de  M.  C.  apporte-t-il  beaucoup 
de  nouveau.  Le  contenu,  au  reste,  en  est  notablement  plus  étendu 
que  le  titre,  car  il  n'y  est  pas  seulement  question  de  la  «  mise  en 
scène  »  proprement  dite,  mais  aussi  de  la  condition  des  acteurs, 
des  auteurs,  du  prix  des  places,  etc.  Un  titre  comme  «  Etudes 
sur  l'organisation  matérielle  de  l'ancien  théâtre  français  »  eût 
donc  été  plus  exact.  Le  théâtre  du  Midi  et  celui  du  Nord  ayant 
évolué  parallèlement,  il  nous  a  paru  bon  de  mentionner  ici  ce 
volume,  bien  que  rien  n'y  concerne  spécialement  les  oeuvres  mé- 


138  ANNALES   DU   MIDI. 

Pidionales  (celles-ci,  qui  contiennent  de  iiombreuses  indications 
scéniques,  y  sont  peut-être  même  un  peu  plus  négligées  que  de 
raison).  L'ouvrage,  malheureusement  tiré  à  petit  nombre,  est 
déjà  épuisé,  bien  que  tout  récemment  paru;  mais  il  en  sera 
publié  dans  quelques  mois  une  traduction  allemande  par  les  soins 
de  la  librairie  Klinkhardt,  à  Leipzig.  A.  Jeanroy. 

Fabrb  (C).  Austorc  d'Orlac,  troubadour  du  Yelay  au  xin«  siè- 
cle; élude  sur  sa  vie  et  son  œuv7-e.  Le  Puy,  1906;  in-8"  do  20  pages 
(Extrait  des  Mémoires  de  la  Société  agricole  et  scientifique  de  la 
Haute-Loire,  t.  Xlll)..—  Dans  la  première  partie  de  ce  travail, 
M.  Fabre  montre  que  le  sirventés  d'Austorc  d'Aurillac,  Ay  Dieus  ! 
per  qu'as  fâcha  tan  gran  maleza  se  rapporte,  non  à  la  croisade 
de  1270,  mais  à  celle  de  1247-50.  Ses  arguments  sont  en  grande 
partie  ceux  que  j'avais  moi-même  invoqués  dans  un  article  écrit 
avant  que  le  sien  ne  parût',  et  qui  aboutit  naturellement  à  la 
môme  conclusion.  Mais  dans  le  reste  de  sa  brochure,  M.  F.  fait 
certainement  fausse  route.  A  la  suite  de  F.  Mandat  {Histoire  poé- 
tique et  littéraire  de  l'ancien  Velay,  Paris,  I8i2,  p.  428),  et  de 
L.  Pascal  [Bibliographie  du  Velay  et  de  la  Haute  Loire,  Le  Puy, 
'1904,  p  401,  note  1),  il  considère  l'auteur  du  sirventés  comme 
originaire  du  Velay  et  non  de  l'Auvergne.  Mais  le  second  de  ces 
écrivains  n'a  certainement  fait  que  copier  le  premier,  et  celui-ci. 
bien  qu'il  s'appuie  sur  l'autorité  des  «  manuscrits  »,  n'a  utilisé, 
comme  le  prouvent  ses  propres  indications,  que  les  copies  de  c 
exécutées  pour  Sainte-Palaye  (Arsenal.  n°  3071);  or,  on  sait  que 
le  manuscrit  en  question  ne  fournit,  en  fait  de  renseignements, 
que  trois  rubriques,  dont  l'une  mutilée.  On  se  demande  donc  com- 
ment M.  F.  peut  écrire  (p.  4  2),  que  «  les  manuscrits  {sic)  de  la 
Bibliothèque  nationale  font  naître  le  poète  au  Puy  ».  Ce  n'est  pas, 
du  reste,  au  Puy  que  lui-même  veut  le  faire  naître,  mais  à  Orlac, 
commune  do  Pébrac  (Haute  Loirei. 

Supposition  inadmissible,  car  le  nom  de  ce  village  est  toujours 
écrit,  dans  les  anciens  documents,  comme  M.  F.  lui-même  veut 
bien  mo  l'apprendre  :  Ortac  ou  Orlat.  tandis  que  les  formes  Aor- 
Ihac,  Aorllac  désignent  constamment,  dans  les  textes  du  moyen 
âge,  le  chef-lieu  actuel  du  CantaP.  C'est  encore  une  idée  raallieu- 

1.  (!et  article,  ri'M^o  en  août  1905,  et  qui  a  déjà  paru  en  tirage  à  part, 
doit  faire  partie  des  Méluuçies  Chabaneau. 
■Z.  Voy.  par  exemple  Afinales  du  Midi,  Vil,  437, 


LIVRES   ANNONCÉS   SOMMAIREMENT.  139 

reuse  que  d'identifler  avec  Austorc  l'auteur  d'un  sirventés  bien 
connu  (439,  1),  œuvre  d'un  «  chevalier  du  Temple  »,  dont  le  ma- 
nuscrit a  nous  a  récemment  fait  connaître  le  nom  '.  Le  fait  que  le 
second  sirventés  est  sur  le  rythme  et  les  rimes  du  premier 
constitue  déjà  un  argument  suffisant  contre  cette  identification, 
qui  n'est  au  reste  proposée  ici  (p.  17)  qu'avec  quelque  réserve.  En 
dépit  de  ces  erreurs,  M.  F.  a  fait  preuve  dans  ce  travail  de  con- 
naissances étendues  ^  et  d'une  critique  avisée,  et  il  serait  désira- 
ble qu'il  poursuivît  ses  études  sur  les  troubadours  de  sa  pairie 
d'adoption,  A.  Jeanroy. 

GuÉLON  (l'abbé  P.  F.).  Essai  sur  les  marguilleries  des  Collégiales 
de  France  (d'après  un  ancien  manuscrit).  La  Collégiale  de  Sainl- 
Gen'es  à  Cleruiont  en  Auvergne  aux  dix-septième  et  dix-huitième 
siècles.  Clerraont-Ferraud,  Bellet,  4  905;  in-8»  de  152  pages.  — 
Le  livre  de  M.  l'abbé  G.  donne  un  peu  moins  et  un  peu  plus 
que  son  titre.  L'ancien  manuscrit  découvert  par  l'auteur  est  in- 
titulé «  Registre  de  la  raarguillerie  pour  la  paroisse  de  Sainl- 
Genez  en  cette  ville  de  Clermont  ».  Il  fallait  le  faire  précéder 
d'un  historique  de  la  paroisse  Saint-Genès,  le  publier  in  extenso 
avec  notes  explicatives  et  l'accompagner  d'un  index,  s'il  y  avait 
lieu.  M.  l'abbé  G.  a  préféré  esquisser  une  histoire  générale  des 
marguilleries  du  cinquième  au  seizième  siècle;  encore  ne  la 
présente-t-il  que  morcelée,  mêlée  à  toutes  sortes  d'épisodes  et  de 
digressions.  Du  manuscrit  on  voit  de  longs  fragments,  recousus 
tant  bien  que  mal  à  l'aide  de  quelques  phrases  de  l'auteur;  on 
ne  sait  si  on  a  tout  le  manuscrit  ou  seulement  une  partie;  on  ne 
se  sent  pas  en  présence  du  document,  mais  d'une  interprétation 
personnelle  du  texte.  A  chaque  instant,  M.  G.  prend  la  parole 
pour  donner  son  opinion  sur  tel  ou  tel  fait,  tel  ou  tel  person- 
nage, pour  décrire  un  objet  qui  l'a  frappé,  pour  stigmatiser  les 
idées  ou  les  hommes  qui  lui  sont  antipathiques.  Le  livre,  en 
somme,  serait  intéressant  si  l'auteur  avait  su  se  borner  à  son 
sujet.  Desdevises  du  Dezert. 

Keller  (W.).  Das  sirventés  «  Fadet  joglar  »  des  Guiraut  von 
Calanso,  Versuch  eines  hritischen   Textes,  mil  Einleitung .  Anmer- 

1.  Voy.  Bertoni,  Nuooe  rime  provenzali,  p.  25. 

2.  Les  deux  sirventés  en  question  sont  reproduits  et  traduits  d'une  façon 
très  satisfaisante,  à  quelques  détails  près. 


140  ANNALES  DU    MIDI. 

kungen,  Glossar  und  Indices.  Erlangen,  Junge,  1905;  in-S"  de 
142  pages  {dissert,  de  Zurich).  —  Les  deux  manuscrits  qui  nous 
ont  conservé  ce  texte  bien  connu  étant  très  divergents,  M.  Keiler 
a  pris  le  sage  parti  de  les  reproduire  tous  deux  in  extenso,  ce  qui 
permet  de  contrôler  très  aisément  son  texte  critique.  Il  y  a  bon 
nombre  de  passages  qu'il  n'est  pas  arrivé  à  restituer  d'une  façon 
sûre,  ce  qui  ne  saurait  nous  étonner,  un  grand  nombre  de  cor- 
rections et  de  conjectures  ayant  déjà  été  proposées  par  G.  Paris 
et  M.  Paul  Meyer,  à  propos  du  livre  de  M.  Birch-Hirschfeld  (Ro- 
mania,  VII,  44S).  Mais  c'est  beaucoup  d'avoir  sous  la  main  tous 
les  matériaux  qui  permettent  de  se  livrer  à  de  nouvelles  étu- 
des. Ce  qu'il  y  a  de  nouveau  surtout  dans  ce  travail,  c'est  la 
très  longue  et  intéressante  introduction  (pp.  1-47),  où  l'auteur 
n'a  pas  laissé  grand'chose  à  dire  sur  le  sujet.  Il  faut  signaler 
particulièrement  ses  vues  sur  l'origine  du  mot  sirventés ,  qui 
aurait  désigné  d'abord,  comme  l'avait  pensé  M.  P.  Meyer,  une 
poésie  composée  par  un  sirven  ou  un  ancien  sirven.  Selon  M.  K., 
les  sirventés  auraient  été  à  l'origine  de  deux  sortes  :  les  uns,  oii 
l'auteur  aurait  fait  l'énumération  de  ses  talents  (c'est  à  cette 
variété  que  M.  K.  rattache,  assez  arbitrairement,  notre  texte); 
les  autres,  où  sont  pr'is  à  partie  les  vices  du  siècle.  Mais  on 
ne  s'explique  guère  ni  pourquoi  la  première  catégorie  est  si  pau- 
vrement représentée,  ni  pourquoi  la  seconde  en  serait  venue  à 
toucher  si  fréquemment  à  la  politique  proprement  dite.  —  Dans 
les  notes  (pp.  GO-130)  on  remarquera  les  recherches  approfondies 
sur  les  diverses  légendes  poétiques  et  sur  les  instruments  de 
musique  mentionnés  par  G.  de  Calanson.  L'introduction  et  les 
notes  eussent  pu  aisément  être  un  peu  réduites;  l'auteur  eût  pu 
laisser  de  côté  certaines  hypothèses  tout  à  fait  en  l'air,  celle,  par 
exemple,  qui  rattache  frémir  à  frendere  (pp.  114-5),  ou  celle  qui 
fait  de  escrimir  un  substantif,  qui  aurait  le  sens  de  «^'  sorcier  » 
ou  de  «  larron  »  (p.  Il 8).  On  eût  préféré,  en  revanche,  trouver 
dans  le  même  volume  une  édition  aussi  soigneusement  établie 
de  deux  autres  textes  inséparables  de  celui-ci  ;  les  deux  pièces 
de  Guiraut  de  Cabrera  et  de  Bertran  de  Paris.  —  Page  76.  note 
aux  v.  49  51,  au  lieu  de  Raynaud,  lire  Raymond;  page  115.  n.  2, 
au  lieu  de  Flury,  lire  Fluri. 

A.  Jeanroy. 


LIVRES    ANNONCES    SOMMAIREMENT.  141 

Mabilly  (F'h.).  Les  villes  de  Marseille  au  moyen  âge.  Ville  supé- 
rieure et  ville  de  la  Prévôté.  Marseille,  Astier,  190ï;  in-Sode  294  pa- 
ges. —  L'auteur  nous  prévionl,  dans  son  introduction,  qu'il  n'a 
pas  l'intention  de  constituer  l'histoire  des  villes  hautes  de  Mar- 
seille, c'est  à-dire  de  la  ville  supérieure  qui,  avant  1257,  avait 
l'évêque  pour  seigneur,  et  de  la  ville  de  la  prévôté  et  de  l'œuvre, 
qui  était  sous  la  seigneurie  du  chapitre  de  la  Major.  Il  manque, 
pour  écrire  cette  histoire,  encore  trop  de  documents  nécessai- 
res, perdus  ou  enfouis  dans  des  archives  fermées  aux  investiga- 
tions. L'ouvrage  se  présente  donc  sous  la  forme  d'une  succes- 
sion de  notes  à  l'adresse  des  historiens  futurs.  De  ces  documents, 
les  uns  sont  simplement  analysés,  les  autres  donnés  in  extenso, 
et  l'auteur  indique  tout  d'abord,  pour  faciliter  l'intelligence  de 
ces  documents,  l'origine  des  deux  villes.  11  s'attache  surtout  à 
mettre  en  lumière  ce  qui  concerne  les  villes  épiscopale  et  de  la 
prévôté,  la  ville  vicomtale  étant  relativement  mieux  connue, 
grâce  aux  statuts,  publiés  et  commentés  plusieurs  fois.  C'est  donc 
une  courte  histoire  des  villes  hautes  avant  1257,  puis  l'histoire 
de  l'achat  de  la  seigneurie,  à  cette  date,  par  les  citoyens. 

Vient  ensuite  une  topographie,  aussi  détaillée  que  le  permet- 
tent les  documents,  des  villes  hautes  à  partir  de  1257.  Il  y  a  là 
une  étude  très  serrée  et  extrêmement  consciencieuse,  et  l'auteur 
a  très  heureusement  utilisé  les  actes  notariés  de  la  fin  du  xiii°  siè- 
cle et  du  début  du  xivp  pour  rectifier  les  assertions  des  îiutf  urs 
de  la  Statistique  des  Bouches- du- Rhône,  souvent  foit  arbitraires. 
M.  M.  a  pu  rectifier,  grâce  atix  mômes  documents,  l'origine  de 
plusieurs  noms  de  rues  et  corriger  sur  ce  point  l'œuvre  d'Augus- 
tin Falire.  Quel  dommage  qu'il  n'ait  pas  ajouté  à  son  ouvrage 
une  carte  ofi  toutes  ces  indications  auraient  figuré!  La  topogra- 
phie de  Marseille  au  moyen  âge  est  à  la  fois  des  plus  importan- 
tes et  des  plus  obscures  encore. 

L'auteur  étudie  ensuite  l'administration  de  la  justice,  puis  la 
constitution  des  municipalités  des  villes  hautes,  et  enfin  ce  qu'il 
appelle  les  faits  économiques.  Il  y  a  là  une  foule  de  détails  nou- 
veaux et  curieux  sur  le  prix  des  immeubles  et  des  marchandises, 
l'intérêt  de  l'argent,  etc. 

Une  biographie  des  conseillers  des  deux  villes  forme  la  seconde 
partie  de  l'ouvrage.  J'aurais  préféré  qu'ils  fussent  rangés  par 
ordre  chronologique  et  non  par  ordre  alphabétique,  quitte  à  allon- 
ger la  liste  alphabétique  de  la  table  des  matières. 


142  ANNALES    DU    MIDI, 

Quelques  pièces  justificatives  terminent  l'ouvrage,  entre  autres 
le  serment  des  consuls  de  la  ville  supérieure  et  un  extrait  de  la 
convention  passée  entre  l'évêque  et  le  comte. 

Sous  sa  forme  modeste,  l'ouvrage  de  M.  M.,  archiviste  de  la 
ville,  qui  connaît  admirablement  ses  archives,  est  destiné  à  ren- 
dre les  plus  grands  services  :  tout  historien  de  Marseille  au 
moyen  âge  y  trouvera  des  renseignements  d'une  véritable  valeur 
scientifique.  M.  Clerc. 

Faumès  (B.).  Le  Collège  7-oyal  et  les  ot'igines  du  Lycée  de  Cahors, 
1763-1815.  Cahors,  Girraa,  1907;  in-IG  de  26.3  pages  et  2  plans.  — 
L'auteur,  professeur  d'histoire  au  lycée  Gambetta  fCahors),  est 
doué  d'esprit  scientifique.  Il  a  consulté  pour  écrire  sa  monogra- 
phie tous  les  documents  qu'il  a  pu  se  procurer  et  les  cite  dans  de 
nombreuses  notes.  La  correspondance  des  recteurs,  les  rensei- 
gnements confidentiels  sont  mis  à  contribution.  Il  a  même 
recueilli  les  souvenirs  et  impressions  d'anciens  élèves  de  l'école 
centrale  ou  du  lycée.  Aussi,  son  livre  est-il  nourri  de  faits.  La 
narration  est  intéressante. 

Le  collège  date  du  milieu  du  xvi^  siècle.  Il  est  né  avec  les  guer- 
res religieuses.  Les  Jésuites  y  enseignent  de  1G05  à  1763.  Ils 
l'accroissent  et  lui  donnent  une  véritable  splendeur.  Après  la 
dissolution  de  leur  ordre,  ils  y  sont  remplacés  par  les  Doctrinai- 
res. Ceux-ci  le  tenaient  encore  lorsque  la  Révolution  vint  le 
détruire  L'auteur  retrace  cette  dernière  période,  depuis  1763,  et 
il  mène  son  récit  jusqu'en  1815,  alors  que  le  lycée  a  succédé  à 
l'institution  révolutionnaire,  l'école  centrale.  Les  bâtiments, 
centre  d'un  véritable  quartier  des  études  au  \vi*'  siècle,  sont 
demeurés  à  peu  près  les  mêmes.  Nous  pouvons  suivre  leur  his- 
toire. I/établissement  devient  collège  royal  en  1765.  Les  autori- 
tés locales  le  favorisent.  Dès  cette  époque,  elles  s'efTorcent  de  ne 
pas  laisser  absorber  complètement  par  Toulouse  les  élèves  de  la 
région.  Notices  sur  les  professeurs.  Les  programmes  assez  larges 
et  la  discipline  assez  douce  des  Doctrinaires  annoncent  les  temps 
modernes.  La  Révolution  apporta  le  trouble  dans  les  idées,  d;ins 
la  discipline,  dans  lu  vie  des  professeurs^  dans  le  budget  de  la 
maison,  dont  elle  amena  la  ruine. 

L'auteur  glisse  sur  l'école  centrale,  dont  l'histoire  a  été  écrite. 
11  se  contente  d'ajouter  quelques  précisions  à  l'ouvrage  de  Bau- 
del,  non  sans  insister  pourtant  sur   les  causes  d'insuccès  qui 


LIVRES    ANNONCÉS    SOMMAIREMENT.  143 

la  firent  échouer,  telles  que  les  troubles  de  l'époque,  la  vie  des 
professeurs  un  peu  tropmê'ée  à  la  politique,  l'absence  déclasses 
graduées,  chaque  professeur  étant  maître  de  son  programme 
sans  souci  de  cohésion  avec  ceux  de  ses  collègues. 

La  création  de  l'Université  impériale  fit  de  Cahors  le  chef  lieu 
d'une  académie,  qui  comprenait  le  Lot,  le  Lot-et-Garonne  et  le 
Gers,  et  le  siège  d'un  lycée.  M.  P.  retrace  les  débuts  de  ce  lycée, 
la  restauration  des  classes,  les  programmes.  Il  ajoute  d'abondan- 
tes notices  sur  les  professeurs,  et  promet  d'étendre  bientôt  son 
travail  à  la  période  contemporaine. 

En  somme,  bon  ouvrage,  sérieusement  documenté  et  très 
vivant.  Il  est  à  désirer  que  de  pareilles  monographies  soient 
consacrées  à  tout  établissement  notable  et  ancien  d'enseigne- 
ment secondaire.  M.  Décans. 

RiBiER  (D''  Ij.  de).  La  Chronique  de  Mauriac  par  Monlforl,  suivie 
de  documents  inédits  sur  la  ville  et  le  monastère.  Paris.  Mauriac, 
1905;  in-8»  de '260  pages,  avec  planches.  —  La  Chronique  de  Mont- 
forô  a  été  composée  vers  le  milieu  du  xvie  siècle,  par  le  prêtre 
P.  de  Montfort,  curé  de  Moussanges.  M.  de  Ribier  la  publie  d'après 
une  copie  faite  en  1785  par  l'abbé  Lavergne,  prêtre  de  Mauriac, 
et  d'après  un  extrait  copié  par  Dulaure  et  conservé  à  la  Biblio- 
thèque de  Clermont,  sous  le  n^  656. 

Cette  chronique  rapporte  les  légendes  relatives  à  la  fondation 
de  l'abbaye  de  Mauriac  par  sainte  Clotilde,  femme  de  Clovis,  re- 
late quelques  faits  historiques,  signale  les  pestes  et  les  famines 
qui  affligèrent  Mauriac,  et  raconte  avec  grands  détails  la  fête 
donnée  dans  la  ville  au  mois  d'avril  1559  pour  célébrer  la  con- 
clusion de  la  paix  de  Câteau-Cambrésis. 

Au  texte  de  la  chronique  fait  suite  un  volumineux  appendice 
(pp.  91-260)  renfermant  un  résumé  de  l'histoire  du  monastère, 
une  liste  des  doyens  et  diverses  pièces  parmi  lesquelles  nous  cite- 
rons l'état  général  du  revenu  des  offices  claustraux  (p.  155); 
l'état  général  des  revenus  et  charges  du  monastère  en  1642 
(p.  160);  le  dénombrement  des  propriétés,  cens  et  rentes  du  mo- 
nastère en  1669  (p.  168);  l'histoire  de  l'introduction  de  la  Congré- 
gation de  Saint-Maur,  ordre  de  Saint-Benoît,  au  monastère  de 
Saint-Pierre  de  Mauriac  (p.  175)  ;  la  vente  comme  biens  nationaux 
des  propriétés  du  monastère  (p.  238),  qui  produisirent  une  somme 
totale  de  77,200  francs. 


144  ANNALES   DU    MIDI. 

M.  (le  R.  s'est  principalement  servi  des  travaux  de  Dulaure, 
du  Dictionnaire  du  Cantalde  Delalo,  des  documents  conservés 
auï  archives  du  Cantal  et  dans  les  archives  de  sa  famille.  II  est 
regrettable  qu'il  n'ait  pas  placé  en  tête  de  son  livre  une  étude 
critique  de  ses  sources,  qui  aurait  certainement  ajouté  k  la  valeur 
de  cette  intéressante  collection.  Dbsdevises  du  Dezert. 

Sahuc  (J.).  m ''moire  géographique  et  historique  sur  le  diocèse  de 
Saint- Pons  au  XV iw  siècle.  Montpellior,  impr.  Ricard,  1906;  in  8° 
de  73  pages.  —  Les  éléments  de  ce  mémoire  ont  été  puisés  aux 
Archives  de  l'Hérault  et  à  colles  de  la  Haute-Garonne,  y  compris 
la  série  B  (Archives  du  Parlement  de  Toulouse).  Si  utile  qu'il 
puisse  être,  il  nous  serait  difficile  de  l'analyser,  car  il  se  compose 
d'une  série  d'énuraérations  rangées  sous  les  rubriques  suivan- 
tes :  Orographie  et  forets  du  diocèse;  cours  d'eau;  voies  de 
communication  —  cette  partie  offre  beaucoup  d'intérêt;  —  mi- 
nes de  charbon,  assez  rares  et  mal  pourvues;  institutions  judi- 
ciaires, d'autant  plus  compliquées  que  les  appels  ressortissaient 
aux  deux  sénéchaussées  de  Carcassonne  et  de  Béziers,  chacune 
ayant  son  ressort  dans  1(5  diocèse,  tandis  que  la  villa  de  Saint- 
Pons  et  l'évêque  relevaient  à  leur  choix  de  l'une  ou  de  l'autre; 
administration  des  eaux  el  forêts;  organisation  ecclésiastique 
par  menses,  prieurés-cures  et  rectories  sous  l'ancien  régime,  par 
cantons  en  4801;  domaine  royal,  seigneuries,  à  commencer  par 
la  seigneurie  épiscopale.  toutes  étudiées  dans  leur  histoire,  dans 
leurs  raodificaiions  successives  du  moyen  âge  au  xviii»  siècle; 
enfin,  communautés  au  nombre  de  quarante-quatre,  avec  indica- 
tion de  la  population,  des  noms,  tènements  et  des  monuments 
d'intérêt  archéologique.  En  somme,  travail  des  plus  méritoires, 

P.    DOQNON. 

Teilhard  de  Chardin  (E,).  Comptes  de  voyage  d'habitants  de 
Montferrand  à  Arras en  1479.  Paris,  1906;  in-S'  de  48  pages  (E\tr. 
de  la  Bibl.  Ec.  Chartes,  t.  LXVII).  —  En  juin  1479,  deux  ans  après 
qu'il  eut  acquis  Arras,  Louis  XI,  trouvant  trop  «  autrichois  »  les 
sentiments  des  gens  do  la  ville,  résolut  d'en  bannir  la  popula- 
tion ot  d'y  établir  de  «  bons  et  loyaux  sujets  ».  A  cotte  fin,  les 
principales  villes  du  royaume  l'.nr-  i  mises  à  contribution,  dont 
quatre  de  la  Basse-Auvergne;  Clerraont,  Montferrand,  Saint 
Pourçain  et  Cussot  durent  fournir  des  «  ménagers  »,   gens  do 


LIVRES    ANNONCES    SOMMAIREMENT.  145 

métier,  et  les  trois  premières,  avec  Moulins,  un  «  facteur  »  ou 
négociant.  Elles  avançaient  les  frais  du  voyage;  de  leur  côté, 
les  corps  de  métier  faisaient  chacun  une  «  bourse  »,  c'est-à-dire 
réunissaient  des  fonds  destinés  à  être  remis  aux  émigrants,  lors- 
que ceux-ci  seraient  parvenus  à  destination.  —  Le  voyage,  qui 
dura  du  9  juillet  au  22  août  1479,  présente  des  particularités 
intéressantes,  que  M.  T.  de  Ch.  a  bien  su  mettre  en  lumière, 
mais  que  nous  ne  pouvons  énumérer.  Sur  dix  colons  partis  de 
Montferrand,  cinq  paraissent  être  restés  ensuite  à  Arras,  au  lieu 
de  retourner  dans  leur  pays.  En  1482,  en  1484,  les  bannis  d'Arras 
ayant  été  autorisés  à  rentrer  chez  eux,  d'autres  encore  regagnè- 
rent l'Auvergne,  sauf  trois,  peut-être,  qui  durent,  en  ce  cas, 
devenir  «  Autrichiens  »  dès  le  mois  de  mai  1493.  —  Quant  au 
«  facteur»,  on  ne  voit  pas  s'il  s'est  dérangé,  quoique  les  1,200  écus 
qui  devaient  lui  être  alloués  eussent  été  réunis,  et  non  sans 
peine.  —  M.  T.  de  Ch.  publie  avec  beaucoup  de  soin  les  comptes, 
relatifs  à  cette  affaire,  des  consuls  de  Montferrand,  comptes 
commencés  le  22  juin  1479  et  clos  le  22  novembre  suivant. 

P.   DOGNON. 

Thiollibr  (N.).  La  porte  romane  en  bois  sculpté  de  Véglise  de 
Blesle  {Haute-Loire).  Caen,  Delesques,  1905,  in-8«  de  8  pages, 
2  planches  (Extrait  du  Bulletin  monumental,  année  1903).  — 
M.  ThioUier  rapproche  cette  porte  de  celles  de  la  cathédrale  du 
Puy,  des  églises  de  Charaalières-sur-Loire  et  de  La  Voulte-Chillac, 
et  les  date  du  milieu  du  mi«  siècle.  D.  d.  D. 

Uren'a  y  Smenjaud(R.  de).  La  Legislaciôn gôtico-hispana  [Leges 
antiquiores  :  liber  judiciorum) :  esludio  critico.  Madrid,  Morerio 
1905;  in-8''  de  583  pages  et  3  planches.  —  Cet  excellent  livre  est 
le  fruit  du  cours  professé  en  1903,  à  l'Université  de  Madrid,  par 
M.  de  U.  y  S.  sur  l'édition  des  Leges  Visigotho?'um,  publiée  en 
1902  par  Zeumer  dans  les  Monumenla  Germaniœ.  Il  se  compose 
d'une  série  d'études  critiques  sur  les  sources  et  les  textes  de  la 
législation  visigothique    Le  premier  chapitre  est  une  bibliogra- 
phie très  complète  du  sujei  £-1  xix?  siècle.  Le  second  chapitre  est 
consacré  aux  éditions  des  textes,  d'abord  de  ceux  qui  sont  anté. 
rieurs  un  Liber  judiciorum  de  Receswinth,  c'est-à  dire  :  des  frag- 
ments de  la  Lex antiqua  an  ms  12!6ld  i^nvï^AQi' E  lictum régis  An 
manuscritde  Holkham,  dos  fragments  nouveaux,  dits  de  l'Edit  d'Eu- 

ANNALES  DU   MIDI.   —  XIX  10 


146  ANNALES    DU    MIDI. 

rie.  tirés  du  manuscrit  de  la  Vallicelliana,  du  Bréviaire  d'Alaric 
et  de  la  Lex  Theiidi  régis,  de  54H,  qui  provient  du  palimpseste  de 
Léon.  L'auteur  étudie  ensuite  les  treize  éditions  de  la  Lex  Yisigo 
thorum.  C'est  naturellement  la  dernière  qu'il  examine  et  critique 
de  préférence.  Il  signale  (p.  106  8)  un  certain  nombre  d'inexacti- 
tudes dans  les  tables  de  concordance  dressées  par  Zeumer.  Il  cons- 
tate que  ce  savant  n'a  pas  donné  assez  d'importance  aux  manus- 
crits espagnols  et  a  négligé  de  les  collationner  lui  même;  il  y 
aurait  trouvé  en  particulier  deux  fragments  inédits  de  la  Vulgate 
{Appendice  A,  1-2)  et  il  aurait  pu  y  ajouter  aussi  un  fragment 
extrait  d'un  manuscrit  bilingue  latin-galicien,  déjà  édité  dans 
les  Fueros  municipales  de  Santiago  (Appendice  D).  Il  regrette,  et 
ce  nous  semble  avec  raison,  que  Zeumer  ait  exclu  de  ses  Addita- 
menia  plusieurs  morceaux,  tels  que  le  Tilulus  primus  de  electione 
principum,  \e placilum  do  Chintila  et  d'autres  fragments  admis 
dans  l'édition  de  l'Académie  d'Espagne  ip.  102,  104,  166,  522-523), 
ainsi  que  les  quatre  morceaux  du  manuscrit  de  la  Vallicelliana 
qui  paraissent  bien  être  du  droit  visigothique  et  non  du  droit 
lombard.  Il  rejette  également  avec  raison  les  doutes  élevés  contre 
l'authenticité  de  la  loi  6,  5,  21  et  l'attribue  plutôt  à  Egica  qu'à 
Waraba.  Il  donne  une  explication  qui  paraît  vraisemblable  d'un 
texte  des  Addilamenla  resté  jusqu'ici  une  énigme  :  baldrès  fariunt 
a?'gencotabili.  En  vieux  castillan,  bald?-ès  ou  baldès  signifie  cuir 
fin,  peau  à  gants;  il  s'agirait  donc  de  peaux  équivalentes  à  de 
l'argent  comptant. 

Le  troisième  chapitre  étudie  les  phases  et  l'évolution  de  la 
législation  visigothique.  D'après  le  texte  de  Sidoine  Apollinaire 
et  contre  celui  d'Isidore  de  Séville  qui  fait  d'Euric  le  premier 
législateur,  M.  D.  U.  admet  d'abord  l'existence  d'une  législation 
de  Théodoric  et  attribue  à  un  édit  de  ce  prince  les  fragments  du 
manuscrit  de  Holkham  qui  n'appaitiendraient  par  conséquent  ni 
aux  Ostiogoths  ni  à  Euric.  Pour  la  législation  d'Euric,  l'auteur 
accepte  la  vieille  théorie  des  Bénédictins,  reprise  par  Hinojosa, 
Cardenas,  Brunner,  Zeumer,  et  croit  qu'on  peut  la  reconstituer 
en  partie  avec  le  palimpseste  de  Paris  et  la  Loi  des  Bavarois  ;  il 
rejette  donc  l'opinion  deGaudenzi  qui  voit  dans  le  palimpseste  de 
Paris  des  débris  du  Code  de  Léovigild.  Il  fait  ensuite  d'excellen- 
tes observations  sur  la  lex  roniana  Yisigothorum.  Pour  \'inte7'- 
pretatio  en  particulier,  il  accepte  et  confirme  la  théorie  de  Fit- 
ting  et  la  nôtre  sur  l'origine  prévisigothique.  Il  attribue  ensuite 


LIVRES   ANNONCES   SOMMAIREMENT.  147 

une  très  grande  importance  à  la  revision  de  Léovigild,  qu'il 
essaie  de  reconstitAier  (p.  3ol-370).  D'après  lui,  c'est  sous  Léovi- 
gild que  la  loi  de  personnelle  est  devenue  territoriale,  et  il  ne 
faut  pas  attribuer,  comme  on  le  fait  généralement,  cette  grande 
transformation  à  la  loi  si  obscure  de  Receswinth  (2,  1,  10).  C'est 
plutôt  à  la  revision  de  Léovigild  qu'au  Gode  d'Euric  qu'appartien- 
nent les  quatre  fragments  du  manuscrit  de  la  Vallicelliana.  Un 
de  ces  fragments  est  relatif  aux  énigmatiques  jubilii  :  l'auteur 
rejette  l'explication  qui  en  fait  de.'<  lubilii.  Ubellarii  (emphytéotes 
lombards)  et  les  assimile  blux  Juberii,  Juberi,  espèces  de  colons 
déjà  indiqués  par  Du  Cange  pour  l'Aragon,  et  dont  la  condition 
est  décrite  dans  une  foule  de  fueros  postérieurs  sous  les  noms  de 
juberos,  juveros,  yuveros.  Cette  hypothèse  satisfera-t  elle  les  lin- 
guistes? L'auteur  étudie  finalement  l'évolution  juridique  depuis 
Recared  jusqu'à  Egica,  la  formation  et  les  enrichissements  de  la 
Vulgate.  Il  accepte  la  théorie  de  Zeumer,  la  seule  défendable 
aujourd'hui,  qui  attribue  le  liber  judiciorum  à  Receswinth  et  non 
à  Chindaswinth,  mais  il  admet  une  revision  du  Code  d'Ervig  par 
Egica. 

Cette  analyse  sommaire  montre  l'importance  du  travail  de 
M.  D.  U.  Sa  discussion  précise  et  vigoureuse  fera  accepter  une 
bonne  partie  de  ses  conclusions. 

On  ne  lit  pas  sans  une  sympathique  émotion  ses  plaintes  sur 
l'indifférence  du  gouvernement  espagnol  à  l'égard  du  travail 
scientiâque,  sur  la  détresse  des  Universités  d'Espagne,  dépour- 
vues de  fonds,  de  livres,  d'outillage!  Les  professeurs  ne  peuvent 
guère  compter  que  sur  leurs  ressources  personnelles.  On  ne  sau- 
rait trop  louer  le  mérite  et  l'abnégation  des  savants  qui,  dans 
ces  conditions,  produisent  et  font  imprimer  des  œuvres  de 
valeur.  Ch.  Lécrivain. 

"Wendel  (H.).  Die  Entwichelung  der.  Nachtonvokale  ans  dem 
laleinischen  ins  allprovenzalische.  Halle,  1906;  in-S"  de  vi-122  p. 
(diss.  de  Halle).  —  Le  sujet  est  bien  divisé  et  toutes  les  parties 
en  sont  traitées  avec  un  soin  égal.  Cette  constatation  pourrait 
bien  impliquer  une  critique,  car  certains  chapitres  pouvaient  être 
traités  plus  sommairement  et  d'autres  méritaient  mieux.  L'au- 
teur considère  trop  l'ancien  provençal  comme  un  bloc;  il  ne 
tient  pas  assez  de  compte  des  dialectes,  et  quand  il  en  parle, 
c'est  d'une  façon  vague  ou  superficielle.   L'existence  de  formes 


148  ANNALES   DU   MIDI. 

comme  crèder  (p.  29)  à" côté  de  creire  n'est  pas  seulement  «  vrai- 
semblable »;  elle  est  rendue  certaine  par  la  persistance  de  ces 
formes  en  Gascogne,  où  elles  sont  même  les  seules  usitées.  A 
propos  des  mots  présentant  un  r  après  la  voyelle  atone  finale, 
comme  azer  (p.  32),  casser  (p.  33),  fraisser  (p.  34),  etc.,  M.  W. 
s'obstine  à  supposer  des  formes  latines  tout  à  fait  impossibles, 
comme  asirum,  cassarum,  fraxirum.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  singu- 
lier, c'est  qu'il  a  entrevu  lui-même  ailleurs  (p.  68)  la  bonne  expli- 
cation, qu'il  faut  chercher  dans  une  substitution  de  suffixes'. 
C'est  aussi  une  idée  bien  singulière  que  de  reconstituer,  pour 
expliquer  les  formes  escandre  (p.  29),  ord7'e  (p.  30),  des  types 
latins  scandarum,  ordirem\  l'explication,  d'ordre  purement  pho- 
nétique, est  très  simple.  Je  ne  crois  pas  k  l'existence  des  pré- 
tendus adjectifs  féminins  cobeza  <^ciipidam,  regeza  <^rigidam 
(p.  56,  59),  etc.  Ce  doivent  être  des  formes  de  substantifs  abs- 
traits par  cobezeza,  t'egezeza"^.  D'une  façon  générale,  M.  W.  ne 
distingue  pas  assez  nettement  les  mots  savants  des  mots  popu- 
laires et  il  est  trop  enclin  à  remplacer  les  explications  par  des 
formules  algébriques  qui  sont  loin  d'en  tenir  lieu.  Pourquoi,  par 
exemple  (cf.  p.  73)  de  clericum,  inedicum,  missaticum  a-t-on 
çlergue  (non  cierge),  metge  (non  metgue),  messatge {non  messatgue-, 
car  je  ne  crois  pas  à  l'existence  de  cette  dernière  forme,  admise 
par  M.  Wendelj?  Malgré  quelques  imperfections,  le  travail  de 
M.  W.  est  très  recomraandable  et  éclaircit  sur  bien  des  points 
une  question  difficile.  A.  Jbanroy. 


1.  Ces  formes,  an  reste,  ne  sont  pas  purement  graphiques,  comme  on 
serait  tenté  de  le  croire;  ce  qui  le  prouve,  c'est  la  persistance  dans  les 
dialectes  modernes  de  formes  comme  asirou. 

2.  Quand  M.  W.  cite  des  formes  rares,  il  devrait  bien  donner  ses  réfé- 
rences. Veire  <  vetereni  (p.  oO)  doit  être  un  lapsus.  De  même  (p.  69), 
dimerc  rattaché  à  domiricmn  [dieni]  pour  dominicum.  —  Perla  (p.  1.3) 
dérive  certainement  à&  pirula,  non  de  pernula,  qui  ne  donnerait  pas  de 
sens. 


PUBLICATIONS  NOUVELLES 


Archives  municipales  de  Bordeaux.  Inventaire  sommaire  des 
registres  de  la  Jurade,  1520-1783,  t.  VIII,  p.  p.  Ducaunnès-Duval. 
Bordeaux,  imp.  Pech,  1905;  in-4»  de  736  p. 

Armoriai  général  de  Fiance.  Recueil  officiel  dressé  en  vertu  de 
redit  de  1696  par  Ch.  d'Hozier,  p.  p.  Saint-Marcel-Eysskric. 
Provence.  Généralité  d'Aix;  sénéchaussée  de  Sisteron.  Sisteron, 
imp.  Allemand,  1905;  gr.  in-8"  de  199  p.,  avec  ûg.  et  planches. 

Benoît  XII.  Letires  communes  (1334-13i'2).  Analysées,  d'après 
les  registres  dits  d'Avignon  et  du  Vatican,  par  J.-M.  Vidal.  T.  II, 
3«  et  4«  fasc.  Par. s,  Fontemoing,  1904-1903;  in-4o,  p.  i  à  232; 
233  à  456. 

Berthelé  (J.).  Archives  de  la  ville  de  Montpellier,  t.  III  :  Le 
Cartalaire  montpelliérain  des  rois  d'Araj^on  et  des  rois  de 
Majorque.  Montpellier,  imp.  Serre  et  Roumegous,  190i;  in-4'', 
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in-8o  de  \\i-7o9  p.,  avec  flg.  et  planches. 

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Angoulême,  imp.  Coquemard,  1905;  in-S"  de  160  p. 

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J50  ANNALES   DU   MIDI. 

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torum,  thomistarum  principis,  defensiones  theologiae  divi 
Thomae  Aquinatis  de  novo  editae  cura  RU.  PP.  Ceslai  Paban  et 
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Dessat  et  DE  L'p]ST0iLE.  Origines  des  armées  révolutionnaires 
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xi-206  p.  et  carte. 


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Champion,  190(j  ;  in-S"  de  "298  p.  el  carte. 

Histoire  de  l'Art,  depuis  les  premiers  temps  chrétiens  jusqu'à 
nos  jours,  publiée  sous  la  direction  d'A.  Michel.  T.  L  fasc.  2  à  iO, 
et  II,  fasc.  21.  l'aris,  Colin,  190(1  ;  gr.  in  8«.  p.  40  à  959  et  viii  p., 
et  p.  !  à  32,  avec  fig. 

Jalla  (J.).  Histoire  populaire  des  Vaudois  des  Alpes  et  do  Lurs 
colonies.  Torre  Pellico,  A.  Besson,  1904;  in-16  de  vi-352  p. 

Jean  XXII.  Lettres  communes  (I31G  '3U).  Analysées,  d'après 
les  registres  dits  d'Avignon  et  du  Vatican,  par  G.  Mollat.  T.  II, 
4e  fasc;  t.  III,  5«  fasc.  Paris,  Fontemoing.  1905;  in-4'',  p.  277 
à  460  ;  1  à  180. 

Labande  (L.-H.).  Études  historiques  et  archéologiques  sur 
Saint-Trophime  d'Arles,  du  iv«  au  xiii«  siècle.  Caen,  Delesques, 
1904;  in-S"  de  80  p. 

Lavisse  (E.).  Hisloire  de  France  depuis  les  origines  jusqu'à  la 
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(16*3  168i).  Paris,  Hachette,  1906;  in  8°  carré,  p.  289  à  407. 

Le  Grix  (H.).  Les  zones  franches  de  la  Haute-Savoie  et  du  p;iys 
de  Gex  (thèse).  Paris,  Larose,  1905;  in-8o  de  ii-l54  p. 

Liî-JAV  (P.).  Le  rôle  théologique  de  Césaire  d'Arles.  Paris, 
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Lieutaud  (V).  Le  Poil,  canton  de  Senez,  arr.  de  Castellane 
(Bas><es-Alpes),  Peou,  Peu,  Pèl,  Pèn.  Histoire  féodale,  topony- 
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LoKE  (M.).  Les  versions  néerlandaises  de  Renaud  de  Montauban 
étudiées  dans  leurs  rapports  avec  le  poème  français  (thèse). 
Toulouse,  Privât,  1906  ;  in-8''  de  190  p. 

LoTH  (A.).  Saint  Vincent  de  Paul  et  sa  mission  sociale.  Nouv. 
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en  Gaule  (thèse).  Alger,  imp.  Fontana,  1906  ;  in-S"  de  MO  p. 

Mazarin.  Lettres  du  cardinal  Mazarin  pendant  son  ministère, 
recueillies etpubliéespar  G.  d'AvENEL.  T.IX(août  1658-mars  1661). 
Paris,  Leroux,  1906  ;  \n-k°  de  1008  p. 

Mélanges  H.  d'Arbois  de  Jubainville.  Recueil  de  mémoires 
concernant  la  littérature  et  Thistoire  celtiques,  dédié  à  M.  H.  d'Ar- 
bois de  Jubainville.  Paris,  Fontemoing  [1!)06l,  in-8o  de  vii-290  p. 

Mémoires  d'un  Camisard  sur  les  dragonnades,  restitués,  an- 
notés et  publiés  par  M.  Stéphane.  3«  cahier.  La  Bête  du  Gévau- 
dan.  Saint-Amand  (Cher),  imp.  Pivoteau,  1906;  in  16,  p.  241  à  360. 

Mistral  (F.).  Discours  e  Dicho.  Avignon,  Roumanille,  1906; 
in-S»  de  135  p. 


152  ANNALES    DU    MIDI. 

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Champion,  1903;  in-4i  de  cx-304  p.  et  carte. 

Paris  (G.).  Mélanges  linguistiques.  I.  Latin  vulgaire  et  langues 
romanes.  Paris,  Champion,  1906;  in-8'  de  14f)  p. 

Ranguis  (abbé  J.).  Histoire  du  mandement  de  Montorcier. 
Grenoble,  Vallier,  1905  ;  in-16  de  xiv-286  p. 

Recueil  des  actes  du  Comité  de  Salut  public,  avec  la  correspon- 
dance officielle  des  représentants  en  mission  et  le  registre  du 
Conseil  exécutif  provisoire,  p.  p.  F.  A.  Aulard.  T.  XVII,  Paris, 
Leroux,  1906  ;  in-8"  de  869  p. 

Rénaux  (C).  Hurabert  I",  dit  aux  Blanches  Mains,  fondateur  de 
l'État  de  Savoie,  et  le  royaume  de  Bourgogne  à  son  époque,  lOOO- 
lOiS.  Carcassonne,  Bonnafous-Thomas,  1906;  in-8^  de  85  p. 

Roger  (M.).  L'enseignement  des  lettres  classiques  d'Ausone  à 
Alcuin.  Pari^;.  Picard,  1905  ;  in  8»  de  xviii-457  p. 

Rôles  gascons,  transcrits  et  publiés  par  Ch.  Bémont.  T.  III 
(1290-1307).  Paris.  Leroux,  1906;  in-4°  à  2  col.  de  cc-796  p. 

Rossignol  (E.).  Histoire  de  l'arrondissement  de  Gaillac  pendant 
la  Révolution,  de  1789  à  1800.  2«  édit.,  t.  I,  partie  politique. 
Gaillac,  Dugourc,  1903  ;  in-8''  de  648  p. 

Roux  (E.).  Saint-Nectaire.  Eaux  thermales.  Histoire.  Essai  de 
bibliographie  analytique.  Paris,  Masson.  1905;  petit  in-8»  de 
xviii  183  p. 

Serrât  (L.).  Les  assemblées  du  clergé  de  France.  Origines, 
organisation,  développement  (1561-1615).  Paris,  Champion,  1906; 
in-8"  de  41 8  p.  [Bibliothèque  de  l'École  des  hautes  études.  154«  fasc.j 

Usages  locaux  dans  les  cantons  de  Chambéry  et  de  La  Motte- 
Servolex.  Chambéry,  Perrin,  1906;  petit  in-16  de  16  p. 

Valla  (abbéL.).  Aramon.  Temps  anciens,  administration,  temps 
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Charité,  1905;  m-S°  de  623  p.,  avec  30  photogravures. 

Vermorel  (A.).  Mirabeau.  Sa  vie,  ses  opinions  et  ses  discours. 
T.  V.  Paris,  Pfluger,  1905;in-32de  186  p.  [Bibliothèque  nationale, 
ïï"  49]. 


••  Le  Gérant, 

i\-l".i).  l'iWVAT. 

loiilouse,  Imp.  noui,ADoi;iiK-PRlVAT,  rue  S'-Udinc,  39.  —  5140 


RECHERCHES 


LÉGENDES  DU  CYCLE  DE  GUILLAUME  D'ORANGE 


II.  —  LA  VIA  T0L03ANA. 

Les  relations  des  chansons  de  geste  avec  le  sanctuaire  de 
Saint-Guilhem-du-Désert  ne  sont  explicables,  semble-t-il,  que 
par  cette  remarque  :  Saint-Guiliiem-du-Désert  était  une  étape 
du  pèlerinage  de  Saint-Jacques  de  Compostelle. 

C'en  est  assez  pour  que  nous  soyons  curieux  de  regarder 
aux  autres  étapes.  Bertrand  de  Bar-sur-Aube  dit  qu'il  a  reçu 
les  données  de  son  roman  de  Girarl  de  Viane  d'un  gaillart 
pèlerin,  qui  revenait  de  Saint-Jacques  de  Galice  et  de  Saint- 
Pierre  de  Rome  : 

A  un  juedi,  cant  dou  mostierissi, 
Ot  escouté  un  gaillart  pallerin 
Qui  ot  saint  Jaique  aoré  et  servi 
Et  par  saint  Piere  de  Rome  reverti. 
Cil  li  conta  ce  que  il  sot  de  fl, 
Les  aventures  que  a  repaire  oï 
Et  les  grans  poines  que  dans  Girars  soufri, 
Ains  qu'il  eûst  Vianet 

Les  pèlerins  entendaient-ils  donc  parler  sur  leur  route  des 
héros  de  chansons  de  geste? 


«  Troi  principal  sièges  »,  dit  le  Pseudo-Turpin^,  «  sont 
devant  tous  les  autres  sièges  ou  monde  :  Roume,  Compostelle 

1.  Ed.  Tarbé,  p.  3. 

2.  Ed.  Castets  (1883),  p.  37.  Je  cite  ici  d'après  la  vieille  traduction  pu- 

ANNALES  DU   MIDI.   —  XIX  11 


154  JOSEPH    BEDIER. 

et  Ephese,  si  conme  nostre  sire  establi  devant  tous  les  apost- 
les  saint  Pierre,  saint  Jacque  et  saint  Jehan,  a  qui  il  révéla 
ses  secrés,  si  corn  les  ewangiles  inoustrent  Aussi  sont  ces 
trois  sièges  par  ces  trois  devant  les  autres  sièges  en  révé- 
rence :  Roume,  pour  ce  que  mon?igueur  saint  Pierre,  prin- 
ches  (.les  apostles,  i  presclia  et  arousa  de  son  saint  sanc  la 
terre  de  Roume;  Composlelle,  pour  ce  que  saint  Jacque,  qui 
h\  entre  les  autres  aposlles  de  grignour  dignité,  la  saiutefla  de 
sa  sainte  sépulture;  encore  i  fait  Dieux  aperz  miracles  pour 
lui;  Ephese,  pour  ce  que  monsieur  saint  Jehan  l'esclaira 
premier  et  prescha  son  ewangile  In  principio  eral  Verbum 
et  fu  illuec  sa  sépulture.  » 

Il  est  faux,  comme  chacun  sait,  que  saint  Jacques,  apôtre, 
fils  de  Zébédée,  frère  de  saint  Jean  TEvangéliste,  soit  jamais 
venu  en  Espagne,  de  son  vivant,  pour  l'évangéliser,  ou,  après 
sa  mort,  pour  la  sanctifier;  mais,  vers  l'an  830,  des  gens 
d'Amaea,  au  diocèse  d'Iria  Flavia,  en  Galice,  découvrirent 
sous  des  broussailles,  dans  un  bois,  un  tombeau  de  marbre 
blanc,  qui  était  celui  d"un  riche  Romain.  Ils  dirent,  on  ne  sait 
pourquoi,  que  c'était  la  tombe  de  saint  Jacques,  et,  par  la 
suite,  des  pèlerins  sans  nombre  s'acheminèrent  de  toutes 
parts  vers  le  sépulcre  de  ce  Romain  inconnu*.  La  vogue  de 
ce  pèlerinage,  déjà  prospère  au  x^  siècle,  s'accrut  brusque- 
ment et  singulièrement  dans  le  premier  tiers  du  xii"  siècle, 
par  l'action  d'un  homme  énergique  et  ambitieux,  Diego  Gel- 
mirez.  évoque,  puis  archevêque  de  Compostelle^.  Ce  n'est 
pas  le  lieu  de  décrire  ses  efiorts  et  ceux  de  ses  successeurs,  ni 
d'expliquer  quelles  habiles  opérations  de  propagande  et  d'or- 
ganisation représentent  le  Guide  des  pèlerins,  le  Pseudo- 
Turpin  et  toutes  les  pièces,  en  général  d'origine  française, 

bliée  par  Tlieodor  Aiirurlier,  Der  Psendo'Titrpin  in  altfranzusischer 
'jjbersetzunri  {Pror/ramm  des  K.  Maonnuliaiis-Gyninasiums),  Munich. 
1876,  p.  4!). 

1.  Sur  la  logonde  de  Saint  Jacques  en  Oalice,  voyez  la  belle  (Hiule  de 
M»''  Duchesnc,  Annalps  dit  Midi,  lOJO,  p.  145. 

2.  Voyez  YJIistoria  Compostellana  (qui  va  jusqu'en  1139),  au  t.  XX  de 
VEspafia  sagrada  de  Florès.  Cf.  V.  Friedcl,  Etudes  Compostellancs, 
dans  lofi  0<m  Movseiana,  vol.  1  (1-ivorpool,  litOD). 


LEGENDES    DU   CYCLE    DE    GUILLAUME   D'ORANGE.  155 

qui  furent  rassemblées,  vers  1145,  dans  le  Codex  Calixti- 
nus^.  Qu'il  suffise  de  rappeler  ces  quelques  indices  de  leur 
succès^  :  le  fait  que  la  vieille  route  romaine  de  Pampelune  à 
Compostelle  garde  encore  par  endroits  le  nom  de  camino 
frances ;  —  la  création,  en  1161,  de  l'ordre  religieux  de 
saint  Jacques-de-l'Epée ,  dont  la  devise  était  Rubet  ensis 
sanguine  Arahum.  et  qui  avait  pour  office,  comme  en  Orient 
l'ordre  de  saint  Jean,  de  défendre  à  main  armée  les  pèlerins;  — 
la  multitude  des  confréries  de  saint  Jacques  fondées  en  France; 
—  le  nombre  vraiment  incroyable  des  hospitia,  auberges  ou 
asiles  de  nuit,  que  la  charité  privée  avait  élevés  dans  les  vil- 
lages, à  la  tête  des  ponts,  dans  les  bois  déserts,  pour  servir  de 
refuges  aux  pieux  voyageurs.  Quelle  devait  être  leur  affluence 
aux  principales  étapes,  là  où  tout  était  organisé,  autour 
des  grands  sanctuaires,  pour  leur  faire  accueil  et  les  retenir! 
Le  Guide  des  pèlerins  décrit  quatre  routes  qui,  traversant 
la  France  et  les  Pyrénées,  se  réunissaient  en  une  seule  à 
Puente  la  Reina,  près  de  Pampelune.  Je  m'en  tiens  ici  à  celle 
qui  passait  par  le  sanctuaire  de  saint  Guillaume,  et  que  le 
Guide  appelle  la  via  Aegidiana  ou  Tolosana.  Le  Guide  ne 
nous  indique  que  ces  points  du  parcours  :  Nîmes,  Saint-Gilles, 
Saint- Guilhem-du-Déseri,  Toulouse;  mais  les  conditions 
géographiques  dans  les  régions  qui  nous  intéressent  sont 
telles  que  les  principales  voies  de  communication  sont  restées 
sensiblement  les  mêmes  depuis  l'époque  romaine  jusqu'à  nos 
jours.  Que  l'on  regarde  la  Table  de  Peutinger,  l'Itinéraire  de 
l'Hiérosolomytain  dressé  en  333  3,  qu,  au  tome  XII  du  Corpus^ 
la  carte,  dressée  par  Kiepert,  des  voies  de  la  Gaule  narbon- 


1.  J'y  viendrai  procliainement,  dans  une  étude  sur  la  légende  de 
Roland. 

2.  Voyez  le  P.  P'idel  Fita  et  D.  Aureliano  Fernândez  Guerra,  Recuer- 
dos  de  U7i  viaje  à  Santiago  (1889);  —  Camille  Daux,  Le  Pèlerinage  à 
Compostelle  et  la  co7ifrérie  des  pèlerins  de  Ms'  Saùit  Jacques  à  Mois- 
sac  (1898);  —  H.  Bordier,  La  co)ifrérie  de  saint  Jacques  et  ses  archives 
{Mémoires  de  la  Société  de  l'histoire  de  Fra7ice,  t.  I,  1875,  et  t.  II, 
1876),  etc. 

3.  Ernest  Desjardins  et  Aug.  Longnon,  Géographie  de  la  Gaule  ro- 
mainct  t.  IV. 


156  JOSEPH  BÉDIER. 

naise;  si  on  les  compare  avec  des  cartes  de  la  France 
actuelle,  on  constatera  que  les  routes  nationales,  les  lignes 
de  chemins  de  fer,  et  pour  une  certaine  partie  du  trajet,  le 
canal  du  Midi  suivent  en  général  la  même  ligne  que  les  voies 
romaines,  lesquelles,  à  leur  tour,  suivaient  sans  doute  des 
tracés  préhistoriques.  Il  y  a  eu  certes  des  variations  de  l'épo- 
que romaine  au  xiii®  siècle;  mais  des  érudits  ingénieux  les 
ont  déterminées^;  et  d'ailleurs  nous  n'aurons  à  l'ordinaire  à 
considérer  que  les  principales  stations,  qui  n'ont  jamais 
dû  varier. 

Des  pèlerins  venant  du  nord  de  la  France,  s'ils  ont  des  rai- 
sons de  ne  passer  ni  par  la  vallée  du  Rhône  ni  par  la  route  de 
Bordeaux,  empruntent  nécessairement  la  grande  voie  romaine 
qui  allait  de  l'ancienne  Gergovie  à  Nîmes  par  Brioude  et  par 
Alais,  et  qui  prenait  au  moyen  âge,  dans  la  partie  méridio- 
nale de  son  parcours,  le  nom  inexpliqué  de  Regordane, 
aujourd'hui  cami  regourdan. 

De  Nîmes,  si  ces  pèlerins  vont  à  Saint-Gilles  de  Provence, 
comme  leur  Guide  le  conseille,  ils  vont  à  Arles.  Là  ils  pren- 
nent la  voie  Domitienne  qui,  partant  d'Arles,  traverse  Nîmes, 
Montpellier,  Béziers,  Narhonne. 

A  Narhonne,  ils  prennent  la  route  que  suivait  en  sens 
inverse,  dès  833,  le  chrétien  qui  nous  a  laissé  son  itinéraire 
de  Bordeaux  à  Jérusalem,  et  c'est  la  route  si  souvent  qualifiée 
de  ces  noms  :  chemin  roumieu^  caminus pey^egrinus ,  cami- 
nus  romevus  sancli  Jacobi.  Elle  les  conduit  à  Toulouse  par 
Lézignan  et  Carcassonne. 

De  Toulouse,  la  grande  voie  de  pénétration,  si  l'on  veut 
traverser  la  partie  centrale  des  Pyrénées,  est  la  vallée  de  la 
Garonne,  soit  qu'on  veuille  gagner  le  port  aujourd'hui  pres- 


1.  Voyez  pour  la  région  do  l'Auvergne  et  de  la  Provence  :  G.  Charvet, 
Les  voies  vicinales  gallo-romaines  chez  les  Volkes-Arécomiques 
{Comptes  rendus  de  la  Société  scientifique  d' Alais),  1873,  p.  81;  —  pour 
la  région  de  Toulouse  el  d'Auch  :  Eugène  Dufourcet,  Les  voies  romai- 
nes et  les  chemiyis  de  saint  Jacques  dans  l'ancienne  Novempopulanio 
{Congrès  archéologique  de  France,  1888,  p.  256);  —  pour  la  région 
au-delà  de  Toulouse  :  Lavergne,  Les  chemins  de  saint  Jacques  en 
Gascogne  (Bévue  de  Gascogne,  18U7  et  1898). 


LEGENDES   DU   CYCLE   DE   GUILLAUME   D'ORANGE.  157 

que  abandonné  de  Ténarèse,  soit  plutôt  que  l'on  aille  jusqu'à 
Dax  pour  se  diriger  sur  le  port  d'Aspe  et  Roncevaux.  En  tout 
cas,  on  remontait  la  vallée  de  la  Garonne  par  l'ancienne  voie 
romaine  où  l'Itinéraire  Antonin  marque,  entre  autres  stations, 
celles  de  Calagorgis  ou  Calagurîs  et  à' Aquae  Siccae. 

Cette  route  nécessaire  une  fols  déterminée,  interrogeons 
les  chansons  de  geste  du  cycle  de  Guillaume. 


1.  Regordane. 

Il  est  remarquable  que  cette  route,  Guillaume  Fierebraco 
lui-même  se  charge  de  nous  la  décrire,  en  bon  géographe, 
dans  le  Charroi  de  Nîmes.  C'est  quand  il  s'en  va,  partant  de 
Paris,  conquérir  sur  les  Sarrasins  son  flef  aventureux  : 

783    Vet  s'en  Guillelmes  o  sa  conpaigne  bêle. 
A  Deu  comande  France  et  [Ais]  la  Chapele, 
Paris  et  Chartres  et  tote  l'altre  terre. 

Ses  chevaliers  viennent  un  soir  lui  demander  :  «  Quelle  route 
suivrons-nous?  »  Il  répond^  : 

824    «  Tôt  le  cemin  de  saint  Gille  tenôs. 

Tôt  droit  a  Bride  [Brioude)  nos  en  convient  aler 
Au  bon  cors  saint,  si  l'alons  aourer; 
Nos  iron  la  et  a  la  mère  Dé  {au  Puy)  : 
De  noz  avoirs  i  devons  présenter, 

Si  prierons  por  la  crestienté.  » 
830    Et  il  responnent  :  «  Si  con  vos  conmaudez.  » 
Lors  chevauchierent  et  rengié  et  serré, 
Si  ont  les  vaus  et  les  tertres  passez. 


1.  Je  communique  ici  un  texte  établi  d'après  tous  les  manuscrits; 
j'adopte  pour  désigner  ces  manuscrits  les  mêmes  sigles  que  M.  P.  Meyer 
dans  son  édition  partielle  du  Charroi  {Recueil  d'anciens  textes  fran- 
çais, has-latins  et  provençaux,  2°  partie,  p.  237)  et  je  me  conforme  au 
classement  établi  par  M.  P.  Meyer.  Je  ne  note  que  les  quelques  variantes 
qui  ont  un  intérêt  géographique.  —  824  manque  efi  AB. 


158  JOSEPH   BÉDIER. 

Par  le  conseil  que  lor  dona  Guillelraes, 
Ont  trespassé  et  Berri  et  Auvergne. 
833    Clermont  lessierent  et  Monfert-ant  a  destre; 
La  cit  lessierent  et  les  riches  herberges  : 
Ceus  de  la  vile  ne  vorrent  il  mal  fere. 

La  nuit  i  jurent,  au  matin  s'en  tornerent  : 
Cueillent  les  très,  les  paveillons  doblerent 
840    Et  les  aucubes  sor  les  somiers  troserent. 
Par  mi  forez  et  par  bois  chevauchierent, 
Par  Ricordane  outre  s'en  trespasserent; 
Desi  au  Puy  onques  ne  s'aresterent. 

Li  quens  Guillelmes  vet  au  mostier  orer; 
843    Trois  mars  d'argent  a  mis  desus  l'autel 

Et  quatre  pailes  et  trois  tapiz  roez; 

Granz  est  l'offrende  que  li  prince  ont  doné; 

Puis  ne  devant  n'i  ot  onques  sa  per. 

Del  mostier  ist  Guillelmes  au  cort  nés. 
830    Au  matinet  en  sont  ensamble  aie 

En  Ricordane  tôt  le  chemin  ferré. 

Forz  est  la  terre,  molt  les  a  agrevé; 

Soventes  fois  la  maldient  de  Deu, 

Mes  toz  lor  gistes  nés  orent  pas  conté. 
835    Dusc'  a  Aresle  ne  se  sont  aresté  : 

Iluec  se  sont  une  nuit  ostelô. 

Au  matinet  est  Guillelmes  levez; 

Ou  voit  ses  homes,  ses  a  aresonez  : 

«  Baron  »,  dist-il,  «  envers  moi  entendez. 
860    Vez  ci  les  marches  de  la  gent  criminel  ; 

D'or  en  avant  ne  savroiz  tant  aler 

Que  truissiez  home  qui  de  mère  soit  nez 

Que  tuit  ne  soient  Sarrazin  et  Escler. 

Prenez  les  armes,  sor  les  destriers  montez. 

835  A  et  montèrent,  G  Clermont  lessierent,  un  lonc  castcl  a  destre;  A 
Mont  Ferrant  une  nuit  se  herbergent.  A  matinet  aquellirent  leur  erre; 
De  si  c'au  Pui  ne  finent  ne  ne  cessent.  —  837-44  mcniqiient  en  C. 

850-7  'manquent  en  AB  et  ne  sont  pas  appuyés  par  D,  qui  place  aussi 

au  Puy  la  scène  où  le  héros  dit  :  Vez  ci  les  marches Sur  le  parti 

que  j'ai  pris  d'adopter  les  vers  donnés  par  C  seul  où  Alais  est  'men- 
tionné, voyez  ci-après.  —  850  Le  ms.  a  Dus  calareste. 


LÉGENDES   DU   CYCLE    DE   GUII-LAUME   D'ORANGE.  159 

803    Alez  en  fuerre,  franc  chevalier  menbré. 
Se  Deus  vous  fet  mes  liien,  si  le  prenez; 
Toz  li  païs  vous  soit  abandonez!  » 
Et  cil  responent  :  «  Si  coni  vos  conmandez!  » 

Un  peu  plus  loin  (v.  875),  ils  rencontrenl  le  vilain  venant 
de  Saint-Gilles  (v.  877)  et  de  Nîmes  (v.  S06),  qui  leur  suggère 
le  stratagème  du  charroi.  Pour  préparer  leurs  chars,  ils  re- 
broussent chemin  : 

!)u6     Li  cnens  Guillelmes  rtst  retorner  ses  homes 
Par  Ricordane  quatorze  Hues  longues. 

Ils  reprennent  ensuite  leur  marche  en  avant  : 

I03i    Sor  la  chaucie  passent  Gardone  au  gué 

Et  d'altre  part  herborgent  en  un  pré. 
1048    Delez  Gardon,  contreval  le  rivage, 

Iluec  lessierent  deus  mile  homes  a  armes... 
1056    Ainz  ne  finerent,  si  vinrent  a  Nocene, 

A  Lavardi,  ou  la  pierre  fu  trete 

Dont  ItS  toreles  de  Nimes  furent  fêtes... 

Enfin,  ils  voient  Nîmes  et  y  pénètrent. 

L'autre  rédaction  du  Charroi,  celle  du  ms.  1448  de  la  Bi- 
bliothèque nationale  (Z»),  après  avoir  fourni,  de  façon  moins 
précise,  à  peu  près  les  mêmes  indications',  en  donne  de  nou- 
velles. Guillaume  et  ses  compagnons,  ayant  rebroussé  chemin 
vers  Ricordane  pour  y  préparer  leur  stratagème,  se  remet- 
tent à  la  voie  vers  Nîmes  : 

974    Par  Yillé  noble  an  sont  outre  passé  ; 

A  La  Charmaite  passent  Guardons  au  gué; 
Tandent  i  loges  et  pavillons  et  très. 

1.  F"  9G  r»  b  et  suivants  : 

S32     Et  dist  Geraumes  :  u  Ou  volés  vos  aler? 
—  Tout  droit  a  A'i>nf'.<!.  la  mirable  cité, 
De  si  c'aii  Piii,  ou  est  la  mère  Dé. 

842     En  lor  voie  entrent,  si  priseni  a  aler, 
De  si  c'a  Brides  ne  se  sont  aresté. 

848     An  lor  voie  antrent,  ne  s'i  s'ont  aresté. 
De  si  c'ait  Put  ou  est  la  mère  Dé. 

937     Par  lou  consail  que  Geraumes  lor  done, 

Li  cuens  Guillelmes  fait  retorner  ses  homes 
En  Rivordaiiifi  quatorze  lues  longes. 


160  JOSEPH  BÉDIER, 

Puis  : 

1013    Tant  chevalchierent  qu'il  vinrent  a  Bremarle, 
Une  cité  qui  siet  desor  une  aive 
Et  a  dis'  lues  près  de  Ninmes  la  large; 
Et  en  celle  aive  prenoient  il  la  piere 
Dont  les  grans  tors  de  Nimes  furent  faites... 

Je  ne  sais  ce  que  désignent  Villenoble  et  la  Charmaite^. 
Mais  les  vers  1033,  1048,  975,  indiquent  le  passage  du  Gardon 
à  Ners.  au  point  que  traversent  la  route  nationale  n°  106  et  la 
voie  ferrée.  Areste  (v.  855)  est  Alais;  Nocene  (v.  1056)  doit 
sans  doute  être  lu  Nocere  et  doit  désigner  Nozière.  Quant  à 
Bremarle  [y.  1043;  et  à  LavarcU  (v.  1057),  ce  sont  sans  doute 
des  noms  altérés;  mais  la  carrière  désignée  semble  être  celle 
de  Barutel,  à  deux  lieues  de  Nîmes,  d'où  les  Romains  tirèrent 
la  pierre  des  monuments  de  Nîmes  3. 

Si  l'on  relève  la  série  de  ces  données,  on  voit  que  la  route 
est  ainsi  décrite  :  1  Paris,  —  2  Clermont-Ferrand  ,  — 
3  Brioude,  —  4  Le  Pny,  —  5  Regordane  S  —  6  Alais,  —  7  Le 
Gardon,  —  8  Nozère,  —  9  Nîmes,  —  10  Saint-Gilles. 

Puisque  les  poêles  du  moyen  âge  ne  disposaient  ni  de 
cartes  ni  de  Guides,  il  faut  que  l'auteur  premier  de  ce 
récit  ait  lui-même  suivi  cette  route  par  lui  décrite  sans  une 
erreur  ou  qu'il  ait  pris  des  notes  sous  la  dictée  de  quelqu'un 
qui  l'avait  suivie. 

Mais,  dira-l-on,  le  nom  d'Alais^  ne  se  trouve  que  dans  le  ma- 
nuscrit de  Boulogne  [C)  :  a-t-on  le  droit  de  mettre  ainsi  bout 
à  bout  des  données  dispersées  dans  des  manuscrits  de  familles 

1.  Lire,  sans  doute,  cleits. 

2.  Voyez  le  Dictionnaire  des  Postes  et  la  carte  de  l'état-major. 

3.  Je  dois  à  M.  ¥.  Lot  l'identification  à' Areste;  à  M.  E.  Bondiirand 
celle  de  Nocetze  et  la  remarque  sur  Barutel. 

4.  Kicordime,  Ricordene  est  mentionné  dans  un  autre  poème  de  notre 
cycle,  les  Nnrbomiais  (éd.  Suchior,  v.  l/ôO,  v.  5-008).  Sur  cette  forêt,  sise 
entre  Portes  et  Gcnolhac,  et  dont  il  est  question  dans  divers  documents 
du  XI"  au  XIV'  siècle,  voy.  E.  Bondurand,  dans  la  Revue  du  Midi,  1900, 
p.  929;  cf.  Annales  du  Midi,  1901,  p.  240. 

5.  Remarquer  le  calembour  :  Dusc'a  Aresle  ne  se  sont  aresté  :  plaisan- 
terie de  voyageur. 


LÉGENDES   DU   CYCLE   DE   GUILLAUME   D'ORANGE.  161 

différentes?  —  On  pourrait,  ea  effet,  et  par  de  bonnes  raisons, 
contester  ce  droit  à  un  éditeur  du  Charroi  de  Nîmes;  mais 
je  ne  tiens  pas  à  l'opinion  que  ces  noms  devaient,  se  trouver 
tous  dans  le  texte  original  du  Charroi.  De  deux  choses 
l'une  :  ou  bien  ils  y  étaient  tous,  et,  ne  les  retrouvant  plus 
que  dispersés  dans  les  diverses  familles  de  manuscrits,  nous 
constatons  par  là  l'indifférence  des  remanieurs  et  des  scribes 
à  l'égard  de  la  Via  Aegidiana,  ce  qui  nous  autorise  à  suppo- 
ser que  le  poème  original  devait  être  bien  plus  riche  encore 
en  données  topographiques;  ou  bien,  au  contraire,  c'est  un 
remanieur  qui  a  ajouté  à  l'itinéraire  primitif  le  nom  d'Alais  ; 
mais,  puisqu'il  a  su  mettre  cette  ville  à  sa  vraie  place,  nous 
sommes  tenus  de  supposer  que  lui  aussi,  comme  le  premier 
auteur  du  Charroi,  il  avait  parcouru  cette  route;  car  je  ne 
crois  pas  faire  injure  à  mon  lecteur  si  je  lui  demande  :  à  moins 
qu'il  ne  soit  géographe  de  métier  ou  qu'il  ait  visité  lui-même 
la  région,  saurait-il,  sans  le  secours  d'aucun  livre,  ajouter  de 
mémoire  à  l'itinéraire  de  nos  poètes,  entre  le  Puy  et  Alais, 
ou  entre  Alais  et  Nîmes,  une  seule  station  à  la  place  qui 
convient? 

Ainsi,  de  même  que  le  premier  auteur  du  Montage  Guil- 
laume avait  de  ses  yeux  vu  Gellone.  de  même  le  premier  au- 
teur du  Charroi  de  Nîmes  avait  de  ses  yeux  vu  la  voie 
romaine  de  Gergovie  à  Nîmes.  Mais  s'il  l'a  exactement  décrite, 
ce  n'est  point  par  goiit  de  la  précision  géographique  et  comme 
étant  l'itinéraire  que  doit  suivre  normalement  son  héros  :  en 
effet,  Guillaume  ne  devrait  pas  normalement  passer  par  Le  Puy  ; 
y  passant,  il  allonge  sa  route.  Brioude,  Le  Puy,  ce  sont  des 
stations  de  pèlerins,  et,  si  Guillaume  s'y  arrête,  c'est  en 
pèlerin.  Il  le  marque  au  début  de  son  discours  : 

Tôt  le  chemin  de  saint  Gille  tenez, 

et  ce  vers  fait  écho  à  un  autre  passage  du  Charroi  (v.  549  ss.) 
où  il  apparaît  bien  que  le  poète  conçoit  son  héros  comme  un 
pèlerin  armé.  «  Pourquoi,  demande  le  roi  à  Guillaume,  me 
demandez-vous  ce  fief  étrange,  la  terre  des  Sarrasins,  que 


162  JOSEPH   BÉDIEK. 

VOUS  voulez  conquérir?  »  Il  répond  :  «  C'est  un  vœu  que  j'ai 
fait  à  Dieu  et  à  saint  Gilles  : 

559     «  Ne  savez  pas  por  coi  vos  vuei  laissier? 
Ce  fu  au  tens  a  feste  saint  Michiol  ; 
Fui  a  Saint  Gille,  reving  par  Montpellier. 
Herberja  moi  uns  cortois  clievalier... 

«  Là  je  vis  les  Sarrasins  ravager  le  pays  : 

581     «  Tote  la  terre  vi  plaine  d'aversiers. 
Viles  ardoir  et  violer  mostiers, 
Chapeles  fondre  et  auteus  peçoier, 
Mameles  tortre  as  courtoises  moilliers. 
Dedenz  mon  cuer  m'en  prist  molt  granz  pitiez; 
Molt  tendrement  plorai  des  elz  del  chief. 
La  plevi  ge  le  glorieus  del  ciel 
Et  a  saint  Gile,  dont  venoie  proier, 
Qu'en  celé  terre  ge  lor  iroie  aidier 
A  tant  de  gent  com  porroie  baillier.  » 

Ainsi,  c'est  la  destinée  même  de  Guillaume  qui  est  déter- 
minée par  un  vœu  de  pèlerin,  et  ce  vœu  domine  tous  les  poè- 
mes qui  décrivent  ses  guerres  en  terre  sarrasine. 

Revenons,  après  Guillaume,  vers  quelques-unes  des  villes 
où  il  a  séjourné. 

2.  Paris  et  la  Tombe  Isoré. 

C'est  de  Paris  qu'il  est  parti.  Après  bien  des  années  écoulées, 
un  bel  épisode  du  Montage  Guillaume  l'y  ramène. 

Le  roi  Isoré  de  Conimbré  a  mis  le  siège  devant  Paris  ;  c'est 
un  géant  monstrueux  qui  commande  une  immense  armée  de 
Saisnes  et  d'Esclavons.  Le  roi  se  défend  à  grand'peine  :  il  n'a 
plus  Guillaume  d'Orange  pour  l'aider.  Mais,  au  fond  de  sa  re- 
traite lointaine  (Saint-Guilhem-du-Désert),  le  vieux  moine  a 
appris  quel  danger  menace  le  roi.  Il  endosse  son  haubert,  re- 
prend son  destrier  et  son  épée,  et,  seul,  à  l'insu  de  tous,  se 
met  en  route  vers  Paris.  Il  y  arrive  un  soir,  par  la  route 
d'Orléans  :  il  veut  entrer;  mais  il  est  trop  tard;  le  guetteur 


LEGENDES    DU    CYCLE    DE   GUILLAUME    D'ORANGE.  163 

refusti  de  lui  ouvrir  la  porte  et  se  conlente  de  lui  indiquer  pour 
la  nuit  un  refuge  voisin  : 

Ici  d'encoste,  delôs  cest  mur  plenier, 
A  un  fossé  qui  est  et  granz  et  vies... 

Là,  près  de  ce  fossé  «  viel  et  antif».  habite  un  pauvre 
homme,  nommé  Bernard,  qui  accueillera  le  voyageur.  Guil- 
laume frappe  à  cette  porte  :  elle  est  trop  basse  pour  lui  ;  mais, 
par  un  miracle  de  Dieu,  la  voûte  s'élève,  le  sol  s'abaisse,  et  la 
chaumière  est  transformée  en  une  salle  spacieuse.  Guillaume 
envoie  son  hôte  Bernard  aux  provisions,  et,  comme  le  guet- 
teur connaît  ce  pauvre  homme,  il  le  laisse  entrer  : 

Bernars  s'en  vait  la  dedens  en  la  oit  ; 
Vers  Petit  Pont  atorne  son  chemin. 

Ayant  acheté  des  vivres,  il  revient  auprès  de  Guillaume,  et 
tous  deux  devisent  auprès  du  foyer.  Bernard  lui  apprend  que, 
tous  les  matins,  à  l'aube,  le  géant  Isoré  s'avance,  armé,  sur 
son  destrier,  jusqu'à  la  porte  de  la  ville  et  qu'il  provoque  un 
champion  français  en  combat  singulier;  jusqu'ici  personne  n'a 
osé  répondre  à  son  défl.  —  «  Demain,  dit  Guillaume,  il  trouvera 
un  adversaire  : 

«  Bernars,  dist  il,  tôt  ce  laissiés  ester; 
Mais,  par  la  foi  que  doi  saint  Honoré •, 
Par  tel  manière  le  voudroio  mater 
Qu'en  mon  habit  puisse  encor  retorner. 
Esveilljés  moi,  quant  le  païen  oés...  » 

Il  s'endort  donc  paisiblement  auprès  du  feu.  Au  matin,  Isoré 
vient  heurter  à  la  porte  de  la  ville,  lance  son  défi  accoutumé. 


1.  Guillaume  jure  ici  par  saint  Honoré,  c'est-à-dire  par  saint  Honorât 
des  Aliscamps,  dont  je  parlerai  tout  à  l'heure.  On  peut  noter,  en  passant, 
qu'il  invoque  assez  fréquemment  saint  Jacques  de  Galice  quand  il  est  en 
péril  {Charroi,  v.  1328;  Prise  d'Orange,  \.  852  et  v.  1557).  Quand  il  se 
liance  à  Orable,  il  prend  saint  Jacques  pour  l'un  des  garants  de  son  ser- 
ment (Prise  d'Orange,  v.  1382)  : 

«  Ge  vos  plevis  sor  Deu  et  sor  saint  Jaque 
Et  sor  l'apostre  que  l'en  requiert  en  l'arche.  » 


164  JOSEPH   BÉDIER. 

Guillaume,  réveillé  parsonhôte,  s'arme,  rejoint  le  païen,  le  tue, 
lui  tranche  la  tête.  Il  charge  Bernard  de  la  porter  au  roi  ;  si  le 
roi  insiste  pour  apprendre  le  nom  du  vainqueur,  le  messager 
nommera  Guillaume.  Bernard  va  à  la  cour,  portant  dans  un 
sac  la  tête  coupée.  Déjà  un  imposteur  avait  présenté  au  ro^ 
Louis  une  autre  tête  de  Sarrasin  et  prétendait  avoir  occis  le 
roi  Isoré.  Bernard  montre  le  trophée  et  nomme  le  vain- 
queur. Le  roi  envoie  chercher  Guillaume;  mais  il  n'est  plus 
dans  la  maison  de  Bernard  du  Fossé;  il  a  disparu  comme  il 
était  venu  ;  il  est  déjà  bien  loin  sur  la  route  qui  le  ramènera  à 
sa  solitude*. 

Cet  épisode  a  été  étudié  très  heureusement  par  M.  G.  Schlà- 
ger'^  et  par  M.  Ferdinand  Lol^,  et  je  n'ai  qu'à  extraire  de 
leurs  excellents  mémoires  ces  quelques  remarques. 

L'épisode  d'Isoré  est  une  légende  topographique  ''.  On  mon- 
trait au  xii^  siècle,  on  montrait  encore  au  xiv^  la  maison  de 
Bernard  du  Fossé  et  la  tombe  d'Isoré. 

Un  texte  de  Raoul  de  Prestes  (1271-5)5  décrit  l'emplacement 
«  de  la  maison  Bernard  des  fossés  ou  Guillaume  d'Orange  se 
logea  quant  il  desconfiit  Isoré  »  ;  et  il  la  place  «  au  lieu  que 
l'on  dit  a  l'arche  Saint-Merry,  ou  il  appert  encore  le  costé 
d'une  porte».  Ce  devait  être  vers  le  bas  de  la  rue  Saint-Jacques, 
puisque  Bernard,  allant  aux  provisions,  entre  dans  Paris  par 
le  Petit  Pont;  le  fossé  «  viel  et  antif  »  où  il  loge  doit  être  une 
entrée  des  catacombes. 

Quant  à  la  Tombe  Isoré,  bien  des  textes  nous  disent  qu'on 
l'a  montrée  pendant  tout  le  moyen  âge.  La  version  en  prose 


1.  Résumé  d'après  la  seconde  rédaction  du  Montage  ;  le  fragment  que 
nous  avons  de  la  première  s'interrompt  comme  l'auteur  commençait  à 
narrer  cet  épisode. 

2.  Au  tome  CXVIII,  p.  1  ss.,  de  VArchiv  f'ùr  dus  Studium  do-  neue- 
reii  Sprachen  und  Litteraturen.  « 

3.  Aux  tomes  XIX  (1890),  p.  377-93  et  XXVI  (1897).  p.  481-491,  de  la 
Romania. 

4.  Cet  Isoré  reparaît  ailleurs,  notamment  dans  La  Chevalerie  Ogier, 
et  il  se  peut  que  son  iiistoirc  retrace  certains  souvenirs  du  siège  de  Paris 
par  les  Allemands  en  978. 

5.  Cite  d'abord  par  Paulin  Paris  (Histoire  littéraire  de  la  France, 
t.  XXIII,  p.  527). 


LÉGENDES   DU   CYCLE   DE   GUILLAUME   D'ORANGE.  165 

du  Montage  Guillaume  marque  que  le  combat  se  livra  «  en 
un  lieu  qu'on  ditNostre-Dame-des-Champs  ».  Quand  les  assié- 
gés reconnurent  le  cadavre  du  géant,  ils  le  mesurèrent  et 
trouvèrent  que  «sans  la  teste  pouoit  bien  avoir  quinze  pies 
de  longueur;  si  puet  l'on  encore  veoir  le  lieu  ou  Guillaume 
le  laissa  mort;  car  ou  propre  lieu  y  ordonna  le  roi  et  fist  faire 
une  tombe  ou  une  enseigne,  par  quoy  on  l'a  toujours  sceù  de- 
puis et  congneû,  set  en  et  congnoist  l'en  encore,  et  en  sera 
perpétue  mémoire.  »  De  même,  dans  le  Roman  du  roi  F  loir  e 
et  de  la  belle  Jehanne'^,  l'héroïne  «  issi  une  matinée  hors  de 
Paris  et  s'en  aloit  le  chemin  d'Orléans  et  tant  que  ele  vint  a 
la  Tombe  Isoy^ê  ». 

C'est  aujourd'hui  la  rue  de  la  Tombe-Issoire^.  A  l'aide  de 
divers  textes,  M.  Schlilger  et  M.  Lot  sont  parvenus  à  déter- 
miner l'emplacement  du  monument,  qui  était  peut-être  un. 
dolmen,  peut-être  un  tombeau  romain  de  grandeur  inusitée  : 
Guillaume  a  combattu  le  géant  Isoré  «  à  l'intersection  de 
l'avenue  de  Montsouris,  de  la  rue  de  la  Tombe-Issoire  et  de 
la  rue  Dareau.  Le  Fief  des  Tombes  (c'est  ainsi  que  d'anciens 
textes  appellent  le  terrain  où  l'on  voyait  le  monument)  est  en- 
core représenté  en  partie  par  les  maisons  portant  les  numéros 
55  à  61  de  la  rue  de  la  Tombe-Issoire  et  18  à  24  de  l'avenue  de 
Montsouris  ». 

Or,  si  l'on  jette  les  yeux  sur  un  plan  de  Paris,  on  voit  que 
de  la  Tour-Saint-Jacques  aux  fortifications,  la  rue  de  la  Cité, 
le  Petit-Pont,  la  rue  du  Petit-Pont,  la  rue  Saint-Jacques,  la 
rue  du  Faubourg-Saint-Jacques  et  la  rue  de  la  Tombe-Issoire 
forment  une  ligne  tlroite  qui  se  prolonge,  au  delà  des  fortifica- 
tions, par  une  route  appelée  aujourd'hui  :  ancienne  route 
d'Orléans^.  C'est  l'ancienne  voie  romaine  qui  menait  de  Lu- 


1.  Ed.  Moland  et  d'Hcricault,  dans  les  Nouvelles  frcmçoises  en  prose 
du  XIII"  siècle,  p.  111. 

2.  La  forme  ancienne  est  bien  isoré,  comme  le  montre,  entre  autres 
textes,  ce  passage  des  Otia  imperialia  de  Gervais  de  Tilbury  (vers  1212)  : 
«  Vidimus  sepiilcrum  Isoreti,  in  siiburbio  parisiensi  viginti  pedes 
in  longum  habens,  pixieter  cervicem  et  caput,  quem  sanctus  Guilhel- 
miis  peremit.  » 

3.  L'avenue  d'Orléans  actuelle  et  la  porte  d'Orléans  actuelle  représentent 


166  JOSEPH    BÉDIER. 

tèce  à  Orléans  '.  Dès  le  douzième  siècle,  il  y  avait,  sur  le  par- 
cours (le  la  rue  Saint-Jacques  actuelle-,  un  hôpital  pour  les 
pèlerins  :  celui  même  à  la  place  duquel  les  dominicains  éta- 
blirent un  couvent,  d'où  ils  reçurent  le  nom,  célèbre  par  la 
suite,  de  «  Jacobins  »^. 

Comment  s'expliquer  les  diverses  concordances  que  je  viens 
de  marquer,  si  l'on  n'admet  pas  que  l'épisode  d'Isoré  fut  com- 
posé d'abord  pour  les  pèlerins  assemblés  dans  cet  ancien  hos- 
pice? Sur  le  point  de  parcourir  en  sens  inverse  la  môme  roule 
que  le  moine  Guillaume  avait  suivie  au  sortir  de  sa  retraite, 
ils  vénéraient  la  maison  miraculeuse  de  Bernard  du  Fossé  et  le 
lieu  où  le  saint  avait  combattu  le  roi  païen  Isoré. 

3.  Brioude. 

Dans  le  Charroi  de  Nbnes,  ainsi  qu'on  l'a  vu,  le  pèlerin 
armé  qu'est  Guillaume  Fierebrace  s'arrête  sur  la  via  Aegi- 
diana  aux  deux  mêmes  sanctuaires  où  s'arrêtaient  en  effet  les 
pieux  voyageurs  du  moyen  âge,  à  Brioude  et  au  Piiy. 

Du  Puy,  je  ne  dirai  rien,  car  nos  poèmes  ne  nous  offrent, 
que  je  sache,  nul  autre  indice  d'une  dévotion  particulière  à 
Notre-Dame-du-Puy.  Con)ment  pourtant  ne  pas  rappeler  au 
passage  que  d'anciennes  confréries  de  jongleurs  se  sont  appe- 
lées des  puis  :  le  jnii  d'Arras,  le  ^Jia"  de  Rouen;  et  qu'on  y 
reconnaît  à  l'ordinaire  le  nom  même  du  Puy-en-Velav?  Les 


une  déviation  moderne  provoquée,  je  pense,  par  la  construcUon  des  forti- 
fications. 

1.  On  voit  dans  le  square  du  ÎNIusée  de  Cluny  (n°  -100  du  Catalogue) 
des  blocs  de  grès  qui  sont  des  fragments  de  la  chaussée  romaine  décou- 
verts rue  Saint-Jacques.  —  On  y  voit  aussi  (n°'  242-G  du  Catalogue)  cinq 
statues  d'apôtres  (dont  l'une  est  celle  de  saint  Jacques)  qui  proviennent 
de  l'église  Saint-Jacques-l'Hospital,  où  elles  avaient  été  établies  en  1318, 
et  dont  la  tour  Saint-Jacques  est  le  seul  reste;  mais  ces  statues  sont 
d'une  époque  plus  récente  que  celle  où  nous  nous  tenons. 

2.  Entre  la  rue  Gujas  et  le  n»  il  de  la  rue  Soufflot. 

:3.  Voy.  dans  IJu  ('ange  (sous  Jacohitae)  un  texte  de  Mathieu  de  Paris 
qui  décrit  cet  liospice  alors  délabré  :  «  Hospitium  paene  dilapsum  et 
dirutuni  in  quo  soleba)U  ex  longi)irjitis  partibus  venientes  causa  pere- 
grinalionis  versus  S.  Jacobum  in  Ilispania  dioerterc  peregrini,  et  ibi- 
dem  pe)'  dics  aliquot  exhibere.  » 


LÉGENDES    DU    CYCLE    DE   GUILLAUME    D'ORANGE.  167 

puis  du  nord  de  la  France,  les  chambres  de  rhétorique,  les 
divers  palinods,  etc.,  semblent  s'être  formés  sur  le  modèle 
d'une  confrérie  fondée  au  Puy-Notre-Dame-en-Velay  *.  Mais 
cette  confrérie  à  son  tour,  comment  at-elle  pu.  établie  au  fond 
de  l'Auvergne,  imposer  son  nom  à  des  associations  lointaines  ? 
N'y  a-t-il  pas  là  des  indices  que  des  jongleurs  venus  des  di- 
verses régions  de  la  France  occupaient  la  via  Aegidiana  et 
récréaient,  aux  abords  de  ses  divers  sanctuaires,  la  clientèle 
toujours  renouvelée  des  pèlerins? 
Qiumt  à  Brioude,  Guillaume  dit  à  ses  compagnons  : 

Tôt  droit  a  Bride  nos  en  convient  aler 
Au  bon  cors  saint,  si  l'alons  aourer... 

Quel  est  ce  «  bon  cors  saint?  »  Guillaume  n'a  pas  besoin  de 
le  nommer;  ses  compagnons  et  les  anciens  auditeurs  du  Char- 
roi de  Nîmes  comprenaient  :  c'est  saint  Julien,  ce  légion- 
naire qui  s'enfuit  en  304  de  sa  garnison  de  Vienne  pour  échap- 
per à  la  persécution  de  Dioclétien,  se  réfugia  dans  un  bourg 
des  environs  de  Brioude,  y  fut  décapité  et  devint  bientôt  un 
thaumaturge  très  populaire.  Dès  le  v«  siècle,  ou  le  vi"  au  plus 
lard,  une  basilique  fut  élevée  sous  son  vocable  à  Brioude,  et 
Grégoire  de  Tours,  qui  aimait  à  visiter  son  tombeau,  a  écrit  un 
livre  à  sa  louange*.  On  y  lit  qu'à  l'époque  de  sa  fête  (le 
28  aoiit)  les  hôtelleries  et  les  maisons  de  Brioude  ne  suffisaient 
plus  à  héberger  les  pèlerins,  et  qu'il  leur  fallait  camper  hors 
la  ville,  sous  des  tentes.  La  basilique  de  Saint-Julien  fut  brû- 
lée en  730  par  les  Sarrasins  et  relevée  seulement  un  siècle 
plus  tard,  comme  le  montre  un  diplôme  de  Louis  le  Pieux.  En 
825,  révêque  Stable  en  fil  la  dédicace,  et  c'est  alors  que  Bé- 
rengier,  comte  de  Toulouse,  y  fonda  une  collégiale,  qui  peu  à 
peu  devint  l'une  des  plus  illustres  de  France.  Pour  le  spirituel, 
les  chanoines  de  Brioude  ne  dépendaient  que  de  Rome;  pour 


L  Voyez,  sur  l'origine  du  nom  de  put,  appliqué  à  ces  confréries,  le 
livre  de  M.  H.  Guy,  Adan  de  le  Haie,  Paris,  189H,  p.  xxxiv  ss. 

1.  Fortunat  appelle  Grégoire  de  Tours  alumtius  Julicuii. 

2.  Voir,  sur  le  culte  de  saint  Julien,  la  bibliographie  rassemblée  dans 
la  BibliognqjJtUc  hagiographioa  latina,  Bruxelles,  189S,  pp.  672-3. 


168  JOSEPH   BÉDIER. 

le  temporel,  ils  étaient  les  hauts  justiciers  de  la  ville  de 
Brioude,  du  territoire  de  quatre  abbayes  et  de  seize  paroisses 
environnantes'. 

Ces  prérogatives  et  ces  richesses,  c'est  saint  Julien  qui  les 
leur  procurait.  Un  jour  vint  pourtant  où  le  culte  antique  de 
leur  patron  ne  suffit  plus  à  leur  zèle  ;  ils  y  ajoutèrent  le  culte 
de  saint  Guillaume  de  Gellone, 

C'est  ce  que  nous  apprennent  à  la  fois  les  chansons  de  geste 
et  des  textes  d'origine  ecclésiastique.  A^'oici  d'abord  les  témoi- 
gnages des  chansons  de  geste. 

Dans  le  Moniage  Guillaume'^,  le  héros  se  retire  du  siècle 
après  la  mort  de  Guibour  : 

70    Son  bon  destrier  a  molt  tost  atorné, 
Chainte  a  l'espee  au  senestre  cosîé, 
Sa  bone  large  n'i  a  pas  oublié; 
Toutes  ses  armes  en  a  o  lui  porté. 
De  la  vlle^  ist,  n'i  a  plus  demeuré; 
Aine  n'en  mena  ne  compaignon  ne  per. 
Tout  droit  a. Bride  a  son  cemin  torné, 
Vint  à  la  vile,  si  conmence  a  errer, 
Entre  el  moustier  saint  Julien  le  ber, 
Descent  a  pié,  si  encline  l'autel, 
S'oroison  i  a  faite. 

El  moustier  entre  Guillaumes  Fierebrace, 
Lieve  sa  main,  si  saine  son  visage. 
II  s'agenoille,  si  encline  l'image  : 
«  Sainz  Juliens,  jou  sui  en  vostre  garde. 
Jou  lais  por  Deu  mes  castiaus  et  mes  marches 
Et  mes  cbités  et  tout  mon  iritaige. 
Sainz  Juliens,  jo  vos  conmant  ma  targe  : 
Par  tel  couvent  le  met  en  vostre  garde, 

1.  Sur  ce  collège,  voir  le  Spicilège  de  d'Achery,  t.  XII,  p.  104  et  la 
Gallia  christiana,  t.  II,  col.  468-9.  Cf.  B.  Attaix,  De  nohili  collegio  Bri- 
vatensi,  Tolosae,  1882  (thèse  de  doctorat  de  la  Faculté  des  lettres  de 
Clermont)  et  S.-M.  Mosnicr,  Les  saiiits  d'Auvergne, 'Pmvis,  1819,  t.  II, 
pj).  207,  224,  etc. 

2.  Première  rédaction. 
«3.  Niincs. 


LÉGENDES   DU   CYCLE   DE   GUILLAUME  d'ORANGE.  169 

S'en  a  mestier  Loeys  le  fil  Charle 
Et  mon  flllieul  qui  tient  mon  iritage 
Contre  païens,  la  pute  gent  savage, 
Reprendrai  jou,  si  vos  rendrai  trouage, 
Trois  besans  d'or;  au  noel  et  a  paske 
Les  vos  rendrai  a  trestout  mon  eage.  » 
Li  quens  l'a  prise  pai-  la  guige  de  paile, 
Portée  l'a  desour  l'autel  de  marbre. 

Le  poète  ajoute  : 

Encor  le  voient  et  li  fol  et  si  sage, 
Tôt  chil  qui  vont  a  Saint  Gille  en  volage, 
Et  le  tinel  dant  Rainoart  i'aufage, 
Dont  il  ocist  maint  Sarrazin  salvage. 

Donc,  s'il  faut  en  croire  ce  texte,  on  voj'ait  à  Brioude,  au-, 
près  de  reçu  de  Guillaume,  la  massue  monstrueuse  de  Rai- 
noart ou  plutôt  la  moitié  du  tinel,  car  Rainoart  l'avait  brisé  à 
force  de  frapper  sur  les  païens  : 

La  [à  Bridé)  lessa  il  la  moitié  du  tinel  : 
Li  pèlerin  qui  par  la  ont  passé 
Encore  le  voient  par  dejoste  l'autel. 

L'un  des  manuscrits  A'Aliscans  (celui  de  l'Arsenal)  parle 
de  la  même  relique  : 

7822    Assés  l'orrés  cha  avant  au  chanter 
Com  Rainoarz  se  fist  puis  corouner 
Au  mouniage  ou  il  vaut  converser  ; 
Che  fu  a  Bride  ou  sen  fust  flst  porter. 
Qui  la  iroit  bien  le  porroit  irover. 
Encore  i  vont  li  pèlerin  garder 
Qui  en  Galisce  vont  l'apostle  aourer. 

C'est  à  Brioude,  en  effet,  que,  selon  le  Montage  Rainoart, 
le  bon  géant  se  fait  moine.  Un  jour,  au  cours  de  ses  multiples 
aventures,  il  est  emporté  vers  la  haute  mer  sur  une  barque 
qu'il  ne  sait  gouverner;  il  invoque  en  son  péril  saint  Julien, 
qui  vient  à  son  secours  ;  une  autre  fois  encore,  saint  Julien, 

ANNALES   DU   MIDI.    —    XIX  12 


ITO  JOSEPH    BÉUIF.R. 

assisté  ici  de  trois  autres  saints,   vient  le  réconforter  sr.r  la 
mer  pendant  une  tenipêle  et  conduit  sa  nef  au  port'. 

En  outre,  au  témoignage  du  poète  de  la  Prise  d'Orange, 
les  pèlerins  de  Saint-Gilles  voyaient  aussi  à  Brioude  l'écu  de 
Bertran  \e  palazin  : 

Icil  le  sevent  qui  en  vont  a  Saint-Gille, 
Qui  les  enseignes  on  ont  veû  a  Bride, 
L'escu  Guillelmeet  la  targe  florie 
Et  la  Bertran  son  nevou,  le  nohile  2. 

Ces  deux  écus  et  le  tinel  de  Rainoart,  si  l'on  montrai!,  en 
efïet,  à  Brioude  tous  ces  trophées,  c'est  donc  que  les  cha- 
noines de  Saint-Julien  avaient  encombré  leur  sanctuaire  d'un 
bric-à-brac  d'ex-voto  épiques. 

Nous  ne  savons  si  l'on  a  vraiment  vénéré  Rainoart  à 
Brioude,  mais  le  fait  est  probable  pour  Bertrand,  certain  pour 
Guillaume. 

Pour  Bertrand,  il  suffit  de  rappeler  que  les  moines  de  Gel- 
lone  ont  introduit  le  nom  de  ce  personnage  fictif  dans  la  charte 
de  donation  qu'ils  attribuent  à  Guillaume  :  el  nepote  meo 
Berlranno. 

Quant  à  Guillaunie,  la  Vita  sancti  Wilhelmi  (chapitre  20) 
raconte  la  même  scène  que  le  Montage  :  comment  le  héros, 
venu  à  Saint-Julien  de  Brioude,  s"agenouille  devant  l'autel,  ?e 
dépouille  de  toutes  ses  armes  et  dit  au  saint  :  «  Novi,  sancte 
Juliane...,  guam  armis  slrenuus  fueris  in  seculo  ;  ideo 
coram  al  tari  iito  arma  haec  derelinquo . . .  tibique  ea 
commendo  ..  * 

«  Sainz  Juliens,  je  vos  cornant  ma  targe...  »  dit-il  dans  le 
Moniage  eu  termes  semblables.  Et  la  Vita  ajoute  :  ex  quibus 
[armis]  clypeus  in  templo  Jiodieque  conservatur. 

Ces  faits  sont  curiei'.x,  car  le  culte  de  saint  Guillaume  de 
Gellone  n'a  jamais  pris  que  peu  d'extension.  Je  ne  le  rencon- 
tre guère  que  dans  les  diocèses  voisins  do  Gellone,  à  Mont- 

1.  Lipko,  p.  7:2;  cf.  .1.  llmiebcry,  Etudes  sur  lu  geste  Rainoart,  p.  ï)i) 
et  p.  05. 

2.  Prise  d'Oratiffe.  an  dùbiil.  <lu  poème. 


LEGENDES   DU   CYCLE   DE   GUILLAUME       ORANGE.  171 

pellier,  Elne,  Nîmes,  Uzès,  Béziers.  Il  est  d'autant  plus  étrange 
de  constater  que  saint  Guillaume  figurait  au  martyrologe  de 
Brioude  :  «  sancii  Wilhelmi  depositio,  disent  les  Bollandis- 
tes,  in  Brivatensimartyrologio  memoratur  "^ .  > 

Quel  peut  être  le  point  de  départ  de  ces  relations  entre  le 
saint  de  Gellone  et  l'église  collégiale  de  Brioude 

La  visite  du  vrai  Guillaume  à  l'église  Saint-Julien,  —  est-Il 
besoin  de  le  dire?  —  est  une  fable.  Il  n'y  aurait  pas  grande 
témérité  à  l'affirmer  sans  preuves;  mais  on  en  a  une  preuve  : 
Guillaume  est  mort  dans  les  premières  années  du  ix^  siècle,  e\ 
à  cette  époque  l'église  de  Saint-Julien,  détruite  en  730  par  les 
Sarrasins,  n'avait  pas  encore  été  reconstruite^. 

Sur  quoi  l'on  s'est  mis  en  quête  d'un  autre  Guillaume,  qui, 
au  défaut  de  Guillaume  de  Gellone,  aurait  pu  faire  présent 
d'un  bouclier  à  l'église  de  Brioude.  Pour  bien  faire,  on  aurait 
dû  s'eff'orcer  en  même  temps  de  découvrir  un  Bertrand  et  un 
Raiuoart  auvergnats  qui  eussent  été  aussi  en  relations  avec 
cette  église.  Les  chercheurs  d'identifications  historiques  au- 
ront à  cœur  sans  doute  d'aller  jusqu'au  bout  de  leur  lâche  :  je 
puis  les  y  aider  en  leur  rappelant  que  le  nom  de  Bertrand  a 
été  souvent  porté  dans  la  maison  comtale  de  Velay  et  de  Gé- 
vaudan. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  s'en  est  tenu  jusqu'ici  à  Guillaume.  On 
a  cherché,  on  a  donc  trouvé  un  prototype  du  héros  épique  : 
c'est  Guillaume  I  le  Pieux,  comte  d'Auvergne  et  duc  d'Aqui- 
taine, mort  le  6  juillet  918.  L'histoire  ignore,  on  ne  saurait  s'en 
étonner,  s'il  a  jamais  offert  un  bouclier  à  saint  Julien;  mais 
il  fut  l'un  des  abbés  laïques  de  cette  collégiale.  Dès  lors,  les 
critiques  ont  admis  communément  que  ce  comte  d'Auvergne 

1.  AA.  SS.,  t.  VI  de  mai,  p.  800.  Les  Bollandistes  ajoutent  que  sa  fête 
est  célébrée  duplici  ritu  à  Lodève  et  à  Béziers.  Saint  Guillaume  figure 
aussi,  le  28  mai,  dans  un  calendrier  du  Bréviaire  d'Elne  daté  de  1327 
(Bibl.  nat.,  nouv.  acquis,  lat.,  ms.  838,  f"  8t>  r»).  Dans  les  calendriers  du 
XV'  et  du  XVI'  siècle  publiés  par  Misset-Weale,  Analecta  liturgica  flnsu- 
lis  et  Brugis,  1889),  je  ne  le  rencontre  que  trois  fois  :  Kal.  Uceciense 
{li'èh),  Brixinense  (1493),  Bicterreyise  (l.'iSl). 

2.  Voy.  la  Gallia  christiana,  t.  II,  col.  470;  cf.  Révillout,  p.  55; 
G.  Paris,  dans  la  Romania,  t.  VI,  p.  471;  Cloetta,  Archio  de  Herrig, 
t.  XGIII,  p.  420,  etc. 


172  JOSEPH    BEDIER. 

fui  l'un  des  Guillaume  qui  «  se  confondirent  »  avec  Guillaume 
de  Gellone  pour  former  la  figure  du  Guillaume  de  l'épopée,  et 
je  reconnais  volontiers  que,  des  onze  ou  douze  personnages  qui 
prétendent  à  cet  honneur,  c'est  celui-ci  qui  fait  valoir  les  titres 
les  plus  sérieux. 

Ces  litres,  G.  Paris  les  résume  ainsi*  :  «  Il  est  sûr  qu'à 
l'église  Saint-Julien  de  Brioude  on  montrait  l'écu  d'un  comte 
Guillaume;  et  il  n'est  pas  moins  assuré  que  ce  Guillaume 
n'était  ni  Guillaume  d'Orange,  ni  Guillaume  de  Gellone,  mais 
bien  Guillaume  I  dit  le  Pieux,  qui  s'occupa  beaucoup  de 
l'église  de  Saint-Julien  de  Brioude,  la  restaura,  la  dota  ma- 
gnifiquement et  voulut  y  être  enterré.  Il  est  probable  que,  dès 
le  xi^  siècle,  à  Brioude  même,  on  ne  distinguait  plus  bien 
entre  les  deux  Guillaume,  et  que  l'attribution  identique  de  la 
chanson  du  Montage  et  de  la  Vita  a  pour  sources  les  asser- 
tions des  chanoines  qui  montraient  ce  trophée  aux  pèlerins.  » 

Pourtant,  Léon  Gautier^  ayant  parlé  avec  quelque  tiédeur 
de  ce  prototype  du  Guillaume  épique,  M.  Antoine  Thomas' 
est  venu  à  sa  rescousse.  Il  a  fait  entre  Guillaume  le  Pieux 
et  Guillaume  Fierebrace  un  rapprochement  très  ingénieux. 
Nous  possédons  «  quelques  petites  pièces  en  vers  latins  du  ix« 
et  du  x«  siècles  en  l'honneur  des  différentes  fêtes  de  l'année, 
qui  toutes  se  terminent  par  une  invitation  à  boire  »,  telle  que 
celle-ci  :  Sumile  nunc  leti  preseniis  pocula  musti.  M.  A. 
Thomas  a  montré  qu'elles  ont  été  composées  par  des  chanoi- 
nes de  Brioude  et  que  le  comte-abbé  Guillaume  I  est  nommé 
dans  l'une  d'elles.  «  Ces  vers,  écrit-il,  nous  révèlent  de  la 
façon  la  plus  authentique  que  la  vie  qu'on  menait  à  Brioude 
sous  l'administration  du  comte  Guillaume  le  Pieux  n'avait 
rien  d'ascétique,  et  c'est  peut-être  de  là,  et  non  pas  de  Gel- 
lone, que  viennent  les  récits  du  Montage  Guillaume.  Il  ne 
sera  donc  plus  aussi  facile  que  le  croit  encore  M.  Léon  Gautier 
de  débouler  Guillaume  le  Pieux  de  la  part  légitime  qui  lui  re- 
vient dans  la  formation  de  la  légende  de  Guillaume  d'Orange.  » 

1.  Romcmia,  t.  VI,  p.  471. 

2.  Epopées  françaises,  t.  IV,  p.  98. 

3.  Romania,  t.  XIV,  p.  579. 


LÉGENDES   DU   CYCLE   DE   GUILLAUME   d'ORANGE.  173 

L'analogie  est  pourtant  vague  et  fugitive.  Ces  vers  des 
chanoines  de  Brioude  nous  révèlent  que  leur  vie  n'avait  rien 
d'ascétique;  mais  le  Montage  Guillaume  ne  parle  ni  en  bien 
ni  en  mal  des  chanoines  de  Brioude;  il  ne  connaît  que  les 
moines  d'Aniane,  auxquels  il  fait  mener  une  vie  fort  régu- 
lière. Ces  vers  nous  révèlent,  en  outre,  que  Guillaume 
le  Pieux  aimait  les  vers  latins  et  peut-être  le  bon  vin,  et  qu'il 
tolérait  qu'on  le  nommât  dans  une  innocente  chanson  à  boire; 
mais  le  Montage  Guillaume  ne  rapporte  rien  de  tel  de  Guil- 
laume Fierebrace  :  il  dit  seulement  que  son  appétit  formida- 
ble épouvantait  les  moines  d'Aniane;  les  vers  composés  à 
Brioude  n'indiquent  pas  que  Guillaume  le  Pieux  ait  été  gros 
mangeur. 

Ils  n'indiquent  pas  davantage  qu'il  ait  été  un  géant.  Or,  la 
Vita  témoigne  que  l'écu  conservé  dans  l'église  de  Brioude 
était  d'une  grandeur  surprenante'.  Il  y  a  donc  indication  (les 
géants  étant  rares  par  définition)  que  cet  écu  avait  été  choisi 
exprès  ou  fabriqué  exprès  pour  être  montré  aux  pèlerins 
comme  étant  le  bouclier  du  héros  gigantesque  des  chansons 
de  geste. 

Il  reste  donc  simplement  que,  dans  la  liste  des  abbés  de 
Saint-Julien  de  Brioude,  on  trouve  un  comte-abbé  nommé 
Guillaume.  Le  fait  n'a  rien  de  surprenant,  vu  la  fréquence  du 
nom  de  Guillaume.  Que  ce  personnage  ait  pu  donner  son  bou- 
clier à  l'église  et  qu'il  ait  pu  être  un  géant,  je  le  veux  bien, 
n'ayant  cure  de  le  débouter  de  sa  prétention  d'avoir  pris 
part  à  la  formation  de  la  légende  de  Guillaume  d'Orange.  On 
ne  suppose  pas,  en  effet,  que  ce  Guillaume  le  Pieux  ait  été  le 
héros  de  «  chants  lyrico-épiques  »  qui  se  seraient  par  la  suite 
«  amalgamés  »  avec  ceux  qui  célébraient  d'autres  Guillaumes. 
Il  ne  s'agit  pas  ici  de  la  confusion  de  deux  héros,  mais  de  la 
confusion,  faite  par  quelque  sacristain,  du  donateur  d'un  cer- 
tain bouclier  avec  saint  Guillaume  de  Gellone.  Réduite  à  ces 
termes,  il  ne  coûte  rien  d'accepter  cette  identification,  invrai- 


1.  Ex  quibus  clypeus  in  teniplo  hodieque  conservattir,  qui  et  ipse 
de  Wilheltno  quis  et  cujus  modi  fuerit  satis  testificatur . 


174  JOSEPH    BÉDIER. 

semblable,  mais  sans  intérêt.  Que  le  bouclier  de  Gellone  ait 
appartenu  à  Guillaume  le  Pieux  ou  à  tout  autre  personnage, 
ou  qu'il  ait  été  commandé  par  nos  chanoines  à  un  fabricant  du 
voisinage,  il  n'importe  guère.  Ce  qui  importe  et  ce  qui  est  sûr. 
c'est  qu'on  l'a  attribué  de  bonne  heure  à  saint  Guillaume  de 
Gellone,  et  que  cette  confusion  (si  confusion  il  y  eut)  a  été 
exploitée  :  exploitée  par  les  chanoines  de  Brioude  qui  ont  intro- 
duit saint  Guillaume  de  Gellone  dans  leur  martyrologe;  par  les 
moines  de  Gellone,  qui  ont  inséré  l'anecdote  de  Brioude  dans  la 
Vîla;  par  les  jongleurs,  qui  ont  localisé  à  Brioude  une  scène 
du  Montage  Guillaume  et  plusieurs  scènes  du  Montage  Rai- 
noart.  Je  ne  vois,  de  ces  relations  entre  deux  églises  si  dis- 
tantes, entre  deux  saints  si  étrangers  l'un  u  l'autre,  entre  ces 
poèmes  de  Jongleurs  et  ces  sanctuaires  si  éloignés  de  la 
France  du  nord,  qu'une  explication  imaginable  :  ces  sanc- 
tuaires se  trouvent  sur  une  même  route,  où  religieux  et  jon- 
gleurs s'appliquaient  à  édifier  et  à  réci'éer  les  mêmes  pèlerins. 
Rappelons  en  passant  que  saint  Julien  devint  l'un  des  pa- 
trons des  jongleurs  (cf.  l'église  Saint-Julien-des-Ménétriers). 
Pourquoi?  sinon  par  la  même  raison  qui  a  imposé  le  nom  de 
puis,  en  souvenir  du  Puy-Notre-Dame,  aux  confréries  poé- 
tiques du  nord  de  la  France  :  parce  que  des  jongleurs  nom- 
breux hantaient  la  voie  de  Gergovie  à  Nîmes. 

4.  Nîmes. 

A  l'issue  de  cette  voie,  Guillaume  parvient  à  Nîmes  et  la 
conquiert.  C'est  la  chanson  du  Charroi  de  Nîmes.  Le  Guide 
des  pèlerins  fait  ;illusion,  comme  on  a  vu,  à  cette  fabuleuse 
conquête,  et  il  est  facile  de  relever  à  Nîmes  les  traces  d'un 
culte  ancien  de  saint  Guillaume.  On  y  célébrait  encore  au 
xviii»  siècle,  peut-être  y  célèbre-t-on  encore  son  office.  C "était 
un  semi  duplex.,  c'est  â-d ire  une  fête  assez  solennelle'.  Un 


1.  PropriiDii  insirpiis  ecclesiae  cathedralis  et  diœcesis  Nemausensis, 
jiissii...  D.  Cctroli  Pritdentii  de  Becdelièvre,  episcopi  Nernause>isis... 
editnm.  Neinausi,  1757.  On  y  trouve  un  office  de  saint  Guillaume,  très 
beau,  mais  malliourpusement  moderne,  fondé  qu'il  est  sur  les  A)inales 


LÉGENDRS   DU   CYCLE   DE   GUILLAUME   d'ORANGE.  175 

brëviairo  à  l'usage  du  diocèse  de  Nîmes,  qui  date  du  xv*  siè- 
cle, indique  celte  fête  au  calendrier  He  28  ma;)^  En  outre,  la 
[)lus  ancienne  église  qui,  à  tna  connaissance,  ait  elé  mise 
(après  l'église  do  Gelione)  sous  l'invocation  de  saint  Guil- 
laume, a  été  fondée,  en  1050,  à  Nîmes.  Elle  s'appelait  Saint- 
Guilliem-de-Vignole  ^. 


5.  Arles. 

Si  corne  ad  Arli,  ove  il  Rodano  stagna, 
Si  com'  a  Pola  presse  del  Quarnaro, 
Cho  Italia  chiude  e  i  suoi  termini  bagnn, 

Faiino  i  sepolcri  tutto  il  loco  varo, 

Cosi... 

(Dante,  Inf.,  IX.  112)3. 

La  nécropole  gallo-romaine  des  Aliscamps  d'Arles  n'est 
plus,  comme  au  temps  de  Dante,  bosselée  de  sépulcres*.  Les 
sai'cophages  qui  n'ont  pas  elé  anciennement  détruits  ont  été 
dispersés  dans  les  musées  de  Marseille,  de  Lyon,  d'Arles,  de 
Paris\  et  sur  la  plaine  trop  nivelée  on  ne  voit  plus  aujourd'hui 
que  quelques  restes  de  l'abbaye  de  Saint-Césaire,  la  chapelle 
des  Porcellets  (xiv^  siècle),  celle  de  la  Genouillade,  et  la  véné- 
rable abbaye  de  Saint-Honorat. 

Le  Guide  de  Saint-Jacques  ne  manque  pas  de  diriger  les 


Saiictorum  ord.  Uenedictini.  C'est  malheureusement  le  seul  Propre  des 
saints  du  diocèse  de  Nîmes  que  j'aie  trouvé  à  la  Bibliotlièque  nationale. 

1.  Bibl.  nat.,  vélins,  1611b,  t.  I. 

2.  Voy.  la  charte  de  l'ondation  de  cette  église  dans  Ménard,  Histoire 
de  Nismes,  t.  I,  p.  164,  et  Preuves,  p.  21.  Elle  était  située  hors  la  ville,  à 
deux  ou  trois  kilomètres,  non  loin  de  la  route  d'Arles,  sur  l'emplacement 
actuel  de  la  maison  de  campagne  du  lycée,  à  l'endroit  qui  s'appelle  main- 
tenant le  Mas-do-Ville,  jadis  Foissac. 

3.  Voy.  Carlo  Cipolla,  Sulla  descrizione  dantesca  délie  tombe  di 
Arles  (Giornale  storico  délia  letteratura  italiana,  t.  XXIII). 

4.  Sur  le  cimetière  d'Aliscamps,  voy.  surtout  Bouche,  Histoire  de  Pro- 
vence, 1864,  t.  I,  p.  314,  t.  II,  p.  142." 

5.  Sur  les  spoliations  successives  qui  ont  distribué  aux  quatre  coins  de 
la  France  les  tombeaux  des  Aliscamps,  voy.  Millin,  Voyage  dans  les  dé- 
partements du  midi  de  la  France,  t.  III,  1808,  p.  ôlô. 


176  JOSEPH   BÉDIER. 

pèlerins  vers  le  Campo  santo  de  la  Provence  ;  Inde  visitan- 
dum,  est,  juxia  Ay^elatetn  urbem,  cimiterium,  defuncto- 
rum  loco  qui  dicitur  Aîliscampis  ',..  II  dit  qu'il  faut  y  prier 
et  y  laisser  des  aumônes;  que  le  cimetière  s'étond  sur  un  mille 
en  long  et  en  large;  que  c'est  le  lieu  du  monde  où  l'on  voit  le 
plus  de  sarcophages  de  marbre  et  que  ces  sarcophages  portent 
des  inscriptions  indéchiffrables;  que  sept  églises  sont  con- 
struites dans  ce  champ  et  que  celui  qui  fait  dire  une  messe 
dans  l'une  d'elles  aura  pour  avocats  au  jugement  dernier 
trois  des  saints  qui  y  sont  ensevelis.  C'est  tout.  C'est  une  sim- 
ple description  topographique  avec  indication  des  avantages 
spirituels  que  les  pèlerins  y  pourront  gagner.  On  s'étonne 
d'abord  que  le  Guide  ne  fasse  nulle  mention  des  légendes 
attachées  à  ce  lieu.  Ce  n'est  pas  que  l'auteur  les  ait  ignorées  : 
les  deux  plus  illustres  d'entre  elles  sont  racontées  tout  au  long 
dans  le  Pseudo-Turpin,  et  l'on  a  maintes  indications  que  le 
Pseudo-Turjnn  et  le  Guide  sont  solidaires  et  faits  pour  le 
même  public^;  l'auteur  du  Guide  aura  voulu  éviter  une  répé- 
tition oiseuse. 

Les  légendes  purement  ecclésiastiques  des  Aliscamps  d'Arles 
sont  insignes  entre  les  légendes.  Elles  sont  groupées  dans  une 
lettre-circulaire  que  l'archevêque  d'Arles,  Michel  de  Mouriez 
(1202-1217),  quêtant  pour  la  restauration  de  l'église  Saint-Ho- 


1.  Ed.  Fita,  p.  21.  Voici  la  suite  du  texte  :  «  ...  qui  dicitur  Aîliscam- 
pis, precihus,  scilicet  psalmis  et  eleemosynis,  ut  mos  est  pro  defunc- 
tis  exorare;  cujus  longitudo  et  latitudo  uno  milliario  constat.  Tôt  et 
ta7ita  vasa  marmorea,  super  terram  sita,  in  nullo  ciniiterio  nnsquani 
possiiit  inveniri  excepta  in  illo.  Sunt  etiatn  diversis  operibus  et  litte- 
ris  latinis  insculpta  et  dictatu  inintelligibili,  antiqua;  quanto  magis 
longe  jierspexeris,  tanto  magis  longe  sarcophagos  videbis.  In  eo  cimi- 
terio  septem  ecclesiae  habentur...  »  Suit  le  détail  des  grâces  que  l'on  y 
obtient. 

2.  Voici  l'une  de  ces  indications.  Dans  la  lettre  dont  nous  allons  par- 
ler, l'archevêque  d'Arles,  JNlichel  de  Mouriez,  décrivant  le  cimetière, 
écrit  :  «  Cujus  cimiterii  lo?igiludo  et  latitudo,  sicut  in  Gestis  Caroli 
legitur,  uno  milliario  constat.  »  C'est  une  phrase  transcrite  du  Guide 
(voyez  la  note  précédente).  Michel  de  Mouriez  dit  qu'il  la  transcrit  des 
Gesta  Caroli,  c'est-à-dire  du  Psendo-Turpiti  :  preuve  que  les  deux  ouvra- 
ges étaient  réunis  dans  le  manuscrit  dont  il  se  servait,  comme  ils  le  sont 
dans  le  manuscrit  do  la  bibliothèque  du  chapitre  de  Compostelle,  et  qu'on 
les  confondait  aisément. 


LÉGENDES   DU   CYCLE   DE   GUILLAUME   D'ORANGE.  177 

norat  des  Aliscamps,  adressa  à  la  chrétienté',  et  qu'il  suffit 
de  résumer  ici  :  «  Aux  Aliscamps  d'Arles 2  repose  le  corps  de 
saint  Honorât;  dans  son  église  sont  vénérés  les  restes  du  très 
éloquent  Hiiaire,  de  plusieurs  bienheureux  pontifes  d'Arles..., 
pour  ne  rien  dire  des  corps  de  saint  Genès.  martyr,  de  sainte 
Dorothée,  vierge  et  martyre,  et  d'un  grand  nombre  d'autres. 
Cette  terre  est  parée  de  tant  de  fleurs  et  de  tant  de  pierres 
précieuses  que  l'on  a  peine  à  concevoir  qu'elle  en  ait  tant  pro- 
duit, si  bien  qu'on  peut  dire  justement  :  Ceux-là  sont  une 
semence  que  le  Seigneur  a  bénie...  Or,  le  cimetière  des 
Aliscamps  a  été  consacré  par  sept  disciples  des  apôtres  :  Tro- 
phime,  qui  fut  choisi  comme  évèque  d'Arles  et  sacré  par  les 
saints  Pierre  et  Paul  ;  Paul  de  Narbonne,  Maximin  d'Aix, 
Saturnin  de  Toulouse,  Front  de  Périgueux,  Martial  de  Limo- 
ges, Eutrope  de  Saintes,  et  autres.  Avertis  par  un  oracle, 
divin,  ils  se  rendirent  à  Arles,  et  ils  le  bénirent  en  présence 
de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  qui  leur  apparut  sous  sa  forme 
corporelle^...  A  l'église  Saint-Honorat  est  annexée  une  cha- 
pelle que  le  bienheureux  Trophime,  prédécesseur  de  Denis  de 
Paris,  cousin  de  saint  Paul,  d'Stienue  et  de  Gamaliel,  fonda, 
éleva,  embellit  et  aima  de  son  vivant,  en  l'honneur  de  la  mère 
de  Dieu.  Là,  à  l'endroit  où  s'étaient  posés  les  pieds  de  Jésus- 
Christ,  il  fit  un  autel  de  pierre,  en  présence  de  saints  nom- 
breux, et  le  consacra  avec  les  sept  évêques,  disciples  de 
Jésus-Christ.  Il  recommanda  qu'on  l'y  enterrât,  parce  que  la 
droite  de  Dieu  y  avait  fait  un  miracle  et  parce  que  la  splen- 
deur de  sa  majesté  y  avait  brillé.  Il  y  fut  enseveli  quelques 
années  plus  tard  ;  parfois,  on  y  entend  chanter  les  Anges  '*...  » 
Ainsi,  Arles,  évangélisée  d'abord  par  Trophime,  disciple  de 

1.  Gallia  christiana  novissima,  par  le  chanoine  J,-H.  Albanès  et  le 
chanoine  Ul.  Chevalier.  Arles,  1900,  col.  310-12. 

2.  In  campis  qui  vulgariter  dicuntiir  Alisii;  plus  loin,  Aliscampi. 

3.  Cette  légende  est  décrite  avec  plus  de  détails  dans  le  poème  proven- 
çal sur  saint  Trophime  (voy.  Fritz  Gœbel,  Untersuchimgen  ûber  die 
altproveiizalische  Trophimus-Legende ,  dissertation  de  doctorat  de 
Marbourg,  1896)  ;  elle  est  racontée  aussi  par  Philippe  Mousket  (II,  790) 
par  Bernard  Gui  (Chabaneau,  Le  Roman  d'Arles,  1889,  p.  80),  etc. 

4.  Il  ajoute  le  miracle  du  Ehône,  qui  retient,  ari-êtées  aux  Aliscamps, 
les  barques  qui  portent  des  corps  au  cimetière. 


178  JOSEPH   BÉDIEll. 

saint  Paul,  se  glorifiait  d'avoir  été  la  source  d'où  le  christia- 
nisme s'était  répandu  dans  les  Gaules,  et  le  cimelièi'e  des 
Aliscamps,  Jésus-Christ  lui-même  s'y  était  agenouillé.  Ces 
hautes  légendes  auraient  dû  suffire  aux  pèlerins,  semble-t-il. 
Il  est  remarquable  qu'elles  n'ont  pas  suffi,  et  qu'à  ces  tradi- 
tions chrétiennes  se  sont  mêlées  des  fictions  de  chansons  de 
gesle. 

Ces  fictions  épiques,  en  voici  l'analyse  :  les  textes  que  j'ai 
à  citer  sont  tous  connus,  mais  il  sera  commode  de  les  trouver 
groupés  selon  l'ordre  chronologique. 

a)  Vers  1140.  Pseudo-Turpin'^  : 

«  Adont  avoit  deus  ciraelieros  de  ^rant  dignité  :  li  une  estoit 
a  Arles  en  Alescans  et  l'autre  vers  Bourdiaus,  que  nostre  Sire 
beneï  par  les  mains  de  set  evesques...  »  Revenant  de  Roncevaux, 
Charlemagne  fit  enterrer  Roland  à  Blaye,  Olivier  à  Belin  ;  au 
cimetière  de  Saint-Seurin,  à  Bordeaux,  Guaitier  de  Bordeaux, 
Engelier,  duc  d'Aquitaine...  et  cinq  mille  des  morts  de  la  ba- 
taille. «  Après  chou,  jou  ïurpins  archevesques  et  Charles  nous 
départîmes  de  Blaves  a  toute  nosire  ost  et  veniraes  a  Arles  par 
Gascongne  et  par  Toulouse.  Illuec  trouvâmes  les  Bourguegnons 
qui  de  nous  estoient  départi  en  Ostreval  (in  Hosta  valle],  si 
estoient  venut  atout  leur  mors  [et  leur  navrez]  qu'il  aportoient 
en  lis  et  en  chareltes  pour  iaus  enterrer  en  Alescans  dont  Arle 
est  près.  En  celle  cimentiere  furent  par  nos  mains  entierré 
Estous  [li  cuens  de  Langres],  et  Salomon,  et  Sanses,  le  duc  de 
Bourgongne  et  Ernaus  de  Biaulande  et  Aubris  le  Bourgueignon, 
Guinars,  Estourmis,  Hâtes,  [et  Tieris],  Yvorins,  Berars  de  Nubles 
et  Berengiers  et  Naimes  le  duc  de  Baiviere  et  bien  dis  mil  d'au- 
tres. »  Pour  le  repos  de  leurs  âmes,  Charlemagne  donna  de 
grandes  sommes  d'or  et  d'argent  aux  pauvres  d'Arles.  De  là, 
ajoute  Turpin.  tourmenté  par  mes  blessures,  j'allai  me  reposer 
à  Vienne. 

C'est  une  étrange  fiction  en  api)arence  que  celle  qui  fait 
porter  à  Arles  les  morts  de  Roncevaux.  Elle  ne  s'explique 
que  si  l'on  se  rappelle  toujours  (|ue  le  Pseudo-Turinn  n'est 

1.  Ed.  Castets,  cliap.  xxviii  et  xxiv.  —  .lo  cite  d'après  la  Iradnrtion 
publiée  par  Tlieodor  Aurucher,  Municli,  187(),  pp.  (i4  ss. 


LÉGENDES    DU    CYCLE    DE    GUILLAUME  D'ORANGE.  179 

qu'un  écrit  de  propagande  en  faveur  du  pèlerinage  de  Saint- 
Jacques  et  un  vade  mecum  du  pèlerin.  Pour  qu'il  offrît  de 
l'intérêt  aux  voyageurs  qui  suivaient  la  route  de  Toulouse, 
aussi  bien  qu'à  ceux  qui  passaient  par  Blaye  et  Bordeaux, 
l'auteur  a  disliibué  sur  les  deux,  voies  et  parlagé  équitable- 
ment  entre  elles  les  corps  des  héros  de  Roncevaux. 

ô)  Vers  1140».  La  Kaiserchronih  (v.  14885-14908) «  : 

«  L'empereur  Charles  investit  une  place  forte,  nommée  Arles. 
Il  y  resta,  en  vt'rité,  plus  de  sept  ans.  Les  assiégés  n'en  avaient 
cure,  car  un  canal  souterrain  leur  apportait  du  vin  en  abondance 
et  des  vivres.  Mais  Charles  le  détourna  par  grande  adresse. 
Ne  pouvant  tenir  plus  longtemps,  les  assiégés  ouvrirent  la 
porte.  Grande  bataille,  morts  innombrables.  «  Nul  ne  pouvait 
distinguer  les  cadavres  des  chrétiens  de  ceux  des  païens;  mais 
par  l'aide  de  Dieu,  l'empereur  y  parvint  :  il  trouva  tous  les  chré- 
tiens mis  à  part  dans  des  cercueils  bien  ornés.  C'est  un  miracle 
qui  mérite  d'être  à  jamais  raconté,  m 

On  retrouve  dans  le  Roman  d'Arles^  l'histoire  de  ce  canal 
souterrain  que  Charlemagne,  assiégeant  la  ville  occupée  par 
les  Sarrasins,  détourne.  C'est,  sans  doute,  cet  aqueluc  romain 
qui,  partant  des  paluds  de  Saint-Remy  et  de  Mollèges,  suivait 
les  contreforts  de  la  Cran,  passait  sous  le  sol  au  midi  de  la 
chapelle  Saint-Pierre  des  Aliscamps  et  pénétrait,  toujours  sou- 
terrain, dans  Arles  '.  Voilà  donc,  parvenue  dès  la  première 
moitié  du  xii<'  siècle  au  fond  de  l'Allemagne,  nne  légende 
lopogi'aphique  et  de  forme  épique,  qui  est  certainement  d'ori- 
gine artésienne. 


1.  L'auteur,  un  clerc  de  Ratisbonne.  et  qui  n'est  autre,  sans  doute,  que 
ce  «  PfatTe  Conrad  »  à  qui  nous  devons  le  Rolandslied ,  est  mort  en 
1150-L  II  a  commencé  son  œuvre  en  1135. 

8.  Mon.  Germ.  historica,  Deutsche  Chroniken  I,  Abtheilung  I.  Die 
Kaiserchronih,  hgg.  von  Edward  Scliroder,  18.^2.  Cf.  G.  Paris,  Histoire 
poétique  de  Charlemagne,  p.  258. 

3.  Ed.  Chabaneau,  p.  35,  lignes  783  ss. 

4.  Voy.  Estrangin,  Descriptio7i  de  la  ville  d'Arles,  Aix  et  Arles,  1845, 
p.  46.  et  surtout  Deloche,  Saint-Remy  de  Provence  au  moyen  âge  {Mé- 
moires de  l'Académie  des  Inscriptions,  t.  XXXIV,  1"  partie,  1892, 
pp.  53  ss.). 


180  JOSEPH   BÉDIER. 

c)  Vers  1150-1170.  Le  Covenant  Vivien,  Aliscans,  etc.  — 
Jusqu'ici,  il  n'a  pas  été  question  des  héros  narbonnais;  désor- 
mais, à  côté  de  récits  qui  répéteront  l'histoire  des  morts  de 
Roncevaux  ou  le  miracle  des  cercueils,  ils  apparaîtront  dans 
nos  te.xtes. 

Le  plus  ancien  roman  du  cycle  narbonnais,  la  Chanson  de 
Guillaume,  ignore,  comme  on  sait,  les  Aliscamps  d'Arles. 
Selon  ce  poème,  la  bataille  où  périt  Vivien  a  lieu  à  Lar- 
champ,  endroit  mystérieux,  que  l'auteur  semble  '  mettre  quel- 
que part  en  Espagne.  C'est  en  Espagne  aussi,  à  l'Archant, 
que  se  livre  la  bataille,  selon  Foucon  de  Candie;  en  Espa- 
gne pareillement,  selon  les  Slorie  Nerbonesi.  Dans  le  Cove- 
nant Vivien  et  dans  Aliscans,  l'emplacement  désigné  est 
Aliscans,  Aliscans  sur  mer,  et  encore  Larchant  ou  l'Ar- 
chant, ou  les  Archanz,  et  la  géographie  y  est  si  vague  qu'on 
ne  sait  pas  au  juste  en  quelle  région  l'on  se  trouve  trans- 
porté :  Orange,  à  vrai  dire,  est  dans  le  voisinage;  mais  jamais 
Arles  n'est  nommé,  ni  le  Rhône  ^.  Pourtant,  si  même  la  loca- 
lisation la  plus  ancienne  était,  comme  je  le  crois  volontiers,  en 
Espagne,  il  est  évident  qu'elle  a  été  transférée  de  bonne  heure 
aux  abords  du  Rhône;  les  auteurs  du  Covenant  et  (ÏAliscatis, 
ces  poèmes  remaniés,  ont  beau,  par  ignorance  ou  par  indiffé- 
rence, ne  nous  donner  que  les  indications  géographiques  les 
plus  incertaines  et  les  plus  contradictoires,  le  seul  fait  qu'ils 
emploient  le  nom  d'Aliscans  suppose  que  de  leur  temps, 
donc  en  1150  au  plus  tard,  s'était  déjà  produite  la  localisation 
de  la  légende  aux  Aliscamps  d'Arles^.   En  outre,  quelques 


1.  Sa  géographie  est  d'ailleurs,  à  l'ordinaire,  absurde. 

2.  Pour  tout  l'exposé  de  cette  question  malaisée,  voy.  l'important  tra- 
vail de  M.  Raymond  Weeks,  Études  si(7-  Aliscans  [Romania,  t.  XXXIV, 
1905,  pp.  237,  ss.). 

3.  Sans  quoi,  si  le  premier  poète  qui  a  employé  ce  nom  avait  entendu 
désigner  un  autre  Alisccunps  qii' Aliscamps  près  Arles,  ou  que  c'eût  été 
pour  lui  un  nom  de  fantaisie,  il  serait  miraculeux  que  ce  nom  sans  signi- 
fication, arbitraire  ou  de  fantaisie,  se  fût  trouvé  par  hasard  être  précisé- 
ment le  même  que  portait  la  vieille  nécropole  gallo-romaine,  si  propice  à 
abriter  lu  légende  d'une  grande  bataille  et  à  accueillir  les  martyrs  de  ce 
désastre.  J'ai  bien  conscience  que  j'exprime  ici  une  vérité  trop  vraie.  II 
faut  pourtant  qu'elle  se    soit  obscurcie  dans  quelques  esprits,  puisque 


LÉGENDES  DU  CYCLE  DE  GUILLAUME  D'ORANGE.     181 

passages  des  chansons  de  geste  ajoutent  des  indications  plus 
précises.  Le  Covenani  Vivien  s'exprime  en  ces  termes  : 

1757    Ainz  puis  cel  jor  que  Jhesu  Crist  fu  nez 
Ne  fu  tel  chaples  ne  tel  mortalitez 
Comme  le  jor  en  Alesehamps  sor  mer. 
Del  sanc  des  cors  fu  toz  vermeuz  li  prez. 
Encor  le  voient  II  pèlerin  assez 
Qui  a  Saint  Jaque'  ont  le  chemin  torné. 

Dans  Aliscans.  Guillaume,  après  avoir  vengé  Vivien,  re- 
trouve son  corps  «  sor  l'estaac  »,  près  de  l'arbre  où  il  est 
mort  : 

7367    Li  quens  l'a  fait  en  deus  escuz  serrer, 
Et  desoz  l'arbre  bêlement  enterrer. 

Mais  le  manuscrit  de  Berne  ajoute  : 

A  un  evesque  fist  la  messe  canter; 
Desus  le  cors  flst  un  mostier  fonder  : 
Saint  Onouré  en  fu  li  mestre  auter. 

Et  ces  vers  à'Aimeri  de  Narbonne  indiquent  la  connais- 
sance d'une  sépulture  de  Vivien,  vénérée  au  temps  du  poète  : 

4-o43    En  Alesclians  Guillelmes  renfoï  : 
Encore  i  gist  il  ores. 

Ces  indications  sont-elles  des  interpolations  récentes  ?  ou 
au  contraire,  sont- elles  les  derniers  vestiges  de  traits  locaux 
jadis  plus  nombreux,  qui  ont  été  effacés  dans  les  remanie- 
ments, lorsque  nos  chansons  eurent  vagabondé  par  toutes  les 
provinces?  En  l'état  de  nos  connaissances,  nous  n'avons  nul 
moyen  de  choisir  entre  l'une  et  l'autre  opinion.  Mais  il  n'im- 

plusieurs  critiques  s'acharnent  à  démontrer  que  les  poètes  du  Covenant, 
d'Aliscans,  etc.,  quand  ils  parlent  de  la  bataille  d' Aliscans,  n'entendent 
pas  sous  ce  nom  les  Aliscamps  d'Arles.  Et  il  est  vrai  que  ces  poètes  ne 
semblent  pas  bien  savoir  ce  que  c'est,  ni  où  c'est;  il  n'en  reste  pas  moins 
que  leurs  modèles  le  savaient. 

1.  A  Saiiit-Gille  dans  le  ms.  de  Londres  et  le  ma.  24369  de  la  Biblio- 
thèque nationale  (Weeks,  art.  cité,  p.  258).  C'est  la  même  route,  comme 
nous  savons. 


i82  JOSEPH   BÉDIER. 

porte  pas  ici  de  choisir.  Ce  qui  est  sûr,  en  toute  h3pothèse, 
c'est  que,  primilifs  ou  non,  ces  traits  locaux  se  lisent  dans 
des  chansons  de  geste  de  la  seconde  moitié  du  xit»  siècle  et  du 
début  du  xiîi«'. 

d)  Vers  l!90.  Gui  de  Bazoche.  —  En  deux  passages,  Gui 
de  Bazoche,  parlant  des  Aliscainps  d'Arles,  les  appelle  «  qui 
sunt  et  dicuniur  aridi  campi  »  ou  «  campi  ayndi  a  slerili- 
late,  vel  Elieii,  dicti^  ».  C'est  une  élymologie  (V Ar champ  et 
elle  prouve  que  Gui  de  Bazoche  connaissait  la  nécropole  d'Ar- 
les sous  le  double  nom  (V Ar champ  et  (VAlhcamps. 

e)  Premières  années  du  xiii«  siècle.  Michel  de  Mouriez .  — 
Dans  la  lettre  citée  ci-dessus,  où  il  quête  pour  la  restauration 
de  l'église  Saint-Honorat  des  Aliscamps,  l'archevêque  Michel 
de  Mouriez  écrit  :  «  Celte  église  a  un  cimetière  spacieux, 
dans  le  sein  duquel  reposent,  en  nombre  infini,  les  corps  de 
ceux  qui,  sous  saint  Charlemague,  sous  saint  Guillaume  et 
sous  Vivien,  son  neveu,  ayant  soutenu  leurcombil  triomphal, 
ont  gagné,  [lour  avoir  versé  leur  sang,  la  couronne  des  mar- 
tyrs =^. 

f)  Vers  1210.  Le  WillehaUn  de  Wolfram  d'Eschonbach.  — 
Wolfram,  qui  semble  n'avoir  eu  d'autre  modèle  que  la  chanson 
à.''Aliscans,  telle  que  nous  l'avons,  y  ajoute  pourlant  certains 
traits  qui  supposent  une  autre  origine-';  a  l'en  croire,  aussitôt 
après  la  défaite  et  la  fuite  de  Guillauuie,  tous  les  corps  des 
chrétiens  morts  furent  déposés  dans  des  cercueils  qui  n'étaient 
pas  faits  de  la  main  des  hommes;  ils  furent  bénis  par  les  anges 
et  enterrés  dans  le  cimetière  d'Aliscans.  «  L'enchanteur  Jésus, 
dit  un  Sarrasin  (^57,  15)  a  taillé  ces  tombeaux  »,  et  c'est  dans 
cette  plaine  semée  de  sépulcres   miraculeux  que  Guillaume 


1.  Voyez  l'iniHcation  de  cos  textes  dans  l'article  de  M.  Wceks,  pp.  !?63-4, 
et  SCS  excellentes  remarques  à  leur  éyard. 

2.  «  Q)à  sub  beato  Karolo  et  beato  WiUelnio  et  Visinuo,  nepote  élus, 
triwmphali  apone  peracto ,  proprio  sunt  sanyuine  laureati.  »  Voy. 
(art.  cité  pp.  'itiO  2G2)  le  commentaire  de  M.  Wceks,  qui  a  eu  le  mérite  de 
signaler,  le  premier  je  crois,  la  lettre  de  Michel  de  Mouriez  aux  critiques 
littéraires. 

a  Ed.  Karl  Lacliiiiann,  2'>".t,  .">  ;  :j57,  l.j  ;  i:y.),20,  etc. 


LÉGENDES  DU  CYCLE  DE  GUILLAUME  D'oRANGE.     183 

livre  la  bataille  où  il  venge  Vivien.  Ces  fictions  qui  ne  se 
trouvent  pas  dans  Aliscans,  si  on  les  compare  aux  divers 
témoignages  ici  groupés,  par  exemple  à  la  lettre  de  Michel 
de  Mouriez,  on  voit  que  Wolfram  d'Eschenbach.  directement 
ou  indirectement,  les  tenait  de  pèlerins  de  Saint-Gilles. 

g)  Entre  1211  et  1214.  Les  Otia  imperialia  de  Gervais  tle 
Tilbury'.  —  En  un  passage  où  il  décrit  le  cimetière  d'Arles 
et  les  légendes  ecclésiastiques  ^  qui  y  sont  attachées,  Gervais 
de  Tilbury  dit  que  d'innombrables  héros  sont  enterrés  là,  et 
parmi  eux  ces  deux  héros  uarbonnais,  Vivien  et  le  comte  Ber- 
trand 3. 

h)  Vers  1230.  L'Histoire  des  Arabes  de  Rodrigue  Ximeaes, 
archevêque  de  Tolède  ^  —  Il  dit  qu'Abderramen  a  remporté 
une  grande  victoire  devant  Arles,  que  le  Rhône  a  caché  les 
corps  des  chrétiens,  que  la  terre  les  a  reçus  par  miracle,  et 
qu'on  voit  encore  leurs  tombeaux  dans  le  cimetière  d'Arles. 
Ici,  comme  il  a  fait  ailleurs  pour  les  chansons  de  Roland  ei 
de  Mainet,  ce  clerc  espagnol,  élevé  aux  écoles  de  Paris,  a 
combiné  les  récits  des  chroniques  latines  et  les  récits  des 
chansons  de  geste. 

i)  Première  moitié  du  xiii»  siècle.  Vie  de  saint  Honorât-'. 

1.  Scriptores  rerum  Brunsvicensium,  éd.  Leibuitz,  t.  I,  p.  990. 

2.  La  consécration  par  les  sept  évèques,  l'apparition  de  Jésus-Christ, 
le  miracle  du  Rliône. 

.3.  Ad  coemeterium  Campi  Elisii  deferehantiir,  nbi  Vivianus  (éd.  Jo- 
vianus)  et  cornes  Bertramus  et  Aistulphus  et  innunieri  proceres  re- 
quiescunt. 

4.  Schott,  Hispania  illustrata,  t.  II  (1603),  p.  170.  «  Ahderramen... 
Rhodanum  etiam  dissulcavit ;  veriim  cion  Arelatuni  in  multitudine 
exercitus  ohsedisset,  inferioi'es  fortunae  Galli  sunt  iyiventi;  ...  quo- 
rum cadavera  Rodanus  occultavit  et  terra  suscipiens  revelavit;  sed  et 
eortim  tumuli  adhuc  hodie  in  Arelatensi  coemeterio  ostenduntur. 

5.  Publiée  par  M.  P.  Meyer,  Romania,  VIII  (1879),  p.  481-508.  Cette 
vie  a  été  mise  en  vers  provençaux  par  Ramon  Féraut,  iiioino  du  monas- 
tère de  Lérins  et  prieur  de  la  Roque-Estéron,  en  l'an  1300.  Son  élégant 
poème  a  été  publié  par  A.-L.  Sardou.  La  Vida  de  sant  Honorât,  Nice, 
1873  [Publications  de  la  Société  des  scieiices  et  arts  des  Alpes-Mari- 
times). Voyez,  pour  tous  renseignements  bibliographiques  sur  saint  Ho- 
norât et  sur  sa  légende,  la  Bibliotheca  hagioçiraphica  latina  des  Bollan- 
distes,  t.  I  (189->),  p.-ôO'i,  et  la  Gallia  christiana  novissima  p.  p.  Albanès 
et  Ul.  Chevalier,  Valence,  190: ),  col.  25-29. 


184  JOSEPH    BÈDIER. 

Celte  Vie  est  l'œuvre  des  moines  de  l'abbaye  de  Lériûs,  dont 
Honorât  fut  le  fondateur.  Nous  connaissons  la  vie  authentique 
de  ce  saint  par  son  oraison  funèbre  que  prononça,  au  jour 
anniversaire  de  sa  mort,  son  disciple  et  successeur,  Hilaire'. 
Ce  que  nous  savons  de  lui,  c'est  que,  né  en  Gaule  et  païen  de 
naissance,  il  se  convertit  au  christianisme  avec  son  frère 
Vonanlius;  qu'il  mena  d'abord  la  vie  érémitique  sur  une  hau- 
teur de  TEstérel,  qu'il  fonda,  vers  l'an  406  ou  410,  un  monas- 
tère dans  la  plus  petite  des  îles  de  Lërins,  qu'il  devint  arche- 
vêque d'Arles  en  420  et  qu'il  mourut  à  Arles  en  429.  Il  fut 
enseveli  aux  Aliscamps  d'Arles,  dans  une  église  qui  fut  mise 
sous  son  vocable,  et  son  corps  ne  fut  transféré  à  Lérins  qu'à 
la  fin  du  xiv^  siècle  (1394). 

Au  xiii''  siècle,  les  moines  de  Lérins  substituèrent  à  ces 
actes  authentiques  un  singulier  roman,  «  farci  de  chansons  de 
geste  de  la  seconde  époque-  ».  Hardiment,  ils  rajeunirent  leur 
saint  de  trois  siècles  et  demi,  et  le  présentèrent  comme  un 
contemporain  de  Charlemagne,  Hongrois  de  naissance,  fils  du 
roi  païen  Andrioc  et  d'une  Sarrasine  d'Espagne,  sœur  des 
rois  de  chansons  de  geste'  Marsile  et  Agolant.  Ce  Hongrois, 
s'étant  converti  au  christianisme,  s'était  établi  avec  quelques 
compagnons  dans  un  ermitage,  à  Largentière  (entre  Barcelon- 
nette  et  Coni).  Un  jour,  saint  Jacques  lui  apparaît  et  lui 
ordonne  d'aller  visiter  son  tombeau.  A  Compostelle,  l'apôtre 
lui  apprend  que  Pépin  et  son  fils  Charles  ont  été  vaincus  par 
le  roi  Agolant.  Charles  est  prisonnier  des  païens  à  Tolède;  il 
convient  qu'Honorât  le  délivre.  Honorât,  déguisé  eu  Sarrasin, 
va  donc  à  Tolède,  où  la  fille  du  roi  est  possédée  du  démon.  Il 
la  guérit  par  une  aspersion  d'eau  bénite;  eu  récompense,  il 
obtient  la  liberté  de  Charlemagne.  De  ce  jour,  Charlemagne 
et  Honorât  ne  cersent  de  se  combkr  de  bienfaits  réciproques. 
Charlemagne  et  ses  pairs  combattent  par  l'épée,  en  Provence 
et  en  Catalogne;  de  loin.  Honorât  combat  pour  eux  par  ses 
prières  el  ses  exorcismes  ;  et  c'est  lui  qui,  par  sa  puissance  de 


1.  Acta  SS.  liolland.,  t.  Il  de  jiuivier  (1(3  janvier),  p.  o7\). 

2.  P.  Meycr,  Romania,  t.  V  (187G),  p.  5U3. 


LÉGENDES   DU   CYCLE   DE   GUILLAUME  d'ORANGE.  185 

thaumaturge,  détruit  les  armées  des  païens  et  renverse  leurs 
murailles.  Eu  échange,  Charlemagne  enrichira  le  monastère 
de  Lérins. 

En  ces  folles  histoires,  Vivien  (Vezianus)  est  introduit  de 
la  façon  que  voici.  Un  jour,  comme  Charlemagne  traversait  les 
Alpes  pour  recevoir  à  Rome  la  couronne  impériale,  il  s'arrêta 
au  col  de  Largentière  et  y  visita  l'ermite  Honorât.  «  Un  des 
guerriers  de  son  armée,  nommé  Vezian,  ne  pouvant  supporter 
plus  avant  les  fatigues  du  voyage,  et  gravement  malade,  resta 
dans  l'ermitage  {apud  Argen),  sous  la  garde  d'Honorat,  et 
tous  deux  se  lièrent  d'une  amitié  si  tendre  que  Charles,  reve- 
nant peu  après  d'Italie,  eut  peine  à  séparer  Vezian  de  la  com- 
pagnie du  saint  homme.  Charlemagne  marchait  alors  contre 
les  Sarrasins,  et  commença  alors  par  mettre  le  siège  devant 
Arles.  Là,  Vezian  fut  tué  en  trahison^  avec  ses  compagnons 
par  le  prince  païen  de  la  Trape^.  » 

Charlemagne  venge  sa  mort,  et  le  niais  récit  se  prolonge 
par  des  fictions  d'une  égale  niaiserie  3.  Honorât,  après  avoir 
fondé  l'abbaye  de  Lérins,  est  devenu  archevêque  d'Arles  : 
il  vit  donc  près  du  tombeau  de  son  ami  Vezian.  Honorât 
meurt  à  son  tour  :  les  moines  de  sou  abbaye  viennent  cher- 
cher son  corps  à  Arles  pour  le  transporter  dans  l'île  de 
Lérins.  Mais,  comme  ils  passaient  par  Aliscamps,  près  du 
tombeau  de  Vezian   (Juœta   tumulum   Veziani) ,  tous   les 


1.  Le  traducteur  provençal,  Raymond  Féraut,  précise  (éd.  Sardou,  p  45) 
en  disant  que  ce  fut  en  Aliscamps. 

2.  C'est  l'île  Sainte-Marguerite. 

3.  Honorât,  venu  à  Arles,  y  combat  l'hérésie  sous  la  forme  d'un  nègre 
gigantesque  {Aethiopiis  mira  magnitudiiie),  qui  occupe  le  château  de 
la  Trouille.  L'ayant  vaincu,  tous,  dit  Ramon  Féraut,  vont  célébrer  cette 
victoire  sur  le  tombeau  de  Vezian  aux  Aliscamps  (éd.  Sardou,  p.  76). 

E  van  s'en  tul  ain  luy  E  sant  Honorai  dis  : 

Als  vases  d'Aliscamps;  «  L'arma  de  Vesian, 

Aqui  si  fey  l'acamps.  Lo  fizell  crestian. 

Sus  lo  vas  Vesian  E  li  compaynon  sieu 

A  fach  mètre  de  plan  Que  moriron  per  Dieu 

Autar  e  corporals,  Aian  vida  eterna 

Vestirs  sacerdotals,  E  pausa  sempiterna  !  » 

E  a  messa  cantada,  Tut  li  mort  mantenen 

Sancta  e  benaurada.  Cridan  :  «  Amen!  Ament 

Gant  li  messa  fenis, 

ANNALES   DU   MIDI.   —   XIX  13 


186  JOSEPH   BÉDIER.  ' 

morts,  compagnons  de  Veziao.  se  dressèrent  dans  leurs  sépul- 
cres et  crièrent  à  la  fois  :  «  11  n'est  pas  juste  que  vous  nous 
enleviez  notre  saint  patron.  »  Les  moines  s'enfuirent,  puis 
revinrent;  la  merveille  se  produisit  une  seconde  fois.  Alors, 
ils  laissèrent  là  le  corps  de  saint  Honorât  et  construisirent,  sur 
le  tombeau  même  de  Vezian,  une  église  où  on  le  déposa  et  où 
il  fit  d'innombrables  miracles. 

M.  A.  Jeanroy  a  cru  pouvoir  reconnaître  dans  celte  Vie  de 
saint  Honorât  «  une  version  toute  locale  d'une  légende  évi- 
demment locale  elle-même,  qui  pourrait  bien  être  toute 
proche  de  la  forme  primitive'  ».  Primitivement,  comme  dans 
la  Vie  de  saint  Honorât,  Vivien  n'avait  rien  à  faire  avec  les 
Narbonnais;  il  était  un  compagnon  de  Charlemagne,  le  héros 
d'un  siège  d'Arles  que  conduisait  Charlemagne.  Sa  légende 
tendait  à  se  mêler  à  celle  de  Guillaume  d'Orange;  mais  elle 
n'y  parvint  pas  d'emblée,  et  c'est  seulement  sur  le  tard  que 
cette  petite  geste  provinciale  fut  absorbée  dans  le  cycle  de 
Guillaume. 

Le  lecteur  trouvera  dans  l'étude  de  M.  Jeanroy  un  ingé- 
nieux faisceau  d'arguments  à  l'appui  de  cette  théorie.  Je  doute 
pourtant  que  la  Vie  de  saint  Honorât  fournisse  de  quoi  la 
fonder.  La  préoccupation  principale  des  moines  de  Lérins  est 
de  montrer  que  Charlemagne,  par  amitié  pour  Honorât,  a  été 
un  protecteur  de  leur  maison.  Tous  les  personnages  qu'ils 
mettront  en  scène  vivront  donc,  coûte  que  coûte,  au  temps 
de  Charlemagne  et  d'Honorat.  D'autre  part,  les  moines  ont  à 
expliquer  comment  et  pourquoi  le  corps  de  leur  fondateur  est 
resté  enseveli  aux  Aliscaraps  d'Arles,  au  lieu  d'être  transféré 
à  Lérins.  C'est,  disent-ils,  qu'Honorât  a  été  retenu  aux  Alis- 
camps  par  l'amitié  posthume  de  ce  héros,  nommé  Vezian,  tué 
jadis  par  les  Sarrasins,  et  qui,  de  notoriété  publique,  est 
enterré  aux  Aliscamps,  dans  l'église  qui  a  pris  depuis  le  nom 


1.  Notes  sur  Vivie»,  dans  la  liomafiia,  t.  XXVJ  llH'.H),  p.  ;2i)I. 

2.  Voyez  surtout  (pp.  l'J5-G)  ce  que  M.  Jeanroy  dit  du  Mont  Argejit 
(Largontière)  confondu  avec  un  village  voisin  d'Arles,  rioinmé  MoJit  d'Ar- 
gent :  de  là,  selon  lui,  le  Monte  Aryento  des  Xei'ljune.fi  d  Wirclta.nt  des 
chansons  de  geste. 


LÉGENDES  DU   CYCLE   DE   GUILLAUME   d'ORANGE.  187 

de  Saint-Honorat.  Us  n'ont  donc  eu  d'autre  effort  à  faire  que 
d'imaginer  l'historiette  de  la  maladie  de  ce  Vezian,  se  prenant 
de  grande  amitié  à  Largentière  pour  l'ermite  Honorât.  Comme 
Honorât  était  un  compagnon  de  Charlemagne,  naturellement 
ils  feignirent  que  Vezian  en  était  un  autre.  Il  se  peut  que  c'ait 
été  là  la  tradition  primitive;  mais  la  preuve  n'en  saurait  être 
tirée  de  cette  Vie,  à  moins  qu'on  veuille  admettre  que  saint 
Honorât  ait,  en  effet,  à  une  époque  ancienne,  passé  pour  un 
contemporainde Charlemagne.  En  résumé,  la  forme  que  prend 
dans  notre  récit  l'histoire  de  Vivien  s'explique  tout  entière 
par  le  contexte  et  par  la  nécessité  où  étaient  les  moines  de 
Lérins  de  la  raconter  ainsi.  Leur  factum  est  donc  inhabile  à 
nous  apprendre  si  primitivement  la  légende  de  Vivien  a  été 
ou  non  indépendante  de  celle  de  Guillaume'.  Ce  texte  nous 
sert  seulement  pour  attester  qu'au  xiii«  siècle  on  voyait  dans, 
l'église  Saint-Honorat  des  Aliscans  un  tumulus  Veziani.  H 
confirme  donc  simplement  les  témoignages  plus  anciens,  mais 
moins  explicites  ou  moins  autorisés,  du  Covenant  Vivien, 
à' Aliscans  (variante  du  v.  7368),  d'Aymeri  de  Narhonne,  de 
Michel  de  Mouriez,  de  Wolfram  d'Eschenbach,  de  Gervais  de 
Tilbury. 

/)  Treizième  siècle.  Vie  de  saint  Porchaire.  —  C'est  un, 
autre  document  émané  de  l'abbaye  de  Lérins.  «  Vivien  vit  non 
plus  sous  Charlemagne,  mais  sous  Louis;  il  fait  partie  (avec 
les  comtes  Rainouart,  Guichart  et  Bertrand,  Eruaut  de  Gi- 
ronde, Naime  de  Bavière,  Guillaume  d'Orange  et  Aymeri  de 
Narbonne)  d'une  grande  expédition  dirigée  par  le  roi  contre 
les  Sarrasins  qui  ont  envahi  la  Provence;  il  meurt  dans  une 
défaite  qui  est  infligée  aux  chrétiens  à  Aliscans  et  qui  a  pour 
conséquence  la  conquête  de  la  Provence  par  les  Sarrasins  2  ». 

1.  Je  ne  crois  pas  qu'on  veuille  m'opposer  cette  objection  :  si  les  moi- 
nes de  Lérins  avaient  su  que  Vivien  des  Aliscamps  passait  pour  le  neveu 
de  Guillaume  d'Orange,  ils  n'auraient  pas  osé  faire  de  lui  un  contemporain 
de  Charlemagne.  —  Ils  ont  bien  osé,  et  sans  le  moindre  scrupule,  trans- 
former en  un  contemporain  de  Charlemagne  cet  Honorât  qui  passait,  ils 
le  savaient  bien,  pour  avoir  vécu  trois  ou  quatre  siècles  plus  tôt. 

2.  A.  Jeanroy,  art.  cité,  p.  178.  Voir  (Romania,  VIII,  504)  ce  passage 
dans  la  traduction  catalane,  et  (éd.  Sai'dou,  p.  192)  dans  la  traduction. 


188  JOSEPH   BÈDIER. 

Cette  seconde  version  n'a,  il  va  sans  dire,  non  plus  que  la 
première,  aucune  valeur  traditionnelle  :  elle  ne  nous  intéresse 
qu'en  ce  qu'elle  place,  elle  aussi,  aux  Aliscamps  d'Arles,  la 
légende  d'une  grande  bataille  épique  et  le  sépulcre  de  Vivien 
(lo  vas  de  Vezian.  » 

En  résumé,  ces  textes  disent  que,  dès  le  milieu  du  xu»  siècle 
au  plus  tard ,  les  gens  qui  fréquentaient  le  cimetière  des  Alis- 
camps avaient  peuplé  les  vieux  sépulcres  gallo-romains  de  héros 
fabuleux  des  temps  carolingiens,  et  ces  héros  étaient  soit  les 
martyrs  de  Roncevaux,  soit  les  combattants  d'une  grande 
bataille  légendaire  livrée  aux  Sarrasins  en  ces  lieux  mêmes- 
Cette  bataille,  que  ce  soit  Charlemagne  qui  la  soutienne,  ou  le 
roi  Louis,  ou  Guillaume  d'Orange,  nos  textes  s'accordent  '  à 
y  faire  périr  un  même  personnage  :  Vivien,  Vivian  ou  Vezian. 
Nos  textes  nous  enseignent  en  outre  que  les  moines  de  l'ab- 
baye de  Saint-Victor  de  Marseille,  qui  possédaient  l'église  Saint- 
Honorat  des  Aliscamps^,  y  gardaient  le  tombeau  de  ce  Vivien. 

Qu'était-il  à  l'origine?  le  héros  tout  local  d'une  petite  geste 
arlésienne,  isolée  et  indépendante,  annexée  sur  le  tard  à  la 
geste  narbonnaise?  I^lusieurs  critiques  le  croient.  Un  jon- 
gleur français,  passant  par  Arles  en  pèlerin,  comme  tant 
d'autres,  aura  vu  son  tombeau,  recueilli  sa  légende  qui  vé- 
gétait obscurément  sur  place;  il  l'aura  transportée  au  Nord 
de  la  France  et  lui  aura  fait  un  sort.  Simple  cas  fortuit, 
comme  on  voit,  et  si  ce  jongleur  n'avait  point  passé  par  Arles, 
nous  ne  posséderions  pas  de  poèmes  français  relatifs  à  Vivien. 
Je  ferai  seulement  remarquer  qu'on  nous  demande,  par  ail- 
leurs et  de  môme,  de  croire  au  passage,  non  moins  fortuit,  d'un 


1.  Soûle  la  Kaiseroliroiiik  fait  excei)lion. 

"2.  Voyez  [Gallia  christ,  novisairna,  col.  10)  la  lettre  analysée  ci-dessus 
de  l'archevêque  d'Arles  Michel  de  Mouriez  :  il  dit  que  ses  prédécesseurs 
ont  attribué  cette  église  (  ut  sancti  sanctis  obvenirent)  aux  moines  de  Saint- 
Victor.  Sur  un  dillerend  des  moines  de  Saint-Victor  avec  les  chanoines 
d'Arles  (en  1141)  au  sujet  de  la  propriété  de  cette  église  et  de  plusieurs 
autres,  voy.  ibidem,  col.  210.  11  ré.sulte  du  jugement  (défavorable  aux 
moines)  qui  est  transcrit  à  cette  page,  qu'ils  occupaient  Saint-llonorat 
d'Arles  depuis  l'an  1070. 


LÉGENDES    DU   CYCLE   DE  GUILLAUME  D'ORANGE.  189 

autre  jongleur  à  Gellone,  d'un  autre  jongleur  à  Brioude,  etc., 
et  ce  sont  bien  des  cas  fortuits. 

D'autre  part,  je  ne  crois  pas  que  les  textes  autorisent  cette 
théorie.  Ils  indiquent  plutôt,  à  mon  sens,  que  Vivien  fut  de 
tout  temps  pour  les  poètes  le  neveu  de  Guillaume  d'Orange  et 
le  petit-flls  d'Aymeri  de  Narbonne^  Il  n'y  a  nulle  raison  de 
croire  qu'il  soit  à  Arles  un  héros  autochtone.  La  bataille  où  il 
périt,  les  poètes  semblent  l'avoir  placée  d'abord  à  Larchamp, 
c'est-à-dire  en  Espagne,  ou  ailleurs  2,  non  pas  à  Arles.  Supposé 
même  que  cette  opinion  soit  erronée  et  qu'elle  ait  été  placée 
d'emblée  aux  Aliscamps  d'Arles  par  l'imagination  du  premier 
poète,  ce  jeu  d'imagination,  provoqué  par  la  célébrité  de  la 
nécropole,  a  pu  se  produire  dans  une  province  quelconque  de 
la  France.  D'aucune  façon,  il  n'est  nécessaire,  ni  probable  que 
Vivien  ait  été  à  l'origine,  plutôt  que  Bertran  le  palazin  ou 
Ernaut  de  Beaulande,  un  personnage  d'invention  arlésienne. 

Si  on  l'admet,  il  devient  malaisé  d'expliquer  par  les  procé- 
dés employés  jusqu'ici  le  rattachement  de  sa  légende  à  Arles, 
les  rapports  que  nous  constatons  entre  nos  chansons  de  geste 
et  le  sépulcre  de  l'église  Saint-Honorat.  La  théorie  de  l'acci- 
dent, du  cas  fortuit  n'y  suffit  pas.  Elle  veut,  en  effet,  que  nous 
nous  représentions  ainsi  les  choses  :  1°  un  poète  de  la  France 
du  Nord  fait  mourir  Vivien  aux  Aliscamps  d'Arles;  20  un 
moine  de  Saint-Honorat  des  Aliscamps  a  par  hasard  connais- 
sance de  ce  poème  de  la  France  du  Nord  et  en  fait  part  aux 
autres  moines  du  prieuré;  sur  quoi  les  moines  décident  (on  ne 
sait  pourquoi)  de  faire  à  ce  Vivien  une  place  dans  leur  sanc- 


1.  Sauf  la  Vie  de  saint  Honorât,  qui  manque  d'autox'ité  en  l'espèce, 
tous  les  textes  parlant  de  Vivien  parlent  en  même  temps  de  Guillaume 
d'Orange  ou  de  quelque  autre  héros  narbonnais.  Dira-t-on  qu'avant  le 
passage  à  Arles  du  jongleur  français  que  l'on  suppose,  la  légende  toute 
locale  de  Vivien,  où  il  était  donné  comme  un  contemporain  de  Cliarlema- 
gne,  «  s'était  déjà  mêlée  aux  récits  sur  Guillaume?  »  C'est  alors  suppo- 
ser, à  Arles  même,  tout  un  travail  poétique,  des  échanges  accomplis  sur 
place  entre  des  poètes  du  nord  de  la  France  et  des  poètes  ou  des  moines 
artésiens,  et  cette  vue  ne  pourrait  que  flatter  notre  thèse  favorite. 

2.  A  Larchamp  (Mayenne) ,  suivant  une  hypothèse  récente  de  M.  Her- 
mann  Suchier  [Zeitschrift  fïir  romanische  Philologie ,  t.  XXIX,  1905, 
p.  640-682). 


190  JOSEPH    BÉDIER. 

tuaire  ;  3»  un  jongleur  du  Nord  de  la  France,  venu  là  en  pèle- 
rin, constate  que  les  moines  de  Saint-Honorat  vénèrent  en 
effet  le  sépulcre  de  Vivien,  et  de  retour  dans  la  France  du 
Nord,  il  insère  ce  renseignement  dans  un  manuscrit  d'Alis- 
cans  (Saint  Onnouré  en  fu  li  mesire  auter).  Et  si  l'on  dit 
que  cette  mention  de  «  Saint  Onnouré  »  est  isolée  et  peut  être 
récente,  il  y  a  mieux  :  la  plupart  de  nos  chansons  de  geste 
nomment  leur  héros  Vivian  (rimant  en  a),  ce  qui  suppose 
une  influence  méridionale;  il  faudrait  donc  nous  représenter, 
en  outre,  un  jongleur-pèlerin  qui  aura  cru  bon,  à  son  retour 
d'Arles,  de  substituer,  dans  les  chansons  de  geste  de  la  France 
du  Nord,  le  Vivian  méridional  au  Vivien  français  et  qui 
aura  réussi  à  convaincre  ses  confrères  de  l'utilité  de  cette  mo- 
dification. Chacun  de  ces  accidents  est  bizarre  par  lui-même; 
leur  groupement  en  série  est  chose  plus  bizarre  encore. 

Qu'est-ce  à  dire,  sinon  qu'il  faut  nous  représenter  autre  chose 
que  ce  mouvement  de  navette  de  jongleurs  isolés  entre  Arles 
et  la  France  du  Nord  ;  il  faut  considérer  ces  moines  de  Saint- 
Honorat  et  ces  jongleurs  français,  non  pas  comme  séparés  par 
les  monts,  les  vaux,  les  fleuves  et  les  forêts,  mais  comme  voi- 
sinant normalement  et  comme  liés  par  des  rapports  plus  cons- 
tants. Le  double  nom  du  héros,  Vivien  et  Vivian,  est  le  sym- 
bole du  travail  à  la  fois  monastique  et  jongleresque  qui  s'est 
accompli  aux  Aliscamps  d'Arles,  du  jour  où  un  poète  d'imagi- 
nation forte  et  grande  y  eut  localisé  l'ancienne  bataille  de 
Larchamp. 

Qu'une  légende  épique  provoquée  par  les  ruines  de  l'aque- 
duc romain  d'Arles  trouve  asile,  dès  1140..  dans  ]a.  Kaiser- 
chronik,  —  que  le  Pseudo-Turpin  enserre  les  morts  de 
Roncevaux  dans  les  tombes  romaines  des  Aliscamps,  —  que 
les  chansons  de  geste  y  transfèrent  le  champ  de  bataille  de 
Larchamp,  —  que  les  moines  de  Saint-Honorat  se  décident 
à  mettre  le  corps  chimérique  du  Vivien  des  jongleurs  auprès 
des  saints  les  plus  vénérés  de  leur  église,  aux  côtés  de 
saint  Honorât  et  do  saint  Trophime*,  à  deux  pas  de  la  pierre 

1.  Le  corps  de  saint  Trophimc,  qui  avait  jusque-là  reposé  dans  leur 


LÉGENDES    DU    CYCLE    DE   GUILLAUME   D'ORANGE.  191 

où  Jésus-Christ  s'était  agenouillé,  tous  ces  faits  sont  soli- 
daires. Ce  n'est  pas  pour  l'édiflcalion  des  bonnes  gens  d'Arles 
que  ces  légendes  ont  été  combinées  :  elles  n'ont  pas  été  seu- 
lement recueillies  par  des  pèlerins,  elles  ont  été  composées 
pour  des  pèlerins. 

6.  Saint-Gilles. 

C'est  saint  Gilles  \  on  se  le  rappelle,  que  Guillaume  a  pris  à 
témoin  de  son  serment  de  chasser  l'3s  Sarrasins  hors  de  la  terre 
de  Provence-.  Dans  le  romance  espagnol  de  Benalmeuique^, 
dérive  probablement  d'une  chanson  de  gesie  française,  c'est 
«  al  puerto  de  sant  Gil  »  que  le  comte  Aymeri  de  Narbonne  est 
fait  prisonnier  par  les  païens;  alors  s'engage  entre  lui  et  la 
comtesse  le  dialogue  héroïque  où  il  lui  défend  de  donner  pour 
sa  rançon  même  un  maravédi;  c'est  à  la  grâce  de  saint  Gilles 
qu'elle  le  confie  : 

«  Adios,  adios,  la  condesa, 
Que  ya  me  raandan  ir  de  aqui. 
—  Vayûdes  con  Dios,  el  conde, 
Y  con  la  gracia  de  sant  Gii  : 
Dios  os  le  eche  en  suerie 
A  ese  Roldan  paladin.  » 

Dans  Foucon  de  Candie^,  c'est  saint  Gilles  de  Provence 
que  la  sœur  de  Vivien  requiert  d'offrir  à  Dieu  l'âme  du  héros  : 

«  Vivien  frère,  raar  fu  vostre  jovente! 
Ja  mais  n'iert  om  de  graignor  esciante; 
La  vostre  mort  me  fait  auques  dolente. 

église,  n'a  été  transféré  que  le  29  décembre  1152  à  l'intérieur  de  la  ville 
d'Arles,  dans  l'église  édifiée  sous  son  vocable  (voy.  la  Gallia  christiana 
novissima,  col.  221). 

1.  Sur  sa  légende,  voj'.  l'introduction  de  G.  Paris  à  son  édition  (en  col" 
laboration  avec  le  D''  Eos)  de  la  Vie  de  saint  Gilles  de  Guillaume  de  Ber- 
neville  (1881);  sur  l'importance  du  pèlerinage,  voy.  Pio  Rajna,  Giornale 
storico  délia  letteratura  italiana,  t.  VI  (1885),  p.  116. 

2.  Dans  le  Charroi  de  Nîmes. 

3.  Publié  par  M.  J.  Couraye  du  Parc,  p.  xx  de  son  édition  de  Lu  mort 
Aymeri. 

4.  Ed.  Tarbé,  p.  7. 


i92  JOSEPH   BÉDIER. 

Saint  Giles,  sire,  qu'on  requiert  en  Provence, 
L'ame  de  lui  nostre  Seignor  présente, 
Que  ja  ne  soit  en  péril  n'en  tormente  !  » 

Rappelons  en  passant  que  ce  saint  a  baptisé  de  son  nom 
une  des  petites  gestes  de  l'épopée  carolingienne  :  la  geste  de 
saint  Gilles. 

7.  Saint-Guilhem- du- Désert. 

Igilur,  dit  le  Guide  des  Pèlerins,  ab  hîs  qui  per  viam 
Tolosanani  ad  sanctum  Jacobum  iendunt,  beaii  confesso- 
ris  Guilhelmi  corpus  est  visUandum.  Revenant  vers  ces 
lieux,  nous  saluons  à  nouveau  la  tombe  vénérable  et  nous 
nous  acheminons  vers  d'autres  étapes  :  la  route  nécessaire, 
traversant  Béziers,  nous  conduit  à  Narbonne, 

8.  Narbonne  et  9.  Anseune. 

Narbonne  est  la  ville  d'Aymeri. 

Il  faut  d'abord  remarquer  avec  L.  Demaison  l'exactitude 
des  descriptions  qu'on  en  trouve  dans  les  chansons  de  geste  : 
l'auteur  (ÏAymcri  de  Narbonne  mentionne  à  deux  reprises  ^ 
la  Porte  Aiguière  {Porta  Aquaria),  qui  était  sur  la  voie 
Domitienne  ;  il  dépeint  bien  le  port  de  la  cité  : 

182    D'une  part  est  la  grève  de  la  mer  ; 

D'autre  part  Aude,  qui  molt  puet  raviner, 
Qui  lor  amoine  qanqu'il  sevent  penser; 
A  granz  dromonz  que  la  font  arriver 
Font  marcheant  les  granz  avoirs  porter^. 

Narbonne  est  aussi  la  ville  de  ce  saint  Paul,  l'un  des  sept 


1.  Aymeri  de  Narbonne,  v.  502  et  v.  3683  ;  cf.  Demaison.  t.  I,  p.  clxiv, 
etKempe,  Die  Ortsnamen  des  Pliilometia,  p.  50. 

2.  L'Aude  ne  passe  plus  à  Narbonne,  mais  elle  y  a  passé  jusqu'en  lo-^O, 
date  où  le  grand  barrage  de  Sallùles-sur-Aude  a  été  emporté.  Narbonne 
ne  communique  plus  avec  la  mer  que  par  le  canal  de  la  Roubine  ;  mais 
l'un  des  bras  de  l'Aude,  rendu  navigable  par  les  Romains,  formait  un 
port,  dont  on  pouvait  encore  dire  au  xiii"  siècle  qu'il  amenait  dans  la 
ville  les  «  granz  dromonz  ».  Voyez  Demaison,  t.  I,  p.  clxiii,  et  Leuthéric, 
Les  Villes  mortes  du  golfe  da  Lion,  1871». 


LÉGENDES   DU   CYCLE   DE   GUILLAUME    D'ORANGE.  193 

premiers  évêques  des  Gaules  qui,  en  présence  de  Jésus-Christ, 
avaient  consacré  le  cimetière  des  Aliscaraps  : 

Surget  et  Paulo  speciosa  Narbo, 

dit  une  hymne  de  Prudence.  Les  chansons  de  geste  connais- 
sent son  sanctuaire,  «  une  ancienne  collégiale  située  autrefois 
en  dehors  de  Narbonne  et  renfermée  depuis  dans  son  en- 
ceinte». Dans  Aymeri  de  Narbonne,  dès  que  Charlemagne 
a  pris  Narbonne  et  qu'il  a  fait  enlever  des  «  sinagogues  »  les 
idoles  de  Mahomet,  son  premier  soin  est  d'édifier  cette  église  : 

1228    Un  biau  mostier  font  fere  et  conpaser 
Et  les  autieus  beneïr  et  sacrer, 
Puis  i  ont  fet  establir  et  poser 
Un  arcevesque,  sans  plus  de  demorer, 
Por  Damedeu  servir  et  ennorer; 
Si  i  flst  Charles  offrir  et  presanter 
Le  chief  saint  Pol,  ce  dit  en  sanz  fausser, 
Qu'il  fist  d'Espengne  avec  lui  aporter. 

Louis  Demaison^  a  montré  qu'un  ancien  nécrologe  et  un 
bréviaire  de  l'église  de  Narbonne  s'accordent  avec  la  chanson 
de  geste  pour  attribuer  à  Charlemagne  cette  fondation  et 
la  translation  des  reliques  de  saint  Paul,  —  et  que  ce  sont 
d'ailleurs  des  légendes.  C'est  à  l'église  Saint-Pol  que  les  héros 
des  Narbonnais  vont  à  maintes  reprises  faire  leurs  orai- 
sons-;  c'est  là,  dans  la  Mort  Aymeri,  que  le  vieux  comte 
est  enterré  par  ses  fils  : 

4044    Dedens  Nerbone  a  grant  procession 
Portent  la  bière  a  saint  Pol  le  baron. 

Comment  des  poètes  du  nord  de  la  France  pouvaient-ils 
connaître  ce  saint,  ce  sanctuaire,  ces  légendes?  A-t-on  réelle- 
ment montré  dans  cette  église  la  tombe  de  l'Aymeri  légen- 
daire? Presque  tous  les  titres  anciens  de  Saint-Paul  de  Nar- 
bonne ont  malheureusement  péri. 

Narbonne  est  encore  la  ville  des  Aymerides.  C'est  de  là 

1   En  so'n  édition  d' Aymeri  de  Narbonne,  I,  cliv-clx. 
2.  Les  Narbonnais,  vv.  276,  4574,  7739,  7895, 


194  JOSEPH   BEDIER. 

qu'est  sorti  tout  le  fier  lignage.  Or,  comme  l'a  depuis  long- 
temps remarqué  M.  P.  Meyer\  l'un  des  Aymerides,  Garin 
d'Anseûne,  tire  son  nom  d'une  localité  voisine  de  Narbonne. 
Mais  il  y  a  mieux.  Amseduna  était  le  nom,  maintenant  dis- 
paru depuis  des  siècles,  d'une  terre  limitée  par  les  bourgs 
actuels  de  Pouzols  et  de  Sainte-Vallière  (canton  de  Ginestas, 
Aude),  et  sise  par  conséquent  à  une  vingtaine  de  kilomètres 
au  nord-est  de  Narbonne,  à  10  kilomètres  au  nord  de  Lézi- 
gnan.  Nous  le  savons  —  et  c'est  ici  le  fait  curieux  —  par  une 
charte  de  l'an  958-,  où  l'archevêque  de  Narbonne  Aymeri 
(927-977)  fait  don  de  son  alleu  tV Amseduna  à  la  chanoinie  de 
Saint-Paul  de  Narbonne,  qui  posséda  en  effet  ces  biens  jus- 
qu'à la  Révolution.  Voilà  donc  que  les  auteurs  de  chansons  de 
geste  nous  conduisent  à  nouveau,  non  seulement  à  Narbonne, 
mais  dans  l'église  Saint-Paul  de  Narbonne.  Que  l'on  veuille 
bien  songer  à  l'insignifiance  du  lieu  dit  Amseduna  et  que 
peut-être,  dès  la  fin  du  xi^  siècle,  ce  nom,  déjà  tombé  en 
désuétude,  ne  subsistait  plus  que  dans  les  documents  de  cette 
église.  Fîit-il  encore  vivant  au  temps  de  nos  jongleurs  du  xi» 
et  du  xiie  siècle,  qui  pouvait  le  connaître  et  l'employer  à  plus 
de  10  lieues  de  distance  de  cette  bourgade?  Comment  des 
poètes  du  nord  de  la  France  ont-ils  pu  le  connaître?  et,  s'ils 
ne  l'ont  pas  appris  des  chanoines  de  la  collégiale  de  Saint- 
Paul,  par  quelle  rencontre  miraculeuse,  ayant  choisi  cette 
église  pour  y  placer  la  sépulture  du  légendaire  Aymeri,  ont-ils 
par  surcroît  baptisé  l'un  de  ses  fils  du  nom  d'une  terre  obscure 
qui  se  trouve  par  hasard  être  précisément  un  fief  de  cette 
même  église? 


1.  Romania,  t.  IV  (1875),  p.  191. 

2.  Publiée  dans  la  Gallia  christianu ,  t.  VI,  Instrumenta  ecclesiae 
Narbonensis,  n»  xviii;  cl.  t.  VI,  col.  28.  C'est  M.  l'abbé  Sabarlhès  {Etude 
sur  l'abbaye  de  Saint-Paul  de  Narbonne,  Narbonne,  189;5,  pp.  173-1)  qui 
a  déterminé,  grâce  aux  confronts  désignés  dans  l'acte  de  donation  (Pou- 
zols, Sainte- Valliére,  La  Caunette ,  etc.),  l'emplacement  à'Amsedana. 
C'est  M.  Hermann  Suchier  {Romania,  t.  XXX II,  1903,  p.  370)  qui  a  le 
premier  tiré  parti  de  cette  détermination  géographique.  (Voy.  aussi  Max 
Kempe,  Die  Orts?iamen  des  Pliilometia,  pp.  23-4). 


LEGENDES   DU   CYCLE  DE   GUILLAUME  D'ORANGE.  195 

10.  Termes. 

Au  sortir  de  Narbonne,  la  via  Tolosana,  c'est  la  route 
romaine  qui  remonte  la  vallée  de  l'Aude,  et  qui,  n'ayant  subi 
depuis  deux  mille  ans  que  des  rectifications  insignifiantes, 
concorde  à  peu  près  avec  la  route  nationale  n^  113. 

Quand  on  avance  vers  Lézignan,  l'horizon  est  bientôt  borné 
au  sud  par  la  chaîne  des  Corbières.  Si  l'on  regarde  vers  ces 
montagnes,  on  voit  au  loin  un  rocher  isolé.  Il  s'élève  à 
400  mètres  au-dessus  de  la  plaine  environnante  et  la  domine 
toute.  A  son  faîte,  un  château  fort,  fondé  dès  le  x^  siècle,  et 
qui  soutint  pendant  la  guerre  des  Albigeois  un  siège  illustre. 
C'est  Termes-en-Termenès '.  Un  des  personnages  du  Pseudo- 
Turpin"^  s'appelle  Gualterius  de  Termis.  Gautier  de  Ter-, 
mes,  appelé  aussi  Gautier  le  Tolosan,  cousin  de  Guillaume 
d'Orange,  figure  souvent  dans  les  chansons  du  cycle  narbon- 
nais '.  Guillaume  rappelle  à  Vivien  mourant  le  jour  de  joie  où 
il  l'arma  chevalier  : 

Jo  t'adubbal  a  mun  paleis,  a  Termes*... 

C'est  peut-être  Termes-en-Termenès^. 

11.  Lézignan. 

A  deux  ou  trois  kilomètres  avant  Lézignan,  la  route  tra 
verse  l'Orbieu.  C'est  dans  ces  parages  que,  en  l'an  776,  Guil- 
laume de  Toulouse  avait  combattu  les  Sarrasins.  Les  pèlerins 
du  xii^  siècle  foulaient  ici,  sans  doute  à  leur  insu,  la  même 
chaussée  romaine  que  le  sang  de  saint  Guillaume  et  de  ses 
compagnons  avait  arrosée. 

A  une  vingtaine  de  kilomètres  de  la  route  en  remontant  la 

1.  Voy.  A.  Molinier,  Géographie  du  Languedoc.  M.  Anglade,  qui  est 
de  Lézignan,  veut  bien  m'écrire  que  Termes  est  visible  de  la  route. 

2.  Ed.  Castets,  chap.  xi. 

3.  Voyez  E.  Langlois,  Table  des  noms  propres,  etc. 

4.  Cfumson  de  Guillaume,  v.  2002.  Cf.  Aliscans,  etc. 

5.  Identification  proposée  par  M.  Max  Lipke  dans  sa  dissertation  sur 
le  Moniage  Rainoart,  p.  80. 


196  JOSEPH  BÉDIER. 

vallée  de  l'Orbieu,  s'élevait  l'antique  et  riche  abbaye  de 
La  Grasse.  C'est  de  là  qu'est  sorti,  vers  1170  au  plus  tard  ^  ce 
singulier  écrit,  les  Gesla  Caroli  Magni  ad  Carcassonam  et 
Narbonam"^,  pendant  du  Pseudo-Turpin,  où  Charlemagne, 
escorté  des  douze  pairs,  combat  les  Sarrasins  de  la  région. 
Averti  par  des  signes  prodigieux,  il  fonde  une  abbaye  dans  la 
vallée  de  l'Orbieu  :  vallée  si  pauvre  qu'elle  s'était  appelée  jus- 
que-là Vallis  macra;  enrichie  de  ses  dons,  elle  mérita 
depuis  lors  de  s'appeler  Vallis  crassa,  La  Grasse.  L'abbaye 
nouvelle  devient  le  quartier-général  de  Charlemagne,  et  le 
pieux  narrateur  mêle,  avec  une  verve  d'invention  bien  méri- 
dionale, des  récits  de  miracles  et  des  récits  de  chansons  de 
geste.  Or,  on  y  voit^  Aymeri  de  Narbonne  faire  donation  à 
l'abbaye  de  riches  terres  :  m  presentia  Karoli  dédit  mo- 
nasterio  et  abbati  Borrianam  que  Jiodie  Lizinianum  voca- 
iur,  et  ces  mots,  l'auteur  les  emprunte  à  un  diplôme,  daté 
de  806,  où  Charlemagne  donne  au  monastère  de  La  Grasse 
va'llem  Borrianam  quae  tune  Lizinianus  aiW^Uata,  in  comi- 
iaiu  Narbonensi  ' .  D'autre  part,  plusieurs  chansons  de  geste 
connaissent  une  terre  de  Buriene^,  possédée  parles  Sarra- 
sins, et  cette  ien^e  de  Buriene  est,  dans  le  Covenant  Vi- 
vien'', la  résidence  du  roi  païen  Borrel,  illustre  dans  les 
poèmes  du  cycle  narbonnais.  Dès  le  temps  de  Charlemagne, 
Lézignan  ne  s'appelait  plus  dans  l'usage  que  Lézignan.  Si  l'on 
admet  que  la  terre  de  Buriene  est  la  vallis  Borriana, 
comme  ce  nom  ne  peut  provenir  que  du  document  de  806  con- 
servé à  La  Grasse ',  on  surprend  ici  des  jongleurs  en  train  de 
se  renseigner  auprès  des  moines  de  La  Grasse. 


1.  Voyez  une  curieuse  étude  de  M.  Israël  Levi  dans  la  Revue  des  études 
juives,  t.  XL VI 11  (1904),  p.  2U-24. 

2.  Ed.  F.  Ed.  Schneegans,  1898  {Romanische  Bibliothek,  n"  15). 

3.  P.  198. 

4.  Voy.  Ed.  Scheneegans,  Die  Quellen  des  sogenaunten  Pseudo-Philo- 
mena,  Strasbourg,  1891,  p.  19. 

5.  Voyez  Max  Lipke,  ouvr.  cité,  p.  61. 

6.  V.  182. 

7.  A  moins  qu'on  ne  suppose  que  des  «  cantilènes  »  du  viii°  siècle 
l'aient  transmis  aux  jongleurs  du  xw. 


LÉGENDES   DU   CYCLE    DE   GUILLAUME   D'ORANGE.  197 

Si  l'on  rejette  celte  identification  de  Buriene  a.  Borriana', 
il  reste  que  les  Gesta  Caroli  introduisent  parmi  les  compa- 
gnons de  Charlemagne  cinq  des  héros  de  la  geste  narbonnaise  : 
Aymeri  de  Narbonne,  père  de  Guillaume,  Ernaut  de  Beau- 
lande,  son  grand-père,  Girart  de  Viane,  Renier  de  Losane, 
Milon  de  Fouille,  ses  oncles-.  La  Grasse  n'est  pas  sur  la  route 
de  nos  pèlerins  :  mais  Lézignan,  dépendance  du  monastère  de 
La  Grasse,  était  une  de  leurs  étapes.  Il  reste  que  les  moines 
de  La  Grasse,  pour  glorifier  leur  sanctuaire,  recourent  aux 
mêmes  procédés  que  les  moines  de  Saint-Guilhem  et  les  moi- 
nes de  Lérins. 


12.  Martres- Tolosanes. 

Je  ne  retrouve  aucune  de  nos  légendes  à  Carcassonne  •''  ni  a 
Toulouse,  et  Martres-Tolosanes  sera  notre  dernière  étape. 

Martres-Tolosane'',  qui  fut  à  l'époque  romaine  une  ville 
d'importance  ^  et  qui  n'est  plus  qu'une  bourgade,  a  pour 
patron  un  saint,  inconnu  des  grands  calendriers,  saint  Vidian. 
Chaque  année,  une  fête  villageoise  commémore  son  martyre, 
car  on  raconte  qu'il  fut  tué  là,  au  temps  jadis,  par  les  Sarra- 
sins, sous  un  arbre,  près  d'une  fontaine.  Le  bourg  et  son  saint 
seraient  aujourd'hui  sans  gloire  si,  en  1885,  M.  Antoine  ïho- 


1.  Proposée  d'abord  par  M.  H.  Suchier,  Les  Narbonnais,  t.  I,  p.  lxxx. 
Cf.  Kempe,  Die  Ortsnamen  des  Philomena,  p.  27.  Entre  autres  doutes, 
il  convient  de  marquer  que  A.  Duchesne,  copiant  l'acte  de  806,  hésite 
entre  les  deux  lectures  Borianam  et  Boriacam  (Bibl.  nat.,  collection 
Duchesne,  t.  72,  f°  91). 

2.  Ed.  Schneegans,  p.  150  et  Table  des  noms  propres. 

3.  Je  rappelle  en  passant  cette  légende  carolingienne  :  «  Charlemagne 
tint  plus  de  sept  ans,  à  ce  qu'on  dit,  Carcassonne  assiégée,  sans  pouvoir 
la  conquérir  ni  hiver,  ni  été.  Les  tours  s'inclinèrent  quand  il  s'en  fut 
allé,  de  façon  qu'ensuite  il  la  prit  quand  il  fut  retourné.  Si  la  geste  ne 
ment,  ce  fut  vérité,  car  autrement  il  ne  l'aurait  pas  prise.  »  {Chanson 
des  Albigeois,  édition  et  traduction  P.  Meyer,  strophe  XXIV). 

•1.  Arrondissement  de  Muret,  canton  de  Gazères. 

5.  C'est  la  ville  du  monde  (après  Rome)  où  l'on  a  retrouvé  le  plus  de 
bustes  romains.  Voyez  Léon  Joulin,  Les  établissements  gallo-romains 
de  la  plaine  de  Martres-Tolosane  (Comptes  rendus  de  l'Académie  des 
Inscriptions,  189'J,  pp.  596-601). 


1Ô8  JOSEf>H   BÉDIER. 

mas  n'avait  assisté  à  cette  fête  patronale  et  n'y  avait  trouvé 
l'occasion  d'une  savante  et  ingénieuse  étude*. 

Tous  les  ans  donc,  le  dimanche  de  la  Trinité,  les  jeunes 
gens  du  bourg  se  costument  les  uns  en  Sarrasins  :  turban  blanc 
et  rouge  à  ganses  d'argent,  plastron  vert  orné  d'un  croissant 
rouge,  ceinture  de  soie  écarlate  et  pantalon  bleu  à  bouffantes  ; 
les  autres,  les  chevaliers  chrétiens,  portent  la  cuirasse  et  le 
casque  chargé  d'une  croix  d'argent  sur  le  timbre.  Tous  sont 
armés  de  lances  et  chaque  camp  a  son  étendard  :  c'est,  pour 
les  chrétiens,  une  bannière  bleue  ornée  de  l'image  de  saint 
Vidian,  pour  les  Maures  un  drapeau  mi -parti  de  vert  et 
d'orangé  avec  des  croissants  argentés.  Ils  assistent  tous  à  la 
grand'messe,  chrétiens  et  mécréants,  fort  dévotement,  puis  ils 
escortent  le  clergé  qui,  chantant  l'hymne  de  saint  Vidian, 
porte  son  buste  en  bois  doré.  La  procession  s'achemine  vers  la 
fontaine  miraculeuse  où  il  mourut.  «  Pendant  cette  marche 
solennelle,  les  bonnes  âmes  voient  perler  des  gouttes  de  sueur 
sur  le  buste  doré  du  martyr.  Parvenu  sous  les  ombrages  de  la 
source,  le  célébrant  y  lave  l'image  du  chevalier  en  mémoire 
de  ses  blessures,  et  les  deux  armées  se  déploient  face  à  face 
dans  un  champ  dont  on  a  loué  la  récolte  pour  l'année.  Aussitôt 
commencent  des  évolutions  guerrières  :  les  flammes  rouges, 
noires,  blanches  et  bleues  flottent  au  vent,  les  cuirasses  etin- 
cellent,  les  vestes  orange,  les  turbans  rouges  resplendissent 
dans  la  verdure,  et  les  chevaux  de  ferme,  affranchis  pour  un 
jour  de  leurs  serviles  corvées,  représentent  du  mieux  qu'ils 
peuvent  les  fines  montures  des  infidèles  et  les  destriers  des 
paladins... 2  » 

Ce  tournoi  rustique,  qui  se  termine,  comme  il  sied,  par  la 
capture  du  drapeau  des  Maures,  est  un  souvenir,  le  dernier 
sans  doute  qui  survive  dans  les  traditions  populaires,  de  nos 
héros  narbonnais,  car  la  légende  de  saint  Vidian  n'est  autre 
que  celle  de  Vivien. 

1.  Mvie)i  d'Aliscans  et  la  Uhjende  de  sai?it  VidicDi  dans  les  Ktndes 
romanes  dédiées  à  G.  Paris,  ISyi,  p.  r^l-l;J'».  (Cf.  G.  Paris  dans  la 
Roma)iia,  t,  XXII,  18Sio,  pp.  142-5.) 

2.  D'après  une  description  de  J\I.  Ernest  Koscliach  {Foix  et  Commin- 
ges,  18G.i),  citée  par  M.  A.  Thomas. 


LÉGENDES  DU   CYCLE  DE   GUILLAUME   d'ORANGE.  199 

Pour  la  résumer  ea  quelques  mois,  d'après  l'office  du  saint, 
le  père  de  Vidian  est  prisonnier  des  Sarrasins  dans  une  ville 
de  Galice,  qui  s'appelait  jadis  Lucerna  (c'est  la  Luiserne 
sor  mer  des  chansons  de  geste)  '.  Pour  sa  rançon,  les  Sarra- 
sins exigent  qu'il  leur  livre  Vidian.  L'enfant  est  livré,  mais  il 
n'est  pas  mis  à  mort;  il  est  vendu  à  une  marchande,  qui 
l'élève  comme  son  fils  adoptif.  Venu  à  l'âge  d'homme,  il  dé- 
barque à  Lucerna  et  la  détruit.  —  Plus  tard,  les  Sarrasins 
ayant  envahi  le  midi  de  la  France,  Vidian  leur  livre  bataille 
et  les  poursuit  jusqu'à  un  endroit  qui  dicilur  Al  Campestres, 
in  epîscopaius  qui  dicilw  hodie  Convenarum  "  (et  cet  al 
Campestres  semble  modelé  sur  Larchant  ou  les  Archanz). 
Mais,  blessé,  Vidian  descend  de  cheval  à  Martres,  près  d'une 
fontaine,  pour  étancher  le  sang  qui  coule  de  sa  plaie.  Il  y  est 
immolé  par  les  Sarrasins.  Les  pierres  qui  entourent  cette  fon- 
taine sont  encore  rouges  aujourd'hui,  par  un  miracle  de 
Dieu. 

On  a  reconnu  les  données  de  deux  chansons  de  geste  :  les 
Enfances  Vivien  et  Aliscans. 

L'important  est  de  déterminer  vers  quelle  époque  on  a  extrait 
de  ces  chansons  de  geste  un  office  de  saint.  M.  Antoine 
Thomas  n'avait  trouvé  la  vie  de  saint  Vidian  racontée  que 
sous  deux  formes  récentes  :  celle  d'un  récit  édifiant  dans 
une  plaquette  datée  de  1769  et  sous  la  forme  d'un  office  dans 
un  Propre  des  saints  du  diocèse  de  Rieux  publié  en  1764,  et 
il  admettait,  sans  se  l'expliquer,  «  que  c'est  sans  doute  aux 
environs  de  1764  qu'on  a  imaginé  d'adapter  au  patron  de 
Martres-Tolosane,  qui  n'avait  pour  ainsi  dire  point  d'his- 
toire, l'histoire  légendaire  des  exploits  de  Vivien,  neveu  de 
Guillaume  d'Orange  ».  Mais  M.  Louis  Saltel^  a  retrouvé  de- 


1.  La  version  en  prose  des  Enfances  Vivien  (éd.  Wahlund,  p.  271) 
place,  elle  aussi,  entre  autres  textes,  Luiserne  en  Galice  :  «  Le  grant  che- 
min de  saint  Jacques  chevauchent  les  granz  ostz  de  France  et  tant  vont 
que  il  voient  Luiserne  a  senestre  main  ». 

2.  Comminges. 

3.  Saint  Vidian  de  Marlres-Tolosanes  et  la  légende  de  Vivien  dans 
les  chansons  de  geste  dans  le  Bulletin  de  littérature  ecclésiastique 
publié  par  l'Institut  catholique  de  Toulouse,  Paris,  lUOâ,  pp.  37-56. 


200  JOSEPH    BÉDI12R. 

puis,  dans  les  portefeuilles  des  Bénédiclins  conservés  aujour- 
d'hui à  la  Bibliothèque  nationale,  un  texte  plus  ancien  de 
l'offlce  de  notre  saint.  Celte  copie  date  de  1635.  et  M.  Saltet 
montre,  par  plusieurs  remarques  excellentes,  que  le  manu- 
scrit sur  lequel  elle  a  été  pri^e  devait  remonter  au  xv«  siècle. 
L'original  lui-même  pouvait  être  d'une  plus  haute  époque. 
J'ajoute  que  cet  office  ne  devait  pas  être  le  plus  ancien  :  dans 
la  plaquette  de  1769,  la  mère  de  Vidian  est  appelée  Siace,  et 
c'est  VUislace  de  la  chanson  de  geste.  Ce  trait  manque  au 
texte  copié  en  1635,  et  pourtant  il  va  de  soi  qu'il  devait  se 
trouver  dans  la  forme  primitive  de  l'office.  D'autre  part,  une 
charte  mise  en  lumière  par  M.  Ant.  Thomas',  et  «  qui  doit  être 
des  premières  années  du  xii®  siècle  »,  montre  que  dès  cette 
époque  on  gardait  dans  l'église  de  Martres-Tolosanes,  alors 
sous  le  vocable  de  Notre-Dame,  le  corps  de  saint  Vidian 2.  Il 
me  semble  donc  probable  que  le  Vivien  épique  a  commence 
d'être  honoré  à  Martres  dans  le  même  temps  où  d'autres  sanc- 
tuaires se  mirent  à  vénérer  d'autres  héros  uarbonnais.  Comme 
sept  villes  se  disputaient  l'honneur  d'avoir  donné  le  jour  à 
Homère,  deux  églises,  Saint-Honorat  des  Aliscamps  et  Notre- 
Dame  de  Martres  se  seront  disputé  les  reliques  de  Vivien. 

Or,  Martres-Tolosane  se  trouve  en  plein  sur  la  voie  ro- 
maine qui  suit  la  vallée  de  la  Garonne^  et  qui  conduisait  de 
Toulouse  vers  Dax  les  pèlerins  de  Saint-Jacques. 


CONCLUSION. 

Je  n'ai  admis  dans  cette  série  que  les  rapprochements  re- 
cueillis à  même  la  route,  sans  me  permettre  de  m'écarter  de 
la  voie  suivie  par  les  pèlerins,  fîit-ce  d'une  lieue  à  gauche  ou 


1.  P.  134. 

2.  La  forme  populaire  de  son  nom  est  ici,  comme  à  Arles,  Vezian,  Ve- 
zian  (cf.  Thomas,  pp.  I80  et  131). 

3.  Voyez  E.  Desjardins  et  Aug.  Loiignon,  Oéognqjliie  de  la  Gaule  ro- 
maine, t.  IV,  p.  07,  et  lu  carte  de  l'état-major  au  ^-J^oô  (Saint-Gaudens, 
N.-E.). 


LÉGENDES  DU  CYCLE  DE  GUILLAUME  D'ORANGE.     201 

à  droite.  Peut-être  eût -il  été  légitime  d'être  moins  rigoureux. 
Certes,  les  pèlerins  de  Saint-Jacques  avaient  un  trop  long 
voyage  à  faire  pour  se  permettre  d'autres  détours  que  ceux 
que  le  Guide  prévoit.  Mais  certains  n'allaient  pas  plus  loin 
que  Notre-Dame-du-Puy,  certains  s'arrêtaient  à  Saint-Gilles. 
D'autre  part,  si  les  pèlerins  suivaient  nécessairement  la  voie 
!a  plus  courte,  les  jongleurs,  qui  les  attendaient  autour  des 
principaux  sanctuaires,  plus  ou  moins  nomades,  plus  ou 
moins  acclimatés  dans  telle  ou  telle  région,  pouvaient  «  rayon- 
ner »,  exploiter  à  l'occasion  d'autres  tronçons  de  routes.  Par 
exemple,  on  pourrait  admettre  que  des  jongleurs  campés  à 
Narbonne  auraient  exploité  la  partie  de  la  voie  Domitienne 
qui,  partant  de  Narbonne,  traverse  les  Pyrénées  au  col  du 
Pertiius,  entre  en  Catalogne  pour  aller  à  Gérone  et  Barcelone. 
On  obtiendrait  ainsi  quelques  rapports  de  plus  entre  nos  poè- 
mes et  les  voies  romaines.  On  s'expliquerait  mieux  que  l'un 
des  fils  d'Aymeri  de  Narbonne  soit  appelé  Ernaut  do  Gironde, 
c'est-à-dire  de  Gérone,  et  que  l'église  de  Gérone  ait  possédé  un 
office  de  saint  Charlemagne  fondé  sur  des  chansons  de  geste 
françaises. 

Mais  je  veux  m'en  tenir  à  ce  qui  est  assuré,  au  fait  que,  si 
nous  restons  sur  la  grande  route  de  Saint-Jacques  et  sur  la 
chaussée  même,  sans  nous  eu  écarter  jamais,  nous  y  trouvons 
localisées  un  nombre  respectable  de  chansons  d'un  même  cycle, 
et  que,  dans  trois  grands  sanctuaires  au  moins,  les  chanoines 
de  Saint-Julien  de  Brioude,  les  moines  de  Saint-Honorat  des 
Aliscamps,  et  ceux  de  Saint-Guilhem-du-Désert  ont  collaboré 
avec  les  jongleurs  pour  exalter  la  gloire  des  héros  narbonnais. 

Je  ne  crois  pas  avoir  forcé  les  faits  que  j'ai  groupés.  Ce  qui 
m'en  donne  la  confiance,  c'est  que,  pour  la  plupart,  ils  ont 
été  établis  par  d'autres  que  moi.  Avant  moi,  M.  P.  Meyer  a 
remarqué  que  Garin  d'Anseûne  tire  son  nom  d'une  localité 
voisine  de  Narbonne;  avant  moi,  M.  H.  Suchier  a  identifié  la 
terre  de  Buriene  avec  Lézignan;  avant  moi,  M.  L.  Saltet  a 
remarqué  que  Martres- Tolosanes  se  trouve  sur  l'une  des 
routes  qui  menaient  à  Saint-Jacques;  avant  moi,  M.  A.  Jean- 
roy  et  M.  Ph.-A.  Becker  ont  dit  que  certaines  relations  de 

ANNALES   DU    MIDI.   —    XIX  14 


202  JOSEPH    BÉDIER. 

nos  poèmes  avec  Brioude  et  Gellone  devaient  provenir  du  pas- 
sage par  ces  lieux  d'un  jongleur-pèlerin;  avant  moi,  M.  Fer- 
dinand Lot  a  noté  que  la  Tombe  Isoré  se  trouve  sur  le  chemin 
de  Saint- Jacques,  etc. 

Pour  moi,  je  me  suis  borné  à  repérer  sur  la  carte  les  indi- 
cations géographiques  fournies  par  nos  chansons  et  remar- 
quées par  mes  devanciers;  et,  a^'ant  marqué  ces  points,  à  les 
relier  par  une  ligne  continue  :  cette  ligne  continue  s'est  trou- 
vée reproduire  le  système  des  voies  de  communication  que  le 
Guide  de  Saint-Jacques  de  Galice  appelle  la  via  Tolosana. 

Ayant  tracé  cette  ligne,  toute  mon  originalité  (ou  peut-être 
toute  ma  chimère)  se  réduit  à  dire  :  ce  qui  a  établi  ces  con- 
cordances entre  nos  poèmes  et  cette  voie  de  pèlerinage,  ce 
n'est  pas  l'accident,  le  simple  hasard,  ^qui  aura  mené  par  là 
un  ou  deux,  jongleurs  vagabonds  du  nord  de  la  France;  ce  ne 
sont  pas  des  récits  de  pèlerins  isolés  qui  ont  enrichi  de  quel- 
ques épisodes  accessoires,  de  quelques  motifs  d'ornement  des 
épopées  qui  s'étaient  formées  ailleurs  et  autrement;  ces  rela- 
tions sont  plus  intimes  et  plus  profondes. 

Sans  doute,  on  peut  trouver  trop  restreint  le  nombre  des 
rapprochements  que  j'ai  proposés  entre  nos  légendes  et  cette 
voie  de  pèlerinage.  Mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  les  chansons 
du  cycle  narbonnais,  en  l'état  où  nous  les  avons,  sont  des 
remaniements  de  romans  déjà  remaniés  ;  qu'elles  ont  beau- 
coup erré  à  travers  les  provinces  de  la  France,  en  Picardie, 
en  Champagne,  voire  en  Angleterre,  bien  loin  des  routes  de 
Saint-Jacques  ;  que  Guillaume  d'Orange  a  été  célébré  dans 
tous  les  châteaux  et  dans  toutes  les  foires  : 

Tel  cent  en  chantent  par  les  amples  régnez*  ! 

il  ne  faut  pas  oublier  que  ces  chansons  ont  été  appropriées 
aux  publics  les  plus  divers,  et  que,  par  suite,  les  traces  de 
leur  destination  primitive  ne  peuvent  subsister  dans  ces  re- 


1.  Moniage  GiiUlaitme,  cite  par  C.  Ilofniaiin,  Ucber  ein  Fragment 
des  Guillaume  d'Orange,  p.  50. 


LÉGENDES   DU   CYCLE  DE  GUILLAUME  d'ORANGE.  203 

nouvellements  qu'à  l'état  de  survivances  presque  incompri- 
ses. Par  exemple,  si  quelque  chose  est  certain,  c'est  que  le 
sanctuaire  de  Saint-Julien  de  Brioude  a  contribué  à  la  propa- 
gation de  nos  légendes,  à  telles  enseignes  que  saint  Guillaume 
de  Gellone  est  entré  dans  le  martyrologe  de  cette  église;  pour- 
tant, chez  les  remanieurs,  qui  avaient  perdu  tout  contact  avec 
la  voie  Regordane,  Brioude  n'est-il  pas  devenu  un  port  de 
mer,  où  aborde  une  flotte  sarrasine?  Le  nom  vénérable 
d'Aniane  n'a-t-il  pas  failli  disparaître  tout  à  fait  de  nos  poè- 
mes rajeunis,  altéré  qu'il  fut  de  maintes  façons,  jusqu'à  devenir 
Gênes-sur- mer?  Par  ces  indices,  on  peut  juger  combien  de  rap- 
ports anciens  entre  la  via  Tolosana  et  nos  chansons  de  geste 
ont  pu  être  effacés  d'un  trait  de  plume  par  des  remanieurs  qui 
n'en  comprenaient  plus  l'intérêt.  Ce  qui  doit  surprendre,  en 
vérité,  ce  n'est  pas  dans  ces  renouvellements  la  rareté  des 
souvenirs  de  la  via  Tolosana,  c'en  est  plutôt  la  fréquence. 

Tels  qu'ils  sont,  ces  rapprochements  dissolvent,  semble-t-il, 
plus  d'un  mystère.  Jusqu'ici,  comment  pouvait-on  expliquer 
que  deux  de  nos  chansons  de  geste  fussent  exploitées  dans 
une  bourgade  de  l'arrondissement  de  Muret,  à  Martres- 
Tolosanes?  et  que  d'autres  fussent  localisées  en  Auvergne, 
à  Brioude?  Pour  Brioude,  on  en  proposait  une  explication 
hypothétique;  pour  Martres -Tolosanes,  on  ne  l'expliquait 
pas;  c'était  l'inexplicable.  Pour  nous,  il  nous  suffit  de  remar- 
quer que  cette  bourgade  et  cette  ville  sont  situées  sur  un 
même  ruban  de  route,  et  que  cette  route,  entre  Brioude  et 
Martres,  les  chansons  de  geste  du  cycle  narbonnais  la  jalon- 
nent comme  des  bornes  milliaires. 

Cette  route,  des  troupes  considérables  de  pèlerins  la  battaient 
au  xi«  et  au  xii^  siècles  :  c'est  l'époque  des  premières  croisades, 
et  ils  sont  remplis  de  l'esprit  de  ces  temps  aventureux.  Dans 
toutes  les  villes  du  Midi  qu'ils  traversent,  on  leur  montre  des 
ruines  faites,  leur  dit-on,  par  les  Sarrasins.  La  terre  d'Espa- 
gne vers  laquelle  ils  s'acheminent  est  encore  en  grande  partie 
occupée  par  les  Musulmans.  Sur  leur  route  se  dresse  un  sanc- 
tuaire, Gellone,  où  repose  le  corps  de  Guillaume,  jadis  ennemi 
glorieux  de  ces  Musulmans.  Ne  serait-ce  pas  là,  de  l'excitation 


204  JOSEPH   BÉDIER. 

religieuse  et  guerrière  de  ces  pèlerins,  de  l'esprit  des  croisa- 
des, des  offices  liturgiques  où  l'on  célébrait  la  gloire  du  saint 
athlète  de  Dieu,  des  prières  sur  son  tombeau,  que  serait  née 
la  légende  de  Guillaume?  Ces  fictions  embryonnaires,  les  moi- 
nes de  diverses  églises  intéressées  à  retenir  les  pèlerins  et  à 
les  édifier,  les  jongleurs  nomades  sûrs  de  trouver  aux  abords 
de  ces  églises  le  public  forain  et  souvent  renouvelé  qui  les 
faisait  vivre,  les  ont  développées. 

Entre  les  faits  dont  cette  explication  rendrait  compte,  on 
peut  signaler  en  passant  ceux  que  Fauriel  avait  jadis  recueil- 
lis et  qui  ont  soutenu  un  temps  sa  théorie  de  l'origine  proven- 
çale de  l'épopée.  Cette  théorie  est  à  peu  près  abandonnée  de 
tous  aujourd'hui,  et  à  bon  droit;  pourtant,  quand  on  a  accu- 
mulé contre  elle  les  arguments  qui  la  dissolvent^  il  subsiste 
en  sa  faveur  un  résidu  de  faits.  Par  exemple,  s'il  n'a  jamais 
existé  une  épopée  provençale,  pourquoi  les  paysages  des  chan- 
sons de  geste  françaises  sont-ils  parsemés  d'oliviers?  Ce  n'est 
qu'une  formule  épique,  sans  doute,  et  nos  chansons  font  croî- 
tre des  oliviers  à  Laon  et  à  Paris;  mais  d'où  vient  cette  for- 
mule, s'il  n'a  jamais  existé  d'épopée  provençale  ?  et  encore, 
d'où  viennent  ces  formes  provençales,  Naimeri.  Naimer. 
Vivian?  et,  si  l'épopée  provençale  est  un  mythe  d'érudits, 
pourquoi  l'épopée  française  s'est-elle  passionnée  pour  le  sort 
de  villes  méridionales,  de  la  Provence,  de  la  Septimanie  et  du 
Languedoc?  Noire  explication  répond  à  ces  questions,  sans 
que  j'aie  même  besoin  d'exprimer  la  .réponse  qu'elle  leur  fait. 

Cette  explication  ne  peut  prendre  corps,  je  le  sais,  qu'à  une 
condition  :  c'est  qu'il  soit  établi,  comme  l'a  excellemment  sou- 
tenu M.  Ph.-Aug.  Becker  contre  tous  ses  devanciers,  que  nous 
n'avons  nulle  raison  de  croire  à  l'existence  de  «  cantilènes  » 
ou  de  «  récits  épiques  »,  directement  issus  des  événements,  et 
qui  auraient  célébré  Guillaume  de  Toulouse  au  viii"  ou  au 
ix«  siècle,  de  son  vivant  même  ou  à  une  époque  voisine  de  sa 
mort.  Il  convient,  en  outre,  de  montrer  que  la  figure  du  Guil- 
laume épique  ne  se  compose  pas  de  traits  empruntés  à  douze 
personnages  historiques  du  nom  de  Guillaume,  ni  à  cinq,  ni  à 
deux,  mais  au  seul  Guillaume  de  Toulouse  et  de  Gellone.  C'est 


LÉGENDES   DU   CYCLE   DE   GUILLAUME  d'ORANGE.  205 

cette  double  thèse  que  je  m'efforcerai  bientôt  de  sou  tenir  ^ 
D'autre  part,  il  y  a,  semble-t-il,  un  moyen  siir  de  vérifier  si 
rétude  qui  précède  a  quelque  portée,  ou  si  ces  concordances 
entre  certaines  légendes  de  l'épopée  carolingienne  et  une  cer- 
taine voie  de  pèlerinage  ne  sont  que  des  faits  curieux,  mais 
fortuits  et  négligeables.  Fortuits  et  négligeables,  ils  resteront 
confinés  sur  cette  route,  seuls  de  leur  ordre.  Mais  d'autres 
routes  conduisaient  au  moyen  âge  d'autres  pèlerins  vers  d'au- 
tres sanctuaires  :  vers  Aix-la-Chapelle,  Cologne  et  Dortmund  ; 
vers  Saint-Jacques  de  Galice  par  Blaye,  Bordeaux  et  Ronce- 
vaux;  —  vers  Saint-Pierre  de  Rome  et  les  ports  d'embarque- 
ment pour  le  Saint-Sépulcre;  —  des  fêtes  religieuses  et  des 
foires  attiraient  des  pèlerins  et  des  marchands  vers  les  ab- 
bayes de  Vézelay,  de  Saint-Denis,  de  Meaux,  de  Saint-Riquler, 
de  Fécamp,  etc.  Il  faudra  regarder  sur  ces  routes,  aux  abords 
de  ces  monastères. 

Joseph  DÉDIER. 

1.  Ea  un  voUime  sur  la  légende  de  Guillaume  d'Orange  que  publiera 
ette  année  même  la  librairie  Honoré  Champion. 


JjTJS 


CONVULSIONNAIRES  DE  PIGNANS' 


Pigaans,  aujourd'hui  village  du  Var,  sans  importance,  a  eu 
son  temps  de  célébrité  au  xyiii»  siècle.  Centre  du  jansénisme 
en  Provence,  cette  modeste  localité  fut  pendant  plusieurs 
années  un  sujet  d'inquiétude  pour  l'Église  et  pour-  le  gouver- 
nement d'alors.  Son  nom  se  trouve  souvent  cité  dans  la  cor- 
respondance de  gouverneurs,  d'intendants,  de  magistrats  et 
d'évêques;  les  ministres  eux-mêmes  s'en  émeuvent;  le  car- 
dinal de  Fleury  écrit  plusieurs  lettres  sur  les  affaires  reli- 
gieuses de  Pignans, 

En  1736,  un  événement  extraordinaire  vint  attirer  l'atten- 
tion de  tous  sur  la  petite  ville  hérétique.  Plusieurs  mémoires 
de  témoins  oculaires  racontent  avec  abondance  de  détails  le 
fait  dont  voici  le  récit  exact. 

Le  16  aoiÀt  1736,  —  un  rapport  donne  à  tort  la  date  du 
16  septembre,  —  à  huit  heures  du  soir,  arrivent  deux  gen- 
tilshommes dans  une  chaise  de  poste  à  deux  roues,  dont  le 
caisson  porte  par  derrière  des  armes  à  deux  trèfles  d'or  sup- 
portés par  des  perroquets  et  que  surmonte  une  couronne  de 
comte.  Un  autre  gentilhomme  et  deux  valets  accompagnent 
la  voiture  à  cheval. 

1.  J3'après  un  dossier  des  Archives  des  Bouches-du-Rhônc,  série  C 
(Intendance  de  Provence),  n»  2296. 

Nous  devons  des  remerciements  au  savant  archiviste  départemental 
adjoint  des  Bouches-du-Rhône,  M.  J.  Fournier,  qui  a  signalé  à  notre 
attention  cet  intéressant  dossier. 


LES   CONVULSIONNAIRES   DE   PIGNANS.  207 

Uq  assez  grand  nombre  de  Pignanais  et  de  gens  des  locali- 
tés voisines  escortent  ces  étrangers  avec  beaucoup  d'empres- 
sement et  de  respect.  La  plupart  sont  allés  à  leur  rencontre  à 
quelques  kilomètres.  Certains  les  suivent  depuis  Cuers,  Bri- 
gnoles  et  même  Toulon.  La  population  est  d'autant  plus 
intriguée  par  l'arrivée  de  ces  nouveaux  venus  qu'un  plus 
grand  mystère  les  entoure.  A  peine  entrés  dans  la  ville,  ils 
s'enferment  dans  la  maison  d'un  sieur  Boyer,  dont  portes  et 
fenêtres  restent  closes.  Seul  l'hôte  du  logis  Lecoq,  le  père 
Lanton,  y  pénètre,  chargé  de  mets  succulents. 

La  curiosité  mise  en  éveil  trouve  un  aliment,  dès  le  lende- 
main, dans  les  bruits  que  colportent  les  voisins  de  l'habita- 
tion suspecte. 

Des  assemblées  religieuses,  disent-ils,  se  tienneat  plusieurs 
f(\is  par  jour  chez  les  Boyer,  et  on  y  pousse,  par  intervalle, 
des  cris  sauvages  dont  ils  sont  épouvantés. 

M.  du  Puget  de  La  Rivière,  en  magistrat  avisé,  fait  une 
enquête  personnelle  dont  il  communique  aussitôt  les  résultats 
au  premier  intendant,  M.  de  La  Tour  :  «  Le  20  courant, 
écrit-il,  on  vint  me  dire  sur  les  deux  heures  de  l'après-midi 
que  l'assemblée  était  convoquée  et  qu'on  allait  y  faire  les 
mêmes  prédications  et  cérémonies  que  les  jours  précédents. 

Voici  ce  que  j'entendis  Sv^  passer  dans  la  salle  basse  de  la 
maison  Boyer  qui  donne  sur  le  jardin  et  dont  toutes  les  issues 
étaient  hermétiquement  closes.  J'ouïs  faire  la  lecture  de 
l'Ecriture  sainte  par  versets  et  fort  posément.  Puis  après,  ce 
furent  des  hurlements  et  des  cris  effroyables,  tels  que  ceux  de 
quelqu'un  qu'on  assassine. 

Le  même  homme  qui  poussait  ces  beuglements  criait  par 
intervalles  à  gorge  déployée,  d'un  ton  lugubre  :  «  Frappez, 
frappez,  grand  Dieu,  venez,  la  mesure  est  pleine,  allons,  sor- 
tons. »  Ces  mots  étaient  accompagnés  de  tant  de  soupirs,  de 
gémissements  et  de  grincements  de  dents  que  de  ma  vie  je 
n'ai  rien  entendu  de  semblable. 

La  lecture  recommença,  suivie  bientôt  d'un  grand  silence 
qu'interrompit  un  bruit  pareil  à  celui  que  ferait  la  chute  d'un 
homme  en  tombant  sur  le  plancher  de  4  à  5  pieds  de  hauteur. 


208  G.    ARNAUD   D'AGNEL. 

Puis,  nouvelle  reprise  de  la  lecture  et  nouvelle  vocifération. 
La  voix  devenait  si  aiguë,  si  déchirante,  qu'il  était  impossible 
de  ne  pas  y  voir  la  manifestation  d'une  douleur  réelle.  » 

M.  du  Puget  de  La  Rivière  attendait,  anxieux,  le  dénoue- 
ment d'une  scène  si  curieuse,  quaud  il  fut  surpris  à  son  poste 
d'observation  par  l'un  des  sectateurs  les  plus  ardents,  le  sieur 
Brun.  Les  membres  de  la  réunion,  aussitôt  avertis,  placèrent 
près  de  la  cachette  où  le  magistrat  se  tenait  blotti  une  femme 
qui  fit  un  tel  vacarme,  en  battant  des  pierres  dans  un  mor- 
tier, qu'il  ne  put  plus  rien  entendre. 

Du  17  au  22  août  des  scènes  semblables  à  celle  qui  vient 
d'être  décrite  se  renouvellent  au  moins  deux  ou  trois  fois  par 
jour.  Elles  duraient  en  moyenne  deux  heures  et  avaient  lieu 
le  plus  souvent  l'après-midi,  de  deux  à  huit  heures,  et  le  soir, 
de  huit  à  dix  heures. 

Non  contents  de  ces  excentricités  à  huis  clos,  les  mysté- 
rieux étrangers  se  livrèrent  en  public  à  toutes  sortes  d'extra- 
vagances. Ils  sortaient  en  courant,  les  yeux  hagards,  à  tra- 
vers la  campagne  et  en  se  tenant  plusieurs  par  la  main  : 
c'étaient  de  démoniaques  farandoles!  Ces  énergumènes  arrê- 
taient les  passants  pour  leur  reprocher  durement  l'immoralité 
de  leur  conduite.  Ils  les  menaçaient  de  la  colère  du  ciel.  Plus 
les  gens  étaient  timides  et  naïfs,  plus  ils  étaient  jugés  sévè- 
rement et  impitoyablement  condamnés. 

D'autres  fois,  on  vit  ces  mêmes  personnages  et  leur  cor- 
tège d'admirateurs  se  rendre  d'une  allure  désordonnée  dans 
un  lieu  désert,  rocailleux  et  couvert  de  buissons,  où  le  chef  de 
la  bande  se  roula  furieusement  sur  les  ronces  et  les  pierres  en 
criant  à  tue  tête  :  «  C'est  ainsi,  Seigneur,  que  vous  ferez 
marcher  mes  enfants  au  milieu  des  épines  et  à  travers  les 
glaives  de  leurs  ennemis!  » 

Un  matin,  ces  forcenés  et  leur  suite  habituelle  firent  sou- 
dainement irruption  dans  le  couvent  des  Observantins.  Après 
avoir  dilïamé  les  religieuses  avec  véhémence  dans  les  cou- 
loirs du  monastère,  ils  continuèrent  leurs  discours  échevelés 
jusque  dans  la  chapelle.  L'un  d'eux  s'assit  dans  un  confession- 
nal, et  déclama  longuement  contre  les  confesseurs  et  les  abus 


LES   CONVULSIONNAIRES    DE   PIGNANS.  209 

(lu  sacrement  de  pénitence.  Etant  ensuite  monté  sur  l'autel, 
il  condamna  hautement  l'usage  indigne  et  criminel  que  les 
prêtres  et  les  fidèles  font  de  l'eucharistie. 

Ces  actes  de  fanatisme  causèrent  dans  le  pays  une  frayeur 
superstitieuse.  Les  cerveaux  s'échauffèrent,  et  ce  furent,  dans 
ce  milieu  méridional,  des  discussions  sans  fin.  La  police  put 
craindre  des  échauff"ourées  sanglantes. 

Pour  éteindre  ce  foyer  d'infection,  cet  incendie  de  pesti- 
lence, selon  les  termes  du  temps,  la  magistrature,  alarmée, 
jeta  en  prison  les  principaux  fauteurs  du  désordre.  Malheu- 
reusement, quand  ces  mesures  furent  prises,  les  étrangers 
avaient  disparu,  et  malgré  les  perquisitions  et  les  démarches, 
il  fut  impossible  de  les  retrouver. 

Les  seuls  renseignements  obtenus  furent  leur  passage  à  Bel- 
gencier  et  à  Saint-Maximin,  et  leur  visite  probable  à  la 
Sainte-Baume. 

Tel  est  dans  ses  grandes  lignes  et  dans  ses  détails  caracté- 
ristiques le  point  de  départ  de  la  fameuse  affaire  des  convul- 
sionnaires  de  Pignans. 

Cette  affaire  doit  être  étudiée  dans  son  origine  et  ses  con- 
séquences pour  qu'on  puisse  en  saisir  la  signification  et  la 
portée. 

Diverses  questions  se  posent  d'elles-mêmes  au  sujet  de  ces 
gentilshommes  mystérieux  :  leur  nom,  leur  qualité,  le  but  de 
leur  séjour  en  Provence,  la  préparation  de  leur  voyage...  Les 
réponses,  on  les  trouve  dans  le  volumineux  dossier  de  cette 
affaire  conservé  aux  archives  départementales  des  Bouches- 
du-Rhône. 

En  étudiant  cette  paperasse  judiciaire,  on  constate  de  quelle 
patience  et  de  quelle  habileté  les  juges  firent  preuve  au  cours 
d'une  instruction  si  laborieuse.  Que  d'interrogatoires  furent 
nécessaires  pour  amener  les  inculpés  à  sortir  de  leur  silence 
obstiné!  La  genèse  de  l'affaire  est  dans  les  agissements  de 
messire  Boyer,  du  chapitre  de  Pignans. 

Ce  prêtre,  convaincu  de  jansénisme,  avait  été  enfermé  à 
Vincennes.  A  peine  sorti  de  prison,  il  se  lança  de  nouveau, 
avec  plus  d'ardeur  encore,  dans  les  querelles  religieuses  qui 


210  G.   ARNAUD   D'AGNEL. 

passionnaient  son  époque.  C'était  le  moment  où  la  renommée 
de  Vaillant  était  portée  à  son  comble  par  l'emprisonnement 
de  ce  fou  à  la  Bastille. 

En  rapports  étroits  avec  les  sectateurs  de  ce  prophète  ima- 
ginaire, le  chanoine  Boyer  conçut  le  dessein  de  le  faire  con- 
naître dans  son  pays  natal,  où  le  jansénisme  comptait  de 
chauds  défenseurs. 

Quelques  disciples  de  Vaillant,  célèbres  par  leur  esprit  de 
prosélytisme,  furent  invités  à  faire  une  tournée  en  Provence  : 
ils  tireraient  les  disciples  endormis  de  leur  engourdissement 
et  feraient  de  nouvelles  recrues.  Ces  missionnaires  d'un  nou- 
veau genre  devaient  faire  à  Pignans ,  dans  la  maison  de 
Boyer,  un  séjour  plus  ou  moins  long,  suivant  les  circons- 
tances. On  tiendrait  dans  cet  asile  sûr  des  réunions  fréquentes, 
où  seraient  convoqués  les  principaux  jansénistes  de  la 
région. 

Plusieurs  prêtres  influents  et  des  laïques  entrèrent  dans  le 
complot  :  le  chanoine  Garnier,  de  Brignoles,  l'abbé  d'Arnaud, 
d'Aix,  le  sieur  Masseilhon,  riche  magasinier  de  Toulon-sur- 
Mer,  pour  ne  citer  que  les  plus  connus. 

On  se  souvient  de  l'arrivée  des  convulsionnaires  à  Pignans, 
de  rémotion  qu'ils  y  causèrent  et  de  leurs  excentricités. 

Il  est  intéressant  de  donner  sur  ces  personnages  le  plus  de 
renseignements  possibles. 

Questionné  judiciairement  à  leur  sujet,  le  sieur  Masseilhon 
répète  toujours  les  mêmes  affirmations  :  l'un  des  voyageurs 
est  le  sieur  de  l'Epine,  âgé  de  vingt-cinq  ans,  connu  dans  la 
secte  sous  le  surnom  de  frère  Amable.  Il  s'habille  de  drap 
rouge  des  pieds  à  la  tête.  Prophète  inspiré  de  l'Esprit-Saint, 
il  lit  les  divines  Ecritures  et  les  commente.  C'est  au  cours  de 
ses  convulsions  surnaturelles  qu'il  rend  des  oracles.  Un  autre 
s'appelle  Legrand  ;  le  troisième  est  M.  de  Moutfort.  Ils  ont 
avec  eux  un  enfant  de  huit  à  dix  ans  du  nom  de  Benjamin. 

Le  sieur  de  Boyer,  interroge  à  son  tour,  rectifia  ces  alléga- 
tions mensongères  et  incomplètes.  Le  soi-disant  sieur  de 
L'Epine  n'est  autre,  avôua-t-il,  que  Golignon,  avocat  au  Con- 
seil du  roi  et  intendant  des  affaires  du  cardinal  de  Polignac. 


LES   CONVULSIONNAIRES   DE   PIQNANS.  211 

Ce  gentilhomme  a  dépensé  30,000  francs  en  faveur  de  l'œuvre 
des  vaillantistfts.  Sa  femme  est  la  sœur  Manon,  une  des  prin- 
cipales convulsionnaires  de  la  secte.  Le  prétendu  Legrand 
s'appelle  en  réalité  Baron.  C'est  le  neveu  d'un  procureur  de 
Paris  de  même  nom  qui  a  été  miraculeusement  guéri  de  la 
lèpre  par  l'intercession  d'Élie  en  la  personne  de  Vaillant.  Il 
est  marié  à  la  sœur  Martine,  autre  fameuse  convulsion- 
naire. 

Quant  à  l'enfant,  il  est  fréquemment  agité  de  convulsions 
muettes.  Les  deux  valets  vêtus  de  brun,  à  grands  chapeaux 
garnis  d'argent,  ne  sont  domestiques  qu'en  apparence.  Ils 
mangent  à  la  même  table  que  leurs  maîtres  et  leur  parlent  en 
toute  liberté. 

Le  bon  chanoine  Boyer  précise  le  rôle  des  convulsionnaires 
et  fournit  quelques  indications  supplémentaires  sur  leur 
séjour  à  Pignans. 

Aussi  W  de  Belsunce  se  déclare  satisfait  dans  une  lettre 
qu'il  adresse  à  M.  de  La  Tour  :j 

A  Marseille,  le  10  avril  1737. 

En  exécution  de  vos  ordres,  j'envoyais  hier  un  de  mes  grands- 
vicaires  au  fort  Saint- Jean  visiter  M.  Boyer.  Après  cinq  heures 
d'instructions,  de  petites  disputes  et  de  conversations,  le  prison- 
nier reconnut  qu'il  était  en  tout  dans  l'illusion.  Il  fit  et  signa  et, 
à  ce  qui  paraît,  par  conviction,  la  plus  ample  profession  de  foi 
Il  le  lit  de  la  meilleure  grâce  du  monde,  sans  se  plaindre  en  au- 
cune façon  de  sa  détention  et  sans  faire  la  moindre  mention  de 
sa  liberté. 

Ce  soir,  le  même  grand-vicaire  ira  voir  M.  Masseilhon  à  la 
citadelle  de  Saint-Nicolas.  Je  souhaite  qu'il  y  trouve  autant  de 
docilité  et  de  satisfaction.  J'ai  cru,  Monsieur,  qu'il  convenait  de 
garder  à  mon  greffe  l'original  de  la  profession  de  foi  de 
M.  Boyer,  afin  qu'elle  existe  en  lieu  sûr  et  puisse,  en  cas  d'exa- 
men, fermer  la  bouche  à  nos  calomniateurs;  j'ai  cru  que  vous  le 
trouveriez  bon  et  qu'une  copie  en  bonne  forme,  que  j'ai  l'hon- 
neur de  vous  envoyer,  suffirait  pour  vous  prouver  la  conversion 
entière  de  cet  homme  qui  avait  été  si  indignement  séduit. 

Si  vous  en  pensez  autrement  et  que  vous  vouliez  avoir  l'origi- 


212  G.    ARNAUD    D'aGNEL. 

nal  de  cette  espèce  d'abjuration,  j'aurai  l'iionneur  de  vous  l'en- 
voyer sur-le-champ. 
J'ai  l'honneur,  etc. 

P.  S.  —  M.  Boyer  prépare  à  présent  sa  confession. 

L'illustre  évêque  est,  par  contre,  très  mécontent  de  l'igno- 
rance volontaire  de  M.  Masseilhon.  Le  19  janvier,  il  s'en 
était  plaint  à  M.  de  La  Tour  : 

Marseille,  le  19  janvier  1737. 

M.  Billon  vous  aura  rendu  compte,  Monsieur,  de  ce  qui  regarde 
la  déclaration  que  M.  Masseilhon  offre  de  donner.  Un  de  mes 
grands-vicaires  que  je  lui  ai  envoyé  et  qui  a  demeuré  avec  lui 
près  de  trois  heures  de  suite,  l'a  trouvé  dans  le  plus  déplorable 
entêtement.  11  est  dans  toutes  les  erreurs  du  temps,  il  rejette  la 
constitution,  il  divinise  les  convulsions  et  les  miracles  de  Paris. 
Tout  ce  qu'il  offre  de  déclarer,  c'est  qu'il  a  cru  que  Vaillant 
était  le  prophète  Élie  et  qu'il  reconnaît  à  présent  qu'il  s'est 
trompé  en  ce  point,  ce  qu'il  n'avoua  jamais  sur  les  autres  arti- 
cles essentiels. 

Le  moyen  de  se  contenter  d'une  telle  déclaration?  Ce  serait 
autoriser  une  révolte  contre  l'Eglise  qui  intéresse  l'État  comme 
la  Religion. 

Il  paraît  que  ces  prisonniers  ont  des  relations  secrètes  et  que 
le  parti  les  exhorte  à  abandonner  Vaillant,  mais  à  tenir  ferme 
sur  tout  le  reste. 

Il  a  ses  desseins  et  on  ne  peut  trop  se  précautionner  contre 
ses  artifices. 

J'ai  l'honneur,  etc. 

Le  24  avril  suivant  rien  n'est  changé  dans  la  conduite  du 
prisonnier,  et  le  prélat  renouvelle  ses  plaintes  à  l'Intendant. 

Marseille,  le  24  avril  1737. 

Le  sieur  Masseilhon  avait  demandé  le  curé  de  Saint-Ferréol  et 
je  le  lui  avais  envoyé  avec  joie,  mais  mes  espérances  ont  été 
nulles  et  les  efforts  du  curé  inutiles.  Il  a  trouvé  le  prisonnier 
aussi  entêté  que  jamais  et  m'a  rapporté  que  c'est  un  véritable 
fou  qui  ne  raisonne  point. 


LES   CONVULSIONNAIRES   DE   PIGNANS.  213 

Il  croit  faire  beaucoup  que  de  reconnaître  que  Vaillant  n'est 
point  Elle  et  que  le  monde  n'a  pas  fini  dans  le  mois  passé  ainsi 
qu'il  l'avait  prédit.  II  en  demeure  là,  et  je  crois  que,  demeurant 
ainsi  encore  quelque  temps  dans  l'endroit  où  il  est,  il  pourra  de- 
venir plus  sage. 

Pour  M.  Boyer,  il  donne  tout  lieu  de  regarder  comme  très  sin- 
cère sa  conversion,  qui  consterne  sa  propre  famille,  ainsi  qu'on 
me  le  mande  de  Pignans. 

J'ai  l'honneur  d'être... 

Le  26  février,  l'infortuné  M.  Masseilhon  avait  cependant 
adressé  à  M^r  de  Belsunce  une  requête  conçue  en  termes  d'une 
naïveté  amusante:  «  Les  visions  auxquelles  je  m'étais  livré  sur 
la  venue  d'Élie  et  sur  les  miracles  annoncés  «par  les  convul- 
sionnaires  comme  fondement  de  leur  mission  méritaient  plu- 
tôt les  petites  maisons,  et  je  remercie  votre  bonté  paternelle 
de  m'avoir  mis  en  la  prison  honeste  où  je  suis  détenu.  » 

Parmi  les  détails  fournis  par  le  chanoine  Boyer,  certains  ne 
manquent  pas  de  saveur. 

Le  22  aoijt,  le  Frère  Amable,  en  proie  à  une  violente  con- 
vulsion, se  rendit  chez  le  curé  de  Pignans.  Il  lui  reprocha  le 
peu  de  soin  qu'il  prenait  de  ses  ouailles.  Le  prophète  lui  dit 
qu'il  avait  déjà  fait  des  miracles  de  punition,  mais  qu'il  en 
ferait  encore  à  son  égard. 

Deux  incidents  curieux  semblent  témoigner  d'une  intrigue 
romanesque  dont  la  sœur  cadette  du  chanoine,  jeune  fille  de 
dix-huit  ans,  fut  le  sujet,  sinon  la  victime.  Le  convulsion- 
naire  prédit  à  plusieurs  reprises  que  Dieu  réservait  à  cette  en- 
fant privilégiée  une  grâce  de  choix;  qu'elle  était  appelée  à 
Paris  et  que  ses  yeux  éblouis  auraient  le  bonheur  sans  égal 
d'y  voir  le  Pacifique  dans  sa  prison.  En  termes  clairs  et  pré- 
cis, M"«  Boyer  devait  quitter  la  Provence  avec  lui  et  gagner 
la  capitale  pour  y  être  présentée  à  Vaillant. 

Ce  projet  ne  dut  pas  sourire  à  cette  jeune  et  jolie  personne, 
puisque  le  Frère  Amable  se  répand  contre  elle  en  invectives 
amères,  11  la  poursuit  de  ses  menaces  et  passe  même  des  pa- 
roles aux  gestes.  Au  cours  d'une  assemblée  religieuse,  il  lui 
arrache  des  mains  un  éventail  qu'il  brandit  furieusement,  en 


214  G.    ARNAUD   D'AGNEL. 

courant  autour  d'une  table;  puis,  le  fanatique  le  lui  jette  tout 
à  coup  en  pleine  poitrine,  à  l'estomac,  comme  on  disait  alors, 
en  criant  :  «Frappez,  Seigneur,  frappez  ce  cœur  endurci  qui 
n'a  pas  encore  pensé  à  vous.  » 

Peut-être  ne  serait-il  pas  très  édifiant  de  rechercher  le 
sens  exact  donné  à  cette  apostrophe  par  M.  de  Colignon. 

Ce  jeune  homme,  d'une  vertu  plus  que  douteuse,  se  consola 
de  son  échec  en  emportant,  sans  doute  à  titre  de  souvenirs  de 
l'objet  de  son  zèle,  deux  robes  en  satin  et  en  toile  de  Flandre 
brodée,  ainsi  que  de  superbes  coiffes  en  dentelles. 

Il  est  juste  de  dire  que,  par  délicatesse  ou  pour  tout  autre 
motif,  le  convulsionnaire  prit  les  vêtements  sans  les  deman- 
der. La  sœur  du  chanoine  ne  s'aperçut  de  la  disparition  de 
son  vestiaire  qu'après  le  départ  des  hôtes  paternels.  L'enlève- 
ment possible  de  sa  personne  la  préoccupait-il  au  point  de  la 
rendre  insouciante  de  ses  robes  et  de  ses  parures? 

Le  prisonnier  du  fort  Saint-Jean  fait  aussi  d'intéressantes 
révélations  sur  les  Vaillantistes,  leurs  œuvres,  leur  doctrine. 

Ces  sectaires  vivent  en  commun  dans  différents  quartiers 
de  Paris.  Ils  sont  au  nombre  de  plus  de  huit  cents.  Le  Frère 
Amable  possède  une  maison  où  il  loge  et  nourrit  quinze  per- 
sonnes, hommes  et  femmes. 

Tous  regardent  Vaillant  comme  le  prophète  Élie,  d'où  leur 
nom  d'Éliséens.  Ils  prêchent  la  conversion  prochaine  des  Juifs 
à  la  foi  véritable  et  la  condamnation  des  Gentils,  c'est-à-dire 
des  catholiques  qui  se  refusent  à  reconnaître  Vaillant  et  le 
persécutent  dans  ses  adeptes.  Ce  prophète  est  détenu  à  la  Bas- 
tille, et  le  concierge  de  cette  prison  lui  obéit  en  tout,  sans 
espoir  de  récompense  et  même  contre  son  intérêt.  Les  prédé- 
cesseurs du  concierge  actuel  ont  aussi  fait  preuve  de  docilité 
aveugle  envers  ce  saint  personnage. 

Quant  aux  convulsionnaires  de  Pignans,  s'ils  sont  venus 
faire  du  prosélytisme  en  Provence,  c'est  par  la  volonté  de 
leur  chef,  sur  son  ordre  exprès. 

Ils  s'étaient  rendus  à  Metz  et  avaient  donné  aux  nombreux 
juifs  de  cette  ville  de  grandes  sommes  d'argent  et  des  vestes 
en  drap  d'or.  Ce  dernier  présent  était  une  protestation  contre 


LES   CONVULSIONN AIRES   DE   PIGNANS.  215 

le  vêtement  ignominieux  dont  les  Israélites  étaient  souvent 
affublés  au  moyen  âge.  C'était  aussi  un  souvenir  du  mant  eau 
qu'abandonna  le  prophète  Élie  entre  les  mains  de  son  disciple 
Elisée,  lors  de  son  ascension  dans  les  airs  sur  un  char  de  feu. 

Les  sectateurs  de  Vaillant  se  rattachaient  étroitement  aux 
jansénistes.  Comme  eux,  ils  condamnaient  la  réception  fré- 
quente des  sacrements  de  pénitence  et  d'eucharistie,  la  mo 
raie  facile  des  Jésuites,  leur  casuistique  pernicieuse. 

En  dehors  des  convulsions,  ils  aff"ectaient  en  public  une 
attitude  austère,  une  conduite  irréprochable.  Leur  démarche 
était  lente  et  leurs  regards  baissés;  la  vue  d'une  femme  leur 
faisait  peur. 

Cette  modestie  exagérée,  loin  de  nuire  à  leur  cause,  la  ser- 
vait merveilleusement.  Beaucoup  de  dévotes  se  laissaient 
prendre  à  cet  extérieur  si  religieux.  Une  fois  convaincues  de 
la  sainteté  des  convulsionnaires,  ces  femmes  considéraient 
comme  inspirées  de  Dieu  leurs  extravagances  les  plus  ridi- 
cules et  même  leur  dévergondage  de  paroles  et  de  gestes. 
D'ailleurs  les  vaillantistes,  en  gagnant  des  prêtres  à  leur 
parti,  trouvaient  en  eux  de  puissants  auxiliaires  :  un  direc- 
teur de  conscience  en  renom  entraînait  toujours  dans  son 
erreur  plusieurs  de  ses  pénitentes. 

Ainsi,  parmi  les  assidus  aux  assemblées  de  Pignans  se  trou- 
vent la  sœur  Tronq,  de  l'hôpital,  la  veuve  de  l'apothicaire 
Pellegrin,  deux  vieilles  filles,  les  demoiselles  Martine,  coutu- 
rières. Toutes  s'en  étaient  remises  au  chanoine  Boyer  du  soin 
de  leur  âme  et  partageaient  sa  folie. 

L'influence  des  convulsionnaires  en  Provence  fut-elle  éten- 
due et  profonde?  Des  lettres  de  M.  de  Puget  de  La  Rivière  se- 
raient de  nature  à  le  faire  croire.  Dans  un  mémoire  du 
17  septembre  1736,  adressé  à  M.  Billon,  il  écrit  :  «  Pignans, 
lieu  des  plus  considérables  de  la  Basse-Provence,  a  le  malheur 
d'être  gouverné  depuis  plus  de  vingt  ans  par  une  cabale  de 
gens  qui  masquent  leur  nom  de  jansénistes  sous  celui  de  dé- 
vots. On  prêche  publiquement  les  propositions  condamnées, 
on  lit  les  livres  du  parti.  Il  n'est  question  que  des  miracles  du 
prétendu  saint  Paris;  on  donne  asile  aux  prêtres  chassés  des 


216  G.    ARNALD   D'AGNEL. 

autres  diocèses.  Enfin,  des  assemblées  s'y  tiennent  où  rien 
n'est  respecté,  ni  qualité,  ni  mérite,  ni  dignité.  L'on  suit  les 
traces  des  premiers  calvinistes  et  Ton  ose  soutenir  que  Pi- 
gnans  est  dans  le  parti  janséniste  ce  que  la  ville  de  Genève 
est  dans  celui  de  Calvin.  » 

Le  magistrat,  après  avoir  raconté  en  détail  l'arrivée  des 
convulsiounaires  dans  la  ville  et  les  principaux  événements 
de  leur  séjour,  conclut  ainsi  son  rapport  :  «  Ici,  tout  le  monde 
crie  au  miracle.  Personne  ne  peut  se  persuader  qu'un  exté- 
rieur réformé,  des  habits  simples,  la  vue  baissée,  des  règles 
sévères,  comme  de  fuir  les  dames  et  les  plaisirs,  d'aimer  la 
retraite,  la  prière  et  les  afflictions  corporelles,  personne, 
dis-je,  ne  peut  croire  que  tout  cela  ne  puisse  servir  à  ces  no- 
vateurs qu'à  se  tromper  eux-mêmes  et  à  tromper  les  autres   » 

Le  môme  magistrat  sollicite  l'emprisonnement  de  nom- 
breuses personnalités  du  pays  plus  ou  moins  mêlées  à  l'aiïaire 
des  convulsiounaires.  Ces  arrestations,  aflîrme-t-ii,  sont  indis- 
pensables pour  rétablir  l'ordre.  A  l'entendre,  jamais  péril 
plus  sérieux  pour  la  sécurité  de  l'Église  et  de  l'État. 

A  lire  les  divers  écrits  de  M.  du  Piiget  de  La  Rivière,  on  se 
rend  tout  de  suite  compte  de  son  parti  pris  de  grossir  l'af- 
faire, afin  de  se  donner  un  plus  beau  rôle.  Il  profite  aussi  de 
cette  excellente  occasion  pour  satisfaire  ses  petites  rancunes, 
en  faisant  incarcérer  ses  ennemis  personnels. 

Par  malheur,  M"""  de  Belsunce  entrait  de  bonne  foi  dans  ses 
vues,  tant  ce  prélat  redoutait  d'être  suspect  de  jansénisme. 
L'inculpation  d'hérésie  était  alors  l'expédient  en  usage  pour 
se  débarrasser  de  ses  rivaux.  Celte  crainte  très  naturelle, 
révêque  l'exprime  dans  une  de  ses  lettres  à  M.  de  La  Tour, 
celle  du  10  avril  1737  :  «  J'ai  cru,  Monsieur,  qu'il  convenait 
de  garder  à  mon  grefïé  l'original  de  la  profession  de  foi  du 
sieur  Boyer,  afin  qu'elle  existe  en  lieu  sûr  et  puisse,  en  cas 
d'examen,  fermer  la  bouche  à  mes  calomniateurs.  » 

Le  chanoine  Garnier  écrit  de  sa  prison  au  cardinal  de  Fleury 
pour  se  plaindre  des  calomnies  du  sieur  de  Pugetde  La  Rivière. 
qui  joue  le  triple  personnage  de  délateur,  déjuge  et  de  témoin. 

Le   i)Ouvoir  civil    et   l'autorité    ecclésiastique   adoptèrent 


LES   CONVULSIONNAIRES  DE  PIGNAN8.  217 

d'abord  les  exagérations  pessimistes  de  leur  correspondant. 
Le  chancelier  d'Aguesseau,  saisi  du  procès,  pensa  un  instant 
établir  une  commission  extraordinaire  afin  de  l'instruire, 
mais  il  y  renonça  sur  le  conseil  du  cardinal  de  Fleury. 

Les  inculpés  dans  l'affaire  de  Pignans  furent  durement 
traités.  L'un  d'eux  en  gémit  :  «  Je  suis  enfermé  malade  dans 
une  prison  depuis  quatre  mois  et  je  suis  privé  de  toutes  sortes 
de  consolations,  même  de  celles  qui  ne  se  refusent  pas  aux 
plus  grands  criminels.  Je  n'ai  pas  la  liberté  d'entendre  la 
messe  et  de  participer  aux  saints  mystères.  » 

L'honnête  M.  Masseilhon,  malgré  son  entière  bonne  foi,  ne 
peut  pas  obtenir  grâce.  En  dépit  des  instances  de  sa  famille, 
on  ne  trouve  d'autre  remède  que  la  prison  à  la  folie  dont  ses 
juges  eux-mêmes  le  reconnaissent  atteint. 

M.  du  Puget  de  La  Rivière  manqua,  s'il  faut  l'en  croire, 
de  payer  de  sa  vie  son  zèle  ambitieux.  Il  écrit,  le  3  novem- 
bre 1736  :  «  Je  ne  saurais  vous  dépeindre  tous  les  mouvements 
de  sédition  qui  eurent  lieu  après  le  départ  de  M.  Fanton.  On 
criait  publiquement  par  pelotons  devant  ma  porte  qu'il  fallait 
briller  ma  maison  et  se  défaire  de  ma  personne  à  coups  de 
fusil,  parce  que  j'ai  fait  enlever  tous  les  saints  personnages 
qui  faisaient  le  bonheur  de  ce  pays.  » 

Le  11  octobre,  le  même  magistrat  avait  dépeint  les  convul- 
sionnaires  comme  ennemis  du  pouvoir  royal.  «  Ces  fanatiques 
ont  été  un  peu  ébranlés,  mais  ils  ne  sont  pas  abattus.  J'ose 
vous  assurer  avec  fondement  qu'ils  se  seraient  révoltés  s'ils 
eussent  été  assez  puissants  pour  se  défendre  ;  ils  suivent  pas  à 
pas  les  premiers  calvinistes  et  traitent  le  prince  et  ses  minis- 
tres de  persécuteurs. 

«  Ils  menacent  publiquement  ceux  qui  ont  assez  de  har- 
diesse pour  vous  donner  des  avis.  » 

Malgré  cette  correspondance  alarmante,  le  fameux  Frère 
Amable  et  ses  étranges  compagnons  ne  causèrent  dans  le 
pays  qu'un  trouble  passager. 

Le  subdélégué  de  l'intendance  à  Cotignac,  M.  Pothonier,  et 
plusieurs  de  ses  collègues  de  Provence,  ne  croient  pas  qu'ils 
aient  fait  beaucoup  de  prosélytes. 

ANNALES   DU  MIDI.   —  XIX  15 


218  G.    ARNAUD   d'AGNEL. 

Si  le  vaillanlisme  n'eut  guère,  à  Figûaas,  qu'un  succès  de 
curiosité,  il  n'en  fut  pas  de  même  du  jansénisme. 

A  ce  point  de  vue,  les  attestations  de  M.  du  Puget  de  La  Ri- 
vière sont  exactes.  La  petite  ville  du  Var  est  bien  le  centre 
provençal  de  la  nouvelle  hérésie.  Les  chefs  du  parti  s'y  trou- 
vent; la  plupart  appartiennent  au  chapitre  de  son  église.  Par 
mesure  de  prudence  et  pour  donner  à  leur  secte  un  renom  de 
piété,  ils  se  sont  rendus  maîlres  de  la  chapelle  de  Notre-Dame- 
des-Anges  et  de  ses  dépendances.  Après  en  avoir  expulsé  les 
prêtres  desservants,  ils  y  ont  installé  à  demeure  deux  de 
leurs  adeptes  les  plus  sûrs,  un  ermite  et  un  vieux  garçon.  Ce 
dernier  sonne  la  cloche  et,  sentinelle  attentive,  annonce  l'ap- 
proche de  tout  cavalier. 

Les  jansénistes  ne  pouvaient  pas  choisir  d'endroit  plus  favo- 
rable à  leurs  réunions  secrètes  que  ce  lieu  de  pèlerinage  bâti 
en  plein  désert,  sur  une  haute  colline,  à  une  lieue  dePignans. 
Cachés  dans  cette  solitude,  ils  y  faisaient  de  longues  retraites. 
L'assemblée  tenue  au  commencement  d'octobre  1736  dura 
sept  jours.  Chacun  y  avait  apporté  des  provisions  de  bouche. 
M.  du  Puget  de  La  Rivière  incrimine  le  sieur  Audibert  pour  y 
avoir  porté  quatre  pigeons  et  une  douzaine  de  becfigues. 

Une  preuve  de  l'importance  du  mouvement  janséniste  à 
Pignans  est  la  mission  qu'y  fit  prêcher  l'évêque  de  Fréjus  sur 
le  désir  exprimé  par  le  cardinal  de  Fleury.  Ce  prince  de 
l'Église  avait  écrit  à  M.  de  La  Tour  qu'il  fallait  organiser  une 
mission  et  jeter  les  yeux  sur  des  gens  sages  et  capables  d'effa- 
cer de  l'esprit  des  habitants,  et  surtout  de  leurs  cœurs,  l'im- 
pression funeste  que  laisse  toujours  la  nouveauté  de  la  doc- 
trine et  le  merveilleux  des  prodiges. 

Les  missionnaires  furent  choisis  parmi  les  plus  édifiants  et 
les  plus  terribles.  L'illustre  Bridaine  y  prêcha  avec  sa  fougue 
habituelle.  Malgré  leur  zèle  apostolique  et  leur  éloquence,  ces 
missionnaires  ne  parvinrent  pas,  semble-t-il,  à  vaincre  l'en- 
têtement de  leurs  auditeurs. 

Dans  une  lettre  du  14  juin  1737,  le  sieur  Grasson,  curé- 
sacristain  de  la  paroisse,  tourne  Bridaine  en  ridicule  :  «  Voici 
la  mission  de  Pignans  finie  sans  qu'on  y  trouve  l'ombre  de 


LES   CONVULSIONNAIRES   DÉ   PIGNANS.  2l9 

vaillantisme;  j'avais  eu  soia  de  l'étouflfer  dans  sa  naissance. 
Les  missionnaires  ont  tourné  toutes  leurs  forces  contre  le  jan- 
sénisme, mais  ils  ne  l'y  ont  pas  trouvé.  Ainsi,  ils  n'ont  com- 
battu qu'un  fantôme  et  qu'une  chimère. 

«  Le  fameux  M.  Bridaine  a  eu  le  courage,  moi  présent,  de 
prêcher  aux  femmes  qu'elles  n'avaient  plus  la  foi  de  leurs 
pères,  qu'elles  y  avaient  renoncé  depuis  environ  dix  ans,  et  si 
on  lui  eiit  demandé  en  quoi,  il  eût  été  dans  l'embarras  de  ré- 
pondre, car  depuis  plus  de  quarante  ans  que  je  gouverne  cette 
église  je  n'ai  rien  recommandé  avec  autant  d'insistance  que 
la  soumission  à  l'Eglise  et  à  ses  décisions.  » 

Ces  lignes,  pleines  d'indignation  ironique,  le  curé  les  écrit 
pour  se  justifier  du  reproche  de  jansénisme;  mais,  loin  de  le 
justifier,  elles  l'accusent.  On  y  sent  trop  bien  la  joie  qu'éprouve 
un  pasteur  hérétique  à  voir  ses  fidèles  maintenir  obstinément 
les  erreurs  doctrinales  qu'il  leur  a  enseignées.  En  dépit  des 
prédications  et  des  remontrances  épiscopales,  en  dépit  même 
des  rigueurs  exercées  contre  ses  prêtres  et  ses  bourgeois, 
Pignans  demeura  jusqu'à  la  Révolution  la  citadelle  du  jansé- 
nisme en  Provence. 

11  est  intéressant  pour  l'histoire  religieuse  en  province  au 
xviii^  siècle  de  constater  au  sud  de  la  France  la  répercussion 
lointaine  des  scènes  extraordinaires  dont  Paris  était  alors 
le  théâtre.  On  est  frappé  du  retentissement  qu'eurent  dans 
tout  le  pays  les  événements  du  cimetière  de  Saint-Médard. 

N'est-il  pas  curieux  d'apprendre  que  les  Pignanais  avaient 
tous  dans  leurs  maisons  l'image  de  saint  Paris,  et  son  oraison 
dans  leurs  livres  de  prières? 

Cette  étude  donne  quelque  idée  de  la  force  et  de  la  cohésion 
du  parti  janséniste  en  Provence.  Il  y  formait  une  sorte  de 
société  secrète  très  bien  organisée.  Les  magistrats  se  plai- 
gnent sans  cesse  que  les  novateurs  ont  des  «  mouches  »  dans 
les  bureaux  do  l'intendance,  dans  toutes  les  administrations 
publiques  et  jusqu'en  plein  Parlement;  aussi  sont-ils  souvent 
instruits  à  l'avance  des  mesures  prises  contre  eux. 

On  y  apprend  encore  que,  pour  donner  une  nouvelle  impul- 
sion à  l'hérésie  déjà  vieillie,   ses  fauteurs  eurent  recours, 


220  G.   ARNAUD  D'aGNEL. 

entre  autres  expédients,  aux  prétendus  miracles  des  convul- 
sionnaires.  Ces  crises  d'hj^slérie,  plus  rares  et  surtout  moins 
connues  qu'elles  ne  le  sont  de  nos  jours,  étaient  alors  une 
nouveauté,,  une  attraction  de  premier  ordre  pour  des  gens  de 
la  campagne. 

Les  jansénistes  purent  croire  un  instant  avoir  réussi  dans 
le  choix  de  ce  moyen  de  propagande,  tant  les  tètes  provençales 
prirent  feu,  tant  on  se  passionna  sur  les  bords  de  l'Arc  et  de 
'Argens  pour  ou  contre  les  convulsionnaires.  Mais  les  cam- 
pagnards revinrent  bientôt  de  leur  illusion;  après  quelques 
heures  de  fièvre  et  de  délire,  en  hommes  méfiants  et  prati- 
ques, ils  avaient  démasqué  les  faux  prophètes.  Autour  des 
tables  de  l'auberge  du  Coq  on  parlait  encore  de  Frère  Amable, 
mais  pour  en  rire.  On  se  passait  de  main  en  main  ses  discours 
burlesques,  dont  il  avait  distribué  de  nombreuses  copies,  et 
d'aimables  farceurs  les  annotaient  de  gaietés  gauloises. 

D'ailleurs,  M.  de  L'Epine  et  ses  suivants  étaient  de  vrais 
sauvages,  d'autant  moins  susceptibles  de  se  faire  comprendre 
et  suivre  qu'ils  ne  parlaient  pas  le  provençal. 

En  résumé,  l'une  des  suites  les  plus  fâcheuses  du  séjour  des 
convulsionnaires  à  Pignans  fut  le  retard  apporté  au  mariage 
des  sœurs  du  chanoine  Boyer.  Quand  ces  demoiselles,  reve- 
nues de  leurs  terribles  émotions  et  de  leur  surprise,  se  déci- 
dèrent à  sortir  de  leur  jardin,  de  jeunes  filles  elles  étaient 
devenues  vieilles,  et  de  jolies  laides,  tant  et  si  bien  que  le 
Frère  Amable  lui-même  ne  les  aurait  pas  reconnues. 

G.  Arnaud  d'Agnel. 


MELANGES  ET  DOGUiMENTS 


ALEGRET,   JONGLEUR  GASCON   DU   XII«   SIECLE. 

Alegret  était  un  contemporain  et  probablement  aussi  un 
compatriote  de  Marcabru  qui,  dans  la  pièce  Bel  m'es  quan  la 
rana  chanta,  s'adresse  à  lui  en  ces  termes  : 

Alegretz,  folls,  en  quai  guiza 
Cujas  far  d'avol  valen 
Ni  de  gonella  camisa? 

«  Alegret,  fou  que  tu  es,  comment  songes-tu  à  faire  d'un  vau- 
«  rien  un  homme  de  valeur  et  d'une  robe  une  chemise  ?  » 

La  pièce  de  Marcabru  paraît  être  une  réponse  à  celle  d'Ale- 
gret  :  Ara  pareisson  ll'aubre  sec,  publiée  plus  loin. 

Mais  quel  est  le  personnage  sur  lequel  nos  deux  trouba- 
dours différent  complètement  d'opinion?  Quel  est  le  «  sei- 
gneur »  à  qui  appartient  l'Occident  (v.  35)  et  qui  (strophe  vu) 
reçoit  les  éloges  hyperboliques  d'Alegret? 

Le  maître  de  l'Occident  ne  peut  être  à  cette  époque  que 
Alphonse  VIII,  roi  de  Castille,  de  Léon  et  de  Galice,  qui  prit 
le  titre  d'empereur  en  1135  et  mourut  en  1157.  C'est  à  ce 
prince,  en  effet,  que  s'adresse  Marcabru  dans  quatre  de 
ses  pièces,  très  vraisemblablement  composées   en  Espagne, 


222  ANNALES   DU   MIDI. 

d'après  M.  P.  Meyer^  et  «  postérieures  de  bien  peu  d'années, 
selon  toute  apparence,  à  1137  »,  Al  x>rim  comens  de  l'iver- 
nail  —  Pax  in  nomine  Lomini  —  Emperaîre  per  mi  me- 
seis  —  Emperaire  per  vostre  pretz  -. 

Mais  si  les  trois  premiers  «  vers  »  sont  ceux  d'un  «  sou- 
doyer »,  d'un  troubadour  inspiré  par  l'ardeur  de  sa  foi  contre 
les  Sarrasins,  le  quatrième  est  animé  d'un  esprit  bien  diffé- 
rent ;  c'est  l'œuvre  d'un  quémandeur  peu  satisfait  des  libéra- 
lités de  l'empereur  et  qui  a  recours  même  à  l'impératrice 
pour  qu'elle  intercède  auprès  de  son  mari.  Cette  poésie,  dont 
le  ton  est  amer,  révèle  une  déception  profonde  qui  devait  se 
manifester  encore  dans  Bel  m'es  quan  la  rana  chanta  et 
dans  Pos  Viverns  d'ogan  es  anatz. 

Les  deux  pièces  Bel  m.' es  quan  la  rana  chanta  de  Marca- 
bru  et  Ara  pareisson  IV  aubre  sec  développent  le  thème 
habituel  sur  la  décadence  de  Jeunesse,  de  Prix,  de  Prouesse, 
sur  l'avarice  des  grands,  sur  les  maris  libertins.  Nos  deux 
troubadours  ou  jongleurs,  d'accord  sur  tous  ces  points,  s'ex- 
priment avec  une  vivacité  et  une  crudité  égales.  Ils  ne  diffè- 
rent que  sur  un  seul  personnage. 

Alegret  n'en  connaît  qu'un  qui  soit  sans  tache  :  c'est  l'em- 
pereur d'Occident. 

Marcabru  ne  voit  pas  un  seul  puissant  qui  aime  les  festins 
et  la  danse,  et  la  strophe  vu  d'Alegret  est  évidemment  visée 
par  les  vers  :  Non  sia  lauzenja  p^airt  —  Cell  qui  sa 
m,asnad'afama.  «  On  ne  doit  pas  accorder  de  plates  louanges 
à  celui  qui  affame  les  gens  de  sa  maison.  »  Marcabru  termine 
par  l'apostrophe  citée  au  début  de  ces  lignes. 

Alegret  se  trouve,  par  conséquent,  placé  au  milieu  du 
xiie  siècle.  C'est  très  certainement  à  lui  que  s'adresse  Bernart 
de  Ventadour  dans  la  pièce  :  Amors  e  qîteus  es  vejaire,  et 
si  notre  conjecture  est  fondée,  il  en  ressort  qu'Alegret,  à  qui 
Bernart  de  Ventadour  fait  jouer  le  rôle  de  messager,  était  un 
jongleur. 

1.  Romania,  VI,  124-5. 

2.  Cette  pièce  a  été  éditée  pour  la  première  fois  par  M.  Otto  Klein,  Die 
Dichtïmgen  des  Munchs  von  Mo7itaudon,  p.  98.  Marburg,  1885. 


MÉLANGES   ET   DOCUMENTS.  223 

Ma  chanson  apren  à  dire, 
Alegret,  a'N  Dalferan  ; 
Porta  la  n'a  mon  Tristan 
Que  sab  ben  gabar  e  rire^. 

«  Alegret,  apprends  à  dire  ma  chanson  à  sire  Dalferan,  porte-la 
«  ensuite  à  mon  Tristan  qui  sait  bien  plaisanter  et  rire.  » 

L'œuvre  d'Alegret  qui  nous  est  parvenue  se  compose  : 
1<»  d'un  fragment  de  vingt-deux  vers  d'une  épître  amoureuse 
que  contient  le  seul  manuscrit  N'  et  qui  a  été  publié  par 
M.  SucLier-;  2°  d'une  chanson  d'amour;  3»  d'un  sirventés. 

Barbieri^  cite  les  deux  premiers  vers  du  sirventés  et  de  la 
chanson  d'amour. 

Le  sirventés  a  bien  l'allure  des  poésies  morales  de  l'époque. 
D'après  ce  qui  nous  reste  d'Alegret,  on  peut  dire  qu'il  n'était 
pas  dépourvu  de  talent  et  qu'il  avait  mis  à  profit  les  leçons 
des  bons  troubadours  qu'il  avait  fréquentés. 

Pour  que  nos  lecteurs  aient  sous  les  yeux  tout  ce  qui  nous 

reste  d'Alegret,  nous  reproduisons   le   fragment  de  l'épître 

d'amour  qui  lui  est  attribuée  par  le  manuscrit  N  (fol.  25)  et 

dont  nous  empruntons  le  texte  à  M.  Suchier.  Nous  le  plaçons 

à  la  fin  de  l'article. 

Df  Dejeanne. 


Bartsch,  Grtindr.,  17,1.  — Ms.  C,  fol.  355  v.  Rubr.  :  Alegret.  — Imprimé 
Malin,  Gedichte,  18;  Raynouard,  Choix,  V,  17  (st.  ii,  iv,  vi)  ;  Hist 
lût.,  XX,  566  (strophes  ii  et  iv  avec  traduction). 


r 

[Ais]si  cum  selh  [q]u'es  vencutz  e  sobratz 
M'a[v]en  a  far  [tôt]  son  [cojman 
D'a[m]or  que  no'y  [g] art  pro  ni  [d]an 
Ni  ren atz 


1.  Raynouard,  Choix,lll,  ^1  ;  Mahn,  Werhe,  1,37, 

2.  Deyikmœler,  p.  308;  cf.  notes,  p.  552. 

3.  Origine  delta poesia  rimata,  p.  130;  cf.  G.  Bertoni,  Giovanni  Maria 
Barbieri  e  gli  studi  romanzi  nel  secolo  XVI  (Modena,  1905),  p.  40. 


2r4  ANNALES   DU  MIDI. 

Volu[n]tatz  l'es  que  deziran  m  aucia, 
E  plaz  me  molt  pus  aitan  l'abelhis 
E  qu'en  perdes  li  sia  francx  e  fis, 
8    E  ja  per  lieys  qu'ieu  am  amatz  non  sia. 

II 

Tôt  so  m'es  bo,  Amors,  pus  a  vos  platz 
Que  [vos]  m'auciatz  desiran, 
E  si'us  fora  plus  benestan 
12  Que  lieys  que-m  defen  sas  beutatz 

Vos  tornessetz  e  major  cortezia, 
Quar  no  fai  gran[s]  esfors,  so  vos  plevis, 
Qui  so  conquer  que  vencut[s]  no  conquis, 
16    Mas  esfors  fai  quils  pus  fortz  vens  e  lia. 

III 

Ges  no  suy  fortz  ves  lieys  cuy  me  suy  datz, 
E  si  n'agra  yeu  ben  talan, 
Sivals  que  li  fos  fortz  d'aitan, 
20  Que  l[i]  disses  ben  apensatz 

Si  cum  yeu  l'am  finamen  ses  bauzia 
Et  cum  li  suy  francx  e  leyals  e  fis, 
Et  fora  ricx  s'aitan  me  cossentis 
24    Lo  ben  qu'iel  vuelh  no"ra  tengues  a  follia. 

IV 

De  sol  aitan  mi  tengr'ieu  per  paguatz 
Que-1  vengues,  mas  jontas,  denan. 
El  mostres,  de  ginolhs  ploran. 
28  Cum  [ieu]  suy  sieus  endomenjatz. 

Mas  ardimen  non  ai  que  ieu  lo-y  dia 
Ni  l'esgart  dreyt.  ans  lenc  mos  huelhs  aclis, 
Tal  paor  ai  qu'ilh  aitan  nom  sufris 
32    E  que-m  tolgues  (la)  su'avinen  paria. 


Per  qu'ieu.  dona,  vuelh  mais  suffrir  em  patz 
Lo  mal  qu[e]  ieu  trac  e  l'afan, 
Que  d'autra  re  [no]  vos  deman 
36  Don  perdes  [lo]  vostre  solatz. 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS.  225 

Pauc  n'ai  de  be  e  meyns  cre  qu'en  auria; 
Qu'era-m  fai  tan  de  gaug  un  [s]  vostre  ris 
Que  si'm  davon  Tors,  Angieus  e  Paris, 
40    Ni  re[sl  ses  vos  tan  de  gaug  no-m  faria. 

VI 

Bona  dona,  vostres  suy  on  quem  sia, 
Et  on  que  m'an  ades  vos  suy  aclis, 
Et  s'avia  trastot  lo  mon  conquis, 
En  tôt  volgra  aguessetz  senhoria. 


Formule  rythmique  (Maus,  n"  577)  :  10  a,  8  b,  8  b,  8  a,  10  c,  10  d, 
10  d,  10  c,  3  strophes  unisonantes  et  une  tornade  de  4  vers.  Dans  la  pre- 
mière strophe ,  quelques  lettres  ont  été  enlevées  par  l'ablation  d'une 
vignette. 


TRADUCTION. 


I.  Comme  à  celui  qui  est  vaincu  et  maîtrisé,  il  m'advient 
d'exécuter  tous  les  ordres  d'amour,  sans  regarder  à  mon  profit, 

ni  à  mon  dara,  ni  à  rien 

puisque  sa  volonté  (d'amour)  est  de  me  tuer  par  les  désirs,  j'y 
consens  très  volontiers;  cela  lui  étant  si  agréable,  je  veux  bien, 
en  pure  perte,  être  franc  et  fidèle,  et  n'être  pas  aimé  par  celle 
que  j'aime. 

II.  Tout  cela  m'est  bon,  amour,  puisqu'il  vous  plaît  ainsi  de 
me  faire  mourir  de  désir,  mais  il  vous  siérait  mieux  de  rendre 
plus  courtoise  celle  qui  m'interdit  ses  beautés,  car  il  ne  fait  pas 
grand  exploit,  je  vous  l'assure,  celui  qui  conquiert  ce  que  n'a 
pu  conquérir  un  vaincu;  mais  celui-là  se  montre  vaillant,  qui 
l'emporte  sur  les  plus  forts  et  les  enchaîne. 

III.  Non,  je  ne  suis  pas  fort  envers  celle  à  qui  je  me  suis  donné, 
et  certes,  j'aurais  bien  le  désir  d'être  du  moins  assez  courageux 
pour  lui  dire,  après  mûre  réflexion,  combien  je  l'aime  purement, 
sans  tromperie,  et  combien  je  lui  suis  franc,  loyal  et  fidèle,  et 
combien  je  serais  riche,  si  elle  me  payait  de  retour  ou,  du  moins  , 
ne  regardait  pas  comme  folie  le  bien  que  je  lui  veux. 


226  ANNALES    DU   MIDI. 

IV.  Je  me  tiendrais,  du  moins,  pour  satisfait,  si  je  pouvais 
seulement  venir,  les  mains  jointes,  devant  elle,  et  lui  montrer,  à 
genoux  et  en  pleurant,  combien  je  lui  appartiens  tout  entier; 
mais  je  n'ai  pas  la  hardiesse  de  le  lui  dire,  ni  de  la  regarder 
en  face;  je  tiens  devant  elle  mes  yeux  baissés,  tant  j'ai  peur 
qu'elle  ne  puisse  me  souffrir  (cette  audace)  et  ne  m'enlève  sa 
gracieuse  compagnie. 

V.  C'est  pourquoi,  dame,  je  préfère  souffrir,  en  paix,  le  mal  et 
l'angoisse  que  je  supporte  que  de  vous  demander  autre  chose,  et 
de  m'exposer  à  perdre  vos  joyeux  entretiens  ;  j'ai  peu  de  bonheur 
et  je  crois  que  j'en  aurais  encore  moins;  toujours,  un  de  vos 
sourires  me  cause  autant  de  joie  que  si  l'on  me  donnait  Tours, 
Angers  et  Paris,  et,  sans  vous,  rien  ne  pourrait  me  causer  une  si 
grande  joie. 

VI.  Bonne  dame,  je  suis  vôtre  où  que  je  sois,  je  vous  suis  dé- 
voué, en  quelque  lieu  que  je  puisse  aller;  et  si  j'avais  conquis 
l'univers  entier,  je  voudrais  que  partout  vous  eussiez  sei- 
gneurie. 


Grundr.n,2.  —  Uss.C  fol.  356  r»,  Mfol.  117  r°.  — Imprimé  :  M.  G.  853  (C) 
et  Parn.  occit.,  p.  354  (CM);  Barbieri,  Origine,  etc  (les  deux  premiers 
vers);  Raynouard,  V,  17  (2  str.  et  envoi);  Hist.  liit.,  XX,  568  (str.  I 
et  II,  avec  traduction).  Dans  C  manquent  str.  1,  5,  6.  —  Orthographe 
d'après  M. 

I 

Ara  pareisson  ll'aubre  sec 
E  brunisson  li  elemen, 
E  val  li  clardatz  del  temps  geo, 
E  vei  la  bruma  qi  fuma. 
Don  desconortz  ven  pel  mon  a  las  gentz, 
E  sobretot  al[s]  ausells  que  son  mec 
7        Per  lo  freg  temps  qi  si  lur  es  prezentz. 

Strophe  1 7na7ique  dans  C. 


6  mec,  seul  exemple  de  ce  mot,  probablement  d'origine  gasconne.  Il 
signifie  actuellement  «  bègue  ».  Cf.  Lespy  et  Levy. 


MÉLANGES   ET   DOCUMENTS.  227 


II 


A  per  poc  qe  totz  vius  non  sec 
D'un  gran  mal  qim  fer  malamen, 
Qan  mi  soven  de  l'avol  gen 

Cui  mal'  escassedatz  bruma. 
Mas  qe  m'en  val  precs  ni  castiamenlz? 
Q'anc  albres  secs  flor  ni  frugz  non  redec, 
14       Ni  malvatz  hora  non  poc  esser  valentz. 

III 

Joven  vei  fais  e  flac  e  sec, 
C'a  pauc  de  cobeitat  no  fen. 
Qi  pros  fon,  ara  s'en  repen 
Ez  es  ben  d'avol  escuma, 
Q'anc  proesa  d'ung  dia  no  fon  senz, 
E  se"l  bos  fatz  a  la  fin  non  parce, 
21        Tôt  qant  ha  fag  le  seinher(s)  es  nientz. 

IV 

Larguetatz  si  planh  d'un  mal  sec, 
Q'a  penas  au  ni  ve  ni  sen, 
Ez  es  tan  cregutz  soptamen 
Q'ades  la  pel'  e  la  pluma. 
Escassedatz,  una  vertutz  tenenz, 
Qe  creis  aitan  entre- Ils  plus  ries  e  crée, 
28        Q'uns  per  oc  dir  non  aus'obrir  las  denz. 

8  C  A  p.  p.  yen  totz  nô  sec;  —  9  C  D.  g.  m.  quem  f.  en  la  den;  —  10  C 
Qiian  mi  membra  dun  a/  —  11  C  qui  escassedatz  afuma,  M  C.  m.  esca- 
seditz  bruma...,  —  12  C  No  y  ual  p.  n.  casUamens;  —  13  C  Ane  albre  sec 
f.  n.  f.  nô  r..  M  Q.  a.  s.  frut  ni  flor  nô  r.;  —  14  C  N.  maluays  h.  no  p.  e. 
valens,  valentz]  M  iausentz; 

15  C  Lo  uent  uey  mort  e  f.  e  s.;  —  16  C  Qua  p.  d.  cobeytat  n.  f.;  no] 
M  nom  ;  —  17  C  Selh  qui  fon  pros  essen  r.; —  18  C  Beys  dauoleza  e.;  — 
19  C  Proeza  dueg  iorns  no  fon  sens,  M  Q.  p.  un  d.  n.  f.  s.;  —  20  C  E  sil 
bon  fag  a  1.  f.  nom  p.;  —  21  C  Tôt  quant  a  f.  1.  senher  e.  niens. 

22  M  Li  gentz  se  p.  d.  gran  m.  s.;  —  23  M  uei  ;  —  24  C  Greu  mal 
na  mas  piéger  naten  —  25  ikf  Qames  lo  p.  e  1.  p.;  —  26  C  E.  u.  uertut 
temens,  M  E.  u.  vertitz  tenenz;  —  27  C  Q.  creys.  et  entrels  plus  ricx 
crée;  —  28  C  Qus  p.  o.  d.  n.  auz  o.  1.  denz.;  obrir]  JV/aibrir. 


V.  21.  On  remarquera  que  dans  M  l'article  est  au  nom  masc.  le  (cf.  42, 
49),  au  nom.  fém.  li  (3). 


228  ANNALES  DU  Mll'l 


Aqill  son  dinz  e  defor  sec 
Escas  de  fag  e  lare  de  ven, 
E  pagan  home  de  nien, 

Qes  aitals  es  lur  costuma, 
Ez  enuios  volpilz  e  recrezentz, 
Q'entre  mil  un  no'n  vei  ses  qalqe  dec, 
33        Mas  lo  senhor  de  cui  es  Occidentz. 

VI 

Q'el  non  ha  cors  ges  flac  ni  sec 
Con  an  pel  mon  poestatz  cen, 
Q'en  lui  s'apila  e  s'apen 

Proesa,  sivals  ab  pluma, 
Per  tal  vola  sos  pretz  entre-ls  valentz 
Sobre  trastotz,  e[t|  aug  o  dir  a  qec 
42        Q'ell  es  le  miells  dels  reis  plus  conoissentz. 

VII 

Pe'lls  maritz  drutz  vei  tornat  sec 
Donnei  qar  l'uns  l'autre  consen. 
Qrll  sien  con  laiss'e  l'autrui  pren 
El  fron  n'en  sors  un'  estruma 
Que  Il(i)  er  jase,  mentre  viva,  parventz, 
E  coven  se  q'ab  Tenap  ab  qe(ll)  bec 
49        Sai  le  cogos.  beva  lai  le  sufrenz. 


Str.  V  et  VI  manquent  dans  C.  —  35  lo]  lo. 
■  40  Manque  à  cette  place  dans  M,  rétabli  au  bas. 

43  Pels  drutz  maritz  u.  t.  s.;  —  44  C  louens  quar  luns  lautre  cofon; 

—  45  C  Quil  s.  c.  layssa  e  l'aiitruy  p.;  —  46  C  E.  f.  lin  nais  una  escuma; 

—  47  C  quel  sera  mais  totz  iorns  paruens,  —  48  C  E  tanh  si  be  quel  enap 
ab  que  bec;  —  49  C  Lay  lo  c.  ben  assay  lo  sufrens,  M  Fai  le  c.  beua 
1.  1.  s.; 


V.  49  vers  altéré,  mais  la  pensée  est  souvent  exprimée.  Cf.  Bernart 
de  Venzac  :  Belha  m'es  la  flors  d'nguilen,  vers  25-36,  dans  R.  Zenker, 
Die  Lieder  Peires  vo>i  Auverf/7ie.  p.  141  :  Maritz  que  inarit  fai  sufren 
Dell  tastnr  d'atretal  sabor.  —  Cliez  Alegret,  cogos  a  le  sens  de  «  coucou, 
mari  trompeur  »;  il  a  bu  ici  cbez  le  trompé,  et  celui-ci  (le  trompé)  doit 
aller  boire  là,  c.  a.  d.  chez  le  coucou  ou  trompeur. 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS.  229 


VIII 


Hueymais  fenirai  mon  vers  sec, 
E  parra  pecx  al  non  saben 
Si  no-i  dobla  [l'Jentendemen, 

Q'ieu  sui  cell  que-Is  mots  escuma 
E  sai  triar  los  auls  dels  avinentz  ; 
E  si  fols  ditz  qu'aissi  esser  non  dec, 
36        Traga"s  enan,  qu'Alegreftz]  n'es  guirens. 

IX 

Si  negus  es  del  vers  contradizens, 
Fassa's  enan,  q'eu  dirai  per  quera  lec 
59        Metr'en  est  vers  dos  motz  ab  divers  sens. 

Formule  i-ythmique  (Maus,  n»  6130)  8  a  8  b  8  b  7  c  10  d  10  a  10  d  (8  cou- 
plets unissonants  une  tornade  de  3  vers). 


TRADUCTION 


I 

Maintenant  les  arbres  paraissent  secs,  les  éléments  se  rem- 
brunissent, la  clarté  de  la  gente  saison  s'en  va  et  je  vois  la 
brume  fumeuse;  de  là  vient,  de  par  le  monde,  du  découragement 
aux  êtres  vivants  et  surtout  aux  oiseaux  muets,  engourdis  par  le 
temps  froid  qui  vient  ainsi  les  surprendre. 

II 

Et  peu  s'en  faut  que,  tout  vivant,  je  ne  me  dessèche  par  suite 
d'un  grand  mal  qui  me  frappe  cruellement,  quand  il  me  souvient 
de  l'ignoble  gent  qu'une  détestable  lésinerie  rembrunit.  Mais  que 
peuvent  me  valoir  prières  et  remontrances?  Jamais  arbre  sec  ne 
produisit  fleur  ni  fruit,  jamais  mauvais  homme  n'a  pu  être 
vaillant. 

50  M  Av  {.,  mon]  C  le  —  ôl  M  pecx]  fais;  —  52  C  s.  non  d.;  —5-1 
M  auls]  fais;  —  55  C  E  si  foldatz.  M  E  sil  fais  ditz;  —  50  C  qualegret 
n.  g.,  M  qalegres  n.  g. 

57,  58,  59  M  Si  deguns  es  del  uers  contradizentz  —  Not  failhira  uers  de 
dir  per  quem  lec  —  De  metrentu  très  motz  de  diuers  sens. 


230  ANNALES  DD   MiDl. 

III 

Je  vois  jeunesse  fausse,  flasque  et  sèche;  peu  s'en  faut  qu'elle 
n'éclate  de  convoitise;  qui  fut  preux  autrefois,  maintenant  s'en 
repent  et  est  bien  de  méchante  écume,  car  jamais  prouesse  d'un 
seul  jour  ne  fut  sens,  et  si  la  bonne  action  ne  s'est  montrée  à  la 
fin,  tout  ce  qu'a  fait  le  sire  (seigneur)  ne  vaut  rien. 

IV 

Largesse  se  plaint  d'un  mal  sec,  car  à  peine  elle  entend,  voit 
et  sent;  ce  mal  s'est  accru  si  insidieusement  que  présentement  il 
lui  enlève  la  peau  et  les  plumes;  c'est  la  lésinerie,  force  tenace 
qui  grandit  tellement  et  a  grandi  parmi  les  plus  riches  qu'un 
seul  d'entre  eux,  pour  dire  oui,  n'ose  ouvrir  les  dents. 

V 

Ceux-ci  sont  secs,  dedans  et  dehors;  chiches  d'actes  et  prodi- 
gues de  vent.  Et  ils  paient  avec  rien,  car  telle  est  leur  coutume  ; 
ils  sont  fastidieux,  lâches  et  dégénérés;  sur  mille,  je  n'en  vois 
pas  un  seul  sans  quelque  tare,  si  ce  n'est  le  Seigneur  à  qui  appar- 
tient l'Occident  (l'Empereur  d'Occident). 

VI 

Car  lui  n'a  pas  le  cœur  flasque  ni  sec.  tel  que  l'ont,  de  par  le 
monde,  cent  souverains;  en  lui  s'appuie  et  s'attache  Prouesse; 
du  moins  avec  des  ailes  s'envole  son  mérite  parmi  les  vaillants 
au-dessus  de  tous  les  autres,  et  j'entends  dire  à  chacun  qu'il  est 
le  meilleur  des  rois  les  plus  renommés. 

VII. 

Par  les  maris  amants,  je  vois  galanterie  devenir  sèche,  car  ils 
sont  complaisants  entre  eux;  celui  qui  laisse  sa  femme  pour 
prendre  celle  d'autrui  voit  sortir  sur  son  front  une  bosse  qui  lui 
sera  désormais  apparente  tant  qu'il  vivra,  et  il  convient  bien 
que  dans  le  hanap  où  ici  a  bu  le  mari  trompeur,  [chez  celui-ci] 
là  aille  boire  le  mari  trompé. 

VIII 

Désormais  je  finirai  mon  vers  sec,  et  il  paraîtra  sot  à  celui  qui 
ne  sait  pas,  s'il  ne  prête  une  double  attention,  car  je  suis  celui 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS.  231 

qui  écume  les  mots  et  sais  trier  les  termes  impropres  des  ex- 
pressions choisies,  et  si  un  fou  dit  qu'il  n'a  pas  dû  en  être  ainsi, 
qu'il  se  mette  en  avant,  car  Alegret  s'en  porte  garant. 

IX 

Si  quelqu'un  vient  contredire  ce  vers,  je  ne  te  ferai  pas  défaut, 
ô  vers,  et  je  dirai  pourquoi  il  m'a  été  permis  de  mettre  en  toi  trois 
mots  ayant  des  sens  différents.  (M). 

Si  quelqu'un  vient  contredire  ce  vers,  qu'il  se  mette  en  avant 
et  je  lui  dirai  pourquoi  il  m'a  été  permis  de  mettre  en  ce  vers 
deux  mots  ayant  [chacun]  des  sens  différents.  (C). 


Dompna,  c'aves  la  segnoria 
De  joven  e  de  cortesia 
E  de  totas  finas  valors, 
Onrada  sobre  las  raeillors, 
o        Fons  de  totas  flnas  beutatz, 

Cui  Dieus  a  totz  buns  aips  donatz 
Per  Dieu  e  per  franca  merce. 
Sens  cui  hom  non  pot  valer  re, 
E  pueis  per  cortesi  'après, 

40       E  per  amer  que  tan  m'es  près 

Del  cor,  que-m  fai  languir  soven, 
E  pueis,  bella  dompna,  eissamen, 
Per  tôt  zo  c'az  amor  ataing. 
Car  neguns  bens  no  vos  sofraing, 

15        Vos  prec,  que  zo  qu'eu  vos  vueil  dir 
Deignes  escoutar  e  auzir. 
E  s'al  re  mos  dires  no'm  val, 
Al  mentz  no  m'o  tengues  per  mal, 
Que  tant  es  granz  vostra  valenza 

ÎO        E  vostra  beutatz,  c'ades  genza, 

Qu'eu  non  cre  que  si  'homs  viventz 
(Tant  es  granz  mos  fols  ardimentz).* 


2  e  [ms.  ne  —  14  no  vos]  nis,  nous. 


238  ANNALES   DU   MIDI. 


II 


SUR    DEUX    PASSAGES    DU   MOINE    DE   MONTAUDON 
ET    DE    TORCAFOL. 

Le  poiul  de  départ  des  préseatos  recherches  se  trouve  dans 
quelques  allusions  de  pièces  provençales,  dont  le  trait  com- 
mun paraît  être  d'accorder  des  droits  au  trône  de  France,, 
vers  la  fin  du  xii""  siècle,  à  des  personnages  qui  n'ont  jamais 
pu  avoir  de  pareils  droits. 

Dans  sa  pièce  bien  connue  contenant  un  dialogue  avec  le 
senhor  dieu  (305,  12),  le  moine  de  Montaudon  fait  l'allusion 
suivante  au  baron  Randou,  dont  nous  nous  sommes  occupés 
ici-même  (Annales,  XIX ,  p.  40)  :  En  Randos  eut  es  Pmns 
(v.  14).  Cette  pièce  est  de  1193/4  {l.  c  ,  p.  49).  Il  faut  en  rap- 
procher deux  autres  allusions,  tirées  du  conflit  poétique  entre 
Garin  d'Apchier  et  Torcafol  (L  c  p.  50);  la  première  se 
trouve  dans  un  passage  de  443,  1,  où  Torcafol  dit  à  Garin 
d'Apchier  :  Tart  serez  mais  reis  de  Fransa  (v.  40);  l'autre 
allusion  (443,  2)  se  borne  à  indiquer  avec  moins  de  précision 
la  «  ruche  »  de  son  adversaire  :  C'a  pauc  apchiers  nous  fo 
Franssa  (v.  12),  mais  elle  n'en  est  pas  moins  intéressante, 
car  cette  information  y  est  présentée  non  comme  sûre,  mais 
comme  un  bruit  à  peine  digne  de  foi.  Ce  conflit  poétique  est 
aussi  antérieur  à  la  fin  du  xii«  siècle  (/.  c,  p.  52  ss.)'. 


1.  Voy.  l'allusion  de  Montaudon  dans  Appel,  CJirest.',  n.  93,  p.  1:>2,  et 
Crescini,  Manitaletto',  n.  24,  p.  258  : 

Seii/ier,  estai  ai  acli.t  me  fan  lor  amor  eslran/ta  : 

en  claitslra  un  an  o  dos  En  Ratidos  oui  es  Paris 

per  qu'ai  perdut  los  baros  :  no-rn  fo  anc  fais  ni  gignos 

sol  quar  vos  am  e-us  servis  el  e  ?;iOS'  cors  crei  que'n  planha. 

Evidemment,  En  Randos  oui  es  Paris  n'est  pas  clair  (le  ms.  N, 
f°  284  d,  que  j'ai  eu  l'occasion  d'examiner,  a  la  même  leçon  pour  le  v.  14 
{E7i  Ra>idons  cui  es  j)aris),  et  pour  le  v.  16  [Ele  mos  cors  cre  quen 
jtlaigna,  comme  IK  et  comme  dans  Appel,  Chrest.).  On  lit  même  dans 
Selbach  (SlreUgedicht,  %  32,  p.  39)  :  «  Il  se  plaint  d'avoir  perdu  la  grâce 
des  barons,  à  l'exception  du  seigneur  Randon  (Philippe-Auguste)  »,  et  de 


MÉLANGES   ET   DOCUMENTS.  233 

Si  nous  rapprochons  toutes  ces  allusions,  c'est  parce  que 
nous  avons  vu  (/.  c)  que  Randon,  protecteur  des  troubadours, 
et  Garin  d'Apchier,  troubadour  lui-même,  étaient  issus  de  la 
même  tamille.  Dans  ces  conditions,  il  paraît  sûr  que  nous 
avons  affaire  à  une  légende  ou  une  tradition  de  famille  pro- 
clamant l'origine  royale  de  cette  maison. 

Mais  de  quel  genre  peut  bien  avoir  été  celte  légende?  Sur 
quoi  s'est-on  appuyé  pour  affirmer  la  descendance  royale 
d'une  famille  des  barons  méridionaux? 

Certains  indices  nous  permettent  de  rattacher  cette  légende 
et  ces  allusions  au  grand  trésor  des  chansons  de  geste. 

Retenons  de  l'ensemble  de  nos  informations  sur  la  maison 
Randon-Apchier,  réunies  dans  l'article  cité,  deux  faits  qui 
demandent  une  explication.  Le  premier  est  celui  de  l'origine 
royale,  dont  on  parle  vers  la  fin  du  xii^  siècle.  Le  second  est  un 
surnom  que  l'on  trouve,  non  sans  surprise,  dans  cette  famille, 
celui  de  «  Mesquin  »  :  il  apparaît  pour  la  première  fois  avec 
Guignes  Mesquin,  successeur  de  Randon,  «  cui  es  Paris  », 
seigneur  indépendant  en  1207,  mort  vers  1242-3,  et  né,  par 
conséquent,  dans  le  dernier  quart  du  xii^  siècle  {l.  c  ,  p.  46); 
il  apparaît  pour  la  seconde  fois  avec  Guignes  Mesquin,  neveu 
du  précédent,  attesté  entre  1229  et  1269-78  (cf.  /.  c,  p.  45-6), 


même  Crescini  (Mamialetùo^,  p.  537)  se  deoiande  si  Randon  n'est  pas  le 
roi  de  France.  Cela  est  naturellement  impossible.  M.  Appel  dit  (p.  344)  : 
c<  Paris,  Parizot,  ïarn-et-Garonno?  »,  ce  qui  est  aussi  improbable.  — 
Voici  dans  le  conflit  poétique  Garin  d'Apchier-Torcafol  les  deux  passages 
qu'il  convient  de  rapprocher  de  celui-ci.  Tovcafol  dit  à  Garin  (443,  1, 
■vv.  37-40)  :  Viellz  e  pus  blancs  d'un  colom  Be'tis  menon  de  toni  en 
tom  E  no  sahetz  qui  ni  corn  :  Tart  serez  mais  i-eis  de  Fransa.  Il  est 
vrai  que  esser  feis  de  Fransa  paraît  avoir  été  une  locution  pour  dire 
«  être  heui-eux  »,  comme  par  exemple  dans  ce  passage  (239,  1  ;  Suchier, 
Benkmœler,  333,  str.  III,  vv.  19-24)  :  ...  C'assatz  m'a  mais  drutz  de 
son  benvoler  Quant  de  sidonz  pot  vezer  la  semblansa,  Lo  dous  esgar 
la  simpla  contenansa,  Denant  la  gent  ab  lei  solaz  aver,  E  son  gent 
cors  esgardar  e  vezer  :  la  en  cellat  non  sia  rets  de  Fra?isa.  Mais  l'en- 
droit cité,  relatif  à  Garin  d'Apchier,  n'a  pas  l'air  d'avoir  ce  sens.  D'au- 
tant plus  qu'il  y  a  encore  cette  autre  allusion  dans  443,  2  (Witthoeft, 
op.  cit.,  57,  et  Appel,  Prov.  i?iéd.,  305-7,  str.  II,  vv.  12-16),  où  Torcafol 
dit  à  Garin  :  ...  C'a  pauc  apchiers  no-us  fo  Franssa  Oti  parloti  aissi 
cum  porcs  ruz;  Primiers  comtes  la  novella,  Ses  colp  enchauzaz  e 
vencuz,  E  fo  ben  messagiers  crezuts. 

ANNALES   DU    MIDI.    —    XIX  16 


234  ANNALES   DU    MIDI. 

ce  qui  prouve  qu'il  s'agit  biea  d'un  surnom,  noa  pas  indivi- 
duel, mais  attaché  à  une  tradition  de  famille;  et  l'on  sera 
d'accord  pour  reconnaître  qu'un  mot  dépréciatif  comme 
«  mesquin  »  n'a  pu  être  officiellement  adopté  que  par  suite  de 
raisons  toutes  spéciales'. 

Or,  dans  le  nombre  des  légendes  remontant  aux  chansons 
de  geste,  il  y  en  a  une  qui  est  susceptible  d'expliquer  à  la  fois 
ces  deux  faits  obscurs. 

On  sait  que  parmi  les  remaniements  italiens  des  chansons 
de  geste  françaises,  de  la  fin  du  xiv»  et  du  commencement 
du  XV®  siècle,  dont  l'auteur  est  Andréa  de'  Magnabotti  da 
Barberino  di  Val  d'Eisa,  il  y  a  un  roman  en  prose  qui,  d'après 
le  nom  de  son  héros,  porte  le  titre  de  Guerino  MescMno- . 

1.  Il  est  vrai  que  tneschin  (ou  ses  dérivés)  apparaît  ailleurs  en  qualité 
de  surnom.  On  trouve  dans  un  document  tourangeau  de  1247  la  mention 
d'un  Mathaei  le  Meschin  dois  Tiiro)iensls,  celle  d'un  Stephanus  Mes- 
chineau  et  d'un  Nicolaus  defiaictus  le  Meschin  {Rec.  des  hist.  des 
Gaules  et  de  la  Fr.,  t.  XXIV  :  Etiquetes  adm.  du  régne  de  saint  Louis, 
p.  p.  L.  Delisle;  Paris,  1904,  partie  II,  pp.  105,  128,  192).  Ajoutons  le 
nom  du  poète  Jean  Mescliinot  (né  probablement  à  Nantes).  Mais  il  s'agit 
ici  d'un  surnom  appliqué  à  des  non-nobles,  et  le  cas  est  tout  différent. 

2.  Ce  roman,  transformé  en  livre  populaire,  jouit  aujourd'hui  encore 
d'une  vogue  extraordinaire.  En  revanche,  il  a  été,  do  tous  les  textes  ita- 
liens dérivés  des  chansons  de  geste,  le  moins  étudié  par  la  critique 
savante;  la  question  la  plus  importante,  celle  de  ses  relations  avec  l'en- 
semble des  gestes ,  n'a  pas  même  été  abordée.  (Aucune  mention  dans 
G.  Paris,  Histoire  poétique;  le  titre  seul  dans  L.  Gautier,  Les  époi:>ées 
françaises,  II,  p.  315,  et  l'ien  dans  sa  Bibliographie  des  chans.  de 
geste,  1897;  rien  dans  Ph.  A.  Becker,  Der  sudfr.  Sagenkreis,  Halle. 
1898,  où  les  autres  remaniements  d'Andréa  sont  énumérés,  p.  10; 
M.  H.  Hawickhorst,  dans  son  travail  Ueber  die  Géographie  bel  A.  de' 
Magnabotti,  publ.  dans  Romanische  Forschungen,  XIII,  689-784,  a  dû 
renoncer  (p.  701)  à  un  examen  approfondi  de  Guerino  MescJiifio,  parce 
qu'il  n'avait  à  sa  disposition  que  des  éditions  modernes,  mais  ce  travail 
apporte  néanmoins  un  certain  nombre  d'identifications  géographiques 
concernant  ce  roman,  pp.  721-2,  784.  —  Quelques  précieuses  informations 
sur  les  mss.  et  les  éditions  se  trouvent  dans  les  Ricerche  i)ito)'no 
ai  Reali  di  Francia,  de  M.  P.  Rajna  (Bologne,  1877,  pp.  314-316),  et  dans 
R.  Renier,  Discesa  di  Ugo  d'Alvernia  ail'  inferno  (pp.  xcvi-civ  et 
cf.  cv-cxL  et  CLiv-CLxn).  M.  Renier  a  connu  sept  mss.  de  Guerino  et 
il  n'en  compte  pas  moins  de  dix-sept  éditions  antérieures  à  1555.  —  La 
Bibliothèque  nationale  de  Paris  possède  l'édition  princeps,  que  M.  Renier 
n'avait  pu  voir  (Padoue,  1473,  par  Bartholomeus  de  Valdezochio  ; 
Rés.  Y'  198),  la  troisième  (Venise,  1477,  par  Gorardus  de  Flandria; 
Rés.  Y'  199),  celles  de  1483  (Rés.  Y»  338),  de  1520  (Rés.  Y'  777),  de  1525 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS.  235 

Dans  ce  roman,  nous  rencontrons  d'abord  le  surnom  de 
Mesquin,  et  il  faut  remarquer  que  ce  surnom  y  est  particu- 
lièrement mis  en  relief,  car  le  héros  est  très  souvent  appelé 
tout  simplement  Meschino^.  Nous  y  voyons  aussi  ce  héros 
entrer  dans  l'ensemble  de  la  généalogie  légendaire  de  la 
grande  maison  royale  française  :  un  passage  de  Ouerino  Mes- 
chino  et  un  autre  des  Storie  Nerbonesi  l'attestent  explicite- 
ment 2.  Voici  quels  seraient  les  degrés  de  cette  généalogie  : 

(Rés.  Y'  1014);  la  traduction  française  de  1530  y  est  conservée  en  plu- 
sieurs exemplaires  (Rés.  Y*  778,  779,  855,  856).  Les  premières  éditions 
sont,  comme  l'a  vérifié  M.  Renier,  conformes  aux  manuscrits. 

1.  Voici,  d'après  le  roman,  l'histoire  de  ce  surnom  et  son  origine  (éd.  1» 
et  3«,  chap.  iv,  sur  le  mariage  et  la  vie  conjugale  de  Milone  et  Finixia)  : 
«  FA  secondo  mexe  corne  plaque  a  dio  le  ingravido  de  tino  filio  mas- 
chio  e  parturito  lo  batixo  e  fece  li  ponere  nome  Guerino  che  fue  el 
nome  de  laiio  de  Millone...  ».  Le  chap.  vi  est  consacré  à  l'enlèvement 
de  l'enfant  et  sa  vente  à  une  famille  où  la  maîtresse  de  la  maison  était 
d'abord  mal  disposée  contre  lui  :  «  Ma  quanto  sape  la  uerita  da  fami- 
gli  como  li  era  tocato  in  parte  no?i  sene  chura  &  fecelo  batizzare  cre- 
dendolo  chel  non  fusse  batizato  perche  lo  iera  ciisi  belo  &  tanto 
pouero  uenduto  in  fasse  per  schiauo  gli  puose  nome  el  Meschino  <? 
fue  cusi  chiamato...  »  Ce  passage  nous  donne  le  vrai  sens  du  surnom, 
qui  est  «  pauvre,  malheureux  »,  et  rectifie  une  autre  interprétation  des 
éditions  postérieures  :  «  Detto  il  Meschino  noji  tanto  per  le  avventure 
délia  sua  giovinezza,  quanto  per  aver  uno  de'  suoi  maggiori  avuto  lo 
stesso  sopranome  »  (voy.,  par  ex.,  éd.  de  Milan,  1811,  riveduta  et  illus- 
trata  con  note  da  Giuseppe  Berta,  cap.  i),  où  l'on  a,  sans  doute,  mal 
compris  le  premier  passage  que  nous  avons  cité  et  ajouté  «  Mesquin  » 
au  nom  de  «  Garin  »,  prédécesseur  de  notre  héros,  qui  ne  fut  cependant 
autre  que  celui  de  Monglane. 

2,  Guerino  Meschirio,  éd.  1"  et  3«,  cap.  i  «  Corne  la  sciata  di  Borgo- 
gna  funo  segnori  de  Puglia  et  del  Principato  di  Taranto  et  de  cui 
naque  il  Meschi7io  »  ;  «  ...  duca  di  borgogna  che  era  inemico  di  Carlo 
&  auea  nome  Girardo  di  fiandra  con  cuatro  fioli  &  dui  nepoti...  El 
terzo  —  [après  Raineri  et  Arnaldo]  —  ebe  nome  Guizardo.  El  quarto 
Milon.  Questi  dui  fece  Carlo  caualieri  in  aspramonte...  Carlo  fu  tor- 
nato  in  francia  S-  li  hebe  molta  guerra  con  Girardo  duca  di  borgo- 
gna... &  da  puo  la  morte  di  Girardo  Guizardo  et  Milon  con  lui  pas- 
sarono  i>i  puglia.  Ouegii  de  lo  regno  li  receuete  &  incoronono  Gui- 
zardo &  fato  re  de  puglia.  Et  Melon  fu  fato  principo  de  taranto  e  de 
questo  Milon  naque  el  franco  Meschino  al  cui  honore  e  fato  questo 
libro  ».  —  Les  Storie  Nerbonesi  (éd.  I.  G.  Isola,  t.  I-II,  Bol.,  1877-82) 
contiennent  (cf.  l'indication  de  M.  Hawickhorst,  l.  c,  p.  700)  dans  le 
livre  III,  ch.  xxii  (t.  I,  p.  3.57),  l'ensemble  de  la  généalogie  des  lieali  di 
Francia,  à  laquelle  Guerino  detto  il  Mischino  se  rattache  de  même  par 
Milon  et  par  Girart,  appelé  ici  :  Guerardo  da  Fratta  (=  Fraite). 
M.  R.  Rajna  (o.   c,  pp.  32G-7)  dit  :  «  I  nostri  romanzi  in  prosa  (d'An- 


236  ANNALES    DU    MIDI. 

Milone,  père  de  Guerino;  Gerardo  di  Fiaadra,  diica  di  Borgo- 
gna,  son  grand-père  (=  Girart  de  Viane-de  Roussillon-de 
Fralte^);  et  plus  haut,  Garin  de  Mouglane.  C'est  donc  par  le 
cycle  méridional,  mais  plus  spécialement  par  la  ligne  de 
Girart  de  Viane,  qu'il  entre  dans  la  geste  ro3^ale. 

On  sait  que  la  généalogie  d'Andréa  correspond  dans  ses 
grandes  lignes  à  celle  des  dernières  chansons  de  geste  fran- 
çaises où  nous  trouvons  la  légende  de  Girart  de  Viane  déjà 
rattachée  à  celle  de  la  geste  de  Garin  de  Monglane  et  celle-ci 
elle-même  reliée  à  la  geste  royale  des  Carolingiens  (rien  ne 
prouve  que  tous  ces  rattachements  soient  postérieurs  à  la  fin 
du  xu''  siècle  '). 

Il  n'y  a  aucune  raison  pour  faire  à  Guerino  Meschino  une 
situation  à  part  et  le  croire  non  pas  tiré  des  chansons  de 
geste  françaises,  mais  inventé  par  Andréa,  On  peut  du  moins 
considérer  comme  sûr  que  le  personnage  de  Guerin  Mesquin  et 
sa  descendance  royale  remontent  à  une  chanson  de  geste  fran- 
çaise dont  la  version  originale  est  perdue. 

Et  maintenant,  rapprochons  le  roman  do  Guerin  Mesquin 
de  ce  qui  nous  a  frappé  dans  les  traditions  de  la  famille  de 
Randon.  La  coïncidence  de  ces  deux  faits,  un  surnom  carac- 
téristique et  la  prétention  à  une  descendance  royale,  dans  la 
tradition  de  famille  (où  ils  surprennent)  et  dans  le  roman  (où 
ils  s'expliquent)  ne  permet  pas  de  négliger  ce  rapprochement. 
Nous  croyons  qu'un  poète  ou  un  jongleur,  peut-être  le  pre- 
mier auteur  du  roman  de  Guerin  Mesquin,  a  établi,  au  profit 
de  ses  protecteurs,  un  lien  entre  le  héros  du  roman  et  la 
famille  de  Randon,  ce  qui  ne  devait  pas  présenter  de  grandes 

(Irea)...  sono  strettamente  coUegati...,  piu  ditTicile  è  trovare  un  luogo  con- 
venevole  per  il  Meschino  che  si  rappicca  ail'  Aspramo}ite,  ma  narra 
fatti  assai  posteriori  ». 

1.  Cf.  Suchier,  Les  chansons  de  Guillauvie  d'Orange  dans  liomania, 
XXXII,  p.  361  :  «  Fiandra  »,  dans  Guerino  Meschi7w,  est  évidemment 
une  altération  de  «  Fratta  »,  nom  que  ce  personnage  porte  constamment 
dans  les  romans  d'Andréa  (cf.  n.  précéd.). 

2.  G.  Paris  {Ilist.  poét.  de  Charlem.,  p.  80),  avait  indiqué,  en  passant, 
le  commencement  du  xiir  siècle;  mais  voy.  aussi  La  lit.  fr.  au  )n.-â., 
%  22  (3«  éd.,  p.  4^),  oc  les  débuts  de  la  période  cyclique  sont  datés  de  la 
lin  du  xii"  siècle. 


MÉLANGES   ET   DOCUMENTS.  237 

difficultés,  puisque  la  légende  française  (provençale)  s'occu- 
pait, comme  nous  le  savons  par  un  passage  d'Andréa  (cité  par 
M.  Renier,  p.  cm),  non  seulement  de  Guerin,  mais  encore  de 
ses  flls^  Cette  soudure  peut  bien  remonter  au  dernier  quart 
du  xiie  siècle,  et  il  parait  tout  naturel  de  supposer  que  c'est 
bientôt  après  sa  naissance,  quand  elle  avait  toute  son  actua- 
lité, qu'elle  suscita,  d'une  part,  l'apparition  du  surnom  et, 
d'autre  part,  les  allusions  que  nous  [avons  relevées  dans  la 
poésie  provençale  2. 

S,  Stronski. 


1.  Nous  avons  vu  que  c'est  par  la  ligne  des  princes  de  Vienne  que  Gue- 
rino  se  rattache  à  la  généalogie  royale.  Il  faut  donc  supposer  que  les 
Eandon-Apchier  se  croyaient  issus  de  la  famille  des  comtes  de  Vienne. 
M.  Suchier,  dans  ses  recherches  sur  le  nom  de  Monglane,  avait  eu  l'occa- 
sion de  nous  apprendre  que  la  famille  des  Glane  de  Suisse  descendait  ou 
prétendait  descendre  de  la  première  race  des  comtes  de  Vienne  (Rom., 
XXXII,  350).  On  peut  supposer  la  même  chose  pour  les  Eandon-Apchier. 
Nous  y  sommes  invités  par  les  noms  qu'ils  portent  :  d'une  part,  dès  que 
nous  les  voyons  apparaître  dans  l'histoire,  au  début  du  xii»  siècle,  le  nom 
de  Garin  est  chez  eux  traditionnel  et  c'est  aussi  le  nom  du  héros  poéti- 
que, accommodé  peut-être  à  celui  de  la  famille;  d'autre  part,  le  nom  de 
Guignes  apparaît  pour  la  première  fois  à  la  même  époque  que  le  surnom 
et  les  allusions,  et  c'est  le  nom  traditionnel  des  comtes  de  Viennois  (Gui- 
gues,  I,  v.  a.  889  —  Guigues,  XI,  a.  1237).  La  question  de  rapports  entre 
les  noms  légendaires  et  réels  n'est  pas  illusoire  :  il  suffit  de  rappeler  le 
nom  de  Tiburge  (Guibourc),  femme  de  Guillaume  d'Orange  poétique,  et 
le  fait  que  c'est  bien  le  nom  des  femmes  de  la  famille  d'Orange,  à  partir 
de  Tiburge  I"  (1115-1150)  jusqu'à  Tiburgo  III  (1182),  par  laquelle  ce  nom 
passa  dans  la  maison  des  Baux. 

2.  Si  les  allusions  :  cui  es  Paris  et  :  tart  serez  'inais  reis  de  Fransa 
avaient  leur  source  dans  la  poésie,  elles  pouvaient  en  même  temps  s'ap- 
puyer vaguement,  pour  les  contemporains,  sur  l'histoire  réelle  des  races 
successives  des  rois  de  France.  La  disparition  obscure  des  derniers  Caro- 
lingiens donna  lieu  à  bien  de  rêveries  généalogiques,  et  cela  jusqu'au 
xviip  siècle.  Au  xi«,  la  question  était  encore  toute  chaude  ;  le  Recueil  des 
historiens  de  la  France,  XI,  p.  170,  contient  un  fragment  :  Ex  genealo- 
gia  l'egmn  Francie,  dont  «  l'auteur  est  un  partisan  attardé  de  la  dynas- 
tie carolingienne  »  (Molinier,  Sources  de  l'histoire  de  France,  II,  p.  1, 
n»  952).  Cela  prouve  du  moins  que  les  allusions  provençales  de  la  fin  du 
xii«  siècle,  si  elles  n'étaient  pas  de  la  plus  fraîche  actualité,  évoquaient 
du  moins  des  souvenirs  encore  vivants. 


238  ANNALES   DU  MIDI. 


III 


LE  MANUSCRIT  PROVENÇAL   D   ET   SON   HISTOIRE. 

L'histoire  du  célèbre  manuscrit  provençal  de  la  bibliothèque 
d'Esté,  à  Modène,  connu  sous  le  sigle  i)\  est  encore  presque 
toute  à  faire;  le  peu  qui  en  est  connu  jusqu'ici,  bien  loin  de 
répondre  à  la  vérité,  entrave  le  développement  ultérieur  des 
études  sur  cette  matière.  En  effet,  il  s'est  formé  peu  à  peu,  au 
sujet  de  ce  manuscrit,  une  tradition,  ou  plutôt  une  légende, 
qui,  au  lieu  de  reposer  sur  des  arguments  solides,  est  fondée 
sur  des  données  tout  à  fait  fausses.  Depuis  que  le  comte  Gio- 
vanni Galvani  a  prétendu  que  Ferrarin  de  Ferrare^  avait  fait 
copier  à  la  cour  d'Esté  les  poésies  des  troubadours  contenues 
dans  ce  manuscrit,  et  que  C.  Cavedoni  y  a  découvert  un  cer- 
tain nombre  d'allusions  aux  princesses  d'Esté  %  la  croyance 
que  le  manuscrit  a  été  écrit  chez  les  marquis  d'Esté,  et  à  leur 
gloire,  s'est  propagée  et  est  devenue  de  nos  jours  une  quasi- 
certitude.  Il  est  vrai  que  M.  Rajna  a  fait  observer  qu'aucun 
catalogue  des  livres  de  la  cour  d'Esté,  se  rapportant  à  une 
époque  reculée,  ne  renferme  d'indications^sur  le  manuscrit  en 
question^;  mais  en  dépit  de  cela,  la  légende  a  continué  à 
passer  pour  une  vérité  historique. 


1.  Désigné  par  la  lettre  B  par  M.  P.  Meyer,  Les  derniers  troubadours 
de  Prov.,  p.  11,  ce  ms.  est  connu  généralement  sous  la  lettre  D.  Voy. 
Mussafia,  Del  codice  este?ise  di  rime  provenzali ,  Vienne,  1867  (Mém. 
de  l'Acad.  de  Vienne,  cl.  Phil.  histor.,  vol.  LV),  p.  356;  Bartsch,  Grund, 
riss  der  provenz.  Literatur,  1872,  introd.,  et  G.  Grôber,  Die  Lieder- 
sammhmgen  der  Trotibadours,  dans  Komanische  Stiidien,  II,  337. 

2.  Ferrarin,  non  pas  Ferrari,  est  bien  le  nom  de  ce  poète.  Voir  mon 
compte  rendu  dans  le  Giornale  storico  délia  letteratura  italia7ia,  XLII, 
378. 

3.  Ricerche  storiche  intorno  ai  trovatori  provenzali  accolti  e  ono- 
rati  nella  Carte  dei  Marchesi  d'Esté  nel  sec.  XIII,  Modena,  1844» 
p.  20. 

4.  Remania,  II,  p.  49,  et  mon  livre  :  La  Biblioteca  estense  e  la  col- 
tiira  ferrarese  ai  tempi  del  Duca  Ercole  /,  Torino,  1903,  78. 


MELANGES   ET   DOCUMENTS.  239 

Galvani  avait  écrit  :  «  Splende  fra  gl'  illustri  Estensi  Azzo  VII 
«  di  specialissitno  lume,  perché  non  solo  accolse  nella  sua 
«  corte  i  trovatori  occitanici,  ma  vi  tenne  onorato  un  maestro 
«  Ferrari  de  Ferrara  che  dottissimo  in  quella  lingua  genlile, 
«  quasi  campione  nella  corte  di  Este,  tenzonava  con  loro  e  ne 
«  sponeva  le  difficoltà  e  gli  arlifici,  e  cura  va  finalmente  che 
«  su  belle  membrane  se  ne  conservassero  le  rime  e  se  ne 
«  venisse  compilando  cosi  quel  manuscritto  che,  arrivato  sino 
«  a  noi ,  è  di  présente  una  délie  gemme  più  rare  délia  R.  Es- 
«  tense  Biblioteca.  »  Tout  ce  qui  précède  a  été  affirmé  par 
Galvani  dans  la  dédicace  de  son  ouvrage  Fiore  di  storia  let- 
teraria  e  cavalleresca  délia  Occiiania  '  au  duc  François  IV, 
et  il  faut  enfin  reconnaître  que  le  savant  érudit  modénais, 
adressant  au  duc  des  paroles  aussi  flatteuses,  créait  à  sa  façon 
l'histoire  de  ce  manuscrit,  auquel,  du  reste,  il  porta  tant  d'in- 
térêt et  de  sollicitude.  D'ailleurs,  Cavedoni  a  ajouté  une 
donnée  chronologique  à  la  légende  déjà  propagée,  en  écrivant, 
d'après  Vincwit  fameux,  que  la  première  partie  du  manuscrit 
avait  été  compilée  en  1254.  Il  est  donc  naturel  que  M.  P.  Meyer, 
en  cherchant  à  assigner  à  ce  manuscrit  la  place  qu'il  mérite 
parmi  les  autres  manuscrits'provençaux,  ait  tenu  à  en  mettre 
en  lumière  l'ancienneté  :  «  Il  a,  dit-il,  l'avantage  de  l'ancien- 
«  neté,  car  plus  des  deux  tiers  de  ce  volume  ont  été  écrits 
«  en  1254,  et  je  ne  crois  pas  qu'aucun  des  chansonniers  pro- 
«  vençaux  puisse  être  rapporté  à  une  date  antérieure  2.  » 

Il  est  également  compréhensible  que  peu  à  peu  on  ait  fini  par 
croire  que  vers  le  milieu  du  xiii®  siècle  l'amour  de  la  lyrique 
provençale  à  la  cour  d'Esté  était  arrivée  à  un  degré  tel  qu'on 
y  éprouvât  le  besoin  de  recueillir  en  une  vaste  anthologie  les 
meilleurs  modèles  de  la  poésie  des  troubadours. 

Or,  les  quelques  considérations  bibliographiques  et  paléo- 
graphiques que  nous  ferons  suivre  et  les  observations  que 
nous  avons  eu  l'occasion  de  faire,  le  manuscrit  sous  les  yeux, 
mettront  enfin  à  néant  une  erreur  qni  menace  de  produire 


1.  Milan,  1845,  I,  p.  3. 

2.  Revue  critique,  II,  2  (1867),  p.  90. 


240  ANNALES   DU   MIDI. 

des  conséquences  fâcheuses  pour  les  éludes  sur  l'expansion 
de  la  lyrique  provençale  en  Italie  au  xiii"  siècle. 

Aucune  raison  ne  nous  autorise  à  attribuer  une  origine 
«  estense  »  au  manuscrit  d'Kste.  Les  allusions  aux  marquis  et 
aux  princesses  d'Esté,  il  est  vrai,  y  sont  nombreuses;  mais 
elles  se  trouvent  toutes,  ou  presque  toutes,  dans  d'autres 
manuscrits  provençaux  écrits  au  delà  des  Alpes.  De  même 
que  le  célèbre  lUanh  sur  la  mort  de  Azzo  VII  (1212),  publié 
par  Galvani  et  Cavedoni  {Grundriss,  no  10,  30),  la  pièce  d'Ai- 
meric  de  Peguilhan,  Per  solatz  d'autrui  (10,  40),  renfer- 
mant les  vers  : 

Bels  Peragon,  cum  hom  plus  soven  ve 
Na  Biatriz  d'Et,  plus  li  vol  de  be. 

est  contenue  dans  plusieurs  manuscrits  [ABCGIKMNPQ 

R  U  c],  et  il  en  de  même  pour  les  autres  pièces  de  ce  trouba- 
dour :  Ades  vol  de  Vaondansa  (10,  2),  A  Iressim  iwen  (10,  12), 
Long  amen  m'a  (10,  33),  Manias  velz  (10,  31),  En  amor 
trop  (10,  21),  etc.^ 

D'autre  part,  Ferrarin  de  Ferrare  a  bien  vécu  à  la  cour 
d'Esté;  mais  c'est  une  pure  invention  qu'il  fit  copier  sur 
«  belle  membrane  »  les  poésies  des  troubadours.  Nous  ne 
trouvons  rien  de  pareil  dans  l'unique  source  sûre  que  l'on  ait, 
c'est-à-dire  la  courte  biographie  placée  en  tête  du  florilège 
dans  la  dernière  partie  de  notre  manuscrit.  Dans  cette  bio- 
graphie, il  est  dit  seulement  (f.  243'')  :  «  Quan  venia  que  li 
«  marches  feanon  festa  e  cort  e  li  guillar  li  vinian  che  s'enten- 
«  dean  de  la  lenga  proensal,  anavan  tuit  ab  lui  e  clamavan 
«  lor  mastre  e  s'alcus  li'n  venia  che  s'entendes  miel  che  i 
«  altri  e  che  fes  questios  de  son  trobar  o  d'autrui,  e  maistre 
«  Ferari  li  respondea  ades.  »  Viennent  ensuite  quelques 
détails  sur  ses  compositions  et  ses  amours  et  rien  de  plus. 

A  l'origine  «  estense  »  du  manuscrit  d'Esté  s'opposent  plu- 


I.  Ces  poésies  sont  classées  clans  le  travail  de  M.  N.  Zingarolli,  Intorno 
a  due  trovatori  in  Italia,  Fironzc,  1S99,  p.  27. 


MELANGES   ET  DOCUMENTS.  241 

sienrs  raisons.  Entre  autre,  Vincipil  bien  connu  ne  permet 
point  d'affirmer  que  la  première  partie  ait  été  écrite  en  1254 
à  la  cour  d'Esté,  attendu  que  cet  încipU  peut  tout  aussi  bien 
provenir  d'un  original  perdu  ou  égaré.  Le  manuscrit  d'Esté, 
selon  la  juste  remarque  de  Mussafia,  peut  se  diviser  en  plu- 
sieurs parties  très  distinctes  par  l'écriture  : 

1.  Ff.  1-151.  Première  série  de  poésies. 

2.  Ff.  153-211.  Seconde  série  de  poésies,  tirée  du  livre  d'«  Al- 

berico  ». 

3.  Ff.  213-216.  Tesaur  de  Peire  de  Corbian. 

4.  BT.  218-230.  Poésies  françaises. 

5.  Ff.  232-243  Recueil  de  sirventés  de  Peire  Cardenal. 

6.  Ff.   243''-260.   Biographie  et  anthologie  de  Ferrarin  de 

Ferrare. 

On  trouve  en  tête  du  manuscrit  un  index  des  trois  premiè- 
res parties,  ce  qui  permet  de  le  diviser  en  deux  grandes  sec- 
tions principales  (Ff.  1-230  et  232-260).  La  division  de  Mussafia 
a  été  acceptée  par  M.  Grober,  qui  est  arrivé  à  la  conclusion, 
en  ce  qui  concerne  la  constitution  du  manuscrit,  que  pour  la 
première  de  ces  deux  grandes  sections,  aussi  bien  que  pour 
la  seconde,  le  chansonnier,  a  été  puisé  à  différentes  sources 
qui  correspondaient  aux  divisions  principales.  De  là  résulte 
donc  la  nécessité  de  maintenir  une  séparation  entre  les  diver- 
ses parties  du  manuscrit;  et  il  se  peut  que  la  première  série 
de  poésies  ne  soit  qu'une  copie  d'un  manuscrit  perdu  écrit 
en  1254.  En  outre,  aucune  raison  ne  porte  à  croire  que  le 
manuscrit  ait  été  exécuté  à  la  cour  d'Esté.  Au  contraire,  il  y 
en  a  plusieurs,  qui  font  songer  à  la  Vénétie,  en  général,  ou 
encore  à  la  marche  de  Tréviso,  qui  ont  été  au  moyen  âge,  sur- 
tout au  xiiie  siècle,  de  véritables  foyers  de  poésie.  Au  bas  du 
folio  216'*,  on  lit  le  nom,  déjà  relevé  par  Mussafia,  de  Petrus 
DE  Cenet.,  qui  était  magisler  et  qui  vivait,  à  en  juger  par 
récriture  de  cette  note,  à  la  fin  du  xiv*  siècle  ;  ce  nom  se 
répète  au  f.  260*^,  à  la  dernière  page  du  manuscrit,  ce  qui 
montre  évidemment  que  les  deux  parties  principales  du  grand 


242  ANNALES    DU   MIDI 

recueil  étaient  possédées  en  ce  temps- là  par  un  certain 
Petrus,  qui  était  de  Ceneda  près  de  Trévise'. 

Mais  un  fait  tout  à  fait  nouveau  mérite  d'être  mis  ici  en 
lumière.  A  la  fin  du  xv«  siècle,  cotre  manuscrit  n'était  pas  à 
Ferrare,  mais  à  Venise,  dans  la  bibliothèque  de  Giovanni 
Malipiero,  où  il  portait  le  n"  14.  La  preuve  en  est  fournie  par 
la  signature  «  Zuan  Malipiero  cataneus  »,  qui  se  lit  au  verso 
du  dernier  feuillet  de  garde  du  manuscrit,  fait  qui,  malgré 
son  importance,  a  passé  inaperçu  jusqu'ici. 

Zuan  Malipiero  est  bien  connu.  Il  était  fils  d'un  certain 
«  Paolo  »  et  avait  épousé  la  sœur  du  célèbre  Marino  Sanuto^. 
Il  avait  aussi  une  bibliothèque  très  riche ,  dont  quelques 
volumes  purent  bien  passer  à  Sanuto  avant  et  après  sa  mort 
(t  1536) ^ 

Or,  comme  on  sait  que  quelques  livres  de  Sanuto  furent 
empruntés  par  le  cardinal  P.  Berabo.  on  peut  supposer  que 
notre  manuscrit  a  été  porté  à  Ferrare  vers  1502  par  le  même 
Bembo,  qui  se  plut,  à  la  cour  d'Esté,  à  comparer  le  manus- 
crit B  avec  /iT*.  Il  est  sûr  que  le  manuscrit  B  faisait  déjà 
partie  de  la  bibliothèque  des  ducs  d'Esté  dans  la  seconde  moi- 
tié du  XVI®  siècle,  puisque  G.  M.  Barbieri  a  pu  écrire  dans  son 
Origine  délia  poesia  rimata  les  lignes  qui  suivent  :  «  Mi 
«  ricorda  di  avère  già  veduto  in  un  gran  libro  provenzale 


1.  Non  seulement  possédées,  mais  encore  corrigées  :  f.  2a,  1.  2  de  sur 
ligne;  3d,  no,  id.;  18b  un  mot  ajouté  :  oscura;  f.  2Ib  :  e  uos  ren  m07i 
cors  de  bon  cor  et  marmor,  etc. 

2.  /  Diarii  di  Maritio  Sanuto,  prefaz.  di  G.  Berchet;  Venezia,  1903, 
pp.  13  et  38.  —  Zuan  Malipiero  se  trouve,  pour  une  raison  ou  pour  une 
autre,  plusieurs  fois  mentionné  dans  les  Diarii  :  VII,  577  (1508)  ;  XVII, 
283  (1513);  XXIII,  531  (27  janvier  1517);  XXIX,  220  (1520);  XXXI.  498 
(1521),  etc.  On  lit  dans  son  testament  (1533)  :  &  Voio  et  ordeno  che  tutti  li 
«  altri  miei  libri  a  stampa  è  nel  studio  grando  da  basso  et  quelli  a  penna 
«  ch'  è  in  li  mei  armeri  di  la  mia  caméra  che  sono  in  numéro  più  de 
«  6500;  quai  mi  ha  costà  assà  danari  et  é  cose  bollissime  et  rare  e  molti 
«  di  Ihoro  che  non  si  trova,  di  li  qnali  ho  uno  inventario  con  il  precio  di 
«  quello  mi  costorono...  et  prego  essi  signori  Procuratori  overo  Gastaldi 
«  non  butino  via  diti  libri.  »  (Diarii,  p.  101.) 

3.  Sanuto  a  dressé  un  index  des  i-omans  chevaleresques.  (Crescini, 
Giorn.  stor.  délia  letterat.  ital.,  V,  181-5.) 

4.  Bertoni,  Studi  roma7izi,  I,  p.  1.  On  peut  aussi  conjecturer  que  le 
ms.  est  parvenu  à  la  cour  après  la  mort  de  Bembo. 


MELANGES   ET   DOCUMENTS.  243 

«  50  canzoni  con  questo  titolo  sopra  Istae  sunt  cantiones 

«  francigenae  W  L,  il  quai  libro  di  présente  si  trova  nella 

«  libreria  ducale  di  Ferrara^  »  Ce  grand  livre  est  justement 

notre  manuscrit  D. 

Giulio  Bertoni. 


1.  Voir  mon  livre  :  G.  M.  Barbieri  e  gli  stiidi  romanzi  nel  sec.  XVI; 
Modena,  1905,  p.  50. 


COMPTES  RENDUS  CRITIQUES 


Henri  Moris.  Cartulaire  de  l'abbaye  de  Lérins  (deuxième 
partie).  Paris,  Champion,  1905;  in-4o  de  cx:-296  pages. 

Le  savant  archiviste  des  Alpes-Maritimes  a  terminé,  en  1905, 
la  publication  du  Cartulaire  de  Lérins  dont  il  avait  donné, 
en  1883^,  la  première  partie,  en  collaboration  avec  Edouard 
Blanc,  à  cette  époque  bibliothécaire  deNice.  Entre  temps,  M.  Mo- 
ris avait  classé  et  et  inventorié  les  papiers  de  Lérins^.  Sans  mé- 
connaître l'importance  de  ces  divers  travaux,  il  faut  convenir 
que  le  dernier  ouvrage  offre  un  intérêt  supérieur.  Le  paléogra- 
phe consciencieux  s'y  retrouve,  avec  toute  sa  compétence,  dans 
la  lecture  des  chartes  et  les  soins  minutieux  qu'il  apporte  à  leur 
publication,  scrupuleusement  exacte.  Mais  à  côté  de  cet  excel- 
lent metteur  en  œuvre  de  documents,  il  y  a  l'historien  de  valeur. 
Nourri  de  son  sujet  depuis  tantôt  quinze  ans,  il  en  connaît  assez 
toutes  les  parties  pour  le  présenter  sous  son  jour  véritable  et  en 
faire  ressortir  les  côtés  originaux.  D'autre  part,  l'érudition  géné- 
rale de  l'auteur  le  met  à  même  de  traiter  toutes  les  questions 
connexes. 

Quiconque  écrit  sur  les  moines  sait  combien  de  problèmes  sou- 
lève ce  genre  de  travaux.  Les  institutions  monastiques  n'ont- 
elles  pas  joué  un  rôle  prépondérant  au  moyen  âge  tant  au  point 
de  vue  intellectuel  et  civil  qu'artistique  et  religieux?  L'Eglise, 

1.  Paris,  Champion,  in-l»  do  XLViii-lTiJ  pages;  fac-similé  en  héliogravure. 

2.  Inventaire  de  la  série  II  des  archives  des  Alpes-Maritimes,  Nice, 
Ventre,  n"'  1  à  1109  ;  pages  v  à  xv,  1  à  171. 


COMPTES   RENDUS   CRITIQUES.  245 

les  seigneurs  et  le  roi  s'en  sont  servi  tour  à  tour  pour  défendre 
et  accroître  leur  influence.  Aussi  rien  de  plus  difficile  que  de  faire 
revivre  une  abbaye  durant  les  longs  siècles  de  son  existence. 
M.  M.  l'a  fait  dans  l'introduction  magistrale  de  la  seconde  partie 
du  Carlulfiire.  Ce  n'est  là  évidemment  qu'une  ébauche,  mais 
d'un  heureux  augure  pour  l'histoire  de  Lérins.  L'auteur,  en  com- 
prenant toute  la  portée,  la  prépare  et  la  mûrit.  Il  en  indique 
aujourd'hui  le  plan,  sans  le  tracer  d'une  manière  définitive. 

L'introduction  d'aiileurs,  et  c'est  un  mérite  à  nos  yeux,  se 
dégage  entièrement  du  Cartulaire,  le  reflète,  en  est  une  vivante 
image.  Sans  doute,  cet  abrégé  historique  n'a  pas  et  ne  peut  pas 
avoir  la  vie  qu'aura  l'étude  définitive  dont  il  n'est  que  le  fron- 
tispice. On  ne  peut  pourtant  y  reprendre  la  froideur  de  style,  la 
sèche  concision  de  la  plupart  des  publications  de  cette  nature. 

Par  son  antiquité,  sa  situation  topographique  et  le  lustre  de 
plusieurs  de  ses  membres,  le  monastère  de  Saint  Honorât  est  un 
des  plus  intéressants  à  connaître.  Que  de  données  inédites,  de 
révélations  peut-être  sur  la  Provence  et  les  Etats  italiens  nous 
apportera  l'histoire  de  Lérins  !  Cette  abbaye  est,  après  Saint- 
Victor  de  Marseille,  une  des  plus  importantes  du  Midi.  Ses  pos- 
sessions, comme  celles  du  puissant  monastère  bénédictin,  se  sont 
étendues  en  Italie  et  jusqu'en  Espagne.  Elle  a  compté,  parmi  ses 
abbés  et  ses  moines,  des  saints,  les  Honorât,  les  Hilaire  et  les 
Maxime;  des  martyrs,  Aygulphe  et  Porcaire  ;  des  orateurs, 
Valérien  et  Césaire;  des  écrivains,  Euclier  et  Salvien.  Ces  gran- 
des figures  s'effacent  devant  celle  du  controversiste  Vincent  de 
Lérins,  dont  le  Commonitorium  pro  catholicœ  fidei  antiquilate 
vient  d'être  rajeuni  par  l'actualité  que  lui  donnent  de  récentes 
théories  exégétiques. 

M.  M.  embrasse  tout  le  passé  du  monastère.  Le  prenant  au 
lointain  de  sa  fondation,  il  en  suit  un  à  un  les  agrandissements 
et  les  vicissitudes  jusqu'à  sa  sécularisation  par  Pie  VI,  le 
10  août  1787  (bulle  Ex  injunclo).  Il  initie  le  lecteur  au  fonctionne- 
ment de  l'abbaye  par  l'examen  détaillé  des  statuts.  Il  donne  la 
chronologie  des  abbés  du  ix»  siècle  à  la  Révolution'.  La  liste 
publiée  dans  la  Gallia  christiana  s'arrêtait  en  .1681  et  demandait 
une  revision  complète. 

L'auteur  a  dressé  aussi  la  liste  des  archevêques  d'Embrun  et 

1.  Pa^es  2U1  à  293, 


246  ANNALES  DU   MIDI. 

des  évêques  de  Digne,  Fréjus,  Glandèves,  Grasse,  Riez,  Senez  et 
Vence  i,  d'après  le  Trésor  de  chronologie  de  Mas-Latrie,  les  Ar- 
chevêques et  évêques  de  France  du  P.  Armand  Jean,  S.  J.,  et  la 
Hierarchia  du  P.  Conrad  Eubel. 

A  citer  encore  l'index  chronologique  des  chartes  2,  une  table 
des  Incipil^,  l'index  général^  (noms  de  personnes  et  de  lieux)  et 
un  index  géographique ^  Félicitons  l'archiviste  distingué  des 
Alpes-Maritimes  d'avoir  fait  une  large  part  à  la  géographie  de 
l'abbaye  en  illustrant  son  Cartulaire  d'une  carte  des  possessions 
territoriales  du  monastère  de  Lérins.  Cette  carte  permet  de 
mieux  juger  de  l'ensemble  des'possessions,  de  l'importance  du 
domaine  des  moines  de  saint  Honorât. 

Une  autre  preuve  du  rôle  considérable  de  Lérins  au  moyen 
âge,  argument  développé  comme  il  convient  par  M.  M.,  ce  sont 
les  exemptions  et  privilèges  accordés  à  l'abbaye  par  l'autorité 
ecclésiastique  et  le  pouvoir  séculier.  Papes,  rois  de  France,  hauts 
et  puissants  seigneurs  se  montrent  envers  elle  prodigues  à  l'envi . 
Les  donations  affluent,  surtout  lors  du  réveil  religieux  du  xi"  siè- 
cle, après  les  terribles  émotions  de  l'année  fatidique.  Au  lende- 
main de  l'an  mil,  Lérins  s'enrichit  tout  à  coup  d'une  centaine  de 
dépendances  réparties  entre  quatre-vingt  localités  de  France, 
d'Italie  et  d'Espagne. 

Si  l'on  pousse  davantage  l'analyse,  plusieurs  points  historiques 
sont  à  signaler.  Un  des  plus  intéressants  est  le.  rattachement 
momentané  du  monastère  à  Saint-Maur,  sous  l'action  combinée 
de  Richelieux  et  du  célèbre  Godeau. 

Le  côté  archéologique  et  artistique  "  de  l'œuvre  n'a  pas  été 
négligé.  Si  le  lecteur  suit  les  moines  à  travers  les  phases  de  la 
vie  monastique,  du  haut  moyen  âge  à  la  fin  des  temps  moder- 
nes, il  s'instruit  par  surcroît  des  transformations  par  lesquelles 
ont  passé  les  bâtiments  de  l'abbaye,  du  roman  au  gothique,  du 
gothique  aux  remaniements  contemporains. 

Le  style  de  M.  M.  ne  manque  ni    de  relief,  ni  de  couleur.  Les 

1 .  Pages  283  à  289. 

2.  Pages  217  à  225. 
;3.  Pages  279  à  282. 

4.  Pages  227  à  253. 

5.  Pages  255  à  278. 

6.  Nous  avons  publié  dans  le  liulletùi  archéologiquei  1907,  une  étude 
sur  une  châsse  en  bois  peint  du  xv  siècle,  de  l'abbaye  de  Lérins,  con- 
servée dans  l'église  de  Grasse. 


COMPTES   RENDUS   CRITIQUES.  247 

lignes,  d'un  tracé  si  pittoresque,  de  la  Côte  d'azur,  l'intensité  de 
ses  bleus,  la  luxuriance  de  sa  flore  et,  par-dessus  tout,  la  lumi- 
nosité toute  grecque  de  son  atmosphère  ont  bien  inspiré  l'au- 
teur. Derrière  le  paléographe  et  l'historien  apparaît  parfois  le 
poète;  mais  toujours  discret,  à  rencontre  des  gens  de  son 
espèce,  celui-ci  demeure  à  l'arrière-plan.  11  se  contente  d'égayer 
çà  et  là  d'une  image  les  beautés  sévères  de  l'histoire  ou  de  l'éco- 
nomie politique,  à  l'exemple  de  ces  peintres  ornemanistes  des 
temples  de  l'Hellade,  dont  les  couleurs  sobrement  disposées  prê- 
taient un  charme  de  vie  à  des  formes  architecturales  harmo- 
nieuses sans  doute,  mais  un  peu  nues  et  un  peu  sèches. 

G.  Arnaud  d'Agnel. 

Pierre  Champion.  Cronique  Martiniane.  Edition  criti- 
que d'une  interpolation  originale  pour  le  règne  de 
Charles  VII  restituée  à  Jean  Le  Clerc.  Paris,  ChamploQ, 
1907;  ia-8°  de  lxxix-127  pages. 

Le  second  volume  de  la  Cronique  Martiniane,  publiée  au  début 
du  xvie  siècle  à  Paris  par  Ant.  Verard,  contient,  du  fol.  274  au 
fol,  307,  un  texte  qui  vient  d'être  édité  à  nouveau,  avec  une  anno- 
tation très  complète,  par  M.  P.  Champion,  et  accompagné  d'une 
introduction  qui  fait  ressortir  pour  la  première  fois  le  caractère 
et  la  valeur  du  document.  Celui-ci  est  intéressant  à  plus  d'un 
titre  pour  l'histoire  du  midi  de  la  France.  Je  crois  donc  utile  de 
signaler  ici  le  mémoire  et  la  publication  de  M.  P.  C.  Je  laisse  de 
côté  les  autres  morceaux  dont  se  compose  la  compilation  qui 
forme  la  deuxième  partie  de  la  Cronique  Martiniane,  morceaux 
sur  lesquels  on  trouvera  d'ailleurs  des  renseignements  abondants 
et  précis,  et  toutes  les  indications  bibliographiques  désirables 
dans  l'introduction  très  documentée  de  M.  C.  Celui  auquel  est 
consacrée  la  présente  publication  se  présente  sous  la  forme  d'une 
interpolation  des  chroniques  de  Monstrelet  et  d'Alain  Chartier. 
Or,  M.  C.  paraît  avoir  démontré  que  cette  interpolation  doit  être 
attribuée  au  môme  auteur  que  celle  d'un  des  mss.  de  la  Chroni- 
que Scandaleuse,  étudiée  par  J.  Quicherat  et  M.  B.  de  Mandrot, 
c'est-à-dire  à  un  certain  Jean  le  Clerc,  attaché  au  service  de  la 
maison  d'Antoine  de  Chabannes,  puis  secrétaire  du  roi,  mort 
en  1510.  Et,  en  effet,  l'interpoiateur  del^onstrelet,  Chartier,  dont 
l'œuvre  a  été  insérée  dans  la  Martiniane,  emprunte  les  rensei- 


248  ANNALES   DU    MIDI. 

gnements  originaux  qu'il  fournit',  soit  à  des  pièces  offlcieiies 
conservées  dans  las  archives  de  la  maison  de  Chabannes^,  soit 
aux  souvenirs  personnels  d'un  des  représentants  de  cette  maison, 
Antoine,  le  redoutable  chef  dEcorcheurs,  comte  de  Dammartin, 
depuis  1439.  Indépendamment  de  son  origine  limousine,  Antoine, 
au  cours  de  sa  vie  mouvementée,  a  joué  un  certain  rôle  dans 
l'histoire  du  Midi,  puisqu'à  deux  reprises,  en  14oo  sous  Char- 
les VII,  et  en  1469  sous  Louis  XI,  il  reçut  du  roi  mission  de  s'em- 
parer des  terres  du  comte  d'Armagnac.  En  outre,  il  fut  chargé 
par  Charles  VII  de  surveiller  dans  son  apanage  le  dauphin  Louis, 
et  la  partie  de  Cronique  Marliniane  ^whWée  par  M.  C.  apporte  sur 
cette  période  de  la  vie  de  Louis  XI  un  certain  nombre  de  détails 
nouveaux.  I\!ais  surtout  on  y  trouvera  d'abondants  renseigne- 
ments sur  l'existence  des  chefs  de  compagnie,  les  deux  Chaban- 
nes,  Antoine  et  Jacques,  et  leurs  compagnons  La  Hire  et  Xain- 
trailles,  et  tant  d'autres  «  qui  vivaient  sur  le  pays  le  plus  gra- 
cieusement qu'ils  pouvaient^  ».  Ces  hommes  ont  une  menta- 
lité spéciale,  qui  n'exclut  pas  un  certain  loyalisme,  —  comme  le 
prouve  l'exemple  d'Antoine  de  Chabannes  répondant  à  Louis  XI  : 
«  Les  miens  ont  servy  le  feu  roy  vostre  père,  que  Dieu  pardoint, 
en  ses  grandes  affaires...,  c'est  à  savoir  feu  mon  père  en  la  ba- 
taille d'Azineourt,  mon  frère  Estienne  a  Crewanz,  et  mon  frère 
dernier  en  Guyenne,  et  de  œoy,  sire,  depuis  que  j'ay  pu  monter 
à  cheval,  j'ay  servi  le  roy  vostre  père  et  vous  le  mieux  que  j'ay 
peu  »  *,  —  mais  qui  leur  fait  regarder  la  guerre  surtout  comme 
une  industrie  dans  laquelle  il  est  louable  de  s'enrichir.  «  Si  j'ay 
mangié  à  ma  jeunesse  des  choses  aigres  et  amères,  je  espère  en 
mangier  quelque  jour  de  plus  doulces  ))5,  disait  le  même  capi- 
taine. Un  peu  de  pittoresque  ne  dépare  pas  les  travaux  d'érudi- 
tion, quand  le  sujet  le  comporte,  et  ces  remarques  sur  le  carac- 
tère des  personnages,  faites  dans  son  introduction  par  M.  C, 
ne  nuisent  en  rien  à  la  netteté  de  son  argumentation  ni  à  l'abon- 
dance de  son  information.  R.  Poupardin. 

1.  M.  C.  n'a  reproduit  dans  son  édition  que  les  parties  originales,  se 
bornant  à  renvoyer  au  texte  de  Monstrelet  pour  les  passages  purement 
et  simplement  empruntés  à  ce  dernier. 

2.  En  généi-al  transcrites  avec  soin,  comme  on  peut  en  juger  d'après 
cei'taines  d'entre  elles  dont  les  originaux  se  sont  conservés  par  ailleurs. 

3.  Champion,  p.  17. 

4.  Ibid.,  p.  XXXI \',  n"2.  ' 

5.  Ibid.,  p.  21. 


COMPTES  RENDUS   CRITIQUES.  249 

Lieutenants  Dessat  et  de  I'Estoile.  Origines  des  armées 
révolutionnaires  et  impériales  (1789-1815)  d'après 
les  archives  départementales  de  l'Ariège.  Préface 
d'Emile  Darnaud.  Paris,  iinpr.  Denis,  1906;  iu-12  de  xii-188 
pages,  avec  carte. 

On  peut  distinguer  deux  parties  dans  ce  travail.  La  première 
donne,  au  point  de  vue  ariégeois,  un  résumé  sommaire  de  l'orga- 
nisation des  volontaires  et  des  campagnes  contre  l'Espagne 
pendant  la  Révolution,  d'après  des  documents  ou  brochures  déjà 
connus,  mais  qui  étaient  dispersés,  tandis  qu'ils  se  trouvent  ici 
groupés  pour  former  un  tout. 

La  seconde,  de  beaucoup  la  plus  intéressante,  faite  d'après  les 
documents  d'archives,  est  relative  à  l'exécution  de  la  conscription 
de  Jourdan,  sous  le  Directoire,  aux  levées  faites  dans  l'Ariège, 
sous  l'Empire.  Les  chiffres  exacts  donnés  pour  chaque  cons- 
cription permettent  de  constater  d'une  façon  frappante  l'énorme 
consommation  d'hommes  faite  par  Napoléon  qui  épuisa  complè- 
tement le  pays.  L'Ariège  fournit  1â,000  hommes  dont  6.000  furent 
tués.  Ces  chiffres  sont  considérables,  étant  donnée  la  superficie 
et  la  population  du  département. 

Les  derniers  chapitres  concernent  l'organisation  soit  de  corps 
spéciaux,  —  vélites  de  la  garde  (1803-1814),  gendarmes  d'ordon- 
nance (1806-4807),  pupilles  de  la  garde  (orphelins  des  hôpitaux 
enrégimentés  à  16  ans,  1811-1814),  flanqueurs  de  la  garde  (en- 
fants de  fonctionnaires  subalternes.  18M-1815),  cavaliers  offerts 
par  le  département  (1813),  gardes  d'honneur  (1806),  compagnie 
de  réserve  (1804).  —  soit  de  corps  locaux  comme  les  miquelets  ou 
bataillon  de  chasseurs  de  montagne  (1808-1814),  qui  s'illustra 
dans  la  guerre  d'Espagne,  mais  qui,  dès  sa  formation,  sur  1139 
soldats  avait  été  réduit  bientôt  à  400  par  suite  de  désertions.  Ce 
sont  là  des  institutions  peu  connues,  et  le  travail  de  MM.  D.  et 
de  l'E.  est  très  instructif  à  cet  égard"  malgré  une  certaine  inex- 
périence de  la  méthode  historique  :  références  mal  indiquées  ou 
absentes,  pièces  justificatives  déjà  publiées  ou  parfois  peu  en 
rapport  avec  le  sujet,  carte  assez  confuse  et  assez  inexacte. 

Il  y  a  malheureusement  dans  cet  ouvrage  un  défaut  très  regret- 
table. Comme  le  fait  présager  la  préface,  intitulée  »  Vive 
l'Armée!  »,  pleine  de  sentiments  fort  respectables  mais  qui  n'ont 
rien  à  faire  dans  un  travail  scientifique,  ce  livre  a  été  écrit  pour 

ANNALES  DU   MIDI.    —  XIX  17 


250  ANNALES   DU  MIDI. 

faire  une  apologie  du  i>oldat  ariégeois.  Aussi  les  auteurs  n'ont-ils 
traité  que  fort  rapidement  tout  ce  qui  eût  pu  rabaisser  leurs 
héros,  et  notamment  la  grosse  question  des  déserteurs  et  réfrac- 
taires  à  laquelle  il  ne  font  que  de  très  brèves  allusions,  dont  on 
doit  d'ailleurs  leur  savoir  gré,  d'autant  qu'elles  sont  suffisantes 
pour  indiquer  l'étendue  du  mal.  La  correspondance  échangée  à  ce 
sujet  entre  les  autorités  et  conservée  aux  archives  départemen- 
tales de  l'Ariè^e  est  considérable.  C'est  ainsi  que  des  préoccu- 
pations étrangères  à  la  science  historique  ont  amené  les  auteurs 
à  négliger  tout  un  côté  de  la  réalité.  Si  les  soldats  ariégeois  ont 
donné  de  beaux  exemples  de  courage  et  d'iiéroïsrae,  —  et  MM.  D. 
et  de  l'E.  en  citent  des  traits  qui  montrent  bien  l'enthousiasme 
patriotique  des  volontaires,  —  il  y  a  eu  aussi  dans  ce  pays  de 
montagnes  un  nombre  particulièrement  considérable  de  réfrac- 
taires  et  de  déserteurs,  favorisés  par  la  nature  du  terrain  et  le 
voisinage  de  la  frontière.  MM.  D.  et  de  TE.  citent  bien  quelques 
chiffres,  en  ce  qui  concerne  la  période  impériale,  mais  il  aurait 
fallu  insister  davantage,  rechercher  si  ces  désertions  ont  été 
plus  fréquentes  sous  la  Révolution  ou  sous  l'Empire,  donner  les 
chift'res  pour  chaque  levée. 

La  question  reste  donc  à  peu  près  entière,  et  on  pourra,  en 
l'étudiant,  en  tirer  des  conclusions  du  plus  haut  intérêt  sur 
l'exaspération  produite  dans  les  populations  par  les  campagnes 
napoléoniennes  et  les  levées  incessantes  d'hommes.  L'  «  épopée 
impériale  »  a  son  revers  de  la  médaille.  Les  auteurs  ont  dû 
avouer  eux-mêmes  que  les  municipalités  étaient  complices  des 
rebelles.  Ils  auraient  pu  citer  aussi  l'incendie  de  la  préfecture 
de  Foix.  de  1803,  dû,  paraît-il,  à  des  réfractaires  qui  voulaient 
faire  disparaître  les  registre  de  l'état  civil  et  les  listes  de  la 
conscription.  Enfin,  c'est  aussi,  dit-on,  sous  le  premier  Empire 
qu'une  bande  de  réfractaires  réfugiée  dans  la  grotte  de  Lombrive. 
près  Ussat,  extermina  presque  tout  un  régiment  envoyé  contre 
elle,  à  mesure  que,  un  à  un,  les  soldats  franchissaient  en  ram- 
pant un  étroit  passage  de  la  caverne.  Il  y  a  là  matière  à  d'inté- 
ressants travaux  relatifs  à  l'état  social  sous  le  premier  Empire. 

Tel  qu'il  est,  et  malgré  cette  lacune,  ce  livre  mérite  do  fixer 
l'attention  pour  les  faits  locaux  qu'il  révèle  et  les  institulions 
militaires  peu  connues  qu'il  étudie.  Kr.  Gal.^bert. 


REVUE    DES   PÉRIODIQUES 


PÉRIODIQUES  FRANÇAIS  MERIDIONAUX 

Alpes  (Hautes-). 

Annales  des  Alpes,  t.  IX,  1905. 

p.  5-15  et  58-67.  Abbé  Guillaume.  Le  pape  Pie  VI  à  BriaiK'on,  mai- 
juin  1799.  [Lettres,  la  plupart  inédites,  des  commissaires  envoyés  à. 
Briançon  par  l'administration  centrale  des  Hautes- Alpes  afin  d'approvi- 
sionner l'armée  :  il  s'agissait  de  repousser  l'invasion  des  Austro-Russes, 
vainqueurs  des  Français  en  Italie.  Elles  donnent  de  nombreux  détails 
sur  les  charges  imposées  à  la  population,  et  quelques-uns  sur  le  séjour 
du  pape  à  Briançon  où  le  Directoire  le  retenait  prisonnier.  Les  Direc- 
teurs voulaient  faire  partir  Pie  VI  pour  Valence;  les  commissaires,  de 
leur  côté,  jugeaient  qu'il  était  hors  d'état  de  supporter  les  fatigues  du 
voyage.]  —  P.  15-8  et  75-82.  F.-N.  Nicollet.  Renseignements  et  docu- 
ments tirés  des  Archives  de  la  cathédrale  de  Gap  et  de  la  métropole 
d'Embrun  au  xvii"  siècle.  [Ces  fonds  ayant  disparu,  M.  N.  a  essayé  de 
grouper  quelques  renseignements  et  documents  qui  leur  furent  emprun- 
tés avant  qu'ils  n'eussent  été  détruits  :  ainsi  sur  la  maison  de  Laidet; 
texte  et  tx'aduction  de  pièces  trouvées  à  la  bibliothèque  Méjanes,  d'Aix.] 
—  P.  19-31.  P.  G.  Situation  financière  de  l'ancien  diocèse  de  Gap  à  la 
veille  de  la  Révolution.  [Biens  du  clergé  et  ses  dettes.  Cet  article  sem- 
ble extrait  de  l'Inventaire  des  archives  départementales.]  —  P.  32-8, 
67-75  et  107-19.  L.  B.  Le  conventionnel  Borel  et  sa  famille.  [Suite  et  fin. 
Cf.  A/inales  du  Midi,  t.  XVIII,  p.  102.  Discours,  actes,  etc.,  de  1795, 
relatifs  au  Piémont  en  particulier.  Ce  grandiloquent  et  sincère  représen- 
tant du  peuple  eut  six  enfants,  dont  un,  Hyacinthe,  fut  officier  dans  la 
garde  impériale.  Lettres  par  lui  écrites  d'Espagne.  1810-1812.]  — 
P.  48-52.  Variétés.  [Lettre  du  curé  de  Gap,  accusé  de  vol,  1794  ;  vin  des 
troupes,  même  année.]  —  P.  88-7.  Clercs  tonsurés  par  Gabriel  de  Cler- 
mont,  évêque  de  Gap,  le  19  décembre  1557.  [Liste  en  latin  de  cent  neuf 


252  ANNALES   DU    MIDI. 

clercs.  L'évêqne  se  fit  protestant  cinq  ans  plus  tard.]  —  P.  94-10(1.  Va- 
riétés. [Un  voyage  de  Gap  à  Grenoble  par  les  montagnes  en  l^ûH;  le 
pillage  de  Gap  en  169-2  par  les  Piémontais.]  —  P.  101-7,  174-9,  201-7  et 
265  70.  P".-N.  NicoLLET.  La  conimanderie  de  Saint-Jean  de  Jérusalem  de 
Gap  et  les  membres  qui  en  dépendaient  au  xvii"  siècle.  [Documents 
tirés  d'un  ms.  de  la  bibliothèque  Méjanes;  M.  N.  les  éclaire  de  notes 
excellentes  provenant  soit  d'un  autre  ms.  de  la  même  bibliothèc^ue,  soit 
des  archives  du  Vatican.  Enumération  des  terres  et  revenus  que  possé- 
dait la  commanderie.  Elle  était  grevée  de  lourdes  charges,  et  son  revenu 
net  en  1758  n'allait  qu'à  4,500  livres.]  —  P.  119-30,  166-73,  218-26  et 
271-7.  Abbé  P.  Guillaume.  Livre  de  raison  de  Martin  de  La  Villette, 
seigneur  majeur  des  Crottes,  coseigneur  du  mandement  de  Savines.etc, 
1500-1525.  [Texte  complet  de  ce  livre,  qui  fut  écrit  au  jour  le  jour,  en 
langue  vulgaire  de  l'Embrunais,  avec  addition  de  quelques  actes  rédi- 
gés en  latin  par  des  notaires.  La  fortune  du  sieur  de  La  Villette,  assez 
considérable,  consistait  en  terres  et  bestiaux.  Le  livre  nous  renseigne 
donc  sur  la  culture  des  champs,  prés,  vignes,  le  louage  des  domesti- 
ques, sur  les  mesures  et  les  monnaies  en  usage.  Les  documents  patois 
sont  très  rares  en  Embrunais,  circonstance  qui  augmente  l'intérêt  de 
celui-ci.]  —  P.  130-7,  153-65,  208-18  et  249-64.  P.  Guill.vume.  La  défense 
des  Alpes  en  juillet-décembre  1799.  [Lettres,  proclamations,  etc.  L'ar- 
mée des  Alpes,  commandée  par  Championnet,  était  alors  désorganisée, 
faute  de  ressources.  Les  administrateurs  du  département  font  des  efforts 
héroïques  pour  aiiler  à  son  ravitaillement  en  vivres  et  en  munitimis. 
CL  plus  haut  l'article  intitulé  Pie  VI  à  Bfiançon,  dont  celui-ci  est  la 
suite.]  —  P.  152.  Variétés.  [Gratification  extraordinaire  à  Mourin,  tam- 
bour de  la  garde  impériale,  1808.]  —  P.  180-3.  P.  G.  Inventaire  des 
meubles,  bibliothèque  et  archives  de  Pierre-Annet  de  l'érouse,  évèque 
de  Gap  (1754-1763).  [Simple  analyse.]  —  P.  194-200.  Variétés.  [Le  bac  de 
Thèze  sur  la  Durance,  1724,  1718-1726;  les  fondations  de  La  Salette  en 
17.59.]  —  P.  227-9.  Les  écartons  du  Briançonnais  et  les  dettes  de  la  com- 
munauté de  Névache  en  1753.  [Mémoire  pour  cette  communauté,  l'une 
des  dix-neuf  du  liriançonnais,  alors  réparties  en  deux  «  écartons  »  ou 
groupes  contribuables.  Ayant  été  pillée  et  incendiée  plusieurs  fois  par 
les  ennemis,  elle  devait  à  son  écarton  46,281  livres  en  capital  et  inté- 
rêts.] —  P.  235-48.  Variétés.  [Inventaire  du  mobilier  d'un  vicaire  de  Val- 
louise  en  1714  ;  le  diocèse  de  Gap  en  1764  ;  réforme  du  calendrier  grégo- 
rien à  Gap  en  décembre  1582;  la  misère  et  l'instruction  dans  le  canton 
de  r.\rgontière  en  1817;  invitation  adressée  à  Gap  d'assister  à  la  réu- 
nion de  Vizille,  18  juillet  1788  :  pourquoi  la  ville  n'y  fut  pas  représen- 


PÉRIODIQUES    MÉRIDIONAUX.  253 

tée.]  —  P.  277-82.  V.  Lieutaud.  «  Mise  de  pocession  de  lii  prévôté  de 
Chardavon,  diocèse  de  Gap,  pour  M"  de  Goinbert.  »  [1761.  Gombert,  à 
cette  date,  succède  au  prévôt  P.  de  Lieutaud,  et  en  1766  il  est  remplacé 
lui-même  par  l'abbé  II.  Ricaudy.  Ces  deux  titulaires,  l'un  et  l'antre  de 
Sisteron,  furent  les  derniers.]  P.  D. 

Alpes-Maritimes. 

Annales  de  la  Société  des  letù^es,  sciences  et  arts  des 
Alpes-Mariti7nes,  t.  XIX,  1905'. 

P.  1-76.  G.  Doublet.  Gattières,  une  enclave  italienne  sur  la  rive  française 
du  Var.  [Histoire  de  ce  village  qui  i-eleva  de  la  mitre  de  Vence,  même 
quand  il  appartint,  non  à  la  Provence,  mais  à  la  Savoie,  et  qui,  situé 
sur  la  rive  droite  du  Var,  était  chez  nous  un  poste  avancé  de  l'état  voi- 
sin :  le  i-écit  s'arrête  à  1672  et  doit  être  continué  dans  le  t.  XX.]  — 
P.  77-89.  D''  GuEBHARD.  Note  sur  un  trésor  de  deniers  romains  trouvé 
en  1901  aux  environs  de  Nice.  [Dont  quelques-uns  ont  été  donnés  par 
l'auteur  au  musée  de  Neuchâtel  en  Suisse  :  deux  planches  offrent  l'image 
des  plus  intéressants.]  —  P.91-120.P.Goby.  Sur  quelques  meules  à  grains 
et  un  moulin  ancien  ressemblant  auTrapetuni,  découverts  dans  l'arron- 
dissement de  Grasse  (deux  planches).  —  P.  121-232.  Abbé  Rance-Bour- 
REY.  Pie  VII  dans  lecomté  de  Nice  en  1809  et  1814.  [Une  planche  repré- 
sente, d'après  une  gravure  du  début  du  xix=  s.,  la  place  où  sont  la  croix 
de  marbre  commémorative  de  l'entrevue  de  1538  et  la  colonne  qui  rap- 
pelle les  deux  séjours  du  pape.]  —  P.  233-53.  E.  Ra.ynaud.  Statuts  de  la 
vill«  de  Nice  au  xiii"  s.  [D'après  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  mu- 
nicipale de  Nice.]  —  P.  255-62.  Jaubert.  La  Napoule  et  ses  pêcheries 
au  xvii«  s.  [Une  planche  reproduit  une  carte  de  cette  époque.]  — 
P.  263-71.  F.  Mader.  La  disparition  du  palmier  nain,  autrefois  sau- 
vage, dans  les  Alpes-Maritimes.  [La  question  a  un  intérêt  historique.] 
—  P.  273-90.  Lieutenant-colonel  de  Ville  d'Avray.  Etude  et  plan  des 
Encourdoules.  [Plateau  qui  domine  Vallauris.  L'auteur,  qui  a  joint  à 
son  article  plusieurs  dessins  de  sa  plume,  pense  que  les  Oxybii  ont 
occupé  ce  point.]  —  P.  299-399.  Moris.  L'abbaye  de  Lérins,  son  his- 
toire, ses  possessions  et  ses  mgnuments  anciens.  [On  sait  que  l'auteur, 
archiviste  des  Alpes-Maritimes,  vient  de  publier  le  tome  II  du  Cartu- 

1.  Le  tome  précédent  (t.  XVIII,  1903,  cf.  Annales,  t.  XVI,  p.  251)  se 
termine  par  les  rapports  des  présidents  de  la  Société  sur  les  travaux  des 
exercices  1900-1902,  et  par  une  note  de  M.  G.  Doublet  sur  les  travaux  de 
François  Brun,  secrétaire  perpétuel  et  doyen  de  la  Société,  mort  en  dé- 
cembre 1899. 


254  ANNALES   DU   MIDI. 

laire  de  Lérins,  auquel  l'Académie  des  Inscriptions  a  accordé  une 
mention.  Dans  ce  mémoire,  qui  suit  de  près  l'introduction  mise  au 
tome  II,  on  trouvera  en  particulier  trois  planches  intéressantes.] 

G.  D. 

Ariège. 

Bulletin  périodique  de  la  Société  Ariégeoise  des  Sciences, 
Lettres  et  Arts  (Foix)  et  de  la  Société  des  Études  du 
Couserans  (Saint-Girons),  t.  X,  1904-1906  (suite  et  fin). 

p.  113-30.  Fr.  Galabkrt.  Les  archives  révolutionnaires  de  l'Ariège.  [Ro- 
pi'oduction  d'un  article  paru,  en  1905,  dans  la  Réoolution  française. 
Reconstitution  du  dépôt  départemental  détruit  dans  un  incendie;  énu- 
mération  des  archives  communales  et  autres  où  se  trouvent  des  docu- 
ments de  l'époque  révolutionnaire.]  —  P.  131-44,  177-200.  F.  Pasquier. 
Coutumes  municipales  de  Foix  sous  Gaston  Phœbus,  d'après  le  texte 
roman  de  1387,  seconde  édition.  [Etude  accompagnée  du  texte  des  cou- 
tumes et  d'autres  pièces  justificatives.]  —  P.  145-48.  Abbé  Ed.  Lafuste. 
Renseignements  historiques  tirés  des  archives  paroissiales  de  Bélesta. 
[Sur  les  guerres  de  religion.]  —  P.  149-G5,  201-16,  246-76.  C.  Barrière- 
Flavy.  Le  capitaine  .Jean  Lecomte,  gouverneur  du  château  et  de  la  ville 
de  Foix,  1584-1600.  [Épisodes  de  la  Ligue  et  des  guerres  de  religion 
dans  le  comté  de  Foix.  Mémoire  suivi  de  pièces  justificatives,  dont 
quinze  lettres  de  Henri  IV,  d'un  inventaire  du  château  de  Foix 
en  1600,  etc.  Ces  documents  sont  tirés  du  chartrier  de  M.  le  comte  de 
Brettes-Thurin,  au  château  de  Jottes  (Haute-Garonne).]  —  P.  165-72. 
L.  DE  Bardies.  Excursion  de  la  Société  des  Études  du  Couserans  à 
Sentein-les-Bains  (canton  de  Castillon,  Ariège).  [Description  archéolo- 
gique des  monuments  de  la  vallée  du  Lez  :  Luzenac,  Castillon,  Sen- 
tein,  etc.]  —  P.  219.  G.  Doublet.  Réception  de  Froissard  à  Mazères 
par  Gaston  Phœbus,  d'après  une  miniature  de  l'époque.  —  P.  225-45. 
G.  Doublet.  Histoire  de  la  maison  de  Foix-Rabat.  [XI^  partie,  avec 
avant-propos.  Fac-similé  d'autographes  de   membres  de  cette  famille.] 

—  P.  277-95.  F.  Pasquier.  La  détresse  de  l'abbaye  des  Salenques  au 
comté  de  Foix  en  1483.  [Texte  avec  pièces  justificatives.]  —  P.  296-8. 
F.  Pasquier.  Déclaration  faite,  en  1627,  par  les  villes  de  Pamiers, 
Mazères,  Saverdun  et  du  Caria,  de  rester  fidèles  au  roi.  —  P.  317-9  et  432 
Découverte  à  Saint-Girons  d'un  autel  funéraire  de  l'époque  gallo- 
romaine.  —  P.  320.  Fiefs  dans  la  Barguillère,  près  Foix,  au  xv  siècle. 

—  P.  321-31).  G.  Doublet.  La  corne  de  serpent  des  comtes  do  Foix  otles 
papes  Clément  V  et  .Jean  XXII.  —  P.  331-16.  .J.  Decap.  L'instruction 
publique  à  Mazères  (comté  de  Foix)  aux  xvii=  et  xviii»  siècles,  d'après 


PÉRIODIQUES   MÉRIDIONAUX.  255 

les  registres  des  délibérations  municipales.  —  P.  347-50.  Fr.  Galabert. 
Le  château  de  Pamiers  au  xv  siècle.  —  P.  353-7.  G.  Doublet.  Le  tri- 
bunal d'Inquisition  à  Pamiers.  —  P.  369-96.  G.  Doublet.  Un  ambassa- 
deur ariégeois  de  Louis  XIV  auprès  de  Charles  XII.  [Il  s'agit  de 
M.  de  Bonnac,  qui  représenta  aussi  la  France  en  Espagne,  en  Turquie 
et  en  Suisse.]  —  P.  397-400.  Abbé  Gau-Durban.  Notice  biographique  de 
M^''  Dominique  de  Lastuc,  dernier  évèque  de  Couserans,  d'après  des 
archives  de  famille.  —  P.  401-16.  E.  Trutat.  Le  congrès  international 
d'archéologie  et  d'anthropologie  préhistorique  de  Monaco  (16-20  avril 
1906).  —  P.  420-3.  F.  Pasquieu.  Hommages  des  châteaux  de  Mirepoix 
en  1152  et  de  Niort  en  1158.  [Avant-propos  et  textes.]  —  P.  423-7.  Em. 
Cartailhac.  Découvertes  préhistoriques  dans  une  grotte  de  Niaux,  près 
Tarascon  (Ariège).  [Peintures  sur  plusieurs  parois  de  la  grotte  représen- 
tant des  animaux;  elles  sont  analogues  à  celles  découvertes  en  Espa- 
gne.] —  P.  441-5.  Table  des  matières  du  X»  volume. 

F.  P. 

Aveyron. 

I.  Mémoires  de  la  Société  des  Lettres,  Sciences  et  Arts  de 
V Aveyron,  t.  XVI,  1900-1905 ^ 

P.  1-23.  M.  CoNSTANS.  Le  Grand  schisme  d'Occident  et  sa  répercussion 
dans  leEouergue.  [Exposé  clair  et  animé,  d'après  les  travaux  de  M.  Noël 
Valois  sur  le  Grand  schisme,  du  rôle  joué  par  Bernard  VII  d'Arma- 
gnac, Jean  Carrier,  archidiaci-e  de  Saint-Antonin,  prieur  de  Lédergues. 
Procès  de  Jean  Trahinier,  dernier  partisan  du  schisme,  d'après  le  pro- 
cès-verbal conservé  à  la  bibliothèque  Sainte-Geneviève.  Cet  important 
document  a  été  imprimé  en  appendice  du  tirage  à  part  du  présent 
article.  Rodez,  Carrère  [1905],  p.  76-105;  cf.  Annales,  t.  XVII,  p.  586-7. 
Il  serait  à  souhaiter  que  l'auteur  pût  reprendre  et  traiter  plus  complè- 
tement, avec  des  documents  nouveaux,  cet  intéressant  sujet.]  — 
P.  24-34.  Id.  Notes  sur  les  familles  aveyronnaises  Assézat  et  Delpech. 
[D'après  les  archives  notariales  de  Toulouse;  détails  sur  la  vie  des  trois 
frères  Noël,  Bernard  et  Pierre  Assézat,  d'une  famille  originaire  d'Espa- 
lion  ;  alliés  aux  Delpech  d'Alayrac  (près  Espalion),  établis  à  Toulouse 
où  ils  s'enrichissent  en  faisant  le  commerce  de  l'indigo.  Pierre,  mort 
vers  1581,  fut  seigneur  de  Dunède,  capitoul  (1550),  président  de  la 
Bourse  des  marchands  de  Toulouse  (1555),  fit  commencer  la  construc- 
tion du  magnifique  hôtel  qui  porte  son  nom  (1555).  Le  post-scriptum 
annonce  une  publication  étendue  de  Mb''  Douais  sur  les  d'Assézat.  Dans 

1.  Rodez,  Carrère,  1906. 


256  ANNALES   DU   MIDI. 

les  actes  des  xv^  et  xvi''  siècles  des  divers  fonds  d'archives  d'Espalion, 
de  Saint-Côme,  les  Assézat  sont  fréquemment  nommés;  v.  aussi  Arch. 
dép.de  la  Haute-Garonne,  fonds  de  Malte,    Espalion,    liasse   I,   n"   16, 
1460,  etc.]  —  P.  35-43.  F.  Mourlot.  Victor  Dubourg,  publiciste,  pri- 
sonnier d'Etat,  né   à  Espalion  en  1715,  mort  dans  la  cage  de  fer  au 
Mont-Saint-Michel,    le  26   aovit  1746.   [Détruit   quelques   détails  légen- 
daires sur  ce  curieux  personnage  qui  s'appelait  de  son  vrai  nom  Pierre 
de  la  Cassagne.   Mêlé  au  monde  littéraire  et  philosophique  de  la  capi- 
tale, il  se  lance  dans  l'opposition  contre  la  cour.  Il  va  remplir  à  Franc- 
fort le  rôle   d'espion  et  de   diffamateur  politique  pour  le  compte  de 
Marie-Thérèse.  Ses  Lettres  chinoises,  imprimées  clandestinement,  sont 
la  «  Chronique  scandaleuse  »  de  l'Europe.  Pour  avoir  rappelé  les  noms 
d'Agrippine  et  de  Locuste  en  parlant  d'Elisabeth  Farnèse,  reine  d'Es- 
pagne,  Dubourg  fut  arrêté  et  mis  en   «  cage  »  au   Mont-Saint-Michel 
^1745)  où  il  ne  tarda  pas  à  mourir  au  milieu  de  tortures  physiques  et 
morales.]  —  P.  44-5S.  L.  Julhe.  Notes  sur  quelques  actes  du  Cartulaire 
de  l'abbaye  de  Conques  qui  font  mention  des  localités  situées  dans  le 
Carladez  et  principalement  dans  la  partie  de  cette  province  qu'on  nom- 
mait le  Barrez.  [Rectifie  et  complète  un  certain  nombre  d'identifications 
de  noms  de  lieux  faites  par  E.  Déjardins,  éditeur  du  Cartulaire  de  Con- 
ques.] —  P.  59-68.  Abbé  F.   Galabert.  Transaction  entre  le  monastère 
de  Saint-Antonin  et  le   prieuré  de   Najac,   le  21  mai  1428.   [Tirée  d'un 
registre  d'actes  capitulaires  ayant  appartenu  à  la  mairie  de  Saint-Anto- 
nin. Texte  roman  précédé  d'une  introduction  et  d'une  analyse.  22  arti- 
cles. Concerne  les  services  funèbres,  l'entretien  de  l'église,  la  nomina- 
tion des  chapelains,  les  dimes...  Quelques  formes  intéressantes  :  Sa)ich 
Intoni  qu'on  peut  rapprocher  des  formes  sanch  Entoni,  smich  Anto7ii; 
revit  ho    reverdassi,  art.  [5]  =  anniversaire.  Cf.  Atïre,  Dictionnaire 
des  Institutions,  mœurs  et  coutumes  du  Rouergue,  article   Patois 
A  l'art.  [14]  crelhos  corr.  trellws.  Faute  de  quelques  virgules,  le  texte 
est  parfois  un  peu  obscur.]   —   P.  69-157  et  405-51.  Correspondance 
inédite  d'Amans-Alexis  Monteil.  [Introduction  par  M.  Constans  (cf.,  du 
même.  Documents  inédits  sur  Monteil,  Rodez,  1901).  1"  série  :  17  let- 
tres, de  l'an  VI  à  1844,  écrites  à  divers  personnages  officiels.  Plusieurs 
nous  montrent  ce  qu'avaient  coûté  à  Monteil  de  travaux,  de  courses  et 
de  recherches  sa  Description  du  département  de  l'Aveiron.  D'autres 
nous  font  connaître   ses  démarches  pour  obtenir  sa  nomination  à  la 
chaire  d'histoire  et  géographie  do   l'Ecole  mililaire  de  Fontainebleau. 
2e  série  :   7  letlres,  écrites  la  plupart  de  Fontainebleau,  prouvent   que 
Monteil  était  un  professeur  aidées  originales  (v.la  lettre  IV)  et  profon- 


PERIODIQUES   MÉRIDIONAUX.  257 

dénient  attaché  à  ses  élèves.  3"  série  :  36  lettres,  écrites  presque  toutes  à 
deux  compatriotes,  H.  de  Monseignat-Barriac  et  Vergues,  nous  révè- 
lent l'homme,  l'ami,  le  père  de  famille  :  travailleur  obstiné,  toujours 
dans  «  sa  forge  »  ou  à  la  poursuite  des  parchemins  et  des  manuscrits, 
composant  avec  grand  effort  l'Histoire  des  Français  des  divers  Etats, 
dont  le  t.  X  parut  en  1844.  Il  veut  écrire  l'histoire  en  historien-poète- 
peintre  (lettre  I).  A  la  suite,  lettres  à  son  fils.  1828-1833.]  —  P.  158-70. 
P.  HoRLUc.  Notes  de  philologie  rouergate  de  J.-P.  Durand  (de  Gros). 
[Compte  rendu  de  la  partie  linguistique  et  des  théories  des  Notes. 
Cf.  Annales,XllI,  216.]  —P.  171-274.  J. -F.  A[rtières]. Notice  historique 
sur  les  hbertés,  privilèges,  coutumes  et  franchises  de  la  ville  de  Millau 
en  Rouergue,  suivie  de  nouveaux  documents  inédits  concernant  la  ville 
de  Millau.  [XXVI  articles  et  un  appendice.  Exposé  historique  accom- 
pagné de  textes  inédits  sur  N.-D.  de  Millau,  la  léproserie,  le  consulat 
de  Millau  :  institution  du  consulat,  privilèges  accordés  par  les  comtes 
de  Barcelone  et  les  rois  d'Aragon  ;  coutumes,  ordonnances  consulaires, 
justice,  impôts,  moulins,  boucheries,  privilège  du  sceau  rigoureux, 
poids  public,  crieurs  publics,  etc.;  rapports  de  la  commune  de  Millau 
avec  les  rois  de  France.  L'auteur  a  montré  tous  les  aspects  de  l'an- 
cienne vie  communale.]  —  P.  273-372.  Id.  Nouveaux  documents  inédits 
sur  la  ville  de  Millau.  [Pièces  sur  les  sonneurs  de  cloches  (1281),  sur 
l'occupation  anglaise  (1369)  :  une  lettre  de  Jean  Chandos  et  deux  du 
prince  de  Galles,  criées  concernant  les  Anglais;  lettre  de  Henri  de 
Navarre  aux  consuls  de  Millau  (1587)  ;  nomination  des  députés  du 
tiers  état  (1789)  ;  doléances  de  la  communauté  de  Millau  (9  mars  1789)  ; 
ces  documents,  ajoutés  à  ceux  que  l'auteur  a  publiés  au  tome  XV  des 
Mé->noires,  forment  une  importante  contribution  à  l'histoire  de  Millau. 
Ces  divers  articles,  toutefois,  se  suivent  dans  un  certain  désordre.]  — 
P.  318-9.  M.  CoNSTANS.  Les  comtes  de  Rouergue  et  de  Toulouse  sous 
Charles  le  Chauve.  [Succession  des  premiers  comtes  de  Rouergue  d'après 
de  Gaujal,  Etudes  historiques  sur  le  Rouergue,  t.  I,  p.  212,  l'Histoire 
de  Languedoc,  éd.  Privât,  t.  Il,  p.  370  et  suiv.,  et  le  travail  de 
M.  J.  Calmette,  Les  coyntés  et  les  comtes  de  Toulouse  et  de  Rodez 
sous  Charles  le  Chauve,  dans  Annales,  t.  XVII,  p.  5.]  —  P.  320-7. 
U.  Cabrol.  Une  enseigne  du  xvi»  siècle  à  Villefranche-de- Rouergue. 
[Enseigne  d'un  jeu  de  paume,  avec  planche,  et  un  acte  de  1607  relatif  à 
la  construction  d'une  salle  de  jeu  de  paume.]  —  P.  328-34.  E.  Vigarié. 
Le  cimetière  gallo-romain  de  Gaillac  d'Aveyron.  [Compte  rendu  de 
fouilles  faites  en  1891-94  ;  description  de  poteries,  verreries,  monnaies, 
bois  et  métaux,  accompagnée  de  deux  planches  reproduisant  les  pote- 


258  ANNALES   DU   MIDI. 

ries.]  —  P.  335-49.  Ch.  d'YzAu-VAiADY.  Mémoire  des  frais  de  maladie  et 
sépulture  de  Gailhard  d'Izai-n  de  Freissinet,  seigneur  de  Padiès.  mor- 
tellement blessé  à  Castelnau-de-Montratier  (Lot),  le  3  mai  14S7.  [Texte 
roman,  intéressant  pour  la  langue  et  les  détails,  sur  les  frais  de  sépul- 
ture [et  les  usages  mortuaires  :  mais  les  fautes  et  les  coquilles  abon- 
dent :  «  G.  d'Y.  de  Freissinet  {sic)  fut  tué  à  Castelnau-de-Montratier, 
le  2  mai  1487  (p.  335);  or,  il  fut  blessé  le  3  à  Castelnau-de-Montratier 
(p.  337)  et  mourut  le  13  (p.  340)  à  Gahors.  L'auteur  a  omis  trois  arti- 
cles dans  la  traduction  qui  accompagne  le  texte.  L'article  25  de  la 
p.  337  :  Item  lo  dit  jorn,  en  anan  à  Castelnou,  heguens  (corr.  he- 
guem?)  a  l'Ospitalet  coustet  la  heguda...  est  traduit  :  Et  ledit  jour,  en 
allant  à  Castelnau,  nous  fûmes  (pour  nous  bûmes)  à  l'Hospitalet  et  la 
collation  (?)  coûta...,  etc.,  etc.]  — P.  350-62.  J.  Molinié.  .Statuts  et  rè- 
glements que  les  médecins,  chirurgiens,  apothicaires  du  ressort  de  tout 
le  marquisat  de  Sévérac  doivent  garder  et  observer.  [Du  27  septembre 
1694.  Intéressant  pour  l'histoire  de  la  médecine  et  de  la  pharmacie. 
Quittance  des  revenus  casuels  perçus  par  la  généralité  de  Montauban  sur 
la  communauté  des  médecins  de  Sévérac-le-Chàteau  pour  l'office  de 
«  médecin  ordinaire  »  du  roi.]  —  P.  432-60.  A.  Booillet.  A  propos  d'un 
fermoir  eu  émail  champlevé.  [Fermoir  émaillé,  de  travail  limousin, 
trouvé  à  La  Ramière  (Lot),  sur  lequel  est  dessinée  une  jongleresse. 
Planche  en  couleur.]  —  P.  461-8.  L.  Lempereur.  Note  sur  l'architecte 
Guillaume  Lissorgues.  [L'auteur  élève  des  doutes  sur  quelques  points 
de  la  vie  de  ce  personnage,  «  l'architecte  présumé  »  des  châteaux  de 
Graves,  près  Villefranche-de-Rouergue,  et  de  Bournazel;  il  cite  quelques 
textes  d'archives  se  rapportant  audit  G.  Lissorgues  et  à  son  fils.]  — 
P.  469-78.  Abbé  F.  Hermet.  Le  cartulaire  de  Gellone  et  le  Rouergue. 
[Renseignements  sur  le  Rouergue  contenus  dans  le  cartulaire  de  Gel- 
lone, édité  par  Maux,  Cassan  et  Maynial,  Montpellier,  1898.]  —  P.  477. 
Note  sur  le  Tauran.  [Prieuré  dans  le  diocèse  de  Vabres,  situé  près  de 
Tournemire  et  aujourd'hui  disparu,  d'après  une  prise  de  possession  de 
1421.]— P.  479-91.  1d.  Saint-Martin-de-Pris  et  le  village  de  la  Ville. 
[Intéressant  mémoire  sur  l'endroit  appelé  :  Lo  bilo  bieillo  (xvi*  s.), 
mansus  de  la  Villa  (cartul.  de  Conques,  1100).  L'auteur  identifie  aussi 
les  noms  de  lieux  contenus  dans  lu  première  charte  du  cartulaire  de 
Conques  (801).  Note  A,  texte  de  1422  concernant  la  paroisse  de  Saint- 
Martin-de-Pris.  Note  B,  sur  la  rocca  Priscio,  qui  ne  serait  autre  que 
la  grotte  du  Boundoulàou;  elle  servait  de  refuge  en  801.]  —  P.  492-5. 
11).  Note  sur  Michel  de  Montant,  prévôt  du  chapitre  collégial  de  Bel- 
mont,  xvi'  siècle.  [A  propos  d'un  écusson  qui  se  trouve  dans  l'église  de 


PERIODIQUES   MÉRIDIONAUX.  259 

Belmont;  quelques  détails  sur  les  armes  des  Monlaut,  originaires  de 
l'Ariège,  et  sur  le  consulat  de  Belmont.]  —  P.  496-507.  Id.  L'ancien  mo- 
nastère de  Lavernlie.  Son  existence,  son  emplacement.  [Rectifie  avec 
beaucoup  de  science  une  erreur  commise  par  Bosc  qui  avait  placé 
dans  la  vallée  du  Lot  (m  valle  Olti)  le  monastère  de  La  Vernlie,  lequel 
était  en  réalité  in  valle  Oliti  (rOulip),où  est  situé  La  Veriihe,  chef-lieu 
de  commune  du  canton  de  Sévérac-le-Chàteau.  En  appendice,  texte  d'une 
bulle  du  pape  Sixte  IV,  1472.J  —  P.  508-10.  Id.  Poteries  gallo-i'omaines 
trouvées  à  Saint-Georges  de  Luzenron. —  P.  511-6.  H.-I.  Molinié.  Rap- 
port sur  les  fouilles  exécutées  au  Puech  de  la  Garde.  [Avec  carte  et  un 
plan.  L'étymologie  Bucciniacum  =  Bouzinhac  est  bien  hasardeuse.  Ni 
la  phonétique  ni  l'histoire  ne  sauraient  s'en  accommoder.]  —  P.  .517-21. 
Id.  Inscription  lapidaire  sur  la  voie  romaine  près  de  Canet-de-Salars 
(Aveyron),  avec  carte  et  reproduction.  —  P.  522-33.  Abbé  Saquet. 
Compte  rendu  des  fouilles  i^ratiquées  dans  quelques  dolmens  et  tionuli 
des  bois  de  Marques,  près  Villefranche-de-Rouergue,  avec  une  carte  et 
une  planche.  —  P.  534-53.  Vialettes.  Plusieurs  œuvres  inédites  du 
P.  Dumonteil,  de  la  Compagnie  de  .lésus,  professeur  au  collège  de 
Rodez.  [Auteur  d'une  Histoire  de  sainte  Radegonde,  Rodez,  1627,  et  de 
poésies  en  l'honneur  de  la  sainte.]  —  P.  .599-604.  L.  Masson.  Annales  du 
Midi.  [Dépouillement  des  articles  se  rapportant  au  Rouergue.  Les  dé- 
pouillements de  périodiques,  joints  à  une  liste  des  ouvrages  concernant 
le  Rouergue,  ne  sauraient  être  trop  encouragés.  Mais  ce  travail,  pour 
avoir  quelque  utilité,  doit  comporter  :  1°  le  titre  exact  des  articles  et 
l'indication  des  pages;  2"  une  caractéristique  de  l'article  :  dire  s'il 
s'agit  d'un  article  de  fonds,  ou  d'un  compte  rendu,  ou  d'un  commen- 
taire de  texte,  etc.]  L.  R. 

II.  Résultat  des  conférences  ecclésiastiques  du  diocèse 
de  Rodez.  Histoire  de  VÉglise  du  Rouergue.,  t.  II  (suite), 
19041. 

p.  179-204.  Pièces  justificatives.  [Réimpression  soignée  de  dix-neuf  pièces 
justificatives,  déjà  parues  en  1903,  d'après  les  originaux  ou  des  copies. 

I  :  donation  de  la  villa  de  Lioujas  au  monastère  de  Nonenqiie  par  Her- 
mengarde,  ex-comtesse  de  Rodez  (1170).  Le  rédacteur  a  ajouté  en  note 
quelques  détails  intéressants  pour  la  généalogie  des  comtes  de  Rodez. 

II  et  m  :  fondation  de  l'abbaye  de  Bonneval  (1161);  IV  et  V  :  dona- 
tions  faites  en  faveur  du  Temple  par  Raymond  de.Luzencon  (1140)  et 

1.  Cf.  Annales,  t.  XVII,  p.  40.3. 


260  ANNALES   DU   MIDI. 

Raymond  Bérenger,  comte  de  Barcelone  fSainte-Eulalie  et  la  terre  du 
Larzach,  1159)  ;  VI  et  VII  :  donations  en  faveur  de  l'Hôpital  Saint- 
Jean  de  Jérusalem  (1121,  1146-1166,  église  de  Saint-ï'élix  de  Sorgues)  ; 
VIII  :  sentence  arbitrale  entre  Hugues  I",  comte,  et  Pierre,  évèque  de 
Rodez  (1161);  IX  :  bulle  d'Alexandre  III  confirmant  le  commun  de  paix 
(1161)  ;  X  :  fondation  de  l'abbaye  de  Bonnecombe  (1163-1167)  ;  XI  :  dona- 
tion faite  à  l'abbaye  de  Sylvanès  (1139)  ;  XII  et  XIII  :  actes  concernant 
le  chapitre  de  l'église  cathédrale  de  Rodez  (1174,  démêlés  avec  les  moi- 
nes de  Saint- Victor  de  Marseille;  1208,  tailles  et  impositions); 
XV  :  règlement  sur  la  promotion  des  comtes  de  Rodez  (1195)  ;  XVI  et 
XVIII  :  concession  et  confirmation  de  privilèges  à  la  Cité  de  Rodez 
(1218,  1244,  texte  roman);  XVII  :  fondation  d'un  couvent  de  Cordeliers 
à  Rodez  (1246);  XIX  :  supplique  du  chapitre  de  Rodez  au  pape  Gré- 
goire IX  au  sujet  de  l'élection  de  B.,  archidiacre  de  Béziers,  à  l'évêché 
de  Rodez  (1234).]  —  P.  203  [sic)  -18.  Episcopat  de  Vivian  de  Boyer 
(1246-1274).  [Fin  de  l'Inquisition  en  Rouergue.  Mort  de  Raymond  VII, 
comte  de  Toulouse,  à  Millau  (1249).  Rectification  d'une  erreur  de  date 
commise  par  l'historien  Bosc  au  sujet  de  la  peste  de  1348.  Démêlés 
entre  l'évêque  et  le  comte  de  Rodez,  Hugues  IV,  au  sujet  du  droit  de 
leude  (1253-1266).  Mémoire  adressé  par  Gui  de  Sévérac  à  Alphonse  de 
Poitiers  contre  l'évêque  Vivian  (1260).  Testament  de  Hugues  IV  (1271). 
Le  rédacteur  croit  (p.  212)  que  les  noms  de  lieux,  VHerme,  l'Her- 
met,  etc.,  indiquent  qu'à  l'origine  ces  localités  furent  habitées  par  des 
ermites,  tandis  qu'en  réalité  ils  se  rapportent  à  la  nature  du  terrain  : 
Vherme  (du  grec  T)'pE[i.oç)  indique  une  terre  stérile  ou  non  cultivée,  ce  que 
les  cadastres  appellent  maintenant  l'infertile.  Ermitage  et  ermite  ne 
sont  que  des  dérivés.  Principaux  ermitages  du  Rouergue.  Les  Domini- 
cains à  Millau  (1268  ou  1270).  Réformes  dans  l'administration  des  biens 
du  chapitre,  1248-1274.]  —  P.  218-35.  Raymond  II  de  Calmont  [d'Olt], 
1274-1298.  [S'occupa  de  la  i-econstruction  de  la  cathédrale  de  Rodez  et  en 
posa  la  première  pierre  le  25  mai  1277.  La  fabrique  capitulaire  et  le 
chanoine  ouvrier,  Déodat  de  Prades,  furent  chargés  de  pourvoir  aux 
dépenses  nouvelles.  Nouveaux  démêlés  entre  le  comte  Henri  et  l'évê- 
que, lutte  sanglante,  sentence  de  Pierre  Martini  et  de  Garnier  de  Cor- 
doue  (ou  de  Cordes?),  1278.  Conciles  d'Aurilluc  (1278),  do  Bourges 
(1286).  Les  Dominicains  s'établissent  à  Rodez  (1283),  les  Clarisses  à  Mil- 
lau (1291).  Les  chevaliers  de  Saint-.Tean  tentent  de  s'emparer  de  l'hôpi- 
tal d'Aubrac  (1297)  :  la  tentative  se  renouvela  en  1317;  cf.  Bibl.  nat., 
collection  Doal,  n"  135,  f"  83-89.  Fondations  diverses,  etc.  Le  rédacteur 
mentionne  en  trois  lignes  les  statuts  synodaux  établis  par  Raymond  de 


PERIODIQUES    MERIDIONAUX.  2t51 

('alniont.  Il  est  t-trangr'  qu'un  tlociiment  de  cette  importance,  dont  l'ori- 
ginal existe  anx  arcliives  départementales,  n'ait  pas  été  l'objet  d'une 
notice  un  peu  étendue!)  —  P.  !236-7.  Bernard  de  Monestier,  1-298-1299. 
[Rien  d'intéressant.  D'après  un  acte  mentionné  dans  le  pouillé  de  Jour- 
dain (xviii»  s.),  un  certain  Julien  aurait  occupé  le  siège  de  Rodez  en 
1299.]— P.  237-8.  Gaston  de  Corn  (1300-1301).  [Etablissement  des  Francis- 
cains à  Millau,  des  Carmes  à  Saint-Antonin.]  —  P.  238-44.  Pièces  justi- 
ficatives. [I  :  règlement  pour  le  chapitre  de  l'église  cathédrale  de  Rodez, 
1215  ;  II,  V,  VI  :  documents  concernant  la  reconstruction  de  la  cathé- 
drale, tirés  de  l'ouvrage  de  B.  de  Marlavagne,  Histoire  de  la  cathé- 
drale de  Rodez;  III  :  lettres  royaux  au  sujet  des  marchés  de  la  place 
du  Bourg  de  Rodez  (1293);  IV  :  préambule  du  règlement  de  Raymond 
de  Calmont  pour  le  chapitre  de  l'église  cathédrale  de  Rodez,  1281.] 

L.  R. 

Bouches-du-Rhône. 

Séance  publique  de  C Académie  des  Sciences,  etc.,  d'Aix, 
82e-85«  séances.  Néant.  — 86«  séance  annuelle,  1906. 
p.  7-33.  Marquis  G.\.ntelmi  d'Ille.  Provence  etNaples.  [Aperçus  académi- 
ques sur  les  relations  de  l'ancien  comté  de  Provence,  sous  les  Ange- 
vins, et  du  royaume  de  Naples.  Très  vif  sentiment  de  fraternité  latine 
généreusement  exprimé.  Aucune  référence.]  —  Encartage  :  un  panneau 
du  vestibule  de  la  maison,  à  Aix-en-Provence,  de  M.  P.  Arbaud.  [Repro- 
duction photographique  de  trente-quatre  pièces  importantes  de  sculp- 
ture et  céramique  provençales  ayant  figuré  à  l'exposition  coloniale  de 
Marseille  et  appartenant  au  docte  bibliophile;  entre  autres  les  médail- 
lons du  roi  René  ('par  Pezetti),  de  Peiresc  (par  Gondran)  et  les  armes 
des  Riquetti  de  Mirabeau.]  L.-G.  P. 

Charente-Inférieure . 

Revue  de  Saintonge  et  d'Aunis,  t.  XXVI,  1906. 

p.  8-15.  Glorieuse  canonisation  de  notre  Père  Saint-Jean-de-Dieu.  [Docu- 
ment de  1701,  p.  p.  M.  DE  RicHEMOND.  Il  intéresse  l'hôpital  militaire  de 
La  Rochelle,  fondé  jadis  par  Aufrédi  et,  pour  la  partie  consacrée  aux 
hommes,  remis  aux  soins  des  frères  de  la  Charité  par  déclaration 
royale  de  1628.]  —  P.  15-31,  174-89.  D'  Ch.  Vigen.  Etude  sur  la  vie  et 
le  secret  de  l'abbé  Richard,  hydrogéologue  (1822-1882).  [Autrement  dit 
tt  sourcier  »  célèbre.  La  Saintonge,  aux  terrains  calcaires,  poreux,  est  le 
pays  des  sourciers.]  —  P.  32-61,  116-26,  222-79.  Ch.  Dangibeaud.  Sain- 
tes ancienne.  [Suite  et  fin  de  cet  excellent  travail,  conçu  par  ordre  alpha- 
bétique. Croquis,  documents  inédits,  renseignements  de  toutes  sortes.] 


262  ANNALES    DU    MIDI. 

—  P.  83-9.  De  Croze-Lemercier.  Relation  du  passage  de  Napoléon  I" 
à  Saintes.  [En  août  1808;  rédigée  en  un  style  fort  ridicule  par  le  sieur 
B.  de  Laval,  ingénieur  de  la  marine.]  —  P.  89-99.  E.  Guérin.  Quatre 
mariages  saintais  dotés  par  l'Etat  en  1810.  [En  l'honneur  du  mariage  de 
Napoléon  avec  Marie-Louise.]  —  P.  99-116.  P.  Lemonnier.  Le  clergé  de 
la  Charente-Inférieure  pendant  la  Révolution.  [Suite.  Liste  par  doyen- 
nés, avec  dates  et  renseignements  divers.]  —  P.  145-56  et  317.  D'Olce. 
Association  de  chevaliers  de  Saint-Louis  créée  à  Saintes  en  1816.  [Liste 
des  souscripteurs.]  —  P.  159-74.  P.  Lemonnier.  La  propriété  foncière 
du  clergé  et  la  vente  des  biens  ecclésiastiques  dans  la  Charente-Infé- 
rieure. Arrondissements  de  Saintes  et  de  Marennes.  [Les  réguliers  pos- 
sèdent plus  que  les  séculiers  dans  le  premier,  moins  dans  le  second.  Au 
total  le  clergé  possédait  dans  l'un  1,36  °/o,  dans  l'autre  1.68  "/„  des 
biens-fonds.  Sur  une  population  de  100,000  habitants  il  y  eut  600  acqué- 
reurs :  bourgeois  et  propriétaires,  grands  ou  petits,  fonctionnaires 
départementaux,  hommes  politiques.  Les  revenus  de  ces  biens  s'élèvent 
à  plus  du  douille  de  la  somme  allouée  au  clergé  par  le  budget  de  1905. 
Tableaux  détaillés  en  appendice.]  —  P.  218-22.  Passage  de  Napoléon  1° 
à  Pons,  p.  p.  E.  Maufras.  [Extraits  des  délibérations  du  conseil  muni- 
cipal de  Pons,  des  29  et  31  juillet,  des  2-4  août  1808.]  —  P.  307-9.  J.  Pel- 
LissoN.  Passage  de  la  duchesse  d'Angoulême  dans  la  ("harente  en  1815. 
''Deux  lettres,  l'une  du  maire,  l'autre  du  sous-préfet  de  Cognac,  des 
20  févr.  et  4  mars  1815,  à  Aug.  Martell,  négociant,  chargé  de  commander 
les  gardes  d'honneur  à  cheval  de  l'arrondissement.]  —  P.  309-17.  Id.  La 
misère  à  ïouzac  en  1709.  [Etat  des  pauvres  de  la  paroisse  à  qui  des 
aumônes  doivent  être  distribuées  tous  les  deux  jours  (soixante-six  noms), 
et  rôle  des  habitants  qui  doivent  contribuer  à  la  subsistance  des  pau- 
vres, avec  le  montant  de  leur  taxe  par  semaine  (quarante-neuf  noms)  ; 
19  mai  1709.  Les  documents  de  ce  genre  sont  fort  rares.]  —  P.  321-39, 
391-403.  T.  La  municipalité  de  Saint-Saturnin  de  Séchaud  pendant  la 
période  révolutionnaire.  [Commune  actuelle  de  Port-d'Envaux.  Analyse 
de  trois  registres  de  délibérations  et  d'autres  documents,  le  tout  classé 
sous  les  rubriques  suivantes  :  élections,  dépenses  communales,  justice 
de  paix,  garde  nationale,  recrutement,  instruction  publique,  église, 
fêtes,  suspects.  Plusieurs  textes  sont  donnés  in  extenso.  A  suivre.]  — 
P.  348-73.  Biographie  du  baron  Eschasseriaux  (1823-1906),  et  résumé 
généalogique  sur  sa  famille.—  P.  377-86.  P.  Fj.eury.  Passages  à  Marans  de 
L.  A.  R.  le  duc  et  la  duchesse  d'Angoulême  en  1814 .et  1823.  [Discours 
emphatiques  prononcés  à  ces  occasions.]  —  P.  386-90.  Ch.  Dangibeaud. 
Moule  mérovingien  en  pierre  trouvé  à  Saintes.  [Trouvé  au  cours  des 


PÉRIODIQUES   MÉRIDIONAUX.  263 

fouilles  actuelles,  à  l'extréuiité  est  des  substructions  des  thermes,  dans 
un  cinjetière  très  ancien.  On  y  voit  deux  croix,  deux  ligures  et  deux 
mots  gravés  à  rebours,  en  caractères  du  yii"  s.,  d'un  côté  BORSA,  de 
l'autre  BONA  (?).]  P.  D. 

Gard. 

Mémoires  de  l'Académie  de  Nimes,  7«  série,  t.  XXVIII, 
1905. 

P.  v-xxv.  E.  Reinaud.  Henry  Espérandieu  et  le  palais  de  Longchamp. 
[L'illustre  architecte  est  né  à  Nimes  en  1829.  L'amour  du  soleil  l'a  l'otenu 
dans  le  Midi,  et  c'est  Marseille  qui  a  bénéficié  de  ses  œuvres.  Qui  ne 
connaît  l'admirable  colonnade  ionique  du  palais  de  Longchamp,  se  dé- 
coupant sur  le  ciel  bleu  ?  Les  revendications  de  Bartholdi  dans  la  con- 
ception du  monument  ne  sont  pas  fondées.  Le  tribunal  civil  de  Mar- 
seille, la  cour  d'Aix,  le  conseil  do  préfecture,  le  Conseil  d'Etat,  la  Cour 
de  cassation,  ont  successivement  débouté  ce  plaideur  obstiné,  à  qui  la 
gloire  de  son  Vercingétorix  et  de  sa  Liberté  éclairant  le  monde  ne 
suffisait  pas.  Espérandieu  fut  un  penseur  en  même  temps  qu'un  artiste. 
De  là  sa  supériorité.]  —  P.  1-35.  A.  de  Cazenove.  L'entreprise  d'Ai- 
guesmortes.  [Etude  très  précise  sur  la  révolte  de  Bertichères,  gouver- 
neur d'Aiguesmortes,  contre  Henri  IV,  en  1597, 1598  et  1599.]  —  P.  37-42. 
E.  BoNDURAND.  Scèue  champêtre  du  xv^  siècle.  [Il  s'agit  d'une  rixe  entre 
paysans  dans  les  montagnes  de  Saint-Martial.]  —  P.  43-6.  J.  Simon. 
Déclaration  patoise  des  biens  et  fortune  de  Gédéon  Guillaumet,  fabri- 
cant de  bas  de  Nimes  sous  la  Régence.  [Cette  petite  satire  en  vers  fut 
écrite  en  1721  ou  1722  à  l'occasion  de  l'impôt.  Le  poète  se  plaint  que  sa 
maison  soit  fort  hypothéquée  :  «  Ai  un  oustaou  pa  mau  plaça  |  mai  dia- 
blamen  emperqueira  ».  Il  a  des  billets  de  la  banque  de  Law  :  «  ...  de 
biés  de  nostre  regen  |  n'ai  per  quinze  milo  non  cen  frau  |  que  bailariei 
per  quinze  fran  ».]  —  Annexe  (pagination  séparée).  P.  1-398.  C.  Nico- 
las. Histoire  des  grands  prieurs  et  du  prieuré  de  Saint-Gilles,  tome  II. 
[Cf.  nos  comptes  rendus,  Annales,  t.  XVIII,  p.  431.]  E.  B. 

Garonne  (Haute-). 

Mé?noires  de  l'Académie  des  Sciences^  hiscriptions  et 
Belles-Lettres  de  Toulouse,  10«  série,  t.  VI,  1906. 

p.  1-26.  E.  Lapierre.  Histoire  de  l'Académie.  [Suite  et  à  suivre.  De  1694, 
date  où  l'Académie  des  Jeux  Floraux  obtient  du  roi,  par  lettres  paten- 
tes, «  le  droit  exclusif  de  haute  et  basse  justice  sur  les  productions  lit- 
téraires »,  à  1746.  Dans  l'intervalle  se  fonde  une  Société  des  sciences 
(1729),  dont  les  registres  sont  analysés.  Elle  crée  un  Jardin  des  Plantes, 


264  ANNALES    DU    MIDI 

un  Observatoire.  Bonne  bibliographie.]  —  P.  27-68.  De  Santi.  La  réac- 
tion universitaire  à  Toulouse  à  l'époque  de  la  Renaissance.  Biaise 
d'Auriol.  [Le  parti  des  humanistes  :  Boysson,  du  Pac,  Dolet,  etc.,  et 
leurs  adversaires  :  inquisiteurs,  membres  du  Parlement,  de  l'Univer- 
sité... Différends  des  étudiants  avec  l'autorité  municipale.  De  là  le  pro- 
cès fait  aux  novateurs,  en  Parlement  (1532-1533),  et  de  sanglantes  ba- 
garres entre  le  guet  et  la  jeunesse  des  Ecoles  (1534-1536).  Biaise  d'Auriol, 
mince  personnage,  ne  méritait  pas  un  aussi  long  préambule.  Ce  mau- 
vais plagiaire  du  poète  Charles  d'Orléans,  professeur  de  droit  canon, 
chancelier  de  l'Université  en  1533,  figurait  parmi  les  obscuri  viri  ou 
«  réactionnaires  »  du  temps.  Ce  fut  lui  qui  obtint  de  François  I"  entrant 
à  Toulouse,  pour  les  professeurs  de  l'Université,  sous  certaines  condi- 
tions, les  titres  de  comte  et  de  chevalier.]  —  P.  137-41.  E.  Roschach.  Les 
quatre  journées  du  prince  Noir  dans  la  viguerie  de  Toulouse.  [Quel- 
ques précisions.] —  P.  159-76.  F.  Dumas.  La  réglementation  industrielle 
sous  Colbert.  [Efforts  du  ministi-e  pour  asservir  les  fabricants  d'étoffes 
à  une  fabrication  très  soignée,  mais  dispendieuse  et  peu  appropriée  aux 
besoins  des  acheteurs.  Colbert  multiplie  les  règlements,  crée  des  ins- 
pecteurs des  manufactures,  des  gardes-jurés.  Comme  de  juste,  il  réussit 
principalement  à  surexciter  la  fraude.  Beaucoup  de  faits  allégués  sont 
tirés  des  Archives  méridionales.]  —  P.  224-51.  DkSazars  de  Mont- 
UAILHARD.  Histoire  de  l'Académie  des  Sciences  de  Toulouse.  [De  l'ordre 
d'idées  d'où  est  sorti  l'Institut  de  France  —  groupement  de  toutes  les 
connaissances  humaines  —  naît  aussi  à  Toulouse,  en  1784,  un  Plan 
abrégé  d'un  Musée,  Musée  devant  réunir  les  quatre  Académies  de 
cette  ville.  L'archevêque  Loménie  de  Brienne  réalise  cette  institution 
et  la  pourvoit  de  professeurs.  Mais  L  peine  organisée  et  encore  à  l'état 
embryonnaire,  elle  disparaît  en  1790.]  P.  D. 

Puy-de-Dôme. 

Bulletin  historique  et  scientifique  de  V Auvergne^  1905. 

p.  20-40.  M.  BouDET.  Notes  et  documents  concernant  l'histoire  d'Auver- 
gne. Le  domaine  des  dauphins  de  Viennois  et  des  comtes  de  Forez  en 
Auvergne.  [Appendice,  suite.  Les  Latour  du  Dauphiné  en  Auvergne. 
Etude  généalogique.]  —  P.  48-88,  94-140,  143-76.  F.  Mège.  Les  popula- 
tions de  l'Auvergne  au  début  de  1789.  [Le  tiers  état.  Voies  par  les- 
quelles les  idées  nouvelles  ont  pénétré  dans  la  bourgeoisie  :  associations 
littéraires,  journaux,  franc-maçonnerie.  Manifestations  de  l'esprit  d'in- 
dépendance et  relâchement  des  mœurs  religieuses.  L'Assemblée  provin- 
ciale do  1787.  Les  ouvriers,  les  paysans  :  la  plupart  de  ceux-ci  ne  savent 


PERIODIQUES   MERIDIONAUX.  265 

ni  lire  ni  écrire;  •.<■  plusieurs  »  n'entendent  pas  le  français.  Mal  nourris, 
mauvais  cultivateurs  grâce  à  leur  routine,  ils  ignorent  tout  autre  souci 
que  celui  du  pain  quotidien  et  de  l'impôt.  Cet  excellent  travail  a  été 
malheureusement  interrompu  par  le  décès  de  l'auteur.]  —  P.  180-93. 
A.  Ojardias.  Un  diplomate  riornois  au  xvii»  siècle,  Pierre  Chanut. 
[Suite  de  ce  long  travail,  trop  verbeux  et  d'une  «  orchestration  »  singu- 
lière. La  biographie  de  Chanut  aurait  gagné  à  être  écrite  plus  simple- 
ment.] —  P.  194-208.  Verxière.  M.  Francisque  Mège.  [Bio-bibliogra- 
phie.J  —  P.  211-56.  Les  origines  de  la  ville  de  Riom.  [Avec  une  biblio- 
graphie «  critique  ».   Le  travail  lui-même  est  médiocrement  critique.] 

—  P.  266-71.  H.  Salveton  et  A.  Audollent.  Découverte  récente  de 
débris  anciens  à  Longat,  près  de  Saint-Germain-Lembron.  [II  devait  y 
avoir  là  des  villas  et  un  petit  sanctuaire,  dont  le  dieu  accroupi  subsiste.] 

—  P.  312-53.  J.  BoNNETON.  Le  connétable  de  Bourbon.  [Cette  «  nouvelle 
étude  »  n'est  ni  nouvelle  ni  bonne.]  —  P.  353-60.  D""  Dourif.  Un  sceau 
du  XIV»  siècle.  [En  bronze.  Sceau  de  Jean  Gutar,  ijrévôt  d'Avignon. 
Guttarius  =  Goutte,  nom  fréquent  aux  environs  de  ïhiers;  l'auteur  le 
rapproche  de  celui  du  pape  Clément  V,  Bertrand  de  Gouth  ou  de  Goth.] 

P.  D. 

Pyrénées  (Hautes-). 

Bulletin  de  la  Société  Ramond,  2^  série,  t.  X,  1905. 

P.  15-29.  L.  RiCAUD.  Journal  pour  servir  à  l'histoire  de  la  réclusion  des 
prêtres  insermentés  du  diocèse  de  Tarbes.  [Suite  et  fin  des  pièces  justi- 
ficatives, 1796;  autres  documents,  tels  que  la  liste  des  prêtres  restés 
fidèles  ou  convertis,  une  requête  des  prêtres  enfermés  à  bord  du  Genty, 
en  rade  de  l'île  d'Aix  :  sur  450,  200  étaient  morts,  les  autres  ne  valaient 
guère  mieux;  de  800  qui  les  avaient  précédés,  533  avaient  péri.]  — 
P.  30-54.  F.  Marsan.  Deux  oi'donnances  de  Me--  Gilbert  de  Choiseul  du 
Plessis-Praslin,  évêque  de  Comminges,  pour  l'église  Saint-Pierre  de 
Sarrancolin,  25  août  1655  et  24  juin  1664.  [Ce  monument  est  l'un  des 
principaux  de  la  vallée  d'Aure  ;  les  deux  ordonnances  en  question  four- 
nissent une  description  très  exacte  des  services,  cérémonies,  etc.,  qui 
s'y  faisaient,  et  des  renseignements  sur  la  disposition  intérieure  de 
l'édifice.]  —  P.  73-89.  D"'  Lafforgue.  De  quelques  superstitions  et  usa- 
ges populaii-es  dans  la  région  de  Bagnères.  |Et  ailleurs.]  —  P.  102-12, 
149-71.  J.  BciURDETTE.  Notice  des  barons  des  Angles  de  Bigorre.  [Dans 
la  haute  vallée  de  l'Echez,  qui  est  un  affluent  de  gauche  de  l'Adour.  La 
baronnie  comprenait  dix-sept  villages;  prérogatives  des  barons;  famil- 
les qui  l'ont  possédée.  Généalogie  de  la  famille  des  Angles  jusqu'en  1310. 
Analyse  de  quelques  pièces,  dont  la  coutume  des  héritages  et  celle  du 

ANNALES  DU   MIDI.    —    XIX  18 


266  ANNALES   DU    MIDI. 

parcours  réciproque,  fort  importantes,  confirmées  par  le  comte  de 
Bigorre  en  1214.  A  suivre.]  —  P.  2U8-20.  F.  Marsan.  Les  traitants  et  le 
pays  des  Quatre-Vallées.  [Leurs  tentatives  contre  les  privilèges  et 
exemptions  des  habitants,  notamment  au  xviii«  siècle.  Texte  des  doléan- 
ces adressées,  sous  forme  de  harangues,  par  Dansin,  syndic  général,  et 
par  le  lieutenant  de  la  judicature  d'Aure  à  l'intendant  d'Auch,  Mégret 
de  Sérilly,  qui  visitait  la  vallée  (mai  1740).  Ils  obtinrent  gain  de  cause... 
pour  le  moment.]  P.  D. 

Tarn-et-Garonne. 

I,    Bulletin  archéologique  et  historique  de  la  Société 
archéologique  de  Tarn-et-Garonne,  t.  XXXIII,  1905. 

P.  19-42.  D''  Belbèze.  Le  chirurgien  Thomas  Goulard  de  Saint-Nicolas- 
de-la-Grave  et  ses  descendants.  [Professeur  au  Collège  de  médecine  de 
Montpellier,  auteur  de  plusieurs  ouvrages  où  il  applique  la  méthode 
expérimentale  ;  inventeur  de  remèdes  encore  en  usage  :  extrait  de  sa-  ' 
turne,  eau  blanche;  précurseur  de  la  chirurgie  antiseptique  contempo- 
raine.] —  P.  50-64,  138-62,  250-73,  362-77.  Abbé  F.  Galabert.  Les  écoles 
autrefois  dans  le  pays  du  Tarn-et-Garonne.  [A  suivre.  Ce  n'est  pas  une 
étude  d'ensemble,  mais  une  série  de  notes  et  analyses  sans  aucun  lien 
et  d'intérêt  très  variable  provenant  de  recherches  considérables  dans  de 
nombreux  dépôts  d'archives  du  département.  Noms  de  régents  et  traces 
d'écoles  par  ordre  alphabétique  des  localités;  renseignements  utiles  sur 
l'instruction  au  xvi"  siècle,  les  écoles  protestantes,  les  écoles  de  filles. 
Quelques  notions  très  sommaires  sur  les  matières  enseignées,  le  choix 
des  nuxîtres,  les  locaux,  etc.  L'interprétation  des  documents  est  parfois 
sujette  à  caution.  Enfin,  pourquoi  ne  pas  mettre  en  notes  les  citations 
latines  et  surtout  les  références  qui,  placées  entre  parenthèses  dans  le 
texte  même,  ne  servent  qu'à  l'encombrer?]  —  P.  65-94.  Abbé  Laffont. 
Saint-Maurin  (Lot-et-Garonne)  pendant  la  période  révolutionnaire.  [11 
s'agit  presque  exclusivement  de  l'histoire  ecclésiastique  de  cette  loca- 
lité, vente  de  l'abbaye,  prêtres  constitutionnels,  fermeture  des  églises, 
fêtes  civiques.  Très  sommaire  et  très  partial.]  —  P.  95-9.  .1.  Fouroous. 
Notice  biographique  sur  M.  J.  Brissaud.  —  P.  125-37.  1d.  Notice  sur 
les  fresques  de  l'église  de  Rampoux,  ai-r.  de  Gourdoil  (Lot).  [Intéres- 
sante description,  gravui-es;  ces  fresques  sont  du  xv  siècle  probable- 
ment.] —  P.  163-9.  D""  BoÉ.  Les  domaines  de  la  commanderie  de  Lavil- 
ledieu  au  xviii"  siècle.  [Résumé  du  procès-verbal  d'arpentage  de  1742  ; 
plans.]  —  P.  182-4.  Abbé  de  Reyniès.  Procès-verbal  du  siège  et  des- 
truction du  château  deReyniès  et  ses  dépendances  [en  1621-1622,  d'après 
une    enquête   de    1679.]  —  P.  185-7.    De    Rivières.   Les  clochettes  de 


PERIODIQUES    MÉRIDIONAUX.  267 

Johannes  à  Fine.  —  P.  20(J-1.  Ressayée.  Note  sur  une  supplique  de  la 
corporation  des  vidangeurs  à  Louis  XVI.  —  P.  109-24  (en  réalité  209-24). 
Chanoine  F.  Pottier.  Cloches  du  xiii«  siècle.  Moissac  et  Déganhazès. 
[Description  et  reproduction.] — P.  125-49  (5;?5-^9).  Ed.  Forestié.  La 
charte  des  coutumes  de  Bioule-en-Quercy  (1273).  [Concédée  par  Ber- 
trand de  Cardaillac  ;  texte  du  document  en  langue  vulgaire.]  —  P.  174- 
81  (274-81).  E.  Depeyre.  Bérengor  Fernand  (de  Puylaroque).  [Avocat 
du  xvi^  siècle.]: —  P.  210-11  (310-11).  E.  Forestié.  Note  sur  le  comte 
de  Sainte-Foy.  [Petit-fils  de  Louis  XIV,  exilé  à  Montauban,  178:").]  — 
P.  212-14  (312-14.)  Id.  Eloge  du  tabac  en  fumée.  [Poésie  du  xvin=  siècle. | 
—  P.  317-61.  Chanoine  Albe.  La  châtellenie  de  Caylus  au  xiv«  siècle. 
[Curieuse  histoire,  d'après  des  documents  du  Vatican  et  des  Archives 
nationales,  de  la  résistance  opposée  par  les  consuls  de  Caylus  à  l'exé- 
cution des  lettres  patentes  par  lesquelles  Jean  le  Bon  avait  inféodé  la 
ciiàtellenie  au  vicomte  de  Turenne,  neveu  de  Clément  VI,  avec  1000  li- 
vres de  revenus  (1351)  ;  résumé  des  enquêtes,  inventaires  produits  par 
les  consuls  pour  prouver  que  la  châtellenie  vaut  plus  de  1,000  livres; 
ils  estiment  jusqu'aux  charpentes  et  serrures  du  château.]  —  P.  378-80. 
F.  Pottier.  Notre-Dame  de  Montserrat;  gravure  sur  bois  de  l'époque 
de  Louis  XIV.  [Planche.] —  P.  381-92.  D"'  BoÉ.  Le  livre  de  comptes  con- 
sulaires de  la  ville  de  Castelsarrasin  au  xiv  siècle  (1366-1307).  [Intéres- 
sants fragments  en  langue  vulgaire  relatifs  surtout  aux  voyages  des 
consuls  à  Toulouse  pour  obtenir  des  diminutions  d'impôts,  le  départ 
de  gens  de  guerre;  ils  font  ressortir  les  conséquences  de  la  guerre  : 
insécurité  des  routes,  etc.]  —  P.  400-1.  Abbé  Buzenac.  Extraits  du 
cahier  des  comptes  du  chapitre  de  Montpezat.  [1493,  1553.  Pillage  du 
trésor  de  l'église  par  Jean  de  Lettes,  évêque  de  Montauban.]  —  P.  401-3. 
Plan  de  l'oppidum  de  Montbartier.  Fr.  G. 

IL  Recueil  de  V Académie  des  Sciences,  Belles-Lettres  et 
Arts  de  Tarn-et-Garonne.,  2^  série,  t.  XXI,  1905. 

P.  41-56.  D.  Benoit.  Ribaute-Charon,  Voltaire  et  Rousseau.  [Relations 
d'un  négociant  montalbanais  avec  Voltaire  et  Rousseau  ;  analyse  et 
extraits  fort  curieux  et  trop  peu  abondants  de  leur  correspondance. 
Rousseau  refuse  d'intervenir  en  faveur  du  pasteur  Rochette  et  des  fi-è- 
res  Grenier  sous  prétexte  qu'ils  se  sont  mis  dans  leur  tort  en  ne  se  sou- 
mettant pas  aux  lois  qui  les  persécutent,  et  qu'il  n'a  d'ailleurs  aucune 
influence.  Voltaire  se  montre  à  tout  propos  railleur  impénitent,  et  son 
impiété  scandalise  vivement  l'auteur  de  cet  article.]  —  P.  79-87.  Dou- 
MERGUE.  Le  XYi'  siècle  à  table.  [Tableau  sommaire,  sous  forme  de  dis- 
cours    académitiue ,    des    mœurs     de    l'époque    d'après     Montaigne  - 


268  ANNALES   DU    MIDI. 

Erasme,  etc.;  règles  de  la  civilité  :  rester  couvert  à  table,  ne  prendre  la 
viande  qu'avec  trois  doigts  de  la  main  droite,  ne  pas  les  lécher,  les 
essuyer  à  la  nappe  et  non  à  la  robe,  etc.]  Fr.  G. 

Var. 

I.  Biil(ei/n  de  r Académie  da  Var,  LXXII«  année,  11)04. 
P.  1-163.  K.  Vidal.  Archéologie  du  Var.   Le  canton  du  Beausset.  [Revue 

des  curiosités  et  monuments  (depuis  l'âge  de  pierre  jusqu'à  nos  jours) 
que  l'on  rencontre  au  Beausset  et  dans  les  communes  de  ce  canton  :  la 
Cadière,  le  Castellet,  Riboux,  Signes,  Saint-Cyr;  dans  celle-ci  se  trou- 
vent la  plage  des  Lèques  et  l'emplacement  supposé  de  Tauroentum.]  — 
P.  169-203.  J.  Rivière.  Etudes  sur  l'art  français  au  xviii»  siècle.  [Courte 
biographie  de  Nicolas  Coustou  (1658-1733),  de  Guillaume  Coustou  (1678- 
1716)  et  du  fils  de  ce  dernier,  Guillaume,  le  dernier  Coustou  (1716-1777).] 

LXXIII«  année,  1905. 
p.  1-21.  X...  Découvertes  archéologiques  faites  à  Toulon  en  1903,  1904 
et  1905  pendant  les  grands  travaux  de  l'assainissement.  [Vestiges  de 
l'occupation  romaine  :  tombeaux  gallo-romains,  fragments  de  murs, 
débris  de  vases  extrêmement  nombreux.  Une  grande  partie  de  ces  dé- 
bris transportés  à  la  mairie  ont  disparu  sans  qu'on  sache  ce  qu'ils  sont 
devenus.  L'auteur  s'excuse  de  n'avoir  pas  poussé  plus  loin  les  recher- 
ches et  ajoute  :  v-  11  ne  dépendait  pas  de  nous  de  les  rendre  fructueuses, 
et  il  faut  bien  reconnaître  que  ni  le  hasard  des  fouilles,  ni  la  buinn 
volonté  de  la  municipalité  ne  nous  ont  aidé.  »]  —  P.  117-42.  D.  Jaubert. 
La  reine  Jeanne.  [Biographie  plus  romanesque  qu'historique.]  —  P.  193- 
2IIX.  (".  BoTTiN.  Rapport  sur  la  découverte  de  deux  meules  gallo- 
romaines  au  sommet  du  rocher  de  l'Aigle  (commune  du  Beausset).  [Une 

étude  détaillée  sur  le  même  sujet  fait  suite  au  rapport.] 

L.-V.  B. 

II.  Bulletin  de  la  Société  d'études  scientifiques  et  archéo- 
loyiques  de  Draguignan,  t.  XXIV,  1902-lUOo. 

Procès-verbaux.  P.  vni-xvit.  E.  Poupk.  L'instruction  publique  à  Riaus 
(Var)  sous  l'ancien  régime.  [Avec  la  liste  des  maîtres  de  1560  à  1790; 
origine  et  traiteiuentjannuel.]  —  P.  xx-xxiv.  0.  Teissier.  La  crusca 
jjrovenzale  d'Antonio  Bastero.  Rome,  1724.  —P.  xxvi-xxxii.  F.  Mireur. 
A  propos  des  «  Notes  historiques  sur  Carces  ».  [Le  mot  dériverait  du 
celtique  cair  ou  car  =:  pierre.]  —  P.  xxxiv-xlv.  Raynaud  de  Lyques. 
L'enseignement  primaire  en  Provence  avant  1789;  une  école  de  village 
à  Méounes  (Var).  [Depuis  1530;  gages,  profession  et  obligations  de  l'ins- 
tituteur.] —   P.   LVii-Lxvi.  E.   PoupÈ.  L'instruction  publique  à   Callas 


PÉRIODIQDES   NON    MERIDIONAUX.  269 

(Var)  sons  l'ancien  réginio.  [Liste  des  maîtres  de  1541)  à  1790.]  — 
—  P.  Lxvii-LXA'iii.  J.  Castinel.  Une  lettre  de  P.  Antiboul,  frère  du  con- 
ventionnel. [Toulon,  6  août  1810.  A  réprimé  le  brigandage;  demande 
une  place  de  juge  instrncteiir  à  Toulon.]  —  P.  lxxv-lxxvii.  0.  Gexsol- 
LEN.  Simple  remarque  au  sujet  de  Y  Armoriai  général  de  France  de 
d'Hozier.  [Sur  la  façon  de  procéder  des  recenseurs  chargés  d'exécuter 
l'édit  de  Louis  XIV  concernant  les  armoiries.] 
Mémoires.  P.  263-70.  M.  Chiris.  Sur  trois  huttes  préhistoriques.  [Stations 
du  Seyran  et  des  Tuilières  près  Draguignan,  de  La  Sarrée,  prés  de 
Grasse.]  —  P.  1271-87.  F.  Moulin.  Le  dépôt  moustérien  de  la  caverne  de 
Château-Double  (Var).  [Avec  planche.]  —P.  289-308.  F.  Mireur.  Le 
capitaine  A.  de  Saint-Aubin,  de  Draguignan  (1583-1643).  [Identification 
d'un  personnage  cité  dans  la  Correspondance  de  Peiresc]  —  P.  309- 
80.  F.  Mireur.  Un  ami  et  correspondant  de  Malherbe  à  Draguignan. 
[L'ode  à  M.  de  la  Garde  était  adressée  non  pas  au  frère  cadet  d'Arnaud 
de  Villeneuve,  marquis  des  Arcs,  mais  à  Esprit  Fouque  de  Draguignan, 
seigneur  de  la  Garde  :  biographie  de  ce  personnage  (1565-1635).]  — 
P.  381-425.  E.  PoupÉ.  Le  10»  bataillon  du  Var,  1793,  an  \.  [Levé  le 
8  janvier  1793,  ce  bataillon  quitta  Toulon  le  18  et  fut  ensuite  dirigé  sur 
la  V^endée  ;  réduit  par  les  désertions,  ce  qui  en  resta  se  distingua  à 
Thouars  (5  mai  1793)  ;  désarmé  à  la  fin  du  même  mois,  reconstitué  en 
juillet,  il  prit  part  à  l'affaire  de  Quiberon  et  contribua  finalement  à  for- 
mer la  30'  demi-brigade  légère.]  —  P.  427-40.  E.  Poupé.  Robespierre 
jeune,  Ricord  et  les  fédéralistes  varois.  [Odyssée  des  deux  convention- 
nels envoyés  à  l'armée  d'Italie  et  poursuivis  par  les  fédéralistes  varois, 
août  1793.]  L.-V.  B. 

PÉRIODIQUES  FRANÇAIS  NON  MÉRIDIONAUX. 
9.  —  L'Atni  des  monwnents  et  des  arts,  t.  XVI,  1902. 

p.  322.  Nécessité  du  classement  du  château  de  Viverols,  près  d'Ambert 
(Puy-de-Dôme).  —  P.  355-60.  L'étude  des  monuments  français  et  les 
livrets  des  Compagnies  de  chemins  de  fer.  [Montmajour,  Les  Baux, 
Saint-Trophime,  le  Pont-du-Gard,  etc.] 

T.  XVII,  1903;  t.  XVIII,  1904.  Néant.  —  T.  XIX.  1905. 

P.  8-11.  La  fontaine  de  Nimes  en  1744.  [Plan  et  légende  du  plan.]  — 
P.  88-91.  Peyre.  Le  Rhône,  de  la  source  à  la  mer.  [Brochure  illustiée, 
éditée  par  la  Compagnie  P.-L.-M.]  —  P.  199-206.  E.  Rivière.  L'histoire 
du  Péi-igord  préhistorique  au  premier  Congrès  préhistorique  de  France. 
Session  de  Périgueux. 


270  ANNAI-ES   DU   MIDI. 

T.  XX,  1906. 

p.  17.  Le  vandalisme  à  Paris.  [Monument  de  Desaix,  démoli  par  la  ville 
de  Paris,  ôté  de  la  place  Dauphine  et  donné  à  la  ville  de  Riom.]  — 
P.  119-20.  Constantin,  de  Jarnac,  à  Périgueux,  11G9.  [Auteur  du  couron- 
nement du  tombeau  de  l'évêque  Jean  d'Asside,  église  Saint-Etienne.]  — 
P.  121  et  126.  Signature  de  l'artiste  Gauzfredus  sur  les  portes  sculptées 
de  la  cathédrale  du  Puy  (Haute-Loire).  —  P.  124-5.  Audebert,  de  Saint- 
Jean  d'Angély,  à  Poussais  (Vendée):  Brunus,  à  Saint-Gilles  (Gard),  [l^es 
deux  artistes  sont  du  xir'  siècle.]  P.  D. 

fO.  —  Annales  de  Saint-Louis-cles-Fï'ançais^  t.  X,  1905- 
1906. 

P.  5-52.  Abbé  J.-M.  Vidal.  Le  tribunal  d'Inquisition  de  Pamiers.  Pièces 
annexées.  I.  Documents  pontificaux.  II.  Documents  d'Inquisition.  [A 
l'appui  d'un  travail  paru  au  tome  précédent.  Cf.  Annales  du  Midi, 
t.  XVIII,  p.  265.  Pièces  fort  intéressantes,  surtout  celles  qui  appar- 
tiennent à  la  seconde  série.]  —  P.  137-211.  Abbé  E.  Albe.  Prélats  origi- 
naires du  Quercy.  Diocèses  de  France.  [Suite  et  fin.  Provinces  d'Auch, 
Bourges,  Bordeaux,  Eeims,  Embrun,  Lyon,  Narbonne,  Paris,  Reims, 
Rouen,  Sens,  Toulouse,  Tours,  Besançon,  Vienne.  Bref  appendice  sur 
les  prélats  quercynois  hors  de  France  et  d'Italie.  Rectifications  et  pré- 
cisions utiles.  Au  xiv"!  siècle,  sous  des  pontifes  originaires  du  Quercy, 
des  Quercynois  ont  peuplé  l'Eglise  :  depuis  lors,  mutatis  mutatidis, 
les  habitudes  des  hommes  au  pouvoir  n'ont  guère  changé.]  —  P.  215-68, 
;319-75,  419-70.  Abbé  A.  Clergeac.  Inventaire  analytique  et  chronologi- 
que de  la  série  des  archives  du  Vatican  dite  «  Lettere  di  Vescovi  ».  [Ou 
lettres  d'évèques.  Quelques-unes  sont  des  documents  de  grande  impor- 
tance parmi  beaucoup  de  menues  l'equètes  et  de  lettres  de  politesse. 
M.  l'abbé  C.  a  analysé  celles  qui  concernent  la  France,  de  la  fin  du 
xvi°  siècle  à  la  fin  du  xviii^;  parfois  il  les  repi'oduit  intégralement.  Un 
grand  nombre  intéressent  le  Midi  :  Etat  do  l'Eglise  d'Elne  (n"  3),  de 
Bordeaux  (u"  4),  lettres  de  C.  de  Bonzi,  év.  de  Béziers,  15  déc.  1651 
(n"  79),  de  l'évêque  de  Condom,  Bossuet,  7  et  19  mars  1673  (n»»  469, 
471),  etc.  Cette  série  se  termine  avec  l'année  1677.  A  suivre.]       P.  D. 

il.  —  Bulletin  archéologique  du  Comité  des  travauœ  his- 
toriques et  scientifiques,  1905. 

P.  3-4.  D''  Capitan.  Rapport  sur  des  dalles  funéraires  avec  cupules,  trou- 
vées près  de  Collorgues  (Gard).  [Mémoire  de  M.  Ulysse  Dumas.  Figu 
res.]  —  P.  16-31.  Capitaine  AFolins.  Notes  arcliéologiques  sur  Narhimno. 
[Découvei'.tes  récentes  :  stèles,  tombeaux,  frn^nienls  de  statues,  lampes. 


PÉRIODIQUES   NON    MERIDIONAUX.  271 

poteries  samiennes  avec  marques,  inscriptions,  vases  ornés.]  —  P.  32-4. 
J.  Déciielette.  Marques  de  potiers  à  Narbonne.  [Observations  sur  la 
communication  précédente.  La  plupart  des  marques  de  poteries  appar- 
tiennent à  la  fabrication  ruthène,  principalement  à  La  Graufesenque, 
commune  de  Millau  (Aveyron),  dont  on  retrouve  les  produits  dans  les 
péninsules  ibérique  et  italique,  et  même  dans  les  stations  romaines  de 
l'Afrique  du  Nord.  Les  marques  qui  ne  se  retrouvent  pas  chez  les  Ru- 
thènes  semblent  être  incomplètes  ou  d'une  lecture  erronée.  Le  commerce 
s'en  faisait  surtout  par  mer  et  le  port  de  Narbonne  était  certainement 
un  des  principaux  entrepôts  de  ce  transit.]  —  P.  178-84.  Oh.  Portal. 
Notes  sur  quelques  fondeurs  de  cloches  du  xv«  au  xvii»  siècle.  [Simple 
nomenclature  sans  indication  de  ce  qui  peut  rester  de  leurs  ouvi-ages. 
Un  nom  du  xv%  deux  du  xvi%  treize  du  xvii"  et  sept  du  xviii»  siècle. 
D'après  les  archives  départementales  du  Tarn.]  —  P.  329-37.  E.  Bonnet, 
Le  sarcophage  de  saint  Aphrodise  à  Béziers.  [Sarcophage  antique  qui 
passe  pour  avoir  renfermé  le  corps  de  ce  saint,  martyr  et  premier  évê- 
que  de  Béziers.  Ce  monument  de  l'art  ancien  est  renfermé  dans  une 
armoire  de  style  Louis  XV.  Etude  descriptive.]  —  P.  338-45.  Abbé  Ar- 
naud d'Agnel.  Notes  sur  le  trésor  de  la  cathédrale  de  Marseille.  [Une 
boîte  d'or,  de  facture  primitive;  un  coffret  d'ivoire  du  xiv«  siècle,  im- 
porté de  Constantinople  ;  un  reliquaire  en  forme  de  tombeau,  du 
xw  siècle,  en  argent  doré,  orné  d'émaux,  de  ciselures  et  d'appliques.  | 

A.  V. 

12.  —  Bulletin  monumental,  1905. 

P.  104-7.  H.  Jadart.  Une  inscription  dans  l'église  du  Bar  (Alpes-Mariti- 
mes). [Inscription  relative  à  deux  chanoines  de  Reims,  dont  l'un,  F.  Gi- 
raud,  natif  du  Bar,  enrichit  d'un  petit  monument  l'église  de  sa  ville 
d'origine,  1712.]  —  P.  108-13.  N.  Thiollier.  La  porte  de  Téglise  de 
Blesle  (Haute-Loire).  [Porte  romane  en  bois  sculpté.  Il  n'y  en  a  que 
cinq  dans  le  département  ;  elles  semblent  l'œuvre  d'un  même  artiste.] 

—  P.  253-321.  L.-H.  Labande.  La  cathédi'ale  de  Vaison.  Etude  histori- 
que et  archéologique.  [Sur  ce  remarquable  article,  voir  plus  bas,  p.  295.] 

—  P.  401-13.  J.  DE  Saint- Venant.  Le  Gastelas  de  Belvezet  (Gard).  For- 
teresse, décrite,  qui  a  été  bàlie  par  les  seigneurs  d'Uzès  entre  1144 
et  1207. J  —  P.  460-8.  L.  Germain  de  Maidy.  L'inscription  de  la  cathé- 
di-ale  de  Vaison.  Une  autre  interprétation.  [Que  celle  de  M.  Labande. 
Cette  inscription  de  Ifi  fin  du  xiv  siècle,  en  vers  latins,  est  un  véritable 
rébus,  sans  grand  intérêt  sinon  pour  dater  le  monument.] 

1906. 

P.  lOii-lI.  De  Fayoixe.  Les  églises  de  Saint-Paulien  et  de  Chamalièrcs 


272  ANNALES   DU    MIDI. 

sur-Loire  avaient-elles  un  déambulatoire?  [Conclut  à  la  nécessité  de 
faire  des  fouilles  afin  de  trancher  la  question.]  —  P.  112-28.  R.  P'age- 
L'église  de  Saint-Junien  (Haute-Vienne).  [Elle  est  d'époques  différentes, 
ayant  été  construite  en  qnatre  campagnes  successives,  du  milieu  du 
xi*^  siècle  au  milieu  du  XIII^  Une  chapelle  latérale  date  du  xv«.]    P.  D. 

13.  —  Bulletin  de  numismatique,  t.  XI,  1904.  Néant.  — 
T.  XII,  1905. 

P.  2-12.  F.  Pérot.  Les  monétaires  mérovingiens  restitués  au  Bourbon- 
nais. [Les  sous  d'or  permettent  de  reconstituer  les  limites  des  civitates, 
c'est-à-dire  des  diocèses  ;  ils  donnent  des  noms  de  chefs  francs,  de  loca- 
lités disparues,  de  grands  officiers  du  royaume,  etc.  Un  tiers  de  sou, 
fautivement  attribué  à  Gannat,  appartient  à  Cannac  (Aveyron).  Nomen- 
clature.] —  P.  113.  F.  Pérot.  Note  sur  un  double  tournois  d'Orange. 
[Trouvé  récemment  près  de  Moulins.]  P.  D. 

14.  —  Revue    des    Questions    historiques,  t.  XXXIII 
(LXXVIP  de  la  collection),  1905. 

P.  185-90.  J.  GuiRAUD.  Les  idées  morales  chez  les  hétérodoxes  latins  au 
début  du  xiii=  siècle.  [Titi-e  d'un  ouvrage  de  P.  Alphandéry.  Paris, 
Leroux,  1903;'in-8''  de  xxxiv-199  pages  (16=  vol.,  fascic.  1",  de  la  Bibl. 
Ec.  Hautes  Etudes,  Sciences  religieuses).  La  thèse  de  cet  auteur  est 
qu'il  faut  chercher  chez  les  hétérodoxes.  Cathares,  Vaudois,  etc.,  l'ori- 
gine de  la  vie  morale  qui  a  ranimé  l'Eglise  au  xiii'  siècle  ;  il  les  étudie. 
M.  G.  conteste,  rappelle  l'œuvre  apostolique  de  saint  Bernard,  les  fon- 
dations d'ordres  religieux,  tels  que  celui  de  Saint-Etienne  d'Obazine  en 
Limousin,  du  Saint-Esprit  à  Montpellier,  etc.,  l'immoralité  des  nobles 
et  bourgeois  méridionaux  qui  firent  la  force  du  catharisme,  et  qui  s'en 
servaient  comme  d'une  arme  contre  l'Eglise,  ti"op  riche  ou  trop  puis- 
sante à  leur  gré;  il  critique 'plus  vivement  encore  l'étude  du  système 
cathare,  faite,  dit-il,  par  M.  A.  «  avec  le  désir  de  marquer  la  supériorité  » 
du  catharisme  sur  l'Eglise.]  —  P.  428-82.  L.  Mirot.  Le  rétablissement 
dos  impositions  et  les  émeutes  urbaines  en  1382.  [A  suivre.] 

Tome  XXXIV  (LXXVIII''  de  la  collection),  1905. 

P.  118-211.  L.  MiKOT.  Le  rétablissement  des  aides  en  1382-l:î83.  Les  der- 
nières oppositioiïs.  La  répression,  [il  est  bon,  pour  juger  que  cet  article 
fait  bien  suite  au  précédent,  de  savoir  qu'aides  et  impositions,  dans  la 
langue  du  temps,  c'est  la  même  chose.  Rien  qui  intéresse  le  Midi,  sur 
lequel  pourtani  il  y  iivait  tant  A  dire.] 


PÉRIODIQUES    NON    MERIDIONAUX.  273 

Tome  XXXV  (LXXIX^  de  la  collection),  1906. 
P.  57-107.  J.-M.  Vidal.  Les  derniers  ministres  de  l'albigéisme  en  Langue- 
doc ;  leurs  doctrines.  [Très  précis  et  plein  d'intérêt.  L'Eglise  cathare, 
traquée  par  l'Inquisition,  expulsée  du  midi  de  la  France,  passée  en  Ita- 
lie, semble  renaître  de  1295  à  1310  sous  la  conduite  d'un  notaire  d'Ax, 
Pierre  Autier,  dont  M.  V.  retrace  la  terrible  carrière  de  «  parfait  ».  Telle 
était  la  haine  contre  «  les  clercs  et  les  Français  »  qu'il  recruta  de  nom- 
breux disciples  ;  il  aurait  même  assisté  à  son  lit  de  mort  le  comte  de 
Foix,  Roger-Bernard  III,  en  1302.  Livré  par  un  traître,  il  périt  sur  le 
bûcher,  à  Toulouse,  en  1311.  M.  V.  lui  trouve  environ  un  millier  de 
coreligionnaires,  non  sans  ajouter  que  ce  chiffre  est  «  évidemment  au 
dessous  de  la  vérité  w  :  pauvres  gens,  grossiers,  ignorants,  sauf  un 
dixième  environ  de  bourgeois  et  de  petits  nobles.  «  Cette  abstention  des 
grands  et  des  forts  fit  avorter  la  tentative.  »  Un  autre  parfait,  nommé 
Bélibaste,  originaire  du  Capcir,  se  sauve  en  Catalogne,  y  fonde  une 
Eglise  cathare.  Il  fut  aussi  brûlé  en  1321,  près  de  Carcassonne,  grâce  à 
la  trahison  d'un  véritable  professionnel  en  cette  matière,  Arnaud  Sicre, 
d'Ax,  que  le  tribunal  d'Inquisition  félicita  solennellement;  car,  dit-il, 
il  n'est  possible  «  de  saisir  ces  fils  des  ténèbres...  que  s'ils  sont  trahis 
par  les  leurs  ou  par  des  personnes  sûres  ayant  pénétré  dans  leur  inti- 
mité ».]  —  P.  137-52.  P.  Lemonnier.  La  propriété  foncière  du  clergé 
et  la  vente  des  biens  ecclésiastiques  dans  la  Charente-Inférieure.  [Ou 
plutôt  dans  rAunis,qui  équivaut  à  la  cinquième  partie  du  département. 
L'Eglise  n'y  possédait  guère  que  2,65  °/o  du  sol  en  tout.  Les  immeu- 
bles des  villes  ont  été  achetés  par  de  petits  commerçants,  les  terres  des 
campagnes  par  de  gros  propriétaires.  Appendice  indiquant  la  superficie 
de  la  propriété  foncière  ecclésiastique  dans  97  communes.]  —  P.  153-77. 
.1.  HuRABiELLE.  Le  général  Barbanègre  (1772-1830).  [Né  à  Pontacq,  Basses- 
Pyrénées.  Entre  beaucoup  d'actions  glorieuses,  son  principal  titre  de 
gloire  est  la  fameuse  défense  d'Huningue,  après  Waterloo,  du  25  juin 
au  26  août  1815.]  —  P.  600-5.  E.-M.  Rivière.  La  lettre  du  Christ  tombée 
du  ciel.  [Relative  à  l'observation  du  dimanche.  La  Bibliothèque  muni- 
cipale de  Toulouse,  ms.  208,  possède  une  copie  de  ce  très  ancien  apo- 
cryphe, copie  du  xiii'  siècle,  dont  texte.] 

Tome  XXXVI  (LXXX«  de  la  collection),  1906. 

P.  447-98.  J.-J.-C.  Tauzin.  Le  mariage  de  Marguerite  de  Valois.  [Avec 
Henri  de  Navarre.  M.  T.  retrace  les  négociations  compliquées  dont 
fut  précédé  cet  événement  bien  connu.  La  reine-mère  avait  clierché  à 
marier  Marguerite  avec  le  roi  d'Espagne,  Philippe  II,  au  lieu  et  place 


274  ANNALES   DU    MIDI. 

de  sa  sœur  Elisabeth,  décédée  en  1568;  puis  avec  le  roi  de  Portugal. 
C'est  seulement  après  l'échec  de  cette  entreprise  matrimoniale  soutenue 
par  Pie  V,  qu'elle  inclina  vers  l'alliance  protestante  «  pour  le  repos 
du  royaume  ».]  P.  D. 

15.  —  Revue  de  la  Renaissance^  tome  V,  1904. 

p.  1-16,  49-62,  108-14,  178-90,  273-80.  E.  Parturier.  Les  sources  du  mys- 
ticisme de  Marguerite  de  Navarre,  à  propos  d'un  manuscrit  inédit.  [Il 
s'agit  du  ms.  1723,  ancien  fonds  français  de  la  Bibliothèque  nationale, 
catalogué  ainsi  :  Poésies  de  Marguerite  de  Navarre  et  de  François  I". 
11  s'y  trouve  des  poésies  religieuses  de  Marguerite,  dont  la  principale 
est  le  Pater  noster  faict  en  translation  et  dialogue  par  la  Royne  de 
Navarre.  C'est  un  dialogue  entre  l'âme  et  Dieu.  M.  P.  y  recherche  les 
idées  religieuses  de  Marguerite  et  croit  y  trouver  une  influence  très 
sensible  des  théologiens  allemands  mystiques  et  pantliéistes,  Eckart, 
Tauler  et  Suso.  Marguerite  ne  serait  donc  point  calviniste,  mais  plutôt 
luthérienne,  et  son  père  spirituel  serait  Brissonnet,  évêque  de  Meaux. 
Texte  de  ses  poésies.]  —  P.  63-71,  97-107.  De  Chabot.  Une  cour  hugue- 
note en  Bas-Poitou  :  Catherine  de  Parthenay,  duchesse  de  Rohan.  [Il 
s'agit  de  la  cour  des  Rohan,  dont  le  chef,  Catherine  de  Parthenay,  est 
célèbre,  et  plus  encore  ses  deux  fils,  Henri  de  Rohan,  le  grand  général 
protestant  qui  mena  la  campagne  contre  le  cardinal  de  Richelieu,  et 
Benjamin  de  Rohan,  duc  de  Soubise,  qui  fut  assiégé  par  Louis  XIII 
dans  Saint-Jean-d'Angély  et  qui  guida  vers  La  Rochelle  l'expédition  de 
Buckingham.  Elle-même,  grande  amie  de  Henri  IV,  mais  qui  ne  lui 
pardonna  guère  sa  conversion,  vint  s'enfermer  à  La  Rochelle  avec  sa 
fille  Anne  pour  soutenir  la  résistance  de  Guiton  contre  l'armée  de 
Richelieu.  L'influence  de  cette  famille  sur  le  développement  du  protes- 
tantisme dans  la  région  fut  considérable.]  —  P.  85-8.  G.  Bouguier.  Ode 
à  l'imitation  des  vers  latins  de  Jan  Tagaut  sur  le  trespas  de  l'illustre 
prmcesse  Marguerite,  )-ey7ie  de  Navarre.  (Extrait  de  son  Tombeau). 
[Bouguier  est  un  poète  angevin  de  l'époque  de  Ronsard.] 

Tome  VI,  1905. 

P.  33-40,  91-103,  149-69.  J.  Langlais.  L'éducation  en  France  avant  le 
xvi"  siècle.  [Histoire  très  documentée  du  caractère  général  de  l'éduca- 
tion en  France.  Rien  de  particulier  au  Midi.]  M.  D. 

16.  —  Société  nationale  des  Antiquaires  de  France. 
Bulletin,  1906. 

p.  108-9.  Esi'icRANDiEU.  Communication  concernant  un  bas-relief  gallo- 
roniain  conservé  chez  M.   Robertv,  à  La  Véruup  (coiuniunc  de  Cornil- 


PERIODIQUES    ETRANGERS.  275 

Ion,  Gard).  [M.  H.  de  Villefosse  suppose  que  ce  monument  représente 
une  des  aventures  galantes  de  Jupiter  :  l'enlèvement  de  la  nymphe 
Thalia  par  ce  dieu,  qui  a  pris  la  forme  d'un  aigle.]  —  P.  134-6.  M.  Blan- 
CHET.  Renseignements  relatifs  au  cliàteau  de  Gentilly,  près  Paris,  pos- 
sédé par  les  comtes  de  Savoie  dès  130-4  et  par  eux  vendu  au  duc  de 
Berry  en  1400.  Celui-ci  y  construisit  le  château  connu  appelé  Bicêtre. 
Le  premier  édifice  avait  été  décoré  par  des  artistes  italiens.  —  P.  1.51-2. 
M.  Héron  de  Villefosse.  Description  d'une  lame  de  poignard  en 
bronze  trouvée  à  Cessenon,  arrondissement  de  Saint-Pons  (Hérault). 
[Communication  faite  par  M.  Xavier  Lebars,  membre  de  la  Société  ar- 
chéologique de  Béziers.]  —  P.  194.  M.  Lafaye.  Présentation,  de  la  part 
de  M.  Moulin,  d'un  fragment  de  sceau  en  bronze  trouvé  à  Véchères 
(Basses-Alpes).  —  P.  195-6.  M.  Lafaye.  Présentation,  de  la  part  de 
M.  Grasset,  d'objets  en  bronze  de  la  bonne  époque  romaine.  [Deux  pa- 
tères,  aiguière,  lampe,  etc.,  découverts  dans  une  sépulture  à  incinéra- 
tion il  y  a  une  quarantaine  d'années  à  Murviel  (Hérault).]  —  P.  230-6. 
Comte  0.  Costa  de  Beauregard.  Description  de  deux  petits  bronzes 
de  la  bonne  époque  gallo-romaine  trouvés  à  Saint-Jean-de-la-Porte  (Sa- 
voie). [Une  tète  de  satyre  et  un  buste  de  femme  en  forme  de  fléau  de 
balance.  Planches.]  —  P.  295-9.  Héron  de  Villefosse.  Découverte  à 
Orange  d'un  fragment  de  sculpture  représentant  le  portique  d'un  édi- 
fice. —  P.  304.  A.  Blanchet.  Observations  sur  la  restauration  des 
thermes  romains  de  Royat  (Puy-de-Dôme).  —  P.  314-9.  M.  Lafaye* 
Description  de  la  matrice  du  sceau  de  l'Université  d'Aix  au  xvi"  siècle 
(planche).  F.  P. 

PÉRIODIQUES  ÉTRANGERS. 

Allemagne. 
l'y.  —  Hermès,  Band  XLI,  1906. 

Heft.  1.  A.  Schulten.  Le  cadastre  dans  l'antiquité.  [Cf.  C.  R.  de  l'Acad. 
des  Inscriptions,  1904,  p.  497  sqq.  Il  s'agit  d'un  fragment,  récemment 
découvert,  du  cadastre  d'Orange.  On  en  possédait  déjà  qui  contiennent  la 
description  de  fonds  de  terre  ruraux  ;  celui-ci  se  rapporte  à  des  fonds 
de  terre  urbains.  L'origine  de  ce  travail  est  sans  doute  le  recensement 
de  la  Gaule  Narbonnaise  et  le  recueil  de  cartes  cadastrales  exécuté  par 
Balbus,  sur  l'ordre  d'Auguste,  de  l'an  27  av.  J.-C.  Ces  formœ  ou  cartes 
cadastrales  ont  été  ensuite  réduites  et  reproduites  par  les  agrimen- 
sores.\  p.  D. 


276  ANNALES    DU    MIDI. 

18.  —    Theologische    Qum^talscJuHft ,  Jahrg.  LXXXV, 
1903. 

Heft  4.  C.  Wawra.  Une"  lettre  de  l'évêque  Cyprien  de  Toulon  à  l'évèque 
Maxime  de  Genève.  [Il  se  défend  contre  le  reproche  que  lui  faisait  ce- 
lui-ci d'être  un  monophysite  et  un  théopaschite.]  P.  D. 

Belgique. 

19.  —  Bulletin  de  l'Académie  royale  d'archéologie  de 
Belgique^  1906. 

Fascic.  1.  J.-B.  Stockmans.  Le  «  Correctie-Boek  »  de  la  ville  de  Lierre, 
1401-1484.  [Condamnations  prononcées  en  vertu  des  lois  et  coutumes  de 
la  ville.  On  y  relève  des  faits  curieux;  ainsi  les  Belges  étaient  dès  lors 
grands  pèlerins  dans  le  Midi  :  à  noter,  durant  cette  période,  31  pèleri- 
nages à  Saint- Jacques  de  Compostelle,  27  à  Rocamadour,  sanctuaires 
qui  les  attiraient  presque  autant  que  Rome  (47  pèlerinages).] 

P.  D. 

Italie. 

20.  —  Archivio  sto?Hco  siciliano.  Niiova  série,  anno 
XXIX,  1905. 

Fascic.  3-4.  Salvatore  Romano.  Œuvres  de  bienfaisance  de  la  comtesse 
Adelasia.  Ses  restes  mortels  retrouvés  à  Caltanisetta.  [Il  s'agirait  de  la 
fille  de  Raimond,  comte  de  Toulouse  et  de  Provence,  et  de  Mathilde, 
fille  du  comte  Roger.]  P.  D. 

21.  —  Atli  e  Memorie  délia  r.  Deputazione  di  storia 
patria  per  le  provincie  di  Romagna.  3«  sér.,  vol.  XXIII, 
1905. 

Fascic.  1-3,  janv.-juin.  Lisetta  Ciacco.  Le  cardinal-légat  Bertrand  du  Pou- 
get  à  Bologne,  1327-1334.  [C'était  un  Français  du  Midi,  né  à  Castelnau- 
de-Montratier,  en  Quercy.  Jean  XXII,  son  compatriote,  lui  donna  une 
part  fort  importante  à  l'administration  pontificale,  notamment  à  l'ad- 
ministration financière.  Suite  et  fin  aux  fasc.  4-6,  juill.-déc,  concer- 
nant les  tractations  politiques  du  cardinal,  l'alliance  avec  Jean  de 
Luxembourg  et  le  départ  de  Bologne,  d'oîi  le  cardinal  fut  chassé.  Un 
grand  nombre  de  faits  ont  été  tirés  des  Archives  do  Bologne,  dont 
50  documents  inédits  publiés  en  appendice.] 

Fasc.  4-6,  juill.-déc.  A.  Sorbelli.  Le  traité  de  saint  Vincent  Ferrier  sur 
le  grand  schisme  d'Occident.  [Sources  auxquelles  Ferrier  a  puisé.  Edi- 
tion, en  cent  pages,  du  De   moderno  Ecclesie  schismate  tractatKS. 


PERIODIQUES    ETRANGERS.  277 

Texte  espagnol  des   réponses  faites  aux  ambassadeurs  du  roi  de  Cas- 
tille  sur  l'élection  des  deux  papes,  par  le  cardinal  Pierre  de  Luna'.J 

P.  D. 
28.  —  La  Culturel,  an  no  XXIV,  1905. 

N°  5.  J.  KoHLERi  Handelsvertraege  zwischen  Genua  und  Narbone  in  12. 
u.  13  Jahrh.  [Commentaire  des  traités  de  commerce  conclus  entre  les 
deux  villes.]  P.  D. 

S3.  —  Rivista  cVItalia,  anno  IX,  1906. 

Fascic.  4.  F.  Lo  Parco.  Pétrarque  dans  le  Casentino  et  la  reconnaissance 
de  «  Daedalus  ».  [A  propos  de  quelques  vers  de  l'églogue  IV  de  Pétrar- 
que. Le  poète  a  passé  dans  le  Casentino  en  1326  ;  «  Daedalus  »  ne  se- 
rait autre  que  Dante.] 

Fascic.  5.  G.  Bandini.  Caroline  Murât  à  Rome  en  1830.  P.  D. 

24.  —  Studi  storici,  vol.  XIV,  1905. 
Fascic.  1.  G.  Brizzalora.  Cola  di  Rienzo  et  Pétrarque.  [Fin  au  fasc.  3. 
Quoi  qu'en  dise  Filippini,  le  poète  a  compté  sur  le  tribun  pour  rame- 
ner le  pape  à  Rome.  Il  continua  de  le  soutenir,  même  après  que  Cola 
eut  essayé  de  rétablir  l'empire,  —  un  empire  démocratique  et  tout  ita- 
lien.] P.  D. 

1.  M.  S.  a  donné  un  tirage  à  part  de  cet  important  travail  :  Il  tratto  di 
S.  Vinceiizo  Février  intorno  al  grande  scisma  d'Occidente.  Bologne, 
Zanichelli,  1906;  in-S»  de  159  p. 


NÉCROLOGIE 


Nous  avons  le  vif  regret  d'annoncer  la  mort  prématurée  de  l'un 
de  nos  collaborateurs,  M.  Maurice  Lanore,  né  à  Libourne  le 
11  octobre  1871,  décédé  à  Pau  le  25  février  1907. 

Souffrant  dès  le  bas  âge  et  fréquemment  empêché  par  la  ma- 
ladie, il  n'avait  pu  mener  jusqu'au  complet  développement  les 
dons  variés  et  élevés  qui  le  distinguaient.  Dans  cet  ancien  élève 
de  l'Ecole  des  Hautes  Etudes  et  de  l'Ecole  des  Chartes,  devenu 
archiviste,  il  y  avait  eu  un  mathématicien,  un  poète,  un  mu- 
sicien qui  volontiers  se  montraient  encore.  Ses  goûts  d'artiste 
expliquent  sans  doute  pourquoi,  parmi  les  travaux  de  sa  profes- 
sion, l'archéologie  eut  tout  de  suite  ses  préférences. 

11  avait  conquis,  en  181)9,  le  diplôme  d'archiviste-paléographe 
par  une  thèse  très  a]>préciée  sur  les  premières  cathédrales  de 
Chartres  (?-1194)i.  Plus  tard  il  étudiait  la  tapisserie  de  Bayeux^. 
Mais,  par  situation,  il  devait  être  ramené  bien  vite  à  l'étude  des 
monuments  de  notre  Midi,  qui  d'ailleurs  était  sa  région  d'origine. 
Il  fut,  en  elïet,  nommé  arcliiviste  départemental  d'abord  à  Tarbes 
(janvier  1901),  puis  à  Pau  (janvier  1905).  En  1904  il  donne  un  bon 
travail  sur  la  Sénéchaussée  de  Bigorre^;  en  1904  et  1905  une 
remarquable  Notice  historique  et  archéologique  sur  l'église 
N.-D.  de  Lescar*.  Il  préparait  pour  le  Bulletin  de  la  Société  des 
Sciences,  etc.,  de  Paît  un  travail  sur  Navarrenx,  clief-lieu  du 
département  des  Basses-Pyrénées  {1790),  quand  la  mort  brus- 

1.  II  en  a  tiré  pour  la  lievue  de  l'Art  chrétien,  5'=  sér.,  t.  X  et  XI, 
1899,  1900,  un  article  intitulé  :  La  recotistructio?i  de  la  façade  de  la 
cathédrale  de  Chartres  au  XII'  siècle. 

2.  Bibl.  Ec.  Chartes,  t.  LXIV,  1903. 

3.  Invent,  somrn.  Arch.  départ.  Hautes-Pyrénées .  Introduction,  de 
XXXII  pages. 

4.  In-8°  de  110  pages,  extr.  de  la  Revue  du  Béarn.  T.es  AtDuiIes  en  ont 
rendu  compte,  t.  XVlll,  p.  42(5. 


NECROLOGIE.  279 

quement  est  venue  le  frapper.  On  verra  ci-après,  dans  notre 
chronique,  la  part  pr(''|)ondérante  qu'il  avait  prise  à  la  récente  fon- 
dation d'un  nouveau  i)ériodique,  la  Revue  des  Hautes-Pyrénées . 


M.  Zenon  Toumieux,  ancien  notaire,  décédé  à  Royère  (Creuse) 
le  31  octobre  1906,  dans  sa  soixante-quinzième  année,  s'était  fait 
connaître  en  1886  parla  publication  d'une  excellente  monographie 
de  sa  commune  natale  :  Royère  {Jadis,  aujourd'hui),  volume  in-12 
de  280  pages,  édité  à  Limoges  chez  Ducourtieux.  Depuis  lors,  il 
s'était  occupé  presque  exclusivement  de  débrouiller  la  généalogie 
des  anciennes  familles  de  sa  région  à  l'aide  des  documents  qu'il 
trouvait  sous  sa  main  soit  dans  les  études  de  notaires,  soit  dans 
les  chartriers  privés,  et  il  l'avait  fait  avec  une  judicieuse  critique. 
Sous  ce  titre  général  :  De  quelques  seigneuries  de  la  Marche,  du 
Limousin  et  des  enclaves  poitevines,  il  avait  publié,  de  1893  à 
1903,  une  série  de  neuf  monographies  dont  nous  avons  signalé  les 
deux  premières  au  moment  de  leur  apparition  (voyez  Annales  du 
Midi,  VI,  252).  Les  3%  4e,  6e  et  9«  sont  extraites  des  Mémoires  de 
la  Société  des  sciences  de  la  Creuse  (voy.  Annales  du  Midi,  IX, 
245;  XI,  520;  XIII,  556;  XV,  389};  les  5e  et  8e  sont  extraites  du 
Bulletin  de  la  Société  arch.  et  hist.  du  Limousin  (voy.  Annales 
du  Midi,  XIII,  258;  XV,  558);  la  7e  a  été  imprimée  aux  frais  de 
l'auteur  :  Villemonteix  et  Monlsergue  ;  —  Les  barons  de  Châtelus 
(Bourganeuf,  impr.  Ch.  Rebiére,  1901).  Il  avait  publié  récemment 
des  généalogies  des  familles  Esmoingt  de  Lavanblanche  et  de  Faye 
que  nous  avons  signalées  {Annales  du  Midi,  XVIII,  401  et  406). 

A.  T. 


CHRONIQUE 


Les  fouilles  ont  été  reprises  à  Sainte-Colombe,  près  Vienne 
(Isère),  sur  l'emplacement  connu  sous  le  nom  de  «  Palais-du- 
Miroir  ». 

On  avait  déjà  retiré  de  ce  terrain  des  richesses  archéologiques 
importantes  et  toute  une  série  de  statues.  La  plus  belle  et  la  plus 
connue  est  la  Vénus  accroupie,  découverte  avant  1828  et  déposée 
au  musée  du  Louvre. 

Au  mois  d'octobre  dernier,  on  a  pu  retrouver  le  pied  gauche  de 
cette  statue,  que  M.  Héron  de  Villefosse  a  présenté  à  l'Académie 
des  Inscriptions  et  Belles-Lettres. 

On  y  a  découvert  en  outre  :  une  statue  de  femme  drapée  et 
paraissant  représenter  la  déesse  Vienna,  protectrice  de  la  ville; 
—  une  tête  de  satyre  remarquable  et  agrémentée  d'ornements  de 
métal  dont  on  voit  encore  les  traces;  —  une  autre  statue  de  satyre 
ayant  dû  servir  à  une  fontaine,  etc. 


La  Société  de  l'histoire  de  la  Révolution  française  s'est  réunie  à 
la  Sorbonne,  le  11  mars  dernier,  sous  la  présidence  de  M.  J.  Gla- 
retie,  de  l'Académie  française. 

Parmi  les  lectures  qui  ont  été  faites  à  cette  séance,  citons  celle 
de  M.  Maurice  Faure,  sénateur,  sur  la  fédération  d'Etoile.  On  sait 
qu'après  les  journées  des  5  et  6  octobre,  Mounier,  inquiet  de  la 
tournure  que  prenaient  les  événements,  quitta  l'Assemblée  natio- 
nale pour  aller  soulever  contre  elle,  en  Dauphiné,  l'opposition  des 
Etats  de  ce  ])ays.  Instruit  de  cette  tentative,  le  naturaliste  Faujas 
de  Saint-Fond,  avec  un  ancien  officier,  Ducluseau  de  Ghabreuil, 
de  la  Voulte  (Ardèche),  organisa  à  Etoile  (Drôme),  au  bord  du 
Rhône,  une   fédération  des  gardes  nationales  de  la  Drôme  et  de 


CHRONIQUE.  281 

l'Ardèche.  Les  délégués  des  gardes  nationales  des  deux  départe- 
ments signèrent  le  serment:  «  Vivre  libre  ou  mourir!  »  Ils  envoyè- 
rent une  adresse  à  l'Assemblée  constituante.  Leur  exemple  fut 
suivi  dans  les  autres  départements,  et  ainsi  se  trouva  enrayé  le 
mouvement  de  protestation  provinciale.  On  peut  regarder  la  fédé- 
ration nationale  de  1790  comme  le  couronnement  de  cette  œuvre 
de  défense  révolutionnaii-e. 


La  Revue  des  Hautes-Pyrénées ,  qui  paraît  tous  les  mois  à  Tar- 
tes depuis  janvier  1906,  a  été  fondée  par  feu  M.  Lanore,  qui 
venait  à  ce  moment  de  quitter  les  archives  des  Hautes-Pyrénées 
pour  celles  des  Basses-Pyrénées,  et  par  ses  successeurs  à  Tarbes, 
M   Delmas,  ensuite  M.  Balencie. 

Voici  comment  elle  a  défini  son  programme  : 

«  Vulgariser  l'histoire,  lointaine  ou  toute  proche,  de  notre  petite 
patrie;  en  recueillir  les  us  et  coutumes,  les  légendes  et  les  chan- 
sons; en  étudier  les  monuments  célèbres;  signaler  ceux,  non  moins 
intéressants,  que  les  touristes  et  parfois  même  des  Bigourdans 
ignorent  ;  publier  les  principaux  documents  sur  la  Bigorre,  les 
Quatre-Vallées  et  le  Nébouzan,  conservés  dans  les  archives  publi- 
ques et  privées  du  département  ou  d'ailleurs  ;  rééditei'  les  publica- 
tions oubliées  ou  rarissimes;  analyser  les  ouvrages  nouveaux 
relatifs  au  pays,  ainsi  que  les  études  éparses  dans  les  journaux  et 
les  revues;  présenter  tout  cela  dans  une  publication  vivante,  ou- 
verte à  tous,  de  contenu  varié  et  pourvue  d'illustrations,  quand  il 
sera  nécessaire.  »  Elle  entend  poursuivre  ses  études  jusqu'à  l'his- 
toire des  temps  modernes,  et  chaque  numéro  contient  une  chroni- 
que relatant  jour  par  jour  en  quelques  lignes  les  principaux  évé- 
nements du  mois  écoulé  concernant  les  Hautes-Pyrénées. 

L'apparition  de  cette  Revue  a  comblé  une  lacune.  Si  en  effet 
chaque  département  est  représenté,  en  général,  par  un  Bulletin  de 
Société  savante,  il  est  difficile  d'en  dire  autant  pour  les  Hautes- 
Pyrénées.  Il  existe  bien  une  Société  académique  ;  mais  son  Bulle- 
tin, qui  contient  des  travaux  sérieux,  ne  paraît  qu'à  longs  inter- 
valles, très  irréguliers,  et  n'est  pas  assez  répandu.  La  Revue  des 
Hautes-Pyrénées,  entre  autres  mérites,  a  celui  de  paraître  très 
exactement. 

Le  premier  volume,  dont  on  verra  ailleurs  le  dépouillement,  à 
côté  de  très  nombreux  travaux  de  détail,  d'un  intérêt  purement 

A.NNALES   DU   MIDI.   —   XIX  19 


282  ANNALES  DU  MIDI. 

local  et  dont  le  défaut  est  peut-être  de  manquer  parfois  de  mise  en 
œuvre,  contient  aussi  cjuelcjues  études  importantes.  Signalons 
notamment  les  articles  de  AI.  Abadie  sur  les  Minimes  de  Tour- 
nay,  couvent  du  diocèse  de  Tarbes,  de  M.  Ricaud  sur  les  Sus- 
pects du  département  des  Ha '((es-Pyrénées,  sur  les  Reclus  des 
Hautes-Pyrénées;  une  série  de  notes  et  documents  de  M.  Lanore 
et  de  divers  collaborateurs  sur  les  vieilles  cloches,  de  M.  Lanore 
sur  l'Art  dans  la  région  higourdane;  une  très  intéressante  biogra- 
phie de  l'érudit  Larcher  par  M.  Rosapelly,  l'étude  historique  de 
M.  Balencie  sur  les  projets  de  transpyrénéen  par  Gavarnie  et  la 
vallée  d'Aure. 


Chronique  du  Roussillon. 

Des  publications  qui  sont  d'excellents  instruments  de  travail  en 
archéologie  et  en  histoire,  mais  peu  d'ouvrages  sur  des  sujets 
locaux,  peu  ou  pas  de  fouilles,  seulement  quelques  recherches  sans 
grande  importance,  voilà,  me  semble-t-il,  ce  qui  caractérise  la 
période  écoulée  depuis  la  dernière  chronique  de  M.  Vidal  sur  le 
Roussillon*. 

Non  que  le  public  se  désintéresse  complètement  de  ce  qui  touche 
à  la  province  :  s'il  y  a  peu  d'érudits  qui  consentent  à  compulser 
les  archives  ou  à  interroger  les  vieux  monuments,  il  ne  manque 
pas  de  gens  que  ne  laisse  point  indifférents  ce  qui  se  publie  sur 
leur  pays.  Je  n'en  veux  pour  preuve  que  ra}»pai'ltion  d'une  nou- 
velle revue  locale,  la  Revue  catalane'^,  destinée  à  remplacer  la 
Revue  d'iùstoire  et  d'archéologie,  qin  a  cessé  de  paraître.  Celte 
dernière  revue  mensuelle,  fondée  en  1899  par  MM.  Masnou, 
Palustre,  Torreilles  et  Vidal,  a  vécu  six  ans;  elle  a  pul)!ié  des 
travau.\  très  variés  et  qui  méritent  qu'on  s'y  arrête.  Sans  doute, 
au  point  de  vue  archéologique,  elle  a  fort  peu  donné  :  quehjues 
éludes  sur  des  reconstructions  d'églises,  deux  ou  trois  articles  ou 
mieux  des  notes  de  M.  Brutails  qui,  loin  du  pays,  n'a  pu  conti- 
nuer l'œuvre  commencée  dans  ses  Notes  sur  fart  religieux  en 
Roussillon;  et  cependant  la  province  est  riche  en  monuments  de 
la  période  romane,  en  monuments  des  xvire  et  xviiie  siècles  aussi  ; 
malheureusement,  r<Hude  en  est  actuellement  délaissée. 

1.  Annale.^,  t.  XVI.  p.  1:50. 

2.  lievue  Catala?ie, OTiianc dehi  Hocu)tc  d'ùtudes  catalanes,  imp.  Cornet, 
Perpignan. 


CHRONIQUE.  283 

Mais,  dans  le  domaine  de  l'histoire,  la  Revue  d'histoire  et  d'ar- 
chéologie a  publié  de  nombreux  articles,  de  valeur  inégale,  il  est 
vrai,  intéressants  toutefois  â  divers  titres.  Nous  regrettons  seule- 
ment que  les  érudits  aient  fait  porter  leurs  recherches  presque 
exclusivement  sur  l'époque  moderne.  Et  pourtant  nos  archives 
sont  x'iches  en  documents  médiévaux;  le  fonds  des  notaires  est 
d'une  abondance  peu  commune  et  remonte  très  haut  dans  les  siè- 
cles passés.  Il  y  a  là  une  vraie  mine,  dans  laquelle  avait  lar- 
gement puisé  M.  Brutails  pour  son  Elude  sur  les  populations 
rurales  du  Roicssillon  au  xirie  siècle. 

Mais  l'exemple  donné  par  M.  Brutails  n'a  pas  été  suivi.  Il  nous 
faut  signaler  toutefois  une  contribution  importante  apportée  à 
l'histoire  du  pays,  à  l'aide  des  Archives  du  Vatican,  |)ar  M.  G. 
Mollat  :  Jean  XXII  et  la  succession  de  Sanche,  roi  de  Majorque 
(1324-1326)  et  les  Comptes  de  Jean  de  Rivesaltes,  collecteur 
apostolique  dans  le  diocèse  d'Elne  [1393-1405). 

M.  Freixe  adonné  une  série  d'articles  sur  le  haut  moyen  âge  et 
l'antiquité  romaine,  mais  à  propos  d'un  point  très  particulier,  le 
tracé  de  la  voie  romaine  en  Roussillon.  Il  n'a  fait  que  confirmer, 
en  l'étayant  de  preuves  nouvelles  et,  semble-l-il,  décisives,  la  thèse 
communément  adoptée  par  les  historiens  qui  font  passer  cette 
voie  par  le  Perthus. 

Parmi  les  très  nombreux  et  très  intéressants  travaux  que  la 
Revue  a  publiés  concernant  l'époque  moderne,  je  n'en  vois  guère 
que  deux  qui  aient  une  portée  générale  et  puissent  se  rattacher 
directement  à  l'histoire  politique  et  religieuse  de  la  France  :  ce 
sont  les  articles  sur  V Annexion  du  Roussillon  à  la  France  de 
M.  le  chanoine  Torreiiles*  et  ses  études  sur  ie  gallicanisme  et 
l'ultramontanisme  en  Roussillon  soies  l'Ancien  Régime.  M.  le 
chanoine  Torreilles,  dont  les  nombreux  ouvrages  relatifs  au  Rous- 
sillon ont  été  si  remarqués,  a  réuni  sur  la  «  francisation  »  de 
cette  province  force  documents  qui  lui  serviront  en  vue  d'un  pro- 
chain travail. 

Les  regrets  qu'a  laissés  la  disparition  de  la  Revue  d'archéologie 
et  d'histoire  s'expliquent  donc  fort  bien.  La  nouvelle  publication 
mensuelle  qui  lui  succède,  la  Revue  catalane,  n'en  est  encore 
qu'à  son  second  numéro.  Elle  s'occupe  un  peu  de  tout,  d'histoire 
locale,   de  linguistique,  de  poésie,  etc.;   nous  ne  doutons  point 

1.  Voir  les  très  nombreux  et  remarquables  ouvrages  de  M.  le  chanoine 
Ph.  Tori-eilles,  dans  la  Bibliographie  roussillonnaise,  citée  plus  loin. 


284  ANNALES   DU   MIDI 

({u'elle  ne  puisse  rendre  d'appréciables  services.  Mais  nous  ne 
sommes  point  sans  appréhensions  non  plus  sur  sa  vitalité  :  pour- 
quoi s'obstiner,  dans  les  provinces  où  bien  peu  de  personnes  sont 
disposées  à  faire  œuvre  d'érudits,  à  puldier  des  revues  men- 
suelles? Xc  risque-t-on  pas  ainsi  de  se  trouver  vite  à  court  d'arti- 
cles réellement  intéressants,  et  l'expérience  ne  prouve-t-elle  pas 
que  le  mieux  serait  de  s'en  tenir  à  une  revue  trimestrielle? 

L'archéologie  locale,  ai-je  dit,  est  délaissée.  Le  travail  de  M.  Bru- 
tails,  qui  vient  de  paraître,  lui  rendra-t-il  quelque  vie  ?  La  Société 
française  d'archéologie  ayant  tenu  son  congrès  de  1906  à  Car- 
cassonne,  a  publié  à  cette  occasion  un  excellent  guide  ^  à  l'usage 
des  congressistes,  qui  ont  fait  des  excursions  dans  l'Aude  et  les 
Pyrénées-Orientales.  La  partie  qui  concerne  le  Roussillon  est  due 
à  M.  Brutails;  c'est  dire  avec  quelle  compétence  elle  a  été  traitée. 
M.  Brutails,  qui  fut  archiviste  des  Pyrénées-Orientales  avant  de 
l'être  de  la  Gironde,  a  publié  sur  le  Roussillon  des  travaux  archéo- 
logiques et  historiques  remarquables  2.  Nous  retrouvons  dans 
ses  nouveaux  aperçus  archéologiques  sur  les  monuments  de  notre 
province  les  qualités  dont  il  a  toujours  fait  preuve  :  documenta- 
tion sévère,  science  archéologique  très  sûre,  souci  de  la  vérité  qui 
lui  fait  repousser  toute  conjecture  ne  reposant  pas  sur  l'ensemble 
des  faits  dont  il  faut  tenir  compte.  Aux  yeux  de  M.  Brutails,  Far- 
chêologie  n'est  point  une  science  qui  se  suffise  à  elle-même;  elle 
doit  sans  cesse  avoir  recours  ù  l'histoire,  et  il  croit,  à  juste  litre, 
qu'un  monument  ne  peut  être  daté  que  d'après  des  données  histo- 
riques. On  sait  les  opinions  de  l'auteur  sur  la  persistance  des  foi*- 
mes  architecturales  à  travers  les  Ages  :  en  Roussillon,  jtlus  qu'ail- 
leurs, sa  thèse  est  sans  cesse  confirmée  par  les  faits,  caries  formes 
architecturales  y  sont,  plus  qu'ailleurs,  tardives  et  persistantes. 
Comment  en  eût-il  été  autrement  dans  une  province  reculée, 
réunie  seulement  en  1659  à  la  couronne  de  France,  et  où  ne  pou- 
vait en  conséquence  se  manifester  un  mouvement  artistique  que 
longtemps  après  son  apparition  dans  le  nord  ou  le  centre  de  notre 
pays?  Fidèle  à  sa  méthode,  qui  ne  lui  permet  de  rien  tranclier  sans 
renseignements  suffisants,  M.  Brutails  indique,  dans  son  nouveau 


1.  Société  française  d'archéologie.  —  Guide  du  Congrès  de  Carcas- 
so»ne  en  1906,  par  MM.  J.  de  Lahondès,  L.  Serbat, ,  P.  Thiers  et  Aug. 
Brutails.  Caen,  iiiip.  H.  Delesques,  1906;  iii-ltî  de  157  pages. 

2.  Voir  une  Hsle  dos  ouvrages  archéologiques  de  M.  Brutail.s  sur  le 
]îoussill(iii  dans  le  Guide  du  Congrès  de  Carcassoxue.  p.  l"i<i. 


CHRONIQUE.  285 

travail,  nombre  de  problèmes  susceptibles  d'attirer  l'attention  des' 
érudits.  Chemin  faisant,  il  combat  quelques-unes  des  assertions 
émises  par  M.  Albert  Mayeux  sur  l'ancienne  église  de  Saint-Jean- 
le-Vieux  à  Perpignan  *.  De  nombreux  trayaux  ont  été  lus  au  con- 
grès de  Garcassotine,  bien  des  problèmes  ont  été  discutés;  on  en 
trouvera  le  compte  rendu  dans  le  prochain  Bulletin  de  la  Société 
qui  a  organisé  ce  congrès. 

La  Société  archéologique  de  Tarn-et-Garonne  a  fait,  du  18  au 
25avril  1904,  une  excursion  en  Roussillon  et  en  Catalogne.  A  l'is- 
sue d'un  banquet  qui  eut  lieu  le  20  avril,  M.  Palustre,  archiviste 
départemental,  donna  aux  membres  de  cette  Société  lecture  d'une 
notice  2  résumant  les  traits  les  plus  caractéristiques  des  monu- 
ments de  Perpignan.  C'est  un  excellent  résumé,  succinct  et  subs- 
tantiel, de  ce  qu'il  faut  savoir  lorsqu'on  visite  la  capitale  du  Rous- 
sillon. 

ÎVI.  le  D""  Albert  Donnezan,  qui  est  un  passionné  pour  l'ar- 
chéologie et  les  sciences  en  même  temps  qu'un  collectionneur  émé- 
rite,  et  qui  a  déjà  publié  des  travaux  remarqués,  nous  donne  ses 
Notes  sur  le  Châleaa  royal  de  Perpignan  3,  description  et  recons- 
titution intéressante  de  l'ancien  château  des  rois  de  Majorque. 
M.  le  D""  Donnezan  a  pu  descendre  dans  le  puits  de  Sainte- 
Florentine,  proche  de  la  cour  du  donjon,  profond  de  40  mètres.  Ce 
puits  donne  accès  à  des  souterrains  que  l'auteur  a  parcourus  dans 
toutes  leurs  parties  accessibles,  et  qui,  d'après  lui,  étaient  d'un 
précieux  secours  pour  échapper  à  l'ennemi  et  même  reprendre 
l'ofl'ensive. 

L'histoire  attire  les  érudits  plus  que  l'archéologie.  Signalons  de 
suite  une  excellente  publication  et  qui  vient  à  son  heure  pour  faci- 
liter les  recherches  historiques  sur  la  province  :  c'est  la  Bibliogra- 
phie roussillonnaise  qui  se  trouve  dans  le  Bulletin  de  la  Société 
des  Pyrénées-Orientales,  1906,  p.  1  à  558.  C'est  une  œuvre  consi- 
dérable et  qui  comble  une  grave  lacune.  Les  lecteurs  de  cette 
Revue  savent  déjà  qu'elle  est  due  à  M.  Vidal,  auteur  de  tant  d'in- 
téressants travaux  sur  le  Roussillon,  et  à  M.  .1.  Ciilmette,  le  dis- 


1.  Albort,  Mayeux.    Sai)it-Jean-le-Vieux    de   Perpignan.  (Extrait  des 
Mémoires  de  la  Société  des  antiquaires  de  France,  1005.) 

2.  Perpignan  et  ses  monuments ,  dans  le  Huit,  de  la  Soc.  des  Pyré- 
nées-Orientales, 190.5,  pp.  169  et  suiv. 

3.  Notes  sur   le  château  royal  de  Perpignan  et  le  puifs  de  Sai?ite- 
PloreiUine,  ibid.,  pp.  153  et  suiv. 


286  ANNALES   DU   MIDI. 

tingué  professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Dijon,  qu'attirent 
toujours  les  études  sur  la  Catalogne  *.  Ces  deux  érudits,  qui  ont 
eux-mêmes  enrichi  la  bibliographie  roussillonnaise  de  nombreux 
ouvrages,  étaient  mieux  qualifiés  que  personne  pour  mener  à  bien 
une  tâche  qui  demandait  une  connaissance  spéciale  de  tout  ce  qui 
a  été  publié  sur  la  province. 

Un  autre  précieux  instrument  de  travail  sera  l'Inventaire  som- 
maire de  la  série  H  (clergé  régulier),  qui  se  poursuit  aux  archives 
départementales.  M.  Vidal  a  déjà  annoncé  la  pub  ication  de  l'In- 
ventaire sommaire  de  la  série  G  (clergé  séculiei'),  auquel  sont 
joints  une  introduction  et  un  index  dus  à  M,  Palustre,  archiviste 
départemental.  Lorsque  sera  complété  l'inventaire  de  la  série  H, 
la  tâche  se  trouvera  grandement  facilitée  à  qui  voudra  entrepren- 
dre une  étude  sur  la  vie  religieuse  d'autrefois. 

Parmi  les  ouvrages  historiques  qui  viennent  de  paraître  sur  des 
sujets  locaux,  citons  d'abord  le  Conseil  Souverain  de  Roussillon  , 
par  M.  Paul  Galibert,  docteur  en  droit.  Nous  ne  reprocherons  pas 
à  l'auteur  de  n'avoir  pas  épuisé  le  sujet;  lui-même  avoue  modes- 
tement qu'il  n'a  fait  qu'un  «  essai  »,  et  qu'il  sent  mieux  que  per- 
sonne les  lacunes  et  les  imperfections  de  son  œuvre.  M.  Galibert 
déclare  également  qu'il  a  voulu  s'en  tenir  au  fonctionnement  du 
Conseil  souverain,  sous  le  règne  de  Louis  XIV,  car  mieux  vaut, 
dit-il,  i(  étudier  une  institution  à  ses  débuts  et  dans  son  plein 
épanouissement,  que  sur  son  déclin,  quand  ses  caractères  primi- 
tifs se  sont  altérés  «.  Peut-être.  Ce  n'est  pas  sûr  en  ce  qui  concerne 
le  Conseil  de  Roussillon.  Mais  il  est  clair  que  le  livre  ainsi  restreint 
ne  correspond  plus  au  titre  très  général  que  lui  a  donné  M.  Galibert. 
Dans  les  limites  qu'il  s'est  imposées  —  sans  doute  pour  s'en  tenir 
aux  proportions  ordinaires  d'une  thèse  de  doctorat  en  droit,  — 
l'auteur  a  su  rendre  très  intéressante  une  étude  qui  risquait  fort 
d'être  aride  :  étude  bien  composée,  facile  à  suivre  dans  ses  dévelop- 
pements et  d'une  très  belle  tenue  littéraire.  Avec  raison,  M.  Gali- 
bert a  oublié  qu'il  est  avocat,  pour  faire,  de  préférence,  œuvre 
d'historien.  S'il  a  négligé  volontairement  la  jurisprudence  politi- 
que et  administrative,  sur  laquelle  il  eût  été  merveilleusement  ren- 

1.  Cf..  Annales,  t.  XVIII,  p.  4:21;  XIX,  p.  116.  —  V.  dans  la  Biblio- 
graphie roussillonnaise  les  nombreux  ouvrages  do  MM.  P.  Vidal  et 
J.  Calniette. 

2.  P.  Galibert,  Le  Conseil  Souverain  de  Roussillon.  Perpignan,  inip. 
de  l'Indépendant,  iyU4;  in-12  de  144  pages. 


CHRONIQUE.  287 

seigné  par  le  Fonds  du  Conseil  souverain  des  archives  des  Pyré- 
nées-Orientales, il  s'est  attaché  à  mettre  en  lumière  le  rôle  du  Con- 
seil dans  la  province  nouvellement  réunie  à  la  France.  «  Francisa- 
tion »,  «  gallicanisation  «  du  Roussillon,  voilà  les  deux  points  de 
l'œuvre  de  ce  Conseil  qui  ont  surtout  attiré  l'attention  de  l'auteur. 
La  vie  des  magistrats,  celle  des  auxiliaires  de  la  justice,  avocats 
et  procureurs,  leur  situation  sociale  et  matérielle,  leurs  petites  que- 
relles de  préséance,  tout  ce  qui,  en  un  mot,  touche  aux  mœurs  de 
l'époque,  forme  dans  son  livre  un  chapitre  plein  d'intérêt,  de  cou- 
leur locale.  Dois-je  reprocher  à  M.  Galibert  de  n'avoir  pas,  en 
passant  établi  de  comparaison  entre  le  Conseil  souverain  de  Rous- 
sillon et  ceux  d'Artois,  d'Alsace,  de  Corse,  et  aussi  avec  les  Parle- 
ments ?  Ainsi  comprise,  l'œuvre  eût  été  trop  étendue  au  gré  de 
l'auteur,  mais  il  eût  sans  doute  évité  d'émettre  cette  assertion  que, 
si  les  «  magistrats  du  Conseil  souverain  n'eurent  pas  la  propriété 
de  leurs  charges»,  c'est  «une  exception  peut-être  unique  dans  l'his- 
toire de  notre  ancien  droit  ».  Ce  «  peut-être  »  corrige  heureusement 
l'affirmation  :  pour  les  magistrats  des  Conseils  souverains  la  véna- 
lité des  offices,  en  eft'et,  n'existait  pas.  Le  fait  s'explique  aisément. 
Dans  les  pays  de  nouvelle  conquête,  la  royauté  s'est  gardée  d'intro- 
duire la  vénalité  qui  hi  gênait,  qui  faisait  des  magistrats  autre 
chose  que  des  fonctionnaires  placés  dans  la  main  du  roi,  sujets  à 
chaque  instant  à  la  révocation;  qui  favorisait  enfin  leurs  velléités 
d'autorité  politique.  En  Roussillon,  l'opposition  du  Conseil  eût  pu 
se  produire  en  faveur  du  particularisme  local;  elle  eût  compromis 
la  politique  d'assimilation  que  suivit  naturellement  le  gouverne- 
ment français. 

Fuis-je  encore  me  permettre  de  faire  remarquer  à  l'auteur  que 
l'explication  qu'il  donne  de  «  l'opinion  »  très  haute  que  le  ('atalan 
eut  toujours  de  son  pays  et  de  lui-même  »,  de  son  amour  pour  l'in- 
dépendance, n'est  point  inattaquable  :  excellence  du  climat, 
richesse  du  sol,  beauté  des  sites,  fréquentes  invasions  venant 
surexciter  le  patriotisme  local?  Car  une  foule  d'autres  paj's  ont 
déployé  la  même  ardeur  à  conserver  les  libertés  locales  :  la  plu- 
part des  provinces  d'Espagne  avaient  leurs  «  fueros  »,  qu'elles 
défendaient  jalousement  ;  les  Pays-Bas  jouissaient  de  nombreux 
privilèges,  etc.  Mais  M.  Galibert  a  si  bien  chanté  l'amour  du  sol 
natal,  d'un  style  si  pittoresque,  si  heureusement  coloré,  où  trans- 
parait si  gentiment  l'âme  catalane,  que  c'eût  été  dommage  qu'i 
n'eût  point  écrit  ce  couplet. 


288  ANNALES    DU    MIDI. 

M.  l'abbé  Giralt,  curé  de  Fuilla,  continue  sa  série  de  monogra- 
phies sur  le  Confient,  d'après  des  papiers  de  famille.  Il  a  donné 
d'cins  le  Bull,  de  la  Soc.  des  Pyi  énées-Orienlales,  1905,  p.  185  à 
311,  une  Notice  historique  de  la  vicomte  d'Evol,  des  communes 
d'Evol  et  d'Oletle.  Citons  encore  sa  Monographie  des  deux 
paroisses  rurales,  Passa  et  Yillemolaque,  imp.  Payret,  1904, 
42  pages.  D'une  lecture  toujours  intéressante,  écrites  dans  un  style 
sobre  et  clair,  celui  qui  convient  à  de  pareils  sujets,  ces  monogra- 
phies ne  laissent  point  d'avoir  une  valeur  pour  un  futur  travail 
d'ensemble  sur  la  province  :  elles  mettent  en  lumière,  par  l'accu- 
mulation même  des  détails,  la  vie  locale  d'autrefois,  si  précieuse 
pour  la  compréhension  de  l'histoire  :  renseignements  sur  les 
mœurs,  sur  les  biens  communaux,  les  biens  ecclésiastiques,  les 
propriétés  privées,  marchés,  ventes,  trafic,  etc. 

On  en  peut  dire  autant  du  travail  de  M.  l'abbé  Jean  Sarréte, 
curé  de  Palan  (Cerdagne)  :  la  Paroisse  d' Hioc  (Gerdagne  française), 
dans  le  même  Bulletin,  p.  31o  à  340.  Il  retrace  l'origine  de  cette 
paroisse  dont  le  nom  parait  pour  la  première  fois  en  839,  et  nous 
fait  connaître  les  rapports  existant  entre  l'évêque,  le  curé  et  les 
fidèles  sous  l'ancien  régime. 

M.  l'abbé  ,1.  Gibrat  est  un  chercheur  infatigable  qui  a  déjà 
publié  de  nombreuses  monographies  locales.  Il  vient  de  faire 
paraître  des  Recherches  historiques  sur  Pierre  Pont,  abbé  d'Ar- 
les. Notes  sur  quelques  forges  du  Haut-Vallespir  et  Glanures 
sur  les  localités  du  Haut-  Vallespir,  ïmp.  L.  Roque,  Céret,  190G, 
in-16  de  103  pages,  travail  intéressant,  un  peu  touffu  toutefois. 
L'auteur  eût  mieux  fait  d'intituler  la  première  partie  de  son 
ouvrage  «  La  fortune  d'un  abbé  au  xviie  siècle  »,  car  ce  n'est 
guère  de  la  vie  ecclésiastique  de  Pierre  Pont  qu'il  est  question, 
mais  bien  presque  uniquement  de  la  gestion  de  ses  biens. 

Nous  devons  à  M.  le  chanoine  François  Font  une  Histoire  de 
l'abbaye  royale  de  Saint-Martin  du  Canigou,  Perpignan,  imp, 
Latrobe,  1903,  in-16  de  225  pages.  On  y  trouve  d'utiles  renseigne- 
ments sur  l'ancienne  abbaye  bénédictine  de  Saint-Martin  du  Cani- 
gou, fondée  en  1001  par  Guifred,  comte  de  Cerdagne,  consacrée  à 
deux  reprises  en  1009  et  1026,  détruite  en  partie  par  un  tremble- 
ment de  terre  en  1428  et  réparée  dans  les  années  suivantes.  Aban- 
donné quelque  temps  avant  la  Révolution,  le  monastère  tomba  en 
ruines;  il  vient  d'être  intelligemment  restauré,  avec  un  réel  sens 
archéologique,  par  M^i' deCarsalade,  évêquede  Perpignan.  L'abba- 


CHRONIQUE.  289 

tiale  de  Saint-Martin  est  un  curieux  exemple  d'une  église  romane 
à  trois  nefs  et  sans  doubleaux,  où  les  voûtes  latérales  sont  élevées 
assez  haut  pour  soutenir  le  berceau  central  ^  M.  l'abbé  Font  a 
négligé  quelque  peu  le  côté  archéologique  pour  s'attacher  à  l'his- 
toire du  monastère.  L'auteur  a  dû  fournir  un  labeur  très  louable 
pour  réunir  les  renseignements  dont  il  s'est  inspiré.  Il  eût  pu 
cependant  en  lirer  meilleur  profit  en  s'attachant  à  une  composi- 
tion plus  logique  (pourquoi,  par  exemple,  cette  division  par 
«  règnes  »  d'abbés?),  en  évitant  des  digressions  inutiles  (l.es  légen- 
des sont  intéressantes,  mais  tiennent  beaucoup  trop  de  place  dans 
le  texte)  et  en  restant  toujours  dans  la  note  historique. 

Nous  serions  heureux  enfin  de  pouvoir  énumérer,  s'ils  étaient 
du  domaine  de  cette  Revue,  des  travaux  scientifiques  d'une  très 
réelle  valeur  et  qui  contribueront  à  donner  une  connaissance  plus 
approfondie  de  la  partie  orientale  des  Pyrénées,  tout  en  corrigeant 
nombre  d'erreurs  sur  la  géologie  de  cette  région.  Leur  importance 
n'échappera  pas  plus  aux  géographes  qu'aux  géologues.  Ces  tra- 
vaux sont  dus  pour  la  plus  grande  partie  à  M.  0.  Mengel,  profes- 
seur au  Collège  et  directeur  de  l'Observatoire  de  Perpignan,  et  à 
M.  Ch.  Depéret,  doyen  de  la  Faculté  des  Sciences  de  l'Université 
de  Lyon.  On  les  trouvera  dans  le  Bull  de  la  Soc.  de  géol.  de 
France,  1904, 1906,  1907,  dans  les  C.  R.  du  serv.  de  la  carte  géol. 
de  France,  1905,  dans  le  Bull,  de  la  Soc.  des  Pyrénées-Orienta- 
les, 1905,  1907,  et  dans  le  Bull,  de  la  Soc.  météorol.  de  France, 
1906.  -  Marcel  Sellier. 


1.  V.  Notes  sur  l'art  religieux  du  Roussillon,   par  J.-A.  Brutails, 
Leroux,  Paris,  1895,  et  le  Guide  du  Congrès  de  Carcassonne,  déjà  cité. 


CORRESPONDANCE 


«  Bordeaux,  le  11  avril  11107. 


«  Monsieur  et  honoré  Collègue, 

«  Sous  la  signature  L.  G.  Pélissier,  les  Annales  du  Midi  (jan- 
vier 1907,  p.  133)  ont  publié  une  note  qui  m'est  signalée  de  divers 
côtés  : 

«  M.  Martinenche,  nommé  à  la  SorJjonne  après  une  lutte  épi- 
«  que  et  mouvementée  où  il  n'a  pas  été  toujours  combattu  à  ar- 
«  mes  courtoises,  etc.  » 

«  J'ai  été  le  seul  concurrent  de  M.  Marlinenche.  Je  comprends 
donc  que  l'on  ait  pu  me  croire  visé  par  cette  note  de  votre  collabo 
rateur. 

«  Or,  quand  M.  Martinenche  a  été  nommé  maître  de  conféren- 
ces de  langue  et  littérature  hispano-portugaises  à  la  Sorbonne 
(nomination  ([ui  a  suivi  de  quelques  semaines  seulement  la  créa- 
tion du  poste),  il  y  avait  plus  d'un  an  que  je  n'étais  allé  à  Paris; 
et  je  n'ai  pas  écrit  un  seul  mot  aux  professeurs  de  la  Sorbonne 
pour  les  intéresser  à  ma  candidature,  que  je  me  suis  contenté  de 
poser  par  une  lettre  officielle  adressée  au  doyen.  Bref  j'ai  garde  en 
cette  circonstance  l'inertie  la  plus  complète. 

«  J'es[ière  que  vous  voudrez  bien.  Monsieur  et  honoré  collègue, 
reproduire  ces  quelques  lignes  dans  les  Annales  dont  vous  êtes 


CORRESPONDANCE.  29t 

le  président-directeur.  Elles  rectifieront  des  mots  que  j'aime  mieux 
croire  maladroits  que  malintentionnés. 

«  Veuillez  agréer  l'expression  de  mes  sentiments  très  distin- 
gués. 

a  G.  CiROT. 

«  Professeur  d'Etudes  hispaniques, 
à  l'Université  de  Bordeaux.  » 

Rien  n'autorise  M.  Girot  à  se  croire  personnellement  visé  par  ma 
phrase.  M.  Martinenche  a  eu  à  lutter  contre  plusieurs  concurrents, 
parmi  lesquels  M.  Girot  n'était  qu'une  unité.  La  lutte  s'est  menée 
entre  les  patrons,  amis  et  collègues  des  divers  candidats.  Elle  a 
intéressé  plusieurs  et  très  différents  milieux  universitaires  et  aca- 
démiques. Les  échos  en  ont  retenti  jusqu'en  Angleterre.  On  peut 
donc  faire  allusion  à  certains  aspects  de  cette  lutte  sans  mettre  en 
cause  l'un  ou  l'autre  des  candidats.  J'espère  que  M.  Girot, 
après  réflexion,  voudra  bien  s'en  rendre  compte. 

L.  Pélissier. 


VIIHS  ANNONCÉS  SOMMAIREMENT 


Berriat-Saint-Prix  (J.).  Vieilles  prières.  Clermont-Ferrand,  Dû- 
ment, 1906;  in-8°  de  35  pages.  —  Très  intéressante  collection  de 
prières,  de  méditations  et  de  noëls  en  patois  et  en  français,  avec 
des  remarques  sur  la  langue  et  les  mots  vieillis.  Bonne  contribu- 
tion au  folk-lore  du  pays.  Desdevises  du  Dezert. 

Blazy  (abbé  L.).  Contribution  à  l'histoire  du  pays  de  Faix. 
r»  série,  Foix,  Pomiès,  1903;  in-S"  de  106  pages  ;  2»  série,  Foix, 
Lafont  de  Sentenac,  1905,  in  8"  de  88  pages.  —  Sous  ce  titre, 
l'auteur  a  réuni  diverses  études  de  détail  dans  lesquelles  il  publie 
ou  analyse  avec  soin  des  documents  qui,  sans  être  tous  du  même 
intérêt,  fournissent  cependant  pour  la  plupart  d'utiles  rensei- 
gnements sur  l'histoire  économique  et  sociale  du  pays  de  Foix, 
Dans  la  première  série,  on  relève  notamment  le  résultat  de  plu- 
sieurs recensements  ordonnés  a  Foix  à  la  fin  du  xviiie  siècle,  une 
note  sur  les  corporations  ouvrières  de  Pamiers  en  1767,  l'analyse 
d'une  enquête  faite  en  1674  et  1691  par  ordre  du  roi  sur  l'organi- 
sation des  corporations  de  Foix,  les  droits  seigneuriaux  de  la 
maison  des  Foix-Candale  au  xvii«  siècle  d'après  un  registre 
de  notaire,  le  dénombrement  de  la  ville  et  du  consulat  de 
Foix  en  1733.  Dans  la  deuxième  série,  M.  l'abbé  B.  emprunte 
à  un  registre  de  notaire  de  Foix  le  bail  des  écoles  de  1680  qui 
donne  de  curieux  détails  sur  l'organisation  de  l'enseignement 
primaire  à  cette  époque  (gages  des  régents,  durée  des  clas- 
ses, etc.),  les  baux  à  ferme  des  boucheries  qui  fixaient  à  7  sols  le 
prix  de  la  livre  de  mouton  et  à  4  sols  celui  de  la  livre  de  bœuf, 
les  baux  des  fours  banaux,  des  bancs  et  tables  des  marchands 
sur  la  place  les  jours  de  foire,  et  le  bail  de  la  levée  de  la  taille 
dans  un  des  quartiers  de  la  ville.  Quelques  autres  documents 
provenant  d'archives  privées  sont  relatifs  au  marquis  de  Ségur. 


LIVRES    ANNONCÉS   SOMMAIREMENT.  293 

dernier  gouverneur  général  du  pays  de  Foix  au  xviii«  siècle,  à 
l'ameublement  du  château  de  Foix  en  1757,  aux  vieu\  monuments 
et  anciens  châteaux  du  canton  de  Tarascon  (Ariège). 

Fr.    G/vLABERT. 

CoiFFiER  (J.).  L assistance  publique  dans  la  généralité  de  Riom 
au  XVIII-  siècle.  Clermont-Ferrand,  1906;  in-H"  de  286  pages.  — 
Bonne  indication  des  sources.  Bibliographie  du  sujet.  Le  livre 
est  divisé  en  trois  parties  :  Une  histoire  générale  de  la  misère  en 
Auvergne  (détails  sur  l'état  des  communications,  l'exagération 
des  impôts,  l'alcoolisme,  l'insuftisance  des  salaires).  —  Un  tableau 
des  établissements  charitables  de  la  province  (hôpitaux,  hôpitaux 
généraux,  dépôts  de  mendicité,  asiles  d'orphelins  et  d'aliénés).  — 
L'assistance  publique  (secours  à  domicile,  bureaux  de  charité, 
assistance  par  le  travail,  assistance  médicale).  L'ouvrage  de 
M.  C.  est  bien  documenté  et  rédigé  avec  clarté;  il  constitue  un® 
bonne  contribution  à  l'histoire  de  la  province  d'Auvergne  au 
dernier  siècle  de  l'ancien  régime.  Desdevises  du  Dezert. 

Durand  (le  chanoine  F.).  L'église  Sainte-Marie  ou  Notre- 
Dame  de  Niines,  basilique -cathédrale  [description  archéologi- 
que). Nimes,  Debroas,  1906;  in-8"  de  lOo  pages.  -  Dans  cette 
consciencieuse  et  judicieuse  étude,  l'auteur  traite  successive- 
ment du  nom,  de  l'emplacement,  de  la  façade  et  du  clocher  de 
la  cathédrale.  Il  décrit  ensuite  la  première  frise  de  la  façade 
(xiie  siècle),  la  seconde  frise  (\vii«  siècle)  et  l'intérieur  du  clocher, 
l'intérieur  de  l'église  et  les  vitraux,  le  chœur  et  la  chapelle  de  la 
Conception  (aujourd'hui  du  Saint-Rosaire),  la  chapelle  du  Saint- 
Sacrement,  les  chapelles  de  la  nef,  la  chaire,  les  orgues,  les  clo- 
ches, les  sacristies.  Des  planches  ou  des  phototypies  ajoutent  à 
la  valeur  du  texte.  On  y  voit  :  la  reconstitution  de  la  cathé- 
drale du  xi«  siècle,  consacrée  par  Urbain  11(1096),  le  remplacement, 
au  xiie  siècle,  de  la  baie  unique  du  milieu  de  la  façade  par  trois 
baies  ;  la  surélévation  du  clocher  au  \iv«  siècle,  la  cathédrale  après 
la  première  démolition  (lo67),  le  fronton  et  la  frise  supérieure 
(excellente  phototypie),  les  scènes  bibliques  de  la  frise  supérieure 
la  cathédrale  en  1899.  la  section  du  clocher  vu  de  la  place,  le 
plan  par  terre  du  choeur  avant  1831.  L'auteur  a  déjà  rendu  bien 
des  services  à  l'archéologie  nimoise  par  le  goût  et  le  soin  qu'il 
apporte  dans  ses  travaux.  La  présente  publication  est  un  nou- 
veau titre  à  la  reconnaissance  des  érudits.      Ed.  Bondurand. 


294  ANNALES   DU    MIDI. 

OuRAND-AuziAS.  L'époque  de  la  Terreur  à  Roquemaure  {Gard). 
Paris,  Plon-Nourrit,  19u6  ;  in-4'^  de  124  pages.  —  Cette  publication 
est  un  recueil  de  pièces  de  la  Révolution  trouvées  dans  des  papiers 
de  famille.  Notons  entre  autres  un  cahier  contenant  les  noms 
des  personnes  arrêtées  et  les  motifs  de  leur  arrestation,  cahier 
certifié  par  les  membres  du  Comité  de  surveillance  et  révolution- 
naire de  Roquemaure,  le  5  fructidor  an  II.  L'éditeur  donne  un 
fac-similé  des  signatures.  Viennent  ensuite  une  liste  des  détenus 
comme  suspects,  à  Pont-sur-Rhône  (Pont-Saint-Esprit),  des  petites 
communes  qui  n'excèdent  pas  1,200  habitants,  avec  la  désignation 
de  leurs  noms  et  prénoms,  professions  et  domiciles,  et  les  griefs 
qui  ont  amené  l'arrestation;  une  autre  liste  des  suspects  détenus 
par  mandat  d'arrêt  du  Comité  révolutionnaire  de  Roquemaure, 
ou  à  détenir,  datée  du  10  germinal;  des  mandats  d'arrêt  du 
comité,  allant  du  21  germinal  an  II  au  16  prairial  an  II;  des 
procès-verbaux  de  saisies,  d'inventaires,  ventes,  etc.;  des  récla- 
mations et  protestations  diverses;  un  état  de  la  consistance  des 
biens  des  détenus  de  Roquemaure.  Je  n'ai  pas  besoin  d'insister 
sur  le  haut  intérêt  de  la  plupart  de  ces  textes,  où  frémissent  des 
passions  que  la  mort  exalte  au  lieu  de  les  calmer. 

Ed.   BONDURAND. 

Frayssinet  (M.).  Les  idées  politiques  des  Girondins  (thèse).  Tou 
louse,  imp.  Vialeile  et  Perry,  1903  ;  in-8«  de  3o9  pages.  —  Les  Q\  ■ 
rondins  constituèrent  un  parti  et,  à  ce  titre,  ils  intéressent  plus 
l'histoire  générale  que  l'histoire  du  Midi.  Cependant,  plusieurs 
d'entre  eux,  et  des  plus  notables,  appartenant  au  département  de 
la  Gironde,  d'autres  aux  départements  méridionaux,  et  maints 
événements  de  leur  histoire  ayant  eu  pour  théâtre  le  Midi,  il  est 
bon  de  noter  au  moins  un  ouvrage  qui  s'occupe  des  idées  de  ce 
parti,  d'autant  qu'ils  ont  préparé  un  projet  de  constitution  de  la 
France  qui,  appliqué,  aurait  pu  changer  le  cours  de  l'histoire  de 
notre  pays. 

C'est  en  partie  dans  ce  projet  de  constitution  que  l'auteur  re- 
«iherche  les  idées  maîtresses  des  Girondins.  Il  arrive  d'ailleurs, 
après  comparaison  de  ce  projet  et  de  la  constitution  de  l'an  II, 
votée  par  la  Montagne,  après  étude  des  idées  émises  par  les  prin- 
'îipaux  Montagnards  et  les  principaux  Girondins,  à  adopter  la 
conclusion  de  M.  Aulard  :  «  Le  groupe  de  la  Gironde  ne  différa 
pas  de  la  Montagne  par  des  principes,  mais  par  sa  conception 


LIVRES    ANNONCÉS    SOMMAIREMENT.  295 

(lu  rôle  que  la  capitale  devait  jouer  dans  la  France  envahie  et 
déchirée.  »  M.  Décans. 


Labande  (L.-H.)-  I"  Etude  historique  et  archéologique  sur 
Saint-Trophime  d'Arles  du  /V«  au  XIH^  siècle.  Caen,  H.  Deles- 
ques,  1904;  in-S'J  de  80  pages;  i  planches,  4  phototypies,  des- 
sins dans  le  texte.  —  2»  Le  Baptistère  de  Venasque  {Vaucluse). 
Paris,  Irap.  nat.,  1905;  in-S*^  de  '20  pages;  4  phototypies,  1  plan. 
—  30  La  cathédrale  de  Vaison ,  étude  historique  et  archéolo- 
gique. Caen,  H.  Delesques,  1903;  in-S"  de  71  pages;  4  planches, 
3  phototypies,  dessins  dans  le  texte.  [Le  n'^  •  est  extrait  du 
Bull,  monumental,  années  1903-4;  le  n"  2  du  Bull,  archéologique 
de  1904,  et  le  no  3  du  Bull.  Monumental  de  1905].  —  M.  Labande  a 
entrepris  un  ouvrage  de  fond  sur  l'architecture  romane  en  Pro- 
yence  et  en  Bas-Languedoc.  Au  fur  et  à  mesure  des  progrès  de 
son  enquête,  il  aime  à  prendre  contact  avec  les  archéologues,  en 
publiant  des  études  particulières,  matériaux  de  l'œuvre  d'ensem- 
ble en  préparation.  C'est  une  méthode  excellente,  en  ce  qu'elle 
appelle  un  contrôle  permanent.  Quand  le  protagoniste  est  aussi 
bien  armé  que  M.  L.,  il  naît  dans  le  public,  à  la  vue  d'une  telle 
énergie  et  d'une  telle  probité  scientifique,  un  courant  de  sympa- 
thie et  de  considération  de  nature  à  dissiper  toutes  les  appréhen- 
sions d'auteur,  et  à  pousser  à  la  synthèse  personnelle.  En  tra- 
vaillant dans  une  maison  de  verre,  M.  L.  a  conquis  d'avance  ses 
lecteurs.  Déjà  les  Annales  du  Midi  ont  rendu  compte,  par  la 
plume  de  M.  Saint-Raymond  (t.  XV,  p.  519-2ÎJ,  de  ses  Etudes 
d'histoire  et  d'archéologie  ?'omane.  Provence  et  Bas-Langue- 
doc. —  Eglises  et  chapelles  de  la  région  de  Bagnols-sur-Cèze.  Les 
trois  brochures  que  je  groupe  dans  cette  annonce  sommaire  ont 
pour  objet  des  monuments  plus  illustres.  L'examen  personnel  et 
minutieux  de  toutes  les  particularités  de  construction,  la  con- 
naissance et  la  critique  rigoureuse  des  textes,  ont  permis  à 
M.  L.  de  formuler  des  conclusions  qui  rectifient  bien  des  idées 
admises  et  serrent  de  plus  près  la  vérité.  Si  l'examen  de  la 
construction  peut  seul  révéler  l'importance  et  la  succession  des 
remaniements  dont  il  reste  trace,  l'étude  critique  des  textes, 
inscriptions,  chroniques,  chartes,  etc.,  peut  amener  à  des  dates 
précises.  Mais  que  de  textes  écarte  une  saine  critique  !  Combien 
peu  demeurent  utilisables,  et  le  plus  souvent  avec  des  précau»* 
tions  ! 


296  ANNALES   DU    MIDI. 

Pour  Saint-Trophime  d'Arles,  il  faut  signaler  l'observation 
capitale  de  la  différence  des  matériaux  entrés  dans  la  construc- 
tion de  la  façade  ouest  (petit  appareil  cubique,  très  ancien,  et 
moyen  appareil  bien  taillé  et  jointe,  plus  récent).  Il  faut  aussi 
mentionner  la  discussion  décisive,  démontrant  qu'il  y  a  toujours 
eu  une  entrée  par  la  façade  ouest  (p.  69-71).  La  conclusion  de  M.  L. 
est  que  les  parties  les  plus  anciennes,  en  petit  appareil,  ont 
appartenu  à  la  basilique  édifiée  à  la  fin  du  viii«  siècle.  Deux  siè- 
cles après  furent  construits  le  transept,  puis  la  travée  qui  le 
précède.  La  réfection  de  la  nef  et  le  remplacement  de  la  couver- 
ture en  charpente  par  des  voûtes  sur  le  vaisseau  central  et  les 
collatéraux  furent  achevés  dans  la  première  moitié  du  xii«  siècle. 
Alors  la  confession,  établie  après  coup  dans  les  dernières  travées 
de  la  nef  et  dans  le  transept,  put  recevoir,  en  1152,  les  reliques 
de  Saint-Trophime.  Plus  tard,  mais  avant  la  fin  du  xii«  siècle, 
commencèrent  les  travaux  du  cloître,  l'édification  du  portail  et 
le  relèvement  du  sol  primitif  de  l'église.  Comme  les  autres  égli- 
ses romanes  de  Provence,  Saint-Trophime  est  un  composé  de 
pièces  et  de  morceaux,  tous  d'une  date  différente.  Cette  règle  des 
améliorations  et  des  juxtapositions  successives,  mise  en  lumière 
par  M.  L.,  est  évidemment  due  aux  catastrophes  et  à  la  profonde 
misère  de  la  période  médiévale. 

En  ce  qui  concerne  la  grande  inscription  de  la  travée  voisine 
du  transept,  je  pense  qu'on  ne  peut  en  tirer  un  sens  raisonnable, 
pas  plus  que  de  la  grande  inscription  de  la  cathédrale  de  Vaison. 
Ce  sont  des  témoignages  lamentables  de  la  déformation  d'esprit 
des  moines  du  temps,  qui  s'épuisaient  en  ces  devinettes  puériles 
et  entortillées.  M.  L.  établit  que  Tinscription  d'Arles  est  vrai- 
semblablement de  la  fin  du  w  siècle.  Celle  de  Vaison  remonte 
seulement  au  xii^  Le  seul  mérite  de  ces  inscriptions  est  leur 
grand  effet  décoratif.  M.  Révoil  en  fut  si  frappé,  que  dans 
sa  belle  restauration  de  la  cathédrale  de  Nimes,  il  en  fit  courir 
une.  d'aspect  analogue,  autour  de  l'église,  à  la  hauteur  des  cha- 
piteaux des  colonnes. 

Dans  le  baptistère  de  Venasque,  un  petit  appareil  irrégulier 
décèle  les  anciennes  murailles.  Les  additions  sont  en  matériaux 
plus  beaux  et  plus  réguliers.  Les  évêques  de  Carpentras  ont 
utilisé  des  colonnes  antiques  dans  les  absides.  M.  L.  fait  remon- 
ter l'édifice  au  début  du  vu»  siècle.  Il  fut  réparé  au  commence- 
ment dn  xiir. 


LIVRES    ANNONCES    SOMMAIREMENT.  297 

Quant  à  la  cathédrale  de  Vaison,  M.  L.  y  voit  l'œuvre  de  six 
constructeurs  différents.  Leurs  travaux  subsistants  peuvent  se 
répartir  dans  ces  périodes  successives  :  \°  absidioles  sans  les 
voûtes,  intérieur  de  l'abside  principale  ;  2"  partie  du  mur  goutte- 
reau  du  collatéral  nord,  en  petit  appareil  régulier  ;  3"  voûtes  dos 
absidioles  et  leurs  contreforts,  base  du  clocher,  voûte  de  la 
grande  abside,  murs  des  bas  côtés  en  petit  appareil  irrégulier 
ou  en  blocage;  4"  modifications  dans  les  murs  du  chœur,  voûte 
de  la  travée;  5"  travée  voûtée  en  coupole,  piliers  et  grandes 
arcades  de  la  nef,  voûtes  des  bas-côtés;  6'^  voûtes  et  murs  laté- 
raux de  la  nef. 

Seules,  les  absidioles  et  l'abside  sans  les  voûtes,  ainsi  qu'une 
partie  du  mur  septentrional,  sont  antérieures  au  di'^but  du 
XI'  siècle. 

Bientôt  paraîtra,  dans  le  Bulletin  archéologique,  une  quatrième 
étude  sur  N.-D.-des-Doms  d'Avignon.  Ainsi  M.  L.  amasse,  pour 
son  ouvrage  en  préparation,  des  matériaux  élaborés  avec  une 
science  et  un  amour  de  la  vérité  que  ne  saurait  rebuter  aucun 
obstacle.  E.  Bondurand. 

Leroux  (A.).  Le  sac  de  la  Cité  de  Limoges  et  son  relèvement 
(1370-1464).  Limoges,  Ducourtieux  et  Goût,  1906;  in-S'^  de 
84  pages. —  M.  L.  examine,  à  la  lumière  des  documents  d'archives 
publiés  ou  inédits,  le  récit  qu'a  fait  Froissard  du  célèbre  sac  de 
Limoges  par  le  prince  Noir,  en  septembre  1370.  La  Cité,  pour 
s'être  mise  dans  l'obédience  du  roi  de  France,  en  violation  du 
traité  de  Brétigny,  fut  alors  prise  et  pillée.  On  sait  que  la  Cité 
était  la  ville  épiscopale,  distincte  du  Château,  qui  formait,  à 
proximité,  une  autre  ville,  trois  fois  plus  grande.  Tandis  que  le 
Château  restait  aux  mains  des  Anglais,  la  Cité,  sous  l'impulsion 
de  l'évêque  Jean  de  Gros,  fit  le  24  août  1370  sa  reddition  aux  ducs 
de  Berry  et  de  Bourbon,  sans  coup  férir,  quoi  qu'ait  dit  Froissard. 
Bertrand  du  Guesclin  n'y  vint  pas,  occupé  qu'il  était  alors  à 
reprendre  Saint-Yrieix  au  profit  de  la  veuve  de  Charles  de  Blois 
vicomtesse  du  Château.  L'armée  du  prince  de  Galles,  partie  de 
Cognac,  ne  fut  donc  pas  arrêtée  en  route.  Cependant  elle  n'a  pu 
arriver  devant  Limoges  avant  le  13  ou  le  14  septembre.  La  Cité 
ayant  été  prise  le  19,  le  siège  n'a  pas  duré  trois  semaines,  comme 
dit  Froissard,  à  moins  que  l'on  n'entende  par  siège  les  efforts  que 
firent  peut-ôtre,  dès  la  fin  d'août,  les  Anglais  du  Château  pour 

ANNALES  DU   MIDI.    —    XIX  20 


298  ANNALES   DU   MIDI. 

bloquer  les  portes  et  priver  leurs  adversaires  de  secours.  C'est 
Il  mine  qui  a  permis  aux  assiégeants  d'entrer  dans  la  ville.  S'y 
engageant  de  bon  matin,  ils  tuèrent  tout  ce  qui  faisait  résistance 
ou  se  trouvait  devant  eux  :  3,000  personnes,  affirme  Froigsard. 
Or  la  Cité  pouvait  à  peine  contenir  un  pareil  nombre  d'habi- 
tants ou  de  réfugiés;  le  chiffre  de  300,  fourni  par  la  Chronique 
de  Saint-Martial,  est  plus  vraisemblable.  Le  pillage  suivit,  puis 
la  destruction  méthodique  par  le  pic  et  par  le  feu.  Cela  fait,  les 
Anglais  regagnèrent  Cognac,  emmenant  avec  eux,  outre  le  butin, 
leurs  prisonniers,  dont  l'évêque,  afin  d'en  tirer  rançon. 

M.  L.,  qui  décrit  très  clairement  la  Cité,  qui  en  donne  une 
bonne  carte,  indique  les  dommages  qu'elle  éprouva  —  ruine  du 
palais  épiscopal,  des  maisons  bourgeoises,  des  remparts; — puis 
comment  elle  fut  restaurée  :  il  n'y  fallut  pas  moins  d'un  siècle 
(1371-1464).  Mais  il  est  impossible  de  résumer  ici  cette  narration 
précise  d'un  relèvement  très  lent  et  graduel,  sans  cesse  contrarié 
par  les  malheurs  de  l'époque.  Encore  le  palais  de  l'évêque  ne 
fut-il  reconstruit  qu'en  4534-1537,  les  murailles  relevées  qu'en 
134.3-1 552. 

Voilà  donc  rectiflée  par  un  érudit  parfaitement  informé,  selon 
une  méthode  vraiment  ciitique,  la  légende  de  carnage  affreux 
que  Froissard  avait  créée,  qui  s'était  amplifiée  au  xvi«  siècle  et  si 
solidement  établie  que  les  historiens  modernes,  jusques  et  y 
compris  M.  Coville',  ont  cru  devoir  l'accepter. 

Paul  DOGNON. 

Mayéiîas  (Barth.).  Catalogue  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque 
communale  de  Limoges.  Nouv.  suppl.  Limoges,  Ducourtieux,  1906; 
in-8"  de  49  pages.  —  Le  catalogue  de  Limoges,  publié  aux  tomes 
IX  et  XLI  du  Calai,  génér.  des  inss.  des  biblioth.  de  Frayice^  vient 
de  s'accroître  d'une  manière  sensible,  grâce  au  zèle  du  conserva- 
teur de  la  bibliothèque.  Au  lieu  des  35  numéros  qu'accusait  le 
relevé  de  1888  ou  des  49  que  donnait  le  supplément  de  1903,  il  faut 
désormais  faire  état  de  M 8  numéros.  Ce  chiffre  relativement 
élevé  a  été  atteint  par  la  réunion  d'une  foule  de  menus  cahiers 
et  de  pièces  détachées,  que  l'incurie  du  précédent  bibliothécaire 
avait  laissés  de  côté.  Dans  le  nombre  nous  signalerons  comme 
particulièrement  intéressants  :  une   liasse  de  pièces    diverses 

1.  lllsi.  de  Vro.nce,  p.  p.  ^F.  E.  Lavisse,  l.  IV  (l'.Kiti).  p.  \^Ti. 


LIVRES    ANNONCES    SOMMAIREMENT.  290 

(n»  oO),  dont  la  plus  ancienne  remonte  à  1617;  —  le  recueil  des 
sermons  des  deux  abbés  Vitrac  (n»'  o9  à  64),  qui  vivaient  au 
XVIII'"  s.  ;  —  les  productions  poétiques  et  scientifiques  d'un  certain 
Bouriaud  qui  fut  professeur  au  collège  do  St  Junien  (n"  7(,i  à  82); 
elles  pourraient  servir  à  l'histoire  de  la  pédagogie  française;  — 
les  chansons  d'Alfred  Durin  (n"  88)  ;  —  les  élucubrations  d'un  spi- 
rite  de  Limoges,  S.  Baylac,  mort  récemment  (nos  90  à  100)  ;  —  le 
premier  projet  d'achèvement  de  la  cathédrale  de  Limoges  par 
l'architecte  Chabrol  en  184o-o1  (n"  103);  —  la  collection  des 
épures,  dessins,  esquisses,  projets,  etc.,  du  susdit  Baylac,  qui  fut 
un  modeleur  de  talent  (no  107-118);  —  enfin,  une  série  de  lettres 
autographes,  au  nombre  de  37,  de  personnages  appartenant  pres- 
que tous  au  x\x«  siècle. 

C'est  le  BuU.  de  la  Soc.  arch.  du  Limousin  (LV,  p.  649-93)  qui  a 
donné  asile  à  ce  «  Nouveau  supplément  »,  en  attendant  qu'il 
puisse  trouver  plac-  dans  les  Additamenta  du  Catalogue  que 
dirige  le  Ministère  de  l'Instruction  publique.  A.  Leroux. 

Parducci  (k.\.  Rugello  da  Lucca'!  Perugia,  1906;  in  8°  de  16  pa- 
ges (Extrait  de  Miscellanea  nuziale  Ferrari-Toncolo) .  —  Le  nom 
de  «  Rugetto  da  Lucca  »  est  prononcé  pour  la  première  fois  par 
Redi  dans  une  note  de  son  Bacco  in  Toxcana  (1683)'.  C'est  à  lui 
oue  l'ont  emprunté  tous  les  critiques  postérieurs.  Où  lui-même 
l'avait-il  pris?  Ce  n'est  pas  dans  un  manuscrit,  car  il  distingue 
par  la  typographie  les  noms  qu'il  emprunte  k  des  sources  manus- 
crites. C'est  donc  à  un  imprimé,  lequel  ne  serait  autre,  selon 
M.  P.,  que  la  traduction  de  Nostredame  par  Giudici  (1575).  Mais 
cet  ouvrage,  précisément,  ne  contient  pas  le  nom  de  «  Rugetto  da 
Lucca»;  ce  nom  serait  dû  —  et  c'est  la  seconde  hypothèse  de 
M.  P.,  —  à  une  erreur  commise  par  Redi,  soit  dans  la  lecture  de 
sa  source  (erreur  peu  probable,  puisque  cette  source  devait  être 
un  imprimé),  soit  dans  le  déchiffrement  d'une  note  ma!  prise  : 
Rugetto  serait  une  mauvaise  lecture  de  Rugiero  et  les  mots  da 
Lucca  proviendraient  de  la  mention  del  Luc,  qui  fut  le  nom  d'un 
«  Giraut  »  dans  quelques  mss-  {ADIK).  Mais  Giraut  est  bien  loin 
de  Rogier.  Ce  sont  donc  là  des  suppositions  sans  grand  fonde- 
ment. Elles  sont  de  plus  exposées  ici  d'une  façon  bien  diffuse  et 

1.  C'e.sL  ce  cia'avait  iléjà  noté  ?\L  Gli;ib;ineau  (Revue  des  l(i7igues  rom., 
XXIII,  17). 


300  annai.es  du  midi. 

désordonnée;  l'auteur  de  ce  petit  mémoire  eût  certainement 
réussi,  en  se  donnant  un  peu  plus  de  peine,  à  en  épargner  beau- 
coup à  ses  lecteurs.  A.  Jeanroy 

Pi'ocès-verbaux  des  Comités  d'agriciiUure  et  de  commerce  de  la 
Constituante,  de  la  Législative  et  de  la  Convention, "^whWè^  et  anno- 
tés par  F.  Gerbâux  et  Ch.  Schmidt.  T.  I".  Assemblée  consti- 
tuante (l"'^  partie).  Paris,  Impr.  nationale,  190(5;  1  vol.  in-4"  de 
xxiv-773  pages.  —  Ce  volume  est  l'un  des  premiers  parus  de  la 
Collection  des  Documents  inédits  sur  l'histoire  économique  de  la 
Révolution  française  puitliés  par  le  Ministère  de  l'Instruction 
publique  sur  la  proposition  que  fit,  en  1904,  M.  Jaurès.  Cette  col- 
lection, encore  peu  nombreuse,  comprendra  des  recueils  de  docu- 
ments d'un  intérêt  local,  comme  le  relevé  des  ventes  de  biens 
nationaux  dans  le  département  du  Rhône  qu'a  déjà  publié 
M.  Charléty,  et  d'autres  d'une  portée  plus  générale,  comme  le 
volume  de  MM.  Gfrbaux  et  Schmidt  annoncé  ici.  Il  paraîtrait 
même,  d'après  ce  que  nous  avons  entendu  dire,  que  les  publica- 
tions du  second  genre,  puisées  aux  sources  abondantes  des  Archi- 
ves nationales  et  spécialement  des  Archives  parlementaires  des 
diverses  Assemblées,  absorberaient  la  presque  totalité  des  cré- 
dits assez  peu  élevés  que  la  Chambre  a  affectés  à  cette  collection. 
Les  Procès-verbaiix  des  Comités  d' Agriculture  et  de  Commerce 
sont  offerts  au  public  sous  le  haut  patronage  de  M.  Aulard,  pro- 
fesseur à  l'Université  de  Paris,  vice-président  de  la  Commission 
centrale,  qui  en  a  suivi  l'impression  en  qualité  de  commissaire 
responsable.  C'est  dire  qu'ils  sont  livrés  dans  les  meilleures  con- 
ditions d'exactitude  et  de  scrupule  pour  leur  reproduction,  de 
précision  et  de  sûreté  pour  les  annotations  qui  les  accompa- 
gnent. —  Il  est  difficile  de  se  prononcer  dès  aujourd'hui  sur  l'im- 
portance d'une  publication  qui  n'embrasse  même  pas  l'ensemble 
des  travaux  du  Comité  d'agriculture  de  la  Constituante,  puisque 
le  tome  1"  s'arrête  au  21  janvier  1791,  huit  mois  avant  laclôiure 
de  cette  Assemblée.  Il  manque  à  ce  volume  la  table  analytique 
des  matières  et  l'index  alphabétique  des  noms  que  les  auteurs 
nous  annoncent  dès  à  présent  et  qui  seront  le  complément  néces- 
saire de  leur  œuvre  lon^^ue  et  difficile.  Toutefois,  leurs  intentions 
et  les  ri'sultats  principaux  de  leur  travail  sont  annoncés  dans 
une  brève  et  substantielle  introduction  qui  pourra  guider  les  tra- 
vailleurs dans  leurs  recherches.  1511e  nous  apprend  que  le  Comité 


LIVRES    ANNONCÉS   SOMMAIREMENT.  301 

d'agriculture  et  de  commerce,  institué  à  la  suite  de  diverses 
propositions  et  délibérations  de  l'Assemblée,  fut  élu  le  3  septem- 
bre 1789  et  comprit  33  membres  pour  les  généralités  et  provinces, 
plus  deux  pour  la  Corse  et  Saint  Domingue,  auxquels  on  en  ad- 
joignit plus  tard  deux  autrespour  la  Guadeloupe  et  la  Martinique. 
La  composition  de  ce  Comité  ne  fut  pas  sensiblement  modifiée 
jusqu'à  la  fin  de  la  Constituante.  Il  présenta  la  même  stabilité 
dans  son  bureau  qui,  présidé  d'abord  par  le  marquis  de  Bonnay, 
réélut  ensuite  constamment  à  la  présidence  un  député  du  Bas- 
Languedoc,  dont  la  famille  est  encore  fort  connue  à  Niraes,  Mey- 
nierde  Salinelles,  et  pour  principal  secrétaire,  après  la  retraite 
du  fameux  Dupont  de  Nemours,  un  économiste  assez  notoire, 
Herwyn.  En  ce  qui  concerne  notre  région,  on  peut  citer,  à  côté 
du  président  Meynier,  Augier  de  Limoges,  Gaschet  Delisle,  de 
Bordeaux,  Pons  de  Soulages,  de  Montauban,  Tixedor,  de  Perpi- 
gnan, Pemartin,  de  Pau  et  Bayonne,  et  Roussillou,  négociant  de. 
Toulouse,  qui,  avec  la  majoritédes  commerçants  français  d'alors, 
combattit  le  fameux  traité  de  commerce  conclu  en  1786  avec 
l'Angleterre,  première  tentative  dans  la  voie  du  libre-échange,  et 
contribua  à  ramener  la  France  au  protectionnisme  par  le  traité 
de  1791.  Comme  la  plupart  des  membres  de  l'admirable  Consti- 
tuante, ceux  du  Comité  d'agriculture  prirent  fort  à  cœur  leur 
tâche  pourtant  très  complexe,  puisqu'ils  héritaient  d'une  bonne 
moitié  des  attributions  naguère  dévolues  au  contrôleur  général 
des  finances,  et  qu'ils  ajoutèrent  aux  fatigues  des  longues 
séances,  presque  journalières,  de  l'Assemblée  nationale,  258  réu- 
nions particulières,  en  vingt-huit  mois,  de  leur  Comité.  Ils  ne 
reçurent  pas  moins,  jusqu'à  la  date  où  les  éditeurs  ont  poussé 
leur  publication,  de  2,143  mémoires  dont  ils  retinrent  et  étudiè- 
rent 1,507  environ,  sur  lesquels  MM.  Gerbaux  et  Schmidt  en  ont 
retrouvé  et  dépouillé  539.  Pemartin  en  présenta  lui-même  deux 
sur  le  commerce  de  la  boucherie,  le  Toulousain  Roussillou  huit 
sur  le  commerce  en  général  et  sur  le  commerce  colonial.  (Nous 
signalons  en  passant  aux  érudits  locaux  l'activité  si  remarquable 
et  si  digne  d'être  étudiée  de  près  de  leur  compatriote.)  Roussillou 
fit  également  un  rapport  sui-  les  encouragements  à  donner  à 
l'agriculture,  un  autre  sur  les  denrées  coloniales;  Meynier  rap- 
porta sur  le  régime  du  port  de  Marseille.  On  saisit,  par  ces  quel- 
ques exemples,  tout  l'intérêt  qu'une  telle  publication  peut  offrir, 
même  pour  les  chercheurs  de  nos  provinces.  Dans  un  cercle  plus 


302  ANNALES   DU    MIDI. 

étendu,  la  collection  de  ces  Proc-'s-Verbaux,  consciencieusement 
annotée,  sera  désormais  indispensable  à  tous  ceux  qui  voudront 
écrire  l'histoire  économique  de  la  France  pendant  la  Révolution. 

Albert  Meyniér. 

Roux  (Df  E.).  Documents  et  notes  pour  se?'vir  à  l'histoire  de  la 
ville  de  Riom  Epidémies,  famines  et  Conseils  de  santé.  Riom, 
Jouvet,  1906;  in-8"  de  132  pages.  —  Après  un  chapitre  d'introduc- 
tion sur  le  traitement  de  la  peste  au  xvi*'  siècle,  M.  R.  étudie  les 
épidémies  riomoises  antérieures  à  1631,  et  plus  spécialement 
celles  de  1585  et  1606  et  la  peste  de  1631.  Le  xvii^  siècle  eut  une 
grande  famine  en  16o'2-o3.  Celle  de  1709-10  coûta  la  vie  à  près 
de  300  personnes.  En  1720,  un  Conseil  de  santé  fut  organisé  à 
Riom  à  l'occasion  de  la  peste  qui  avait  éclaté  à  Marseille.  La 
ville  resta,  pour  ainsi  dire,  en  état  de  siège  jusqu'au  mois  d'août 
1722.  M.  R.  donne  en  appendice  l'analyse  sommaire  du  registre 
des  résolutions  du  Conseil  de  santé  de  l'année  1631.  Ce  travail, 
où  le  sujet  est  parfois  un  peu  oublié,  emprunte  un  grand  intérêt 
à  la  qualité  de  l'auteur  qui  peut  parler  des  épidémies  riomoises 
avec  une  compétence  toute  spéciale.       Desdevises  du  Dezert. 

Saint-Quirin.  Les  verriers  du  Languedoc.  1290-1790.  Mont- 
pellier, imp.  Delord-Bœhm  et  Martial,  1904;  in-8»  de  361  pages 
avec  carte  et  planches.  —  L'ouvrage  a  déjà  paru  dans  le  Bull,  de 
la  Soc.  languedocienne  de  géographie,  années  1901  h  1906;  il  a 
été  analysé  partiellement  dans  nos  dépouillements  de  cette  revue. 
On  en  a  déjà  loué  l'intérêt  historique,  le  sérieux  et  l'érudition. 
Nous  avons  ici  l'avantage  de  pouvoir  juger  l'ouvrage  d'ensemtile. 
Commençant  par  la  géographie  des  verreries,  non  seulement  en 
Languedoc,  mais  du  Rhône  à  l'Océan,  il  se  continue  par  une 
étude  sur  l'industrie  du  verre  et  ses  conditions,  les  traditions- 
mœurs  et  coutumes  des  verriers,  leurs  règlements,  leur  organi- 
sation et  leurs  assemblées.  Ensuite  vient  l'histoire  de  cette  in- 
dustrie, celle  des  tracasseries  dirigées  au  xvii«  siècle  contre  les 
verriers  qui  avaient  embrassé  la  Réforme  en  trop  grand  nom- 
bre au  gré  du  gouvei-nement  royal.  Au  xviiir  siècle,  on  les  ac- 
cuse, en  outre,  de  dévaster  les  forêts.  L'hostilité  du  pouvoir, 
l'établissement  de  verreries  à  la  houille,  la  nécessité  croissante, 
pour  les  entreprises  industrielles,  de  gros  capitaux  ont  amené 
leur  ruine  et  leur  disparition.  L'ouvrage  se  termine  par  l'his- 


LIVRES   ANNONCES   SOMMAIREMENT.  3(J3 

toire  des  divers  départements  verriers  :  Moussans ,  Haute- 
Guyenne.  Grézigne,  Bas-Languedoc,  Méjannez,  et  des  familles 
de  verriers.  Il  est  enrichi  de  nombreuses  notes,  d'une  carte,  d'un 
index  onomastique  et  géographique.  C'est  une  monographie  pré- 
cieuse de  l'art  du  verre  dans  le  Sud  et  le  Sud-Ouest  de  la  France 
jusqu'à  la  Révolution.  M.  Décans. 

Valla  (l'abbé  L.).  Aramon,  temps  anciens,  administralion, 
temps  modernes,  seconde  édition,  augmentée  d'un  chapitre  et 
ornée  de  trente  photogravures.  Montpellier,  imprimerie  de  la 
Manufacture  de  la  Charité,  1905;  in-S^  de  623  pages.  —  Ce  livre 
est  plein  de  vie  et  d'ardeur.  L'auteur  a  traité  à  fond,  d'après  les 
sources  (archives  communales  et  départementales),  l'histoire  de 
cette  jolie  ville,  reposant  au  bord  du  Rhône,  avec  sa  parure  de 
délicieux  hôtels  de  la  Renaissance,  et  au  milieu  d'un  paysage 
splendide.  Il  a  multiplié  les  vues  artistiques  de  ce  pays  où  l'on 
voudrait  vivre.  Il  conduit  le  lecteur,  avec  beaucoup  d'entrain, 
depuis  les  origines  romaines  jusqu'à  l'inauguration  du  pont  sur 
le  Rhône,  en  1900.  Sa  personnalité  circule  partout,  avec  des  anti- 
pathies vigoureuses  qui  tiennent  l'attention  en  éveil.  Ce  combatif 
a  déserté  les  lempla  serena  où  le  lecteur  risque  de  s'endormir. 
Le  livre  est  d'inspiration  catholico-démocratique.  Ce  mélange  ne 
déplaît  pas  aux  riverains  du  Rhône.  Dans  cet  abatage  en  règle 
de  la  maison  seigneuriale,  encore  représentée,  et  dont  l'action 
envahissante  fut  néfaste,  l'intérêt  se  maintient  jusqu'au  bout. 
Aussi  le  livre  est-il  très  lu.  Je  ne  voudrais  pas  le  quitter  sans 
quelque  critique  utile  pour  les  éditions  ultérieures.  Dans  l'ins- 
cription no  2.  p.  31,  la  ligne  2  doit  se  lire  :  Lucii  Cornelii  Supers- 
tilis;  la  ligne  3  :  et  Pompeiae  Fuscae  ;  la  ligne  o  :  Lucius  Cornélius 
Romanio;  la  ligne  6  :  et  Lucius  Cornélius  Ja7iuaris.  Les  affranchis 
Lucius  Cornélius  Romanio  et  Lucius  Cornélius  Januaris  élèvent 
le  tombeau  à  leur  patron  Lucius  Cornélius  Superstes  et  à  sa 
fem.me  Pompéia  Fusca.  7^owia??/o  est  un  nominatif.  Il  fait  au  datif  : 
Romanioni  (Cf.  C.  I.  L..  t.  XII,  873  et  2,809). 

Ed.  BONDURAND. 


PUBLICATIONS  NOUVELLES 


Archives  municipales  de  Bayonne.  Délibérations  du  Corps  de 
ville.  Registres  français.  T.  II  (1.80-1600).  Bayonne.  imp.  Lamai- 
gnère,  1906;  in-4"  de  vn-608  p. 

Blanc  (J.i.  Les  martyrs  d'Aubenas.  Le  Père  Jacques  Salés  et 
le  Frère  Guillaunfie  Saultemouche.  les  deux  premiers  martyrs  de 
la  Compagnie  de  Jésus  en  France  (7  février  1593  .  Valence,  imp. 
valentinoise,  1906;  in-S»  de  xiii-388  p.  avec  grav.  et  portr. 

Bovier-Lapierre  (C).  De  l'influence  du  milieu  physique  sur  le 
développement  économique,  d'après  ce  que  nous  constatons  dans 
le  département  de  l'Isère  (thèse).  Pans.  Larose,  1906;  in-8"  de 
iv-231  p. 

Brun-Durand.  Le  président  Charles  Ducros  et  la  société  pro- 
testante en  Dauphiné  au  commencement  du  xvîifi  siècle.  Va- 
lence, imp   Céas  et  fils,  i:)06;  in-i>o  de  162  p. 

Chavagnac  (X.  de)  et  de  Grollier.  Histoire  des  manufactures 
françaises  de  porcelaine.  Paris,  Picard,  1906;  in-8o  de  xxviu- 
9()7  p.  avec  ^^rav.,  flg.,  plans  et  planches. 

Chevalier  (clianoine  J.).  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  des 
comtes  de  Valentinois  et  de  Diois.  T.  II.  Paris,  Picard.  1906; 
in-8'  de  688  p. 

Chevalier  (U  ).  Répertoire  des  sources  historiques  du  moyen 
âge.  Nouvelle  édit..  !>'  fasc.  Paris.  Picard,  1906  ;  gr.  in-S"  à  2  col., 
col.  3289  a  3816. 

Darley  (D.-E.).  Fragments  d'anciennes  chroniques  d'Aqui- 
taine, d'après  des  manuscrits  du  xiii«  siècle.  Bordeaux,  Féret, 
1906;  in-8»  de  79  p. 

Dauzat  (A.).  Géographie  phonétique  d'une  région  de  la  Basse- 
Auvergne.  Paris,  Champion,  1906;  in-8"  de  98  p.  et  8  cartes 

Douais  (Me^-  L'Inquisition.  Ses  origines,  sa  procédure.  Paris, 
Plon-Nourrit.  1906;  in-8''  de  xi-371  p. 

Durandard  d'Aurelle  (H.).  Généalogie  de  la  famille  d'Au- 
relle  en  Auvergne,  Rouergue,  Velay.  Gévaudan.  Vannes,  imp. 
Lafolye  frères,  1906;  in-8°  de  72  p.  avec  armoiries. 

l.e  Gérauly 
V  -r,i)    PlUVAT. 


Umldiise.  Iiiip.  Doui.adouke-PRIVat,  rue  Si  Uoiiic.  39.  —  5140 


LA  RÉFORME  DU  CAPITOULAT  TOULOUSAI\= 


AU     XVIIl^    SIECLE 


Depuis  longtemps  l'adrainistratioa  de  Toulouse  avait  sou- 
levé des  critiques.  Les  Etats  de  Languedoc,  l'intendant,  le 
Parlement  avaient  plusieurs  fois  attaqué,  dans  des  vues  diffé- 
rentes, cette  organisation  particulière  dont  ils  heurtaient 
souvent  les  privilèges.  Mais  les  plaintes  s'avivent  et  se  mul- 
tiplient tout  d'un  coup,  à  la  fin  du  règne  de  Louis  XV.  C'est 
une  véritable  campagne  réformiste  qui  commence  vers  1765  et 
qui  ne  finira  qu'après  avoir  atteint  ou  cru  atteindre  son  but. 
Pourquoi  se  produit-elle  à  ce  moment?  Les  abus  étaient-ils 
devenus  plus  visibles?  ou  y  avait-il  des  yeux  plus  perçants 
pour  les  voir  ?  11  faut  sans  doute  rattacher  ce  mouvement  local 
au  mouvement  général  de  critique  et  de  réforme,  qui,  sous 
l'impulsion  de  principes  divers,  s'attaque  vers  celte  époque  à 
toutes  les  institutions  établies  et  prépare  ainsi  par  un  long 
ébranlement  la  catastrophe  qui  devait  emporter  d'un  seul 
coup  l'ancien  régime  tout  entier.  C'est,  d'ailleurs,  le  gouver- 
nement lui-même  qui  porte  l'attention  sur  les  réformes  muni- 
cipales. En  août  1764  paraît  un  édit  réglementant  l'adminis- 
tration des  villes  de  plus  de  quatre  mille  cinq  cents  habitants. 
En  mai  1765,  un  autre  édit  étend  les  dispositions  du  précé- 
dent à  toutes  les  villes  et  bourgs  '.  Enfin,  en  mai  1766  paraît  à 
son  tour  un  édit  intéressant  spécialement  les  villes  de  Langue 

1.  Cf.  Isambert,  Anciennes  lois  françaises,  XXII.  n"'  877  et  895. 
ANNALES  DU   MIDI.   —   XIX  ^1 


A 


306  L.    DUTIL. 

doc.  L'article  34  et  dernier  exemptait  Toulouse  de  son  appli- 
cation, «  attendu  qu'elle  a  des  privilèges  et  usages  particuliers 
qu'il  peut  être  utile  de  conserver  et  sur  lesquels  nous  n'avons 
point  encore  reçu  dos  éclaircissements  suffisants  pour  nous 
décider'.  »  C'était  ouvrir  le  champ  aux  critiques.  Nous  verrons 
qu'elles  ne  manquèrent  point. 

Il  convient  d'abord  de  montrer  sommairement  ce  qu'était 
l'administration  toulousaine  au  milieu  duxvm»  siècle.  Elle  se 
composait  de  deux  Conseils  d'importance  inégale  et  de  huit 
capitoub.  Le  Conseil  général  était  presque  réduit  à  un  rôle 
purement  décoratif  :  il  ne  se  réunissait  que  trois  fois  par  an, 
pour  élire  des  auditeurs  des  comptes,  pour  choisir  deux  dépu- 
tés aux  Etats,  et  pour  entendre  la  lecture  du  discours  pro- 
noncé parle  chef  du  consistoire  à  la  fin  de  chaque  année.  Le 
Conseil  de  bourgeoisie  avait  un  rôle  plus  actif  :  il  se  compo- 
sait de  certains  oiflciers  de  justice  et  des  anciens  capitouls. 
Convoqué  par  les  capitouls  lorsqu'ils  le  jugeaient  nécessaire, 
il  donnait  son  avis  sur  les  points  qui  lui  étaient  soumis;  il 
ordonnait  les  travaux  et  devait  autoriser  les  dépenses  supé- 
rieures à  100  livres.  Il  était  surtout  le  gardien  des  privilèges 
de  la  cité.  Ces  anciens  capitouls  étaient,  suivant  l'expression 
de  l'un  d'eux,  «  des  répertoires  vivants  des  titres  de  la  ville  » 
et  ils  apportaient  dans  toutes  les  affaires  un  esprit  d'indépen- 
dance et  de  conservation  bien  connu  des  intendants. 

Les  huit  capitouls  avaient  été  dès  le  principe  les  représen- 
tants des  divers  quartiers  et  ils  l'étaient  restés.  Mais  ils  s'occu- 
paient en  commun  des  affaires  générales  de  la  ville  sous  la 
direction  de  l'un  d'eu.x  appelé  chef  du  consistoire,  qui  était 
toujours  un  avocat,  ancien  capitoul-.  La  désignation  des  capi- 
touls avait  toujours  été  une  grosse  affaire.  «  L'élection  des 
papes  n'a  pas  plus  de  cérémonies  »,  disait  à  ce  propos  l'inlen  - 
dant  de  Bâville.  En  théorie,  après  une  «  semonce  »  solennelle 


1.  Recueil  des  fidits...  concernait  le  Languedoc,  t.  XVI. 

2.  lin  son  absence,  le  plus  ancien  avocat,  dit  second  de  justice,  avait 
sou  dévolu,  et  à  défaut  des  deux,  leur  rôle  passait  aux  auti-es  capitouls 
par  ordre  des  capitoulats,  la  Daurade  on  premier  lieu.  (Lettre  du  sub- 
délégué, 17  janv.  ITOl.  —  Arch.  de  la  II. -(i.,  C  -atl.) 


LA  REFORME  DU  CAl'ltOUt,AT  TOULOUSAIN  AU  XVIU'"  .SIECLE.      30? 

du  viguier ',  chacun  des  capilouls  dé.signait  six  persoaaes  de 
son  capitoulat.  Celte  liste  était  ensuite  réduite  à  vingt-quatre 
noms  par  une  assemblée  composée  de  vlix-huit  notables  et  de 
douze  officiers  royaux.  Et  le  roi  choisissait  en  dernier  lieu-. 
En  fait,  le  roi  n'était  point  lié  par  ces  présentations.  De  plus, 
le  règlement  fut  souvent  modifié,  par  suite  de  la  création  des 
différents  offices  de  maire  ou  de  capitouls  perpétuels  nés  des 
besoins  du  trésor  royal.  Ce  serait,  d'ailleurs,  s'abuser  que  de 
trop  attacher  d'importance  aux  variaiions  des  formes  électo- 
rales. Les  archives  de  l'intendance  montrent  quel  rôle  y 
jouaient  la  recommandation  et  même  la  corruption  :  c'était  la 
«  norme  »  de  la  cour,  soigneusement  préparée  chaque  année, 
qui  indiquait  d'avance  aux  électeurs  le  choix  à  faire;  et  le 
ministre  s'appliquait  d'ordinaire  à  suivre  en  ces  matières  les 
avis  de  l'intendant. 

Si  tant  d'intrigues  se  nouaient  autour  de  ces  élections,  si 
tant  de  gens  briguaient  les  charges  capitulaires,  ce  n'était 
point  sans  doute  seulement  pour  l'honneur  de  revêtir  le  man- 
teau comtal  et  le  chaperon  rouge  et  noir;  ce  n'était  point 
non  plus  pour  le  seul  plaisir  d'offrir  aux  anciens  capi- 
touls un  banquet  coûteux  et  un  présent  de  45  livres  appelé 
franc  salé  ;  c'est  que  le  capitoulat  donnait  à  la  fois  de  grandes 
satisfactions  d'amour-propre  et  des  avantages  fort  précieux. 
Sans  parler  de  l'appareil  qui  les  accompagnait  à  toutes  leurs 
sorties,  les  capitouls  se  prévalaient  du  titre  de  gouverneurs  de 
la  ville,  mais  surtout  ils  étaient  juges  es  causes  civiles  et  crimi- 
nelles. Ils  n'exerçaient  point  seulement,  eu  effet,  la  police, 
pour  laquelle  ils  commandaient  à  une  compagnie  du  guet,  mais 
ils  avaient  aussi  une  justice  sommaire,  équivalant  au  total 
à  notre  justice  de  paix;  ils  avaient  la  justice  civile,  par  con- 
cours avec  les  officiers  du  pré.sidial,  et  la  justice  criminelle, 
par  concours  avec  le  sénéchal  ;  ils  ressortissaient  directement 
au  Parlement.  Le  syndic  de  la  ville  jouait  le  rôle  de  ministère 


1.  Après  la  suppression  du  viguier  en  174^,  son   rule  fut  attribué  au 
sénéchal  (Arcb.  de  la  H.-G.,  G  261). 

2.  C'est  l'arrêt  du  lU  novembre  1687  qui  avait  établi  le  règlement  en 
cette  naatière  (Cl.  Arch.  de  la  H.-C,  C  "^60). 


308  L.    DUTIL. 

public  et,  pour  les  aider  dans  leur  charge,  il  y  avait  auprès  des 
capitouls  quatre  assesseurs  qui  instruisaient  les  procédures  et 
les  rapportaient'.  Les  capitouls  tenaient  à  tous  leurs  droits, 
mais  ils  veillaient  de  préférence  sur  leur  justice;  c'est  à  rem- 
plir cette  partie  de  leur  charge  qu'ils  apportaient  le  plus  d'ar- 
deur, et  assurément,  pour  le  marchand  dans  sa  boutique  aussi 
bien  que  pour  l'avocat  dans  son  étude,  ce  rôle  judiciaire,  qui 
pouvait  leur  donner  un  moment  l'illusion  de  se  croire  des  ma- 
gistrats ro3'aux,  était  un  des  principaux  attraits  du  capitoulat. 

Il  y  en  avait  un  autre  plus  puissant  encore,  c'était  l'anoblis- 
sement. Dans  une  société  où  la  noblesse  s'accompagnait  le  pri- 
vilèges sans  nombre,  comment  n'aurait-ce  pas  été  là  un  droit 
précieux?  La  ville  était  prête  à  tous  les  sacrifices  pour  le  con- 
server. Les  rois,  dans  leurs  continuels  besoins  d'argent, 
savaient  tirer  parti  de  cet  orgueil  ;  ils  menaçaient  la  noblesse 
capitulaire;  aussitôt  la  ville  protestait  et...  payait  2.  Elle 
n'était  point  seule  à  en  apprécier  les  avantages.  Beaucoup 
d'étrangers  à  la  ville,  grands  propriétaires  de  biens  dans  les 
pays  où  la  taille  était  personnelle,  trouvaient  ce  moyen  fort 
commode  pour  se  débarrasser  de  l'impôt  et  ils  n'hésitaient 
point  à  tenter  quelques  démarches  et  à  dépenser  quelques 
louis.  C'est  ainsi  que  Toulouse  posséda  plusieurs  fois  dans  le 
courant  du  siècle  des  magistrats  qui  se  contentaient,  pour  tout 
office,  de  porter  au  loin  le  titre  de  capitoul. 

Auprès  des  capitouls  annuels,  le  syndic  de  la  ville  qui  était 
nommé  à  vie,  qui  suivait  toutes  les  affaires  de  leur  origine  à 
leur  fin,  était  la  véritable  cheville  ouvrière  de  Tadministra- 
tion,  et  comme  il  avait  été  lui-même  capitoul,  il  jouissait  de  la 
plus  grande  autorité  dans  le  corps  de  ville.  C'était  aussi  d'ordi- 
naire un  ancien  capitoul  qui  exerçait  la  charge  de  trésorier 
de  la  ville  ;  il  recevait  à  la  fois  les  revenus  de  la  ville  et  le 
montant  des  impositions,  et  il  efièctuait  les  payements  sur  les 
mandements  des  capitouls.  Nous  avons  déjà  vu  quel  était  le 
rôle  des  quatre  assesseurs.  Il  y  avait,  en  outre,  a  l'hôtel  de 

1.  Tabloiui  di'  rudiniiiistralioii  acLuellc,  1776  (Arch.  de  la  IL-G.,  0  285). 
•1.  Cf.  au.\.  Ai-cli.  de  Toulouse  le  recueil   «  Noblesse  capitulaire  »  AA. 
m  et  les  registres  AA.  27.  n"'  lU'J  et  107  ;  AA.  29,  n°  (Ji. 


LA  RÉFORME  DU  CAPITOULAT  TOULOUSAIN  AU  XVIIie  SIECLE.      309 

ville  plus  de  quarante  charges  subalterues  dont  les  capitouls 
disposaient  à  leur  gré,  sauf  celle  du  premier  greffier,  qui  était 
héréditaire  :  il  s'occupait  des  affaires  de  police;  sur  les  cinq 
autres,  quatre  travaillaient  uniquement  aux  procédures  crimi- 
nelles'. Enumérons  simplement  les  officiers  du  guet,  le  capi- 
taine au  fait  de  la  santé,  les  sept  commis  préposés  à  la  police, 
le  directeur  des  travaux  publics,  le  bedeau,  les  crieurs  jurés, 
les  sergents,  les  greffiers  des  portes,  sans  compter  un  grand 
nombre  de  suppôts. 

On  entendait  à  Toulouse  par  «  administration  économique  » 
tout  ce  qui  concernait  l'entretien  de  la  ville,  la  voirie,  les 
bâtiments,  les  approvisionnements.  Les  capitouls  ne  pouvaient 
presque  rien  par  eux  seuls  ;  les  règlements  leur  défendaient  de 
disposer  d'une  somme  supérieure  à  100  livres  sans  y  être  auto- 
risés par  le  Conseil  de  bourgeoisie.  C'était  donc  celui-ci  qui 
administrait  véritablement  la  cité  ;  le  président  nommait 
d'ordinaire  une  commission  spéciale  pour  chaque  question  : 
les  capitouls  n'étaient  en  somme  que  des  agents  d'exécution. 
Le  Conseil  de  bourgeoisie  n'avait  pas  lui-même  toute  liberté  : 
une  ordonnance  de  1741  ~  avait  fixé  les  dépenses  ordinaires  de 
la  ville  à  80,500  livres.  Vers  1770  elles  atteignaient  environ 
100,000  livres'.  Un  fonds  de  20,000  livres  était  réservé  pour 
les  dépenses  imprévues.  En  outre,  les  délibérations  du  Conseil 
de  bourgeoisie  en  ces  matières  devaient  être  autorisées  par 
l'intendant. 

Pour  les  affaires  qui  touchaient  au  droit,  ou  prêtaient  à 
contestation,  on  consultait  le  conseil  de  robe  longue,  com- 
posé de  six  «  fameux  avocats  »,  anciens  capitouls.  qui  prê- 
taient le  secours  de  leurs  lumières  aux  administrateurs  de  la 
cité.  Comme  les  autres  villes,  Toulouse  ne  pouvait  engager  de 
procès  sans  y  être  autorisée  par  l'intendant.  Il  semble  cepen- 
dant que  ce  règlement  ait  été  souvent  oublié*. 


1.  Arch.  de  Toulouse,  Registre  AA.  31,  n»  92. 

2.  Arch.  de  Toulouse,  Registre  AA.  80,  n»  5. 

3.  Réponses  du  sieur  Carrère  (Arch.  de  la  H. -G.,  G  284). 

4.  Cela  ressort  d'uue  correspondance  échangée  entre  le  subdélégué  et 
l'intendant  en  1786  (Arch.  de  la  H. -G.,  G  265). 


310  I,.    DUTIL. 

Les  capUoiils  étaient  chargés  à  Toulouse  de  la  répartition  et 
de  la  levée  des  impôts.  Ils  procédaient  à  la  répartition,  assistés 
de  huit  commissaires,  anciens  capitouls.  nommés  par  le  Con- 
seil de  bourgeoisie.  Quant  à  la  levée,  ils  en  chargeaient 
d'abord  des  commis  auxquels  ils  abandonnaient  leur  droit  de 
levure,  c'est-à-dire  le  sol  pour  livre  qui  leur  revenait  sur  le 
montant  des  impositions  de  leur  quartier^  Mais  il  y  avait  de 
tels  retards  dans  la  reddition  des  comptes  que  l'on  créa  en 
1746  un  receveur  des  impositi()ns-.  Au  lieu  de  compter  direc- 
tement avec  le  trésorier  de  la  province,  il  versait  le  montant 
(les  impositions  dans  la  caisse  du  trésorier  de  la  ville,  qui 
devait  paj'er  à  son  tour,  aux  époques  fixées,  le  tré-;orier  de 
la  Bourse.  Il  arrivait  souvent  que  l'on  prenait  de  la  caisse 
des  patrimoniaux  pour  payer  la  province,  et  il  s'ensuivait  une 
confusion  de  caisses,  à  laquelle  on  ne  porta  remède  qu'en 
17833.  L'administration  des  autres  ressources  de  la  ville, 
revenus  des  patrimoniaux  et  octrois  divers,  reposait  tout 
entière  sur  le  trésorier.  Les  capitouls  n'avaient  aucun  manie- 
ment de  deniers. 

Le  trésorier  rendait  ses  comptes  annuellement  devant  un 
Bureau  des  comptes  composé  de  deux  conseillers  de 
grand'chambre,  dont  le  plus  ancien  présidait,  du  procureur 
général,  d'un  avocat  général  par  tour,  du  sénéchal,  du  juge 
mage,  du  chef  du  consistoire,  de  huit  anciens  capitouls  et  du 
syndic.  Les  mandements  des  capitouls  devaient  y  être  exami- 
nés et  la  caisse  du  trésorier  vérifiée.  Depuis  1763,  le  trésorier 
était  d'ailleurs  tenu,  i)ar  un  arrêt  du  Conseil,  d'adres,  "•,  cha- 
que année  à  l'intendant  une  copie  détaillée  du  corapl',  'ïndu 
de  sa  gestion^. 

Telle  était  dans  son  ensemble  l'administration  municipale 
vers  la  lin  du  règne  de  Louis  XV.  Quelques  traits  essentiels 
sont  à  retenir.  C'est  d'abord  la  grande    place  que  tiennent 


L  Arcli.  de  Toulouse,  Registre  des  copies  A  A.  28,  n"  284. 

2.  Arrêt  du  25  mars  1746  (Aroh.  de  la  H. -CI.,  C  297). 

3.  Lettre  du  3  mai  1783  (Arcli.  de  Toulouse,  Lettres  missives,  BB.  1 

4.  Mémoire  du  sieur  Carrère,  1706  (  Arch.  de  la  H. -G.,  C  284)  —  Registre 
des  copies  AA.  30,  u"'  8,  12,  102  (Arch.  de  Toulouse). 


LA  REFORME  DU  CAPITOULAT  TOULOUSAIN  AU  XYIH»  .SIÈCLE.      311 

dans  celle  adminislralion  les  olliciers  de  juslice.  Qu'il  s'agisse 
du  Conseil  général,  du  Conseil  de  bourgeoisie,  ou  du  bureau 
des  comples,  ils  sont  là  en  nombre  imposanl,  el  ce  sont  tou- 
jours des  parlementaires  qui  président.  En  toute  occasion,  par 
un  cérémonial  étroit,  à  la  conservation  duquel  il  veillait 
jalousement,  le  Parlement  se  plaisait  à  rappeler  aux  capilouls 
sa  supériorité,  et  en  loutes  circonstances  aussi,  il  s'appliquait 
à  augmenter  le  r(Me  déjà  bien  grand  qu'il  avait  à  l'hôtel  de 
ville.  A  côté  des  officiers  de  juslice,  on  retrouve  toujours  dans 
loutes  les  branches  de  l'administration  les  anciens  capilouls. 
Ce  sont  eux  qui  dirigent,  ouvertement  ou  non,  les  capilouls  en 
exercice;  ils  sont  l'âme  de  la  cité.  Mais  celte  cité,  ils  la  con- 
fondent volontiers  avec  le  petit  monde  fermé  où  ils  vivent.  Il 
s'était  constitué  à  Toulouse,  comme  en  bien  d'autres  villes, 
une  petite  société  qui  regardait  les  charges  municipales 
comme  son  bien  propre,  une  oligarchie  imbue  d'idées  particu- 
lières et  intéressées,  qui  se  fermait  de  plus  en  plus.  Oubliant 
trop  son  origine  marchande',  elle  n'avait  plus  d'yeux  que 
pour  le  Capitole,  son  domaine,  et  pour  le  Parlement,  son  idéal. 
On  y  parlait  toujours  du  bien  de  la  ville,  mais  on  y  pensait 
surtout  à  la  conservation  des  privilèges  acquis.  —  Enfin,  il 
faut  remarquer  aussi  que  derrière  tous  les  actes  de  l'adminis- 
tration municipale,  on  aperçoit  toujours  l'intendant.  La  cor- 
respondance de  celui-ci  avec  son  subdélegué  les  montre  au 
courant  des  moindres  affaires  de  la  ville;  ils  en  règlent  tous 
les  détails.  La  ville  étale  des  prétentions  et  des  titres;  elle  a 
conservé  ses  cérémonies,  ses  magistrats,  leurs  costumes; 
mais  tout  cela  n'est  que  décor  et  comédie.  Les  capilouls  le 
savent  bien  et  ils  obéissent,  en  protestant  de  leur  dévoue- 
ment. 

l.  Plusieurs  fois  dans  le  courant  du  siècle,  malgré  les  règlements,  il 
ne  fat  point  nommé  de  marchands  au  capitoulat.  —  Voir  les  plaintes  du 
prieur  et  des  consuls  de  la  Bourse  en  1718  (Arch.  de  la  H.-G.,  C  260), 
et  le  témoignage  de  Barthès  en  1743  {Heures  perdues,  fol.  71,  —  Biblioth. 
munie  de  Toulouse). 


312  L.    DUTIL. 


IL 


Au  milieu  du  déchaînement  de  mémoires  et  de  rapports 
qui  se  produit  dès  le  début  du  mouvement  réformiste,  nous 
pouvons  reconnaître  les  deux  groupes  principaux  que  nous 
venons  d'indiquer  :  le  groupe  capitulaire,  plein  d'admiration 
et  de  respect  pour  une  organisation  qu'il  a  reçue  comme  un 
dépôt  sacré,  et  plein  de  confiance  aussi,  surtout  au  début, 
dans  les  privilèges  de  la  ville;  le  groupe  parlementaire  qui, 
non  content  des  avantages  assurés  aux  officiers  de  justice 
dans  l'organisation  présente,  prétendait  que  tout  irait  bien 
seulement  le  jour  où  le  Parlement  commanderait  en  maître 
au  Capitule.  Entre  ces  deux  courants,  l'opinion  se  partageait, 
inégalement  à  ce  qu'il  semble,  la  majorité  suivant  plutôt  les 
parlementaires,  toujours  très  écoutés  dans  la  ville.  A  l'écart, 
observant  avec  attention  la  lutte,  marquant  les  coups,  le 
subdélégué,  l'intendant,  le  petit  groupe  des  agents  officiels  se 
réservaient  pour  le  résultat  final.  La  crise  fut  longue  :  ouverte 
en  fait  dès  1*65.  elle  ne  parut  se  dénouer  en  1778  que  pour 
donner  naissance  à  de  nouveaux  combats.  Retraçons  d'abord 
les  péripéties  de  la  première  partie  de  la  lutte. 

Des  lettres  du  sieur  Carrère,  ancien  capitoul.  délégué  de  la 
ville  à  Paris,  aux  dates  des  15  et  19  novembre  1766',  nous 
renseignent  sur  les  premiers  engagements.  11  raconte  que 
M.  Lauglois,  intendant  des  finances,  lui  a  dit,  dans  les  pre- 
miers jours  d'octobre,  que  la  ville  était  arriérée  et  obérée..., 
que  Ms''  l'Archevêque  de  Toulouse  est  prévenu  et  même 
indisposé  contre  le  Conseil  de  ville,  enfin  que  M.  le  prince 
de  Beauveau^  lui  a  fait  lecture  d'une  lettre  anonyme  où 
il  y  a  des  délations  contre  le  corps  de  ville.  Aussi,  in- 
quiet, le  dévoué  Carrère  croit  devoir  composer  un  mémoire 


L  Arch.  de  la  H.-G.,  C  :^84 

2.  Commandant  en  chef  de  la  province. 


LA  RÉFORME  DU  CAPITOULAT  TOULOUSAIN  AU  XVIII«  SIECLE.      313 

sur  l'administration  de  la  ville,  destiné  à  répondre  d'avance 
à  toutes  les  critiques  ;  on  peut  en  deviner  le  ton  et  l'esprit. 
L'affaire  s'apaise  pendant  quelques  années.  Ce  sont  les  Etats 
de  Languedoc  qui  semblent  l'avoir  réveillée.  En  1771,  ils 
font  un  projet  d'administration  municipale  pour  les  villes 
de  la  province  et  ils  demandent  au  roi  de  l'étendre  à  Tou- 
louse. Mais  les  capitouls  envoient  des  mémoires  à  la  cour,  et 
la  ville  obtient,  par  l'arrêt  du  2  octobre  1772,  de  conserver  une 
administration  particulière  L'arrêt  du  27  octobre  1774  con- 
cernant le  rachat  des  offices  municipaux,  confirme  de  nouveau 
les  privilèges  de  Toulouse.  Alors  le  Parlement  intervient  en 
personne  ;  il  fait  des  remontrances  à  ce  sujet,  le  14  décembre. 
Les  Etats,  encouragés,  supplient  de  nouveau  le  roi  de  rame- 
ner Toulouse  au  régime  commun.  Et  les  capitouls  opposent 
de  nouveau  à  ces  demandes  un  mémoire  défensif  (1775).  Déjà, 
en  1773,  —  symptôme  significatif  de  l'intérêt  que  cette  ques- 
tion éveillait  dans  toute  la  région,  —  un  prêtre  vivarois,  l'abbé 
Charabon,  avait  adressé  au  contrôleur  général  un  mémoii^esur 
les  avantages  du  Languedoc',  où  il  n'avait  pas  manqué  dépas- 
ser en  revue  les  abus  de  l'administration  toulousaine  et  les 
réformes  qu'il  jugeait  nécessaires.  Le  mémoire  fut  renvoyé 
par  le  ministre  à  l'intendant  de  Saint-Priest  qui,  à  son  sujet, 
exposa,  lui  aussi,  ce  qu'il  découvrait  de  mauvais  dans  l'orga- 
nisation capitulaire.  C'est  en  1775  que  la  crise  devient  aiguë. 
Alors  les  mémoires  apparaissent  de  tous  côtés.  Parmi  les 
plus  importants,  il  faut  citer  le  Mémoire  anonyme  adressé  à 
l'intendant  en  mars  1775 2,  qui  renferme  de  nombreux  faits 
précis  et  présente  une  critique  à  peu  près  complète  de 
l'administration  de  Toulouse.  En  avril,  le  même  auteur  ayant 
découvert  de  nouveaux  abus,  ajoute  a  son  mémoire  un  com- 
plément^. Un  peu  plus  tard  fut  publié  un  autre  mémoire  por- 
tant pour  titre  :  Mémoire  py^ouvé  par  les  faits  sur  l'admi- 
nistration vicieuse  du  corps  de   ville  de  Toulouse ^  Il  était 

1.  Voir  Hist.  de  Languedoc,  tome  XIII.  p.  1226. 

2.  Arch.  de  la  H. -G.,  G  284. 

3.  Idem. 

4.  Arch.  de  la  H. -G.,  G  284,  ou  bien  Arch.  de  Toulouse,  BB.  204. 


314  L.    DUTII.. 

plus  que  vif  et  fit  du  bruit,  car  l'auteur  y  avait  accumulé  des 
faits  et  surtout  des  noms.  L'irritation  fut  grande  dans  le 
monde  capitulaire.  Le  Conseil  de  bourgeoisie  décida  de  défé- 
rer l'imprimé  à  la  justice,  et  les  capitouls  obtinrent  en  effet 
du  Parlement,  le  1"  mars  1776,  un  arrêt  de  condamnation; 
récrit  fut  lacéré  et  brvilé  dans  la  cour  du  Palais  par  l'exécu- 
teur des  hautes  œuvres.  —  Les  capitouls  cependant  ne  res- 
taient point  sans  répondre.  Le  18  janvier  1776,  ils  décidaient 
que  le  mémoire  fait  en  1766  serait  remis  de  nouveau  sous  les 
yeux  du  Conseil  du  roi  :  ils  travaillèrent  aussi  à  le  compléter, 
signalant  pour  montrer  leur  bonne  volonté,  quelques  petits 
points  où  leur  administration  était  perfectible.  Pour  répondre 
au  «  Mémoire  prouvé  par  les  laits  »,  on  dressa  un  Tableau  de 
V administration  actuelle  '  ;  on  envoya  au  ministre  des  mémoi- 
res justificatifs  :  on  fit  un  autre  tableau  donnant  «  des  idées 
pour  mettre  l'administration  dans  le  plus  haut  point  de  per- 
fection dont  elle  était  susceptible.  »  A  côté  des  capitouls,  leurs 
amis  intervenaient  aussi.  Citons  les  «  Observations  du  S^  de 
Castilhon  sur  les  abus  à  reformer  a  Toulouse  »  (1776),  où 
l'auteur,  adoptant  un  nouveau  système  de  défense,  montre  que 
s'il  y  a  des  abus,  ils  sont  inévitables  et  qu'il  ne  dépend  point 
des  capitouls  de  les  réformer.  Citons  aussi,  de  février  1777, 
les  «  Observations  sur  l'état,  l'administration  et  le  pouvoir 
des  capitouls  de  la  ville  de  Toulouse  et  sur  les  projets  répan- 
dus d'une  prétendue  rf/formation  générale  touchant  ce  pou- 
voir et  cette  administration  »,  par  le  5'"  Dêaddê,  avocat,  exem- 
pb  curieux  de  la  manie  du  privilège  qui  sévissait  dans  le 
monde  capitulaire,  panégyrique  absolu  de  l'administration  de 
Toulouse,  qui  s'appuyait  sur  «  des  auteurs  respectables  »  tels 
que  Maynard  et  François-François  !  A  ce  moment  d'ailleurs, 
les  mémoires  et  les  propositions  surgissent  de  tous  côtés,  cha- 
cun écrit  pour  signaler  un  abus  et  indiquer  le  remède.  Les 
magistrats  eux-mêmes  ne  craignent  pas  de  descendre  dans  la 
mêlée,  témoin  la  lettre  écrite  le  30  avril  1778  à  l'intendant 
par  le  sieur  Lagane,  procureur  du  roi  de  la  ville  et  du  présidial. 

L  .A.rch.  (le  la.  II. -G.,  V.  28.7),  ainsi  que  pour  les  documents  suivants. 


LA  REFORME  DU  CAPITOULAT  TOULOUSAIN  AU  XYIIlf  SIECLE.      315 

Tout  cela  ne  se  traduit  longtemps  que  par  des  enquêtes  et 
des  rapports.  Le  ministre  renvoie  les  mémoires  qu'on  lui 
adresse  à  l'intendant  ;  celui-ci  demande  des  explications  à  son 
subdéléguè,  qui  fait  un  rapport  :  l'intendant  refait  le  rapport 
à  peu  près  tel  quel  et  l'envoie  au  ministre;  puis  les  choses  en 
restent  là  jusqu'à  ce  que  l'apparition  d'un  nouveau  mémoire 
vienne  remettre  en  branle  la  machine  administrative.  Il  faut 
placer  cependant  hors  de  pair  l'avis  de  l'intendant  à  M.  de 
Boulogne  du  4  septembre  1775.  et  le  rapport  du  subdélégué 
Raynal  du  11  septembre  de  la  même  année',  qui  contiennent 
de  précieux  renseignements.  Il  semble  que  Malesherbes  ait 
voulu  sortir  de  ce  perpétuel  piétinement.  11  r'crit  à  l'inten- 
dant, aux  capitouls,  provoque  leurs  observations,  presse  les 
uns  et  les  autres-.  Le  mémoire  définitif  de  M.  de  Saint- Priest 
fils  fut  enfin  envoyé  à  la  Cour  le  5  juillet  1776.  Mais  Malesher- 
bes avait  déjà  quitté  le  ministère.  L'affaire  resta  en  suspens 
deux  ans  encore  Enfin,  après  plusieurs  voyages  entre  le 
ministère  et  l'intendance,  un  arrêt  parut,  le  26  juin  1778.  qui 
prétendait  régler  toute  la  question. 

Voyons  quels  avaient  été  les  arguments  échangés.  L'attaque 
avait  visé  à  la  fois  les  capitouls  et  le  capitoulat:  on  critiquait 
non  seult^ment  les  défauts  des  administrateurs,  mais  les  prin- 
cipes mêmes  de  l'administration, 

Les  mémoires  abondent  en  plaintes  sur  le  mauvais  état  de 
la  ville.  Le  mémoire  anonyme  de  mars  1775  dénonce  la  mal- 
propreté des  rues  :  beaucoup  sont  pleines  d'ordures  qui  cor- 
rompent l'air;  certains  points  sont  de  vraies  sentines.  Le 
pavé  aurait  besoin  d'une  réfection  générale;  les  habitants  qui 
le  refont  n'observent  aucun  niveau.  La  ville  est  très  mal 
éclairée,  car  il  n'y  a  pas  assez  de  lanternes  et  on  ne  les  allume 
pas  assez  tôt.  Les  chemins  de  la  banlieue  sont  totalement 
négligés,  même  ceux  des  faubourgs.  Les  promenades  n'ont  pas 
de  bancs.  L'esplanade  n'est  pas  encore  aplanie  ;  nulle  trace 
d'entretien.  Le  parapet  du   mur  qui  borde  la  rivière  sur  la 

L  Arch.  de  la  H.-G..  G  284. 

2.  Arch.  de  la  H.-G.,  C  28.5.  —  Se  croyant  près  d'aboutir,  il  avait  même, 
à  la  fin  de  1775,  prorogé  les  pouvoirs  des  capitouls  en  fonction. 


316  L.   DDTIL. 

promenade  du  cours  est  tombé  depuis  cinq  ans;  on  a  négligé 
de  le  réparer  ;  les  matériaux  sont  à  l'abandon.  Le  chemin  qui 
borde  le  terre-plein  de  la  promenade  du  Rempart  est  couvert 
d'ordures  et  de  mares  d'eau  qui  exhalent  dans  le  temps  chaud 
une  odeur  insupportable.  «  La  base  du  mur  qui  environne  le 
Jardin-Royal  sert  de  latrines  aux  gens  du  voisinage  et  à  tous 
les  mendiants  et  vagabonds,  de  sorte  qu'on  ne  peut  fréquenter 
cette  promenade  ».  Les  égouts  sont  presque  tous  engorgés.  Il 
n'y  a  que  deux  fontaines  dans  la  ville,  l'une  hors  les  murs, 
près  de  la  porte  du  Château;  le  bassin  en  est  engorgé  par  une 
grande  quantité  de  sable,  et  elle  est  presque  inaccessible,  telle- 
ment les  environs  sont  couverts  de  saletés;  on  n'y  a  fait  au- 
cune réparation  depuis  vingt  ans  L'autre  est  sur  la  place 
Saint-Etienne;  elle  a  coiite  50,000  livres  sur  lesquelles  on 
aurait  pu  eu  économiser  20,000.  En  1770,  l'abbé  Terray  se 
contenta  de  350,000  livres  au  lieu  de  400,000  pour  l'abonne- 
ment des  tailles,  a  la  condition  que  les  50,000  livres  restantes 
serviraient  à  la  construction  d'une  autre  fontaine;  elle  n'est 
pas  encore  faite.  En  1772,  la  province  accorda  à  Toulouse, 
à  la  suite  de  l'inondation,  6,000  livres  pour  réparer  le  Port- 
Garaud,  sans  cesse  sapé  par  la  Garonne  ;  c'est  un  travail 
absolument  nécessaire;  il  n'est  pas  encore  fait.  Le  mur  qui 
protégeait  l'île  de  Tounis  et  que  l'inondation  avait  détruit  n'est 
pas  rebâti,  etc.,  etc. 

La  plus  grande  part  de  responsabilité  doit  retomber,  d'après 
l'auteur  du  mémoire,  sur  le  sieur  Hardy,  directeurdes  travaux 
publics,  qui  est,  dit-il,  à  la  fois  infidèle  et  prévaricateur.  Mais 
les  capitouls  sont  coupables  aussi,  parce  qu'ils  ne  veulent  pas 
ouvrir  les  yeux,  malgré  le  cri  de  toute  la  ville.  D'ailleurs,  ils 
dédaignent  trop  le  détail  de  l'administration;  ils  ne  veulent 
presque  jamais  juger  les  procès-verbaux  dressés  par  le  capi- 
taine de  la  santé  et  les  commis  de  police.  Dans  le  complément 
à  son  mémoire,  l'auteur  énumère  de  nouvelles  preuves  de 
l'impéritie  des  capitouls.  Le  sieur  Campmas,  ancien  peintre 
de  la  ville,  ayant  fait  un  plan  de  la  façade  de  l'hôlel  de  ville 
qui  fut  approuvé  et  exécuté,  on  délibérade  lui  donner  1, 000 li- 
vres par  an  pendant  la  durée  de  l'ouvrage;  aussi   l'a-t-il  fait 


LA  RÉFORME  DU  CAPITOULAT  TOULOUSAIN  AU  XVIII®  SIECLE.      317 

durer  dix  ans.  Le  même  a  touché  pendant  vingt  ans  700  livres 
par  an  pour  entretenir  la  salle  de  spectacles  alors  qu'il  n'y 
faisait  pas  30  livres  de  réparations,  quand  il  en  faisait.  Les 
abus  de  voirie,  les  abus  dans  les  travaux  sont  sans  nombre, 
parce  que,  pour  les  capitouls,  la  vérification  des  travaux  n'est 
qu'un  prétexte  à  parties  de  plaisir  avec  voitures  et  dinersaux 
frais  de  la  ville. 

L'auteur  du  mémoire  n'a  pas  manqué  de  reprocher  aussi 
aux  capitouls  le  nombre  dos  mendiants  et  des  vagabonds 
errants  dans  la  ville.  C'est  un  reproche  souvent  répété  ailleurs; 
ils  ne  s'occupent  pas  de  la  police,  qui  est  cependant  une  de 
leurs  principales  attributions.  L'abbé  Chambon  dit  qu'ils  n'y 
tiennent  pas  la  main.  Les  notes  remises  au  prince  de  Beau- 
veau,  commandant  en  chef  de  la  province,  parlent  aussi  de 
«  la  fréquence  des  assassinats  et  des  désordres  ».  Le  guet  est 
très  mal  composé.  En  aoiît  1766,  les  prisonniers  ont  forcé 
trois  fois  les  prisons,  et  comme  il  pleuvait,  le  guet,  averti  à 
temps,  a  répondu  qu'il  ne  voulait  pas  se  mouiller,  ni  se  faire 
tuer.  La  police  des  filles  de  joie  est  plus  que  mauvaise,  et  le 
«  Mémoire  prouvé  par  les  fails  »  insiste  et  précise  sur  ce  point. 
L'intendant  lui-même  enfin,  dans  sa  lettre  à  M.  de  Boulogne 
du  4  septembre  1775,  reconnaît  que,  «  pour  la  police,  elle  a 
certainement  besoin  d'être  faite  a  Toulouse,  où  il  n'y  en  a 
d'aucune  espèce  ». 

Les  critiques  ne  ménagent  pas  davantage  l'administration 
financière.  La  ville  doit  toujours  beaucoup  au  trésorier  de  la 
Bourse,  et  les  règlements  ne  sont  pas  exécutés.  La  répartition 
des  impôts  est  aussi  mauvaise  ;  on  ne  la  fait  plus  en  assemblée, 
comme  jadis,  mais  en  particulier,  à  la  hâte  et  par  l'intermé- 
diaire de  commis,  d'où  de  nombreuses  erreurs.  Les  dépenses 
ordinaires  de  la  ville  pourraient  être  diminuées  de  12  à  15,000 
livres,  surtout  dans  les  constructions  et  réparations;  on  fait 
des  adjudications  douteuses;  on  dresse  des  devis  louches.  «  Il 
est  reconnu  que  la  ville  est  si  mal  servie  dans  les  ouvrages 
qu'elle  fait  faire,  qu'il  est  comme  passé  en  proverbe  d'appeler 
ouvrage  de  ville  un  ouvrage  mal   fait  et  payé  plus  cher  que 


318  L.    DDTIL. 

lesautres^  ».  Ce  chapitre  fournit  d'.ibnndantes  l'essources  aux 
déprédations.  On  a  vu  des  capitouls  faire  signer  au  sieur 
Hardy  des  mandements  que  le  lrêso:ier  pa\ait  comme  desti- 
nés  à  quelque  réparaliou  et  que  les  capitouls  employaient 
ensuite  à  leur  guise.  Les  ujandements  ne  portent  pas  toujours 
nettement  indiqué  l'emploi  des  fonds.  C'est  vainement  qu'il  a 
été  défendu  aux  capitouls  de  faire  des  dépenses  dépassant 
100  livres  sans  autorisation;  ils  tournent  la  loi  en  multipliant 
les  petits  articles.  De  plus,  ils  signent  souvent  sans  examen 
les  mandements  qu'on  leur  apporte.  Le  fonds  des  dépenses 
imprévues,  qui  est  de  20,U00  livres,  est  gaspillé  chaque  année 
en  pi'étendues  réparations  et  en  gratidcalions  imméritées. 

Le  subdélégué  signale  surtout  les  dépenses  des  procès,  enga- 
gés d'ailleurs  sans  autorisation,  et  les  honoraires  des  avocats 
payés  avec  prodigalité.  Les  amendes  de  police,  autrefois  con- 
sacrées à  des  dépenses  utiles,  sont  maintenant  employées  par 
les  capitouls  au  gré  de  leurs  désirs.  «Ils  se  contentent  de 
mettre  sur  l'état  «  pour  bonne  œuvre  »,  de  sorte  que  cet  état 
est  proprement  une  chanson-  ».  De  plus,  ces  amendes  sont 
perçues  par  le  premier  commis  du  greffe,  le  sieur  S...,  qui  a 
une  réputation  fort  suspecte  Enfin,  la  vérification  des  comptes 
n'est  pas  sérieuse.  Elle  se  fait  en  aoîit  ou  en  septembre,  pour 
l'année  qui  a  fini  au  ler  janvier  précédent,  de  sorte  que  les 
capitouls  en  charge  ne  connaissent  le  véritable  état  de  la 
ville  qu'au  moment  de  terminer  leur  exercice.  En  outre,  c'est 
une  vaine  cérémonie;  les  membres  du  bureau  des  comptes, 
qui  reçoivent  chacun  trois  louis  d'or  pour  honoraires,  met- 
taient autrefois  quinze  jours  pour  faire  cette  revision.  Main- 
tenant une  seule  journée  suffit  :  le  matin  pour  vérifier  en  hâte 
quelques  mandements  pêle-mêle,  et  l'après-midi  pour  les 
signatures  et  le  partage  des  jetons.  Aussi  la  situation  de  la 
ville  est-elle  chaque  jour  plus  mauvaise.  Il  n'est  que  temps 
d'arrêter  le  mal. 

De  ce  triste  état  de   cho-es,  la  responsabilité  doit  remonter 


1.  Rapport  du  siibdélégup,  11  sept.  1775. 
'<:.  Lettre  du  procureur  La^j'une. 


LA  RÉFORME  DU  CAPITOULAT  TOULOUSAIN  AU  Xyill"  SIECLE.      319 

aux  capitouls;  ignorants  ou  pou  honnêtes,  ils  sont  au  moins 
les  complices  d'un  mal  qu'ils  n'empêchent  pas.  Mais  la  cause 
véritable  de  tou?.  ces  abus,  ce  n'est  point  dans  les  personnes, 
c'est  dans  les  principes  qu'il  faut  la  chercher.  Et  tout  d'abord 
les  critiques  s'en  prennent  à  la  vénalité  du  capitoulat.  Les 
plus  dignes  sont  écartés  au  i)rofil  de  ceux  qui  donnent  le  plus. 
C'est  dans  les  bureaux  du  ministère  qu'est  le  siège  de  ce  mal, 
quia  effacé  le  mal  assurément  moindre  de  ia  recommandation. 
Comment  s'étonner  de  la  nullité  de  gens  dont  on  n'a  apprécié 
que  les  écus?  De  plus,  que  pourraient-ils  apprendre  de  leurs 
fonctions  dans  le  court  espace  d'une  année?  Ils  quittent  leur 
charge  au  moment  où  ils  commencent  à  pouvoir  la  remplir. 
Même  avec  la  meilleure  des  volontés,  ils  ne  pourraient  faire 
œuvre  bonne;  que  doivent  donc  faire  des  gens  sans  aucune 
expérience  et  occupés  surtout  de  leurs  intérêts  personnels? 
Si  du  moins  ils  trouvaient  dans  le  Conseil  de  bourgeoisie 
un  appui  solide  et  un  contrôle  efficace  !  Mais  il  est  loin  d'en 
être  ainsi.  D'abord,  ce  sont  les  capitouls  qui  choisissent  seuls 
les  points  à  délibérer,  et  ils  négligent  souvent  les  questions  les 
plus  essentielles.  De  plus,  composé  surtout  d'anciens  capitouls, 
le  Conseil  de  bourgeoisie  ne  présente  pas  plus  de  garanties 
que  ces  magistrats  eux-mêmes;  même  vice  d'origine,  même 
absence  d'intérêt.  Privilégiés,  ils  ne  supportent  aucune  charge; 
que  leur  importe  donc  la  bonne  marche  des  affaires?  Le  plus 
souvent,  ils  ne  sont  pas  en  nombre,  huit  ou  dix  à  la  fin  des 
séances.  Quant  aux  commissions,  elles  sont  mal  nommées  et 
mal  tenues.  Le  Conseil  de  bourgeoisie  est  dominé  par  un  inté- 
rêt de  caste  et  par  un  certain  esprit  d'opposition. 

Enfin,  il  y  a  encore  deux  abus  fondamentaux  qu'il  faut  faire 
disparaître  au  plus  vite  :  ce  sont  le  droit  de  justice  des  capi- 
touls et  le  privilège  de  l'anoblissement. 

Sur  le  premier  point,  presque  tous  les  critiques  sont  d'ac- 
cord. Les  capitouls  s'occupent  trop  de  la  justice,  pour  laquelle 
ils  ne  sont  pas  qualifiés,  au  détriment  de  la  police  qui  devrait 
les  intéresser  davantage  et  surtout  de  l'administration.  D'après 
le  mémoire  anonyme  de  mars  1775,  si  la  ville  est  sale,  si  l'on 
néglige  les  affaires  les  plus  urgentes,  c'est  que  les  capitouls 


320  L.   DCTIL. 

ne  pensent  qu'à  leur  justice.  Ils  ne  vont  à  l'hôtel  de  ville 
qu'à  six  heures  du  soir,  et  c'est  pour  trancher  quelque  affaire 
criminelle  ou  juger  sommairement  quelque  délit.  Leur  ardeur 
à  exercer  la  justice  ne  les  empêche  pas  de  la  mal  exercer.  La 
plupart  ne  sont  pas  lettrés,  et  ils  n'entendent  rien  aux  pro- 
cédures. Ils  ont  bien  des  assesseurs  pour  les  éclairer;  mais 
ceux-ci  le  plus  souvent  ne  sont  aussi  que  des  ignorants  nom- 
més là  par  les  faveurs  et  les  protections.  Le  résultat  du  privi- 
lège judiciaire  des  capitouls,  c'est  que  Toulouse  a  à  la  fois 
une  mauvaise  administration  et  une  mauvaise  justice. 

Il  est  peu  de  mémoires  qui  n'aient  soulevé  aussi  la  question 
de  l'anoblissement.  La  critique  était  ancienne,  et  dès  le  temps 
de  Bâville,  il  était  admis  que  cet  anoblissement  était  une  des 
causes  de  la  faiblesse  du  commerce  toulousain  '.  On  retrouve 
cette  idée  dans  le  mémoire  de  l'abbé  Chambon  :  «  Les  habi- 
tants, infatués  de  cette  noblesse,  ne  s'adonuent  au  commerce 
que  pour  se  procurer  un  bien  suffisant  pour  être  capitoul;... 
dès  qu'un  négociant  a  été  capitoul,  il  regarde  le  commerce 
comme  une  chose  qui  est  beaucoup  au-dessous  de  lui.  »  Les 
adversaires  des  capitouls  n'ont  eu  garde  de  négliger  nu  pareil 
argument.  Les  négociants  n'attendent  pas  d'avoir  une  fortune 
suffisante  pour  briguer  celte  magistrature;  ils  y  sacrifient  une 
grande  partie  de  leurs  biens  et  «  l'on  ne  voit  que  trop  souvent 
leurs  enfants  traîner  avec  leur  noblesse  récente  une  vie  oisive 
et  indigente,  accompagnée  quelquefois  d'opprobre  et  d'igno- 
minie. »  Ce  privilège,  qui  n'a  pas  d'origines  sérieuses,  dit  l'au- 
teur du  «  Mémoire  prouvé  par  les  faits  »,  n'a  que  des  consé- 
quences funestes.  Il  contribue  à  ruiner  les  négociants  du  pays; 
il  attire  aussi  les  étrangers,  qui  veulent  être  capitouls  pour 
échapper  à  la  taille  dans  leur  pays,  nuisant  ainsi  à  leurs 
concitoyens  qu'ils  surchargent  de  leur  part  d'impôts  et  àTou- 
louse  qu'il  administrent  mal.  Enfin,  dit  le  même  auteur,  ce 


L  «  Le  Parlement  et  les  privilèges  du  capitoulat  qui  anoblit  éloignent 

plus  que  tout  le  reste  l'agrandissoinent  et  les  progrès  du  commerce 

Tous  les  enfants  des  gros  marchands  aiment  mieux  s'anoblir  et  entrer 
en  charge  que  de  continuer  et  soutenir  le  commerce  de  leurs  pères.  » 
(Mémoire  de  1698.) 


LA  REFORME  DU  CAPITOULAT  TOULOUSAIN  AU  XVJI1«  SIECLE.      321 

privilège  est  «  la  véritable  et  funeste  source  de  cet  orgueil 
républicain  héréditaire  inhérent  dans  le  corps  de  ville  et  qui 
en  rend  les  membres  si  indisciplinables  ». 

Dans  celte  âpre  critique  de  l'anoblissement  des  capitouls, 
il  y  avait  sans  doute  un  brin  de  jalousie  de  la  part  du  parle- 
mentaire discret  qui  tenait  la  plume.  On  remarquera  aussi 
que,  parmi  toutes  ces  critiques,  nul  n'avait  voulu  voir  la  place 
pourtant  grande  que  ces  messieurs  du  Parlement  tenaient 
à  l'hôtel  de  ville.  Par  contre,  le  Parlement  ne  s'oubliait  plus 
dans  les  projets  de  réformation. 

Ces  différents  projets  portent,  en  effet,  dans  quelques  dé- 
tails comme  la  marque  de  leurs  auteurs.  Ici,  c'est  le  rôle  du 
Parlement  et  des  officiers  de  justice  que  l'on  désire  voir  aug- 
menter; là,  les  mesures  proposées  aboutissent  à  l'établissement 
du  contrôle  complet  des  agents  royaux.  Partout,  on  demande 
la  suppression  du  Conseil  de  bourgeoisie.  Pour  le  remplacer, 
l'auteur  du  Mémoire  anonyme  et  celui  du  «  Mémoire  prouvé 
par  les  faits  »  réclament  la  formation  d'un  conseil  où  les  con- 
seillers au  Parlement,  au  sénéchal,  les  procureurs,  les  avocats, 
les  notaires  dominent  de  leur  nombre  imposant  les  quelques 
représentants  du  clergé  et  le  petit  nombre  des  négociants 
qu'on  y  supporte.  Bien  entendu,  la  présidence  appartiendra  à 
un  parlementaire,  et  le  «  Mémoire  prouvé  par  les  faits»  pro- 
pose même  d'attribuer  officiellement  au  Parlement  l'inspec- 
tion générale  de  toute  l'administration.  Quant  au  subdélégué, 
il  propose  un  conseil  politique  ordinaire,  à  l'exemple  des  au- 
tres villes  du  Languedoc,  où  figureront,  à  côté  des  personnes 
qui  ont  droit  d'y  assister  par  leur  place,  quarante-huit  con- 
seillers, dont  vingt-quatre  nobles  et  vingt-quatre  notables. 
Ainsi,  dit-il,  toutes  les  classes  de  citoyens  intéressés  à  la  chose 
publique  participeraient  à  l'administration  des  fonds. 

Le  capitoulat  lui-même  n'était  pas  moins  menacé,  sinon 
dans  son  existence,  du  moins  dans  ce  qui  en  faisait  le  prix, 
dans  ses  privilèges.  On  est  généralement  d'accord  pour  de- 
mander la  suppression  de  la  justice  des  capitouls.  Le  mémoire 
de  mars  1775  propose  que  trois  capitouls  soient  désignés  cha- 
que année  pour  juger  les  affaires  sommaires  et  que  l'on  défende 

ANNALES    DU    MIDI.   —   XIX  "^2 


822  I,.  DùTiL 

aux  autres  de  s'ea  occuper;  le  séûéchal  suffira  pour  les  affai- 
res criminelles  qu'il  jugera  avec  plus  de  compétence.  Les  au- 
tres mémoires  émettent  à  peu  près  la  même  opinion.  Il  est  à 
noter  que  le  subdélégué  ne  parle  pas  de  ce  point,  non  plus  que 
de  la  question  de  l'anoblissement.  Et  cependant  celle-ci  est 
également  agitée  partout  ailleurs.  Personne  n'ose  proposer  la 
suppression  complète  de  ce  privilège,  «  à  cause  de  sou  ancien- 
neté». Mais  il  faut  le  restreindre  le  plus  possible.  L'inten- 
dant propose  pour  cela  de  nommer  surtout  d'anciens  capitouls; 
d'autres  veulent  que  l'on  prolonge  la  durée  de  l'exercice.  Cette 
prolongation  est,  d'ailleurs,  demandée  aussi  pour  elle-même.  Les 
Etats  de  Languedoc  l'avaient  désirée  pour  que  l'administration 
fiit  à  la  fois  «  plus  éclairée  et  plus  suivie  »,  Le  Mémoire  de 
mars  1775  voudrait  qu'on  prolongeât  trois  capitouls  des  plus 
éclairés  pendant  trois  ans.  Le  «  Mémoire  prouvé  par  les  faits» 
demande  six  capitouls.  dont  deux  nobles,  nommés  par  le  gou- 
verneur de  la  province  pour  trois  ou  quatre  ans,  et  quatre 
autres  nommés  par  le  corps  de  ville,  qui  exerceraient  leur 
charge  pendant  deux  ans.  Le  subdélégué  n'est  point  de  cet 
avis,  car  on  ne  peut  exiger  de  personne  le  sacrifice  entier  de 
ses  affaires  pendant  un  long  temps,  et.  de  plus,  c'est  gêner 
d'avance  le  choix  du  roi. 

Il  est  curieux  de  remarquer  que  de  plusieurs  côtés  on  de- 
mande l'introduction  des  nobles  dans  le  capitoulat  et  dans 
l'administration.  C'était  une  idée  que  l'archevêque  Loménie 
de  Brienne  avait  à  cœur  et  que  son  prédécesseur  approuvait 
aussi  ^  L'abbé  Chainbon,  dans  son  mémoire,  proposait  comme 
solution  à  la  question  de  l'anoblissement,  de  n'admettre  que 
des  nobles  aux  charges  municipales.  Nous  avons  vu  que  le 
«  Mémoire  prouvé  par  les  faits  »  voudrait  deux  capitouls  no- 
bles. Le  subdélégué  place  vingt  quatre  nobles  parmi  les  qua- 
rante-huit conseillers  politiques  dont,  à  son  avis,  on  doit  tirer 
les  capitouls.  Le  mémoire  de  mars  1775,  qui  propose  lui  aussi 
d'admettre  les  gentilshommes  au  capitoulat,  eu  donne  pour 
raison  qu'ils  «  apporteraient  dans  l'administration  des  vues 

l.  LoUre  du  sieur  Currùio,  liGli  (Arcli.  du  la  IL-G.,  C  '2ii4.). 


La  reforme  du  CAPITOULAT  toulousain  au  XVIlie  SIÈCLE.      323 

plus  étendues  et  plus  justes  que  celles  qu'y  apportent  tous  les 
jours  ces  petits  bourgeois  et  ces  marchands  détailleurs  qui 
n'assimilent  que  trop  l'administration  publique  à  leur  petit 
ménage  et  n'ont  pour  la  plupart  que  des  vues  courtes  et 
rétrécies  ». 

Pour  réformer  les  abus  de  l'administration,  le  subdélégué 
demande  qu'on  revise  les  dettes  et  les  dépenses,  qu'on  exige 
l'application  des  règlements,  qu'on  oblige  le  trésorier  à  rendre 
ses  comptes  dans  le  premier  mois  de  l'exercice  des  capitouls. 
Il  connaît  le  moyen  de  rendre  sérieuse  cette  reddition  de 
comptes,  c'est  d'y  admettre  le  subdélégué  lui-même  avec  un 
petit  traitement  pour  ce  surcroît  de  travail  !  Le  Mémoire  ano- 
nyme de  1775  voudrait  naturellement  voir  à  la  même  place  le 
procureur  du  roi!  —  De  plusieurs  côtés,  on  demande  la  revi- 
sion des  officiers  et  suppôts  de  l'hôlel  de  ville,  dont  beaucoup 
sont  suspects  ;  il  faudrait  élever  leurs  émoluments  ;  «  on  évite- 
rait par  là  une  foule  de  friponneries  qui  sont  nécessaires  à  ces 
agents  pour  vivre  ».  Enfin,  pour  assurer  réellement  l'ordre  et 
la  sûreté  dans  la  ville,  on  voudrait  l'installation  d'un  lieute- 
nant général  de  police  permanent.  D'après  le  «Mémoire  prouvé 
par  les  faits  »,  ce  magistrat  serait  le  représentant  du  pouvoir 
royal  auprès  de  l'administration  locale;  il  recevrait  les  ordres 
de  la  cour  et  serait  chargé  de  les  faire  exécuter. 

Une  lettre  de  Malesherbes  à  l'intendant,  du  12  novembre 
1775.  nous  indique  les  idées  personnelles  du  ministre  sur  le 
sujet.  Il  croit,  lui  aussi,  qu'il  faut  supprimer  toutes  recom- 
mandations et  prolonger  la  durée  des  fonctions  capitulaires. 
Il  propose  de  fixer  cette  durée  à  quatre  ans  en  nommant  deux 
capitouls  par  an.  Sur  les  deux,  un  sera  noble  et  l'autre  pourra 
ne  pas  l'être.  La  noblesse^ne  sera  acquise  que  par  les  quatre 
ans  révolus  d'exercice.  Le  roi  se  réservera  la  nomination  du 
chef  de  consistoire  qui  serait  un  neuvième  capitoul.  Enfin,  il 
faut  attribuer  les  airaire>:  criminelles  au  sénéchal  et  les  affaires 
de  commerce  aux  consuls  comme  dans  les  autres  villes. 

Ainsi,  dès  ce  moment,  les  idées  maîtresses  de  la  réforme 
étaient  fixées;  on  allait  réduire  le  capitoulat,  lui  enlever  ses 
attributions  extraordinaires,  vestiges  du  passé,  et  l'enfermer 


324  L.    DUTH.. 

dans  les  bornes  exactes  d'aue  administration  municipale. 
Contre  ces  vives  attaques,  comment  les  capitouls  avaient-ils 
défendu  les  privilèges  qui  leur  étaient  si  chers? 

Ils  n'étaient  certes  point  restés  inactifs.  Autant  que  possible, 
ils  avaient  opposé  mémoire  a  mémoire,  notes  a  observations. 
Mais  quelle  que  soit  la  forme  de  leur  défense,  elle  présente 
presque  toujours  les  caractères  d'un  panégyrique  absolu.  C'est 
à  peine  s'ils  répondent  aux  questions  précises  portées  par 
leurs  adversaires.  Le  plus  souvent,  ils  se  bornent  à  un  éloge 
général  de  l'administration  établie  :  elle  est  bonne,  puisqu'elle 
est  ancienne,  et  elle  est  inattaquable,  puisqu'elle  est  fondée 
sur  des  privilèges  sacrés;  telle  est  la  base  de  leur  argumenta- 
tion. Ce  n'est  qu'à  la  fin  de  la  lutte  que  l'on  voit  cette  belle 
intransigeance  s'affaisser  un  peu;  devant  l'imminence  du  dan- 
ger, le  parti  capitulaire  apercevait  tout  d'un  coup  la  possibilité 
de  quelques  améliorations. 

C'est  ainsi;  qu'à  en  croire  le  mémoire  de  l'ancien  capitoul 
Carrère,  de  17G6,  tout  est  parfait  dans  les  différentes  parties 
de  l'administration,  et  le  même  optimisme  se  retrouve  dans 
les  réponses  du  même  Carrère  aux  notes  reçues  par  le  prince 
de  Beauveau.  On  dit  que  l'habitant  est  foulé  sans  oser  se  plain- 
dre et  voudrait  un  magistrat  de  police  qui  fût  résident  à  vie; 
il  répond  que  personne  ne  se  plaint  et  que  le  vœu  commun  est 
que  la  police  reste  entre  les  mains  des  capitouls,  parce  qu'à 
eux  huit,  ils  la  font  mieux  qu'un  seul  magistrat  ne  pourrait 
faire...  On  dit  que  les  prisonniers  ont  forcé  trois  fois  la  prison 
en  176G  et  que  le  guet,  averti,  n'a  pas  voulu  se  mouiller  :  il 
répond  victorieusement  que  le  fait  n'est  arrivé  que  deux  fois 
et  que  le  guet  a  toujours  fait  son  devoir...  On  reproche  aux 
capitouls  de  ne  pas  avoir  fait  de  fontaines  :  ils  voulaient  en 
faire;  c'est  l'hydraulicien  qui  leur  a  manqué!...  On  dit  qu'il  y 
a  du  tumulte  dans  les  délibérations  :  il  n'y  en  a  jamais;  d'ail- 
leurs, les  gens  du  roi  et  les  commissaires  du  Parlement  y  as- 
sistent, et  le  nombre  des  «  vocaux  »  dépasse  rarement  trente- 
cinq...  On  crie  bien  haut  que  les  dettes  de  la  ville  augmentent  : 
c'est  le  contraire;  de  1741  à  17G6,  on  a  diminué  les  intérêts  de 
7,944  livres.  Et  Carrère  rappelle  de  plus  dans  son  mémoire, 


LA  REFORME  DU  CAPITOULAT  TOULOUSAIN  AU  XVIII''  SIÈCLE.      325 

non  sans  à-propos,  que  la  plus  grosse  part  de  ces  dettes,  c'est 
pour  le  roi  qu'elles  ont  été  contractées,  pour  les  rachats  d'offi- 
ces toujours  renouvelés,  pour  des  emprunts  peu  ou  point  dé- 
guisés. Malgré  ses  charges,  l'excellente  situation  de  la  ville 
est  une  preuve  des  mérites  de  son  administration. 

Vers  1774  et  1775,  les  mémoires  des  capitouls  continuent 
d'insister  sur  les  multiples  garanties  qu'ofFreût  les  institutions 
existantes,  sur  le  nombre  des  capitouls  gradués,  sur  le  contrôle 
du  Conseil  de  bourgeoisie,  sur  le  Conseil  de  robe  longue,  sur  le 
rôle  du  chef  du  consistoire,  à  la  fois,  disent-ils,  «l'instructeur 
et  le  directeur  de  ses  collègues  »,  sur  la  présence  permanente 
du  syndic  et  des  assesseurs.  L'administration  est  donc  bien, 
comme  le  désirent  les  Etats,  «  éclairée  et  suivie  ».  Ce[)endant, 
pour  la  rendre  plus  solide  encore,  le  Conseil  de  ville  a  décidé, 
le  1 1  mars  1775,  que  Sa  Majesté  serait  suppliée  de  vouloir  bien 
nommer  chaque  année,  comme  l'on  faisait  autrefois,  quatre 
anciens  capitouls,  deux  de  robe  longue  et  deux  de  robe  courte. 
De  plus,  à  la  suite  d'un  voyage  de  M.  de  Saint- Priest  à  Tou- 
louse et  sur  sa  proposition,  on  a  délibéré  de  ne  plus  nommer  de 
commissions  particulières  pour  chaque  affaire,  mais  d'établir 
à  l'avenir  deux  commissions  permanentes,  l'une  pour  les 
affaires  litigieuses  et  l'autre  pour  les  ouvrages  publics.  Ainsi 
les  capitouls  ont  trouvé  quelque  chose  à  améliorer;  mais 
maintenant  tout  est  vraiment  parfait,  il  n'y  a  plus  rien  à 
innover. 

Parmi  ces  mémoires  défensifs,  les  observations  du  sieur  de 
Castilhon,  présentées  en  1776,  méritent  qu'on  leur  fasse  une 
place  à  part.  Au  milieu  des  arguments  ordinaires,  il  en  est  quel- 
ques-uns d'intéressants.  L'auteur,  reprenant  le  grand  reproche 
traditionnel  adressé  au  capitoulat  d'être  cause  de  la  langueur 
du  commerce  à  Toulouse,  déclare  que  ce  n'est  là  qu'un  pré- 
jugé. C'est  la  situation  de  Toulouse  qui  la  réduit  à  un  com- 
merce borné...  Les  matières  premières  sont  rares  et  inférieures 
dans  les  environs.  Toulouse  est  obligée  de  se  borner  à  un 
commerce  d'entrepôt  et  de  commission  de  grains  de  la  Gasco- 
gne et  du  Languedoc.  Une  autre  cause  de  cette  infériorité  du 
commerce  toulousain,  c'est  le  goîit  naturel  des  jeunes  gens 


326  I..    DUTIL. 

pour  les  lettres,  les  sciences  et  les  arts.  Une  autre  encore, 
c'est  l'attrait  exercé  parles  fonctions  judiciaires.  Enfin,  une 
cause  essentielle,  c'est  la  trop  grande  quantité  des  maisons 
religieuses  des  deux  sexes;  elles  absorbent  plus  d'un  tiers  du 
sol  de  la  ville  et  au  moins  un  quinzième  de  ses  habitants,  et 
non  seulement  ces  maisons  vivent  pour  la  plupart  aux  dépens 
des  revenus  du  travail  et  de  l'industrie  des  citoyens,  mais  en- 
core, en  attirant  à  elles  les  jeunes  gens  de  la  plus  belle  espé- 
rance, elles  portent  un  coup  funeste  à  la  population.  Il  n'y 
aurait  donc  rien  à  gagner,  poursuit-il,  à  exclure  les  commer- 
çants du  capitoulat.  A  propos  de  la  justice,  on  cite,  dit-il,  pour 
l'enlever  aux  capitouls,  quelques  faits  particuliers,  sans  preu- 
ves, arrivés  pendant  la  magistrature  de  capitouls  étrangers  et 
sur  un  espace  de  temps  considérable,  et  il  dénonce  les  efforts 
longtemps    inutiles   du  sénéchal  pour  se  faire  attribuer  ce 
droit.  Enfin,  touchant  à  la  question  de  la  mendicité,  il  dé- 
clare que  son  développement  extraordinaire  n'est  pas  impu- 
table aux  capitouls.  La  première  cause  est  dans  le  défaut  de 
revenus  assez  considérables  pour  occuper  continuellement  les 
pauvres  à  des  travaux.  Mais  le  sieur  deCastilbon,  qui  n'aimait 
décidément  pas  le  clergé  régulier,  ajoute  qu'il  existe  une  autre 
cause  plus  fâcheuse,  c'est  que  plus  de  quarante  maisons  reli- 
gieuses alimentent  chaque  jour  la  fainéantise  et  la  mendicité. 
«  Ainsi,  non  seulement  ces  religieux  vivent  aux  dépens  des 
citoyens,  mais  ils  engraissent  d'un  pain  qui  n'est  pas  le  leur 
une  foule  parasite  qui  n'a  aucun  droit  aux  secours  de  la  so- 
ciété. »  Malheureusement,  cet  exemple  est  suivi  et  le  peuple 
défend  les  vagabonds  et  les  mendiants  que  la  police  veut  arrê- 
ter. C'est  cette  protection  absurde  qui  attire  à  Toulouse  les 
mendiants  des  campagnes  et  des  villes  voisines,  et  qui  provo- 
que à  la  mendicité  les  pauvres  de  la  ville  alors  qu'ils  pour- 
raient vivre  de  leur  travail. 

Tout  le  monde  cependant,  au  camp  capitulaire,  n'avait  pas 
la  belle  confiance  du  sieur  de  Castilhon.  On  discutait  ferme 
dans  les  commissions  permanentes  qui  venaient  d'être  établies. 
La  majorité  soutenait  qu'il  n'y  avait  rien  à  changer.  Mais, 
après  plusieurs  séances,  les  parti.sans  des  concessions  obtinrent 


LA  REFORME  DU  CAPITOULAT  TOULOUSAIN  AU  XVIIie  SIECLE.      327 

du  Conseil  de  bourgeoisie  que  l'oa  adoptât  une  partie  de  leurs 
avis^  C'était  un  privilège  de  la  ville  de  changer  annuellement 
ses  huit  capitouls,  mais  l'administration  serait  peut-être  plus 
«  suivie  »  si  l'on  nommait  régulièrement  quatre  anciens  capi- 
touls. Il  serait  mieux  aussi  que  le  roi  rendît  à  la  ville  la  nomi- 
nation de  ses  magistrats,  en  se  réservant  seulement  la  confir- 
mation des  choix  faits  par  le  Conseil  général.  Les  commis- 
sions permanentes  continueraient  d'avoir  lieu  et  de  plus  on 
pourrait  élire  comme  commissaires  les  membres  du  Conseil 
absents  le  jour  de  l'élection  ;  elles  seraient  renouvelables  par 
moitié  tous  les  deux  ans.  On  voit  que  les  concessions  n'étaient 
pas  grandes  :  si  les  capitouls  admettaient  quelques  change- 
ments, ils  voulaient  les  foire  tourner  au  profit  de  leur  indé- 
pendance et  de  leur  pouvoir. 

Le  ministre,  près  de  prendre  une  décision  définitive,  inter- 
dit en  1776  toute  élection  nouvelle'^.  Cependant,  le  25  avril,  le 
Conseil  de  bourgeoisie,  décidant  que  cet  ordre  ne  s'étendait 
point  aux  commissions,  procéda  à  leur  changement  sur 
l'heure,  sans  prévenir  les  absents.  Dans  les  choix  qui  furent 
faits,  on  observa  que  les  partisans  du  statu  quo  seuls  furent 
renommés.  C'était  donc  le  groupe  des  irréductibles  qui  venait 
de  reprendre  l'autorité.  Ils  luttaient  désespérément,  allant 
jusqu'à  refuser  à  l'intendant  les  registres  et  documents  dont 
celui-ci  demandait  communication.  Il  fallut  une  lettre  du 
ministre  pour  les  obliger  à  céder^.  D'autant  plus  ardents  à 
défendre  leurs  privilèges  qu'ils  les  sentaient  plus  menacés,  ils 
croyaient  pouvoir  s'accrocher  au  passé  et  se  débattaient 
encore  au  milieu  du  courant  qui  déjà  les  emportait. 


1.  Délibération  du  18  janvier  1776  (Arch.  de  la  H. -G.,  G  285). 

'^.  «  Ceci,  qui  est  inouï  et  sans  exemple,  a  donné  bien  de  la  matière 
pour  raisonner  à  tous  nos  spéculatifs....  »  (Barthès,  Heures  perdues, 
fol.  605). 

3.  Lettre  de  l'intendant  au  ministre  du  26  nov.  1775  (Arch.  de  la  H. -G., 
G  285),  et  lettre  de  Malesherbes  du  3  décembre  1775  (Arch.  de  Toulouse, 
Registre  des  copies,  AA.  31,  n"  170). 


328  L.    DUTIL. 


III. 


L'arrêt  du  26  juin  1778,  loin  de  mettre  un  terme  a  cette 
agitation,  ouvre  une  période  nouvelle  d'orages  et  de  luttes  qui 
devait  se  prolonger  plus  de  six  années.  Il  ne  s'agissait  de  rien 
moins  que  d'une  réorganisation  totale  de  l'administration 
toulousaine.  Les  auteurs  de  l'arrêt  devaient  vite  s'apercevoir 
que  cela  n'allait  pas  sans  difficultés. 

En  premier  lieu,  l'arrêt  fixait  la  composition  de  l'adminis- 
tration municipale'.  Elle  devait  comprendre  un  corps  muni- 
cipal, un  conseil  politique  ordinaire,  un  conseil  général  et 
quatre  commissions  ou  bureaux,  chargés  respectivement  des 
affaires  contentieuses,  des  affaires  économiques,  de  l'assiette 
des  impositions  et  de  l'audition  des  comptes  du  trésorier. 

Les  membres  du  corps  municipal  étaient  un  chef  du  consis- 
toire et  huit  capitonls,  assistés  d'un  syndic,  un  trésorier,  un 
receveur  des  impositions  et  un  greffier  :  ceux-ci,  sans  voix 
délibérative,  ne  venaient  aux  assemblées  que  lorsqu'ils  y 
étaient  appelés.  Le  chef  du  consistoire  devait  être  toujours  un 
ancien  capitoul  choisi  parmi  les  avocats.  Les  capitouls  devaient 
être  pris  dans  les  trois  classes  des  habitants  de  Toulouse, 
savoir  :  deux  dans  celle  des  gentilshommes  ou  nobles,  deux 
parmi  les  anciens  capitouls  et  quatre  parmi  les  autres  notables 
citoyens.  L'article  4  de  l'arrêt  spécifiait  que  les  capitouls  delà 
première  classe  ne  seraient  tenus  de  se  trouver  qu'aux  assem- 
blées qui  se  tiendraient  dans  le  Capitole  et  aux  cérémonies 
publiques  ordonnées  par  S.  M.  —  Gentilshommes  et  anciens 
capitouls  ne  pouvaient  être  élus  que  si,  dans  les  huit  années 
précédant  l'élection,  ils  avaient  été  membres  du  Conseil  poli- 
tique ordinaire  pendant  deux  ans;  pour  les  autres,  la  durée 
exigée  était  de  quatre  ans.  Le  roi  se  réservait  pour  toujours 


3.  Voir  le  texte  do  l'arrêt  dans  Arch.  de  la  Ï\.-G.,  0  285,  ou  Arch.  de 
Toulouse,  AA.  29,  n»  lOG. 


LA  RÉFORME  DU  CAPITOULAT  TOULOUSAIN  AU  XYIIie  SIECLE.      329 

la  nomination  du  chef  du  consistoire.  Quant  aux  capitouls,  ils 
seraient  élus  par  le  Conseil  général,  sur  les  propositions  faites 
de  la  manière  suivante  :  quatre  gentilshommes  ou  nobles  pro- 
posés par  les  capitouls  de  la  !■■«  classe,  quatre  anciens  capi- 
touls et  huit  notables  proposés  par  le  corps  entier  des  capi- 
touls, y  compris  le  chef  du  consistoire.  Pour  cette  année, 
S.  M.  «  voulant  prévenir  les  difficultés  »  avait  jugé  à  propos 
de  nommer  elle-même  les  huit  capitouls.  —  Venait  ensuite  le 
règlement  des  rang  et  séance.  Les  deux  capitouls  de  la  pre- 
mière classe  seraient  à  la  tête,  ayant  le  chef  du  consistoire 
entre  eux;  le?,  deux  capitouls  de  la  deuxième  classe  auraient 
le  deuxième  rang,  le  plus  ancien  à  droite;  les  quatre  autres 
capitouls  formeraient  le  troisième  et  le  quatrième  rang,  sui- 
vant leur  âge  pour  la  première  fois  et  dans  la  suite  d'après  leur 
ancienneté  dans  le  capitoulat.  —  La  durée  de  l'exercice  était 
fixée  à  deux  ans;  mais  chaque  année  la  moitié  de  chaque  classe 
devait  être  renouvelée.  L'entrée  en  charge  restait  fixée  au 
l»' janvier.  —  Des  mesures  transitoires  étaient  prises  pour  les 
premières  années.  —  La  déi)utation  aux  Etats  devait  toujours 
être  remplie  par  un  capitoul  de  la  deuxième  classe  et  un  de  la 
troisième  dans  la  deuxième  année  d'exercice  L'article  15  sup-, 
primait  le  festin  des  nouveaux  capitouls  et  le  franc  salé.  L'ar- 
ticle 16  confirmait  le  privilège  d'anoblissement. 

Le  Conseil  politique  ordinaire  devait  comprendre  le  pre- 
mier président  et  deux  conseillers  du  Parlement,  le  procureur 
général  et  un  avocat  général,  le  juge  mage,  le  chef  du  consis- 
toire et  les  huit  capitouls  en  place,  enfin,  trente  deux  conseil- 
lers électifs,  savoir  :  huit  gentilshommes  ou  nobles,  huit 
anciens  capitouls  et  seize  citoyens  notables  pris  parmi  les 
avocats  ou  gradués  en  droit  ou  en  médecine,  procureurs, 
notaires,  chirurgiens,  négociants  immatriculés  à  la  Bourse  et 
bourgeois.  Le  syndic  devait  aussi  y  assister,  mais  sans  voix 
délibérative.  Les  conseillers  électifs  devaient  rester  en  charge 
deux  ans;  chaque  année,  on  devait  renouveler  la  moitié  de 
chaque  classe.  L'élection  était  faite  par  le  Conseil  général, 
classe  par  classe,  sur  la  présentation  des  capitouls  qui  devaient 
proposer  deux  candidats  par  place.  —  Le  Conseil   politique 


330  L.    DUTIL. 

s'assemblerait  toutes  les  fois  que  le  corps  inuuicipal  l'aurait 
jugé  nécessaire.  Il  y  serait  délibéré  dans  la  forme  usitée  pour 
la  province  sur  toutes  les  affaires  relatives  à  l'administration 
municipale;  il  ne  pourrait  y  être  pris  de  délibération  qu'il 
n'y  eût  au  moins  vingt-quatre  présents. 

Le  Conseil  général  comprendrait  d'abord  tous  les  membres 
du  Conseil  ordinaire,  plus  deux  autres  officiers  du  Parlement, 
le  lieutenant  criminel  de  la  sénéchaussée,  le  recteur  de  l'Uni- 
versité, le  vicaire  général  de  l'archevêque,  celui  du  chapitre 
de  Saint- Sernin,  un  chanoine  député  du  chapitre  de  Saint- 
Etienne,  un  autre  député  de  celui  de  Saint-Sernin  et,  enfin, 
seize  députés  électifs  dont  quatre  de  la  première  classe,  quatre 
de  la  deuxième  et  huit  de  la  troisième.  Ces  députés,  en  charge 
pour  deux  ans  et  renouvelables  par  moitié  tous  les  ans, 
devaient  être  nommes  classe  par  classe  par  le  Conseil  général 
sur  les  propositions  faites  par  les  capitouls  à  raison  de  trois 
noms  par  place.  —  Le  Conseil  général  devait  s'assembler  pour 
l'audition  des  comptes  du  trésorier,  pour  entendre  à  la  fin  de 
chaque  année  le  compte  rendu  du  chef  du  consistoire  dont  le 
discours  continuerait  d'être  inscrit  dans  les  Annales  de  la 
ville,  et  pour  les  diverses  nominations  dont  il  était  chargé. 

L'arrêt  réglait  ensuite  la  composition  des  commissions.  La 
commission  des  affaires  contentleuses  et  celle  des  affaires  éco- 
nomiques comprenaient  chacune  le  chef  du  consistoire,  quatre 
capitouls  et  huit  membres  électifs  du  Conseil  politique.  Elles 
ne  pouvaient  prendre  de  délibération  que  s'il  y  avait  au  moins 
cinq  présents,  et  elles  étaient  chargées  de  préparer  les  affaires 
qui  devaient  être  portées  au  Conseil.  La  commission  de  l'as- 
siette des  impositions*  se  composait  du  chef  du  consistoire, 
de  huit  capitouls,  do  huit  membres  électifs  du  Conseil  ordi- 
naire (deux  de  la  première  classe,  deux  de  la  deuxième  et 
quatre  de  la  troisième);  ils  étaient  assistés  du  syndic  et  du 
receveur  des  impositions,  sans  voix  délibérative;  il  fallait  au 
moins  neuf  présents.  Enfin,  les  membres  de  la  commission 

1.  Cette  commission,  qui  n'existait  pas  dans  le  projet  primitif,  avait 
été  créée  sur  la  demande  de  l'intendant  dans  son  rapport  du  81  mai  1/(8 
(Arcli.  de  la  II. -G.,  G  285). 


LA  REFORME  DU  CAPITOULAT  TOULOUSAIN  AU  XVIIIP  SIÈCLE.      331 

pour  l'audition  des  comptes  du  trésorier  étaient  :  deux  conseil- 
lers de  grand'chambre  du  Parlement,  le  procureur  général  et 
un  avocat  général,  le  sénéchal,  le  juge  mage,  le  chef  du  consis- 
toire, le  syndic  sans  voix  delibéralive,  et  huit  membres 
choisis  :  deux  dans  la  première  classe,  deux  dans  la  deuxième 
et  quatre  dans  la  troisième.  —  Les  membres  électifs  de  ces 
quatre  commissions  étaient  élus  par  le  Conseil  général,  sur  la 
présentation  du  corps  municipal,  à  raison  de. trois  sujets  par 
place;  ils  devaient,  suivant  le  principe  adopté,  rester  en 
charge  deux  ans  et  étaient  renouvelables  par  moitié. 

Le  syndic,  le  trésorier,  le  receveur  des  impositions,  le 
greffier  seraient  nommés  par  le  Conseil  général,  sur  la  présen- 
tation de  trois  sujets  par  place  faite  par  le  corps  municipal. 
Les  titulaires  actuels  de  ces  charges  et  celui  des  greffiers  qui 
serait  choisi  continueraient  d'en  remplir  les  fonctions.  Le  tré- 
sorier serait  tenu  de  rendre  chaque  année  ses  comptes  dans 
les  trois  premiers  mois  après  l'installation  des  capitouls. 

L'arrêt  prenait  enfin  diverses  mesures  administratives.  Il 
réduisait  la  somme  fixée  pour  les  dépenses  imprévues  à  douze 
mille  livres.  Toutes  les  dépenses  dépassant  cent  livres  seraient 
délibérées  par  le  Conseil  ordinaire  sur  un  rapport  fait  par  la 
commission  des  affaires  économiques,  et  cette  délibération 
devait  être  ensuite  autorisée  par  l'intendant.  Quant  aux 
dépenses  n'excédant  pas  cent  livres,  elles  devaient  aussi  être 
examinées  par  la  commission,  mais  en  cas  d'urgence,  il  était 
permis  aux  capitouls  d'en  délibérer,  sauf  rapport  ultérieur  en 
Conseil.  —  Le  roi  chargeait  spécialement  le  chef  du  consistoire 
du  détail  de  la  police  et  se  réservait  de  lui  attribuer  pour  cela 
un  traitement  pécuniaire  convenable.  Le  roi  se  réservait 
aussi  de  régler  plus  tard,  sur  les  rapports  qui  lui  seraient  faits, 
le  nombre  et  les  fonctions  des  suppôts  de  l'hôtel  de  ville. 

Telle  était  la  teneur  de  cet  arrêt  tant  attendu.  Comment 
répondait-il  aux  espérances  et  aux  craintes  qu'il  avait 
suscitées?  On  peut  remarquer  tout  d'abord  à  sa  lecture  qu'il 
conservait  beaucoup  de  l'ancienne  administration,  tout  en  y 
apportant  cependant  des  changements  notables.  En  premier 
lieu,  il  supprimait  un  usage  fort  ancien  qui  avait  perdu  depuis 


332  L.    DUTIL. 

longtemps  toute  signification,  mais  qui  n'en  demeurait  pas 
moins  respecté,  à  savoir  la  représentation  de  la  ville  par 
quartiers.  Les  antiques  «  partidas  »  du  moyen  âge,  devenues 
les  capitoulats  modernes,  qui  avaient  chacune ,  depuis  si 
longtemps,  leur  magistrat  et  leur  délégation  particulière  dans 
les  Conseils,  disparaissent  et  se  fondent  dans  l'unité  définitive 
de  la  cité.  Mais  en  même  temps  qu'il  enlevait  aux  Toulousains 
ce  souvenir  de  leur  passé,  l'arrêt  restaurait,  en  partie  du 
moins,  ce  même  passé  en  rendant  à  la  ville  l'élection  de  ses 
magistrats  C'est  encore  une  autre  restauration  que  la  rentrée 
des  nobles  au  capitoulat.  L'aristocratie,  qui  jadis  n'avait  pas 
dédaigné  de  revêtir  la  robe  consulaire,  s'était  écartée  depuis 
longtemps  de  la  vie  municipale.  L'arrêt  du  Conseil  la  rappelait 
à  ses  devoirs.  Allait-elle  apporter  au  capitoulat  une  nouvelle 
force  en  même  temps  qu'un  nouvel  éclat?  Celait  alors  l'espoir 
de  tous.  Enfin,  l'arrêt  présentait  une  nouveauté  véritable  :  c'est 
l'introduction  à  Toulouse  du  système  des  classes,  des  caté- 
gories de  citoyens,  établi  déjà  dans  d'autres  villes  du  Midi,  et 
que  redit  de  1765  avait  essayé  de  généraliser.  Ce  partage  des 
membres  des  Conseils  entre  les  diverses  classes  ou  corpo- 
rations n'était  encore  qu'ébauché  dans  l'arrêt;  mais  le  prin- 
cipe était  établi  et  la  logique  et  les  circonstances  allaient 
pousser  à  son  développement. 

C'est  sur  ces  caractères  nouveaux  ou  encore  sur  certains 
points  particuliers,  comme  la  création  d'une  nouvelle  charge 
municipale,  le  prolongement  de  la  durée  de  l'exercice,  la  sup- 
pression de  la  vénalité,  la  confirmation  de  l'anoblissement, 
que  devaient  discuter  dès  ce  moment  les  politiques  de  Tou- 
louse. Mais  on  ne  prévoyait  point  encore  les  graves  consé- 
quences du  changement  et  l'attention  fut  d'abord  occupée  par 
de  multiples  difficultés  de  détail. 

M.  de  Saint-Priest  arriva  à  Toulouse  le  17  juillet  1778, 
muni  des  pleins  pouvoirs  du  roi  pour  l'installation  de  la  nou- 
velle administration.  Le  21,  il  se  rendit  à  l'hôtel  de  ville,  où 
il  notifia  aux  capitouis  la  nomination  de  leurs  successeurs. 
Ceux-ci  avaient  été  désignés  par  une  ordonnance  royale, 
d'après    des    listes    soigneusement    préparées    par    le    sub- 


LA  RÉFORME  DU  CAPITOULAT  TOULOUSAIN  AU  XVJII«  SIECLE.      333 

délégué'.  M.  de  Brassalières,  chef  du  consistoire,  était  main- 
tenu dans  ses  fonctions. 

Le  22  juillet,  à  onze  heures  du  matin,  ils  allèrent  prêter  ser- 
ment entre  les  mains  du  sénéchal.  «  Ils  sortirent  tous  de 
l'hôtel  de  ville,  en  pompe,  comme  à  l'ordinaire,  excepté  la 
mousquetade  qui  fut  supprimée,  les  vieux  revêtus  des  robes 
comtales,  leur  chaperon  sur  l'épaule,  les  nouveaux  ayant 
aussi  le  leur  en  noir.  Ils  marchèrent  droit  au  sénéchal,  en 
deux  files,  un  vieux  et  un  nouveau.  Le  serment  fut  prêté... 
Ils  s'en  retournèrent  à  l'hôtel  de  ville...  où  étant  arrivés,  les 
vieux  se  démirent  des  marques  de  leurs  charges  qui  furent 
transmises  à  leurs  successeurs,  au  vu  et  aux  acclamations  d'un 
peuple  infini  accouru  pour  jouir  d'un  spectacle  d'autant  plus 
nouveau  qu'on  n'avait  jamais  vu  de  nomination  en  pareil  temps 
et  qu'on  se  promet  une  gestion  plus  heureuse  et  plus  satisfai- 
sante pour  la  ville,  eu  égard  à  la  noblesse  et  au  désintéresse-' 
ment  particulier  de  ceux  qui  entrent  eu  charge... ^  » 

La  joie  que  signale  Barthès  ne  devait  pas  rester  longtemps 
sans  nuage.  Bientôt,  en  effet,  s'élèvent  des  protestations  con- 
tre redit.  Ce  sont  d'abord  des  questions  de  préséance.  Dès  la 
prestation  du  serment  et  dans  le  premier  Conseil  de  ville,  un 
conflit  surgit  entre  le  chef  du  consistoire  et  les  capitouls  de  la 
première  classe  :  ceux-ci  réclament  le  premier  rang  comme 
gentilshommes;  celui-là  y  prétend  comme  président.  L'affaire 
partage  toute  la  ville  et  les  nobles  se  montrent  très  animés  ; 
ils  proclament  bien  haut  leur  supériorité  naturelle.  Les 
mémoires  et  les  lettres  au  ministre  se  succèdent.  Enfin,  celui-ci 
tranche  en  partie  la  question  dans  sa  lettre  du  15  août  1778^. 
«  Dans  toutes  les  séances,  le  chef  du  consistoire,  qui  ne  peut 
être  regardé  que  comme  premier  de  justice,  ne  siège  qu'après 
les  capitouls  de  la  première  classe  ;  mais  il  doit  recueillir  les 

1.  Arch.  de  la  H.-(j.,  G  29U.  —  Les  huit  capitouls  étaient  M.  de  Bélesta 
et  M.  de  Gavaret,  comme  capitouls  de  la  1"  classe,  M.  Gouazé,  professeur 
eu  droit,  et  M.  Joulia,  négociant,  comme  capitouls  de  la  2=  classe,  euiin 
MM.  Ginesty,  Sennovert,  Mouré ,  tous  trois  avocats,  et  M.  Sahuqué. 
négociant,  comme  capitouls  de  la  3'. 

2.  Barthès,  Heures  perdues,  fol.  HHi  (Bibl.  mun.  de  Toulouse). 
'à.  Arch.  de  Toulouse,  Eegistre  des  copies,  AA.  32,  n"  1. 


334:  h.  DUTiL. 

voix  et  prononcer  le  résultat.  »  Cette  décision  modéra  l'ardeur 
de  la  querelle,  mais  ne  la  fit  point  disparaître. 

La  place  de  chef  du  consistoire  souleva  d'autres  discus- 
sions. Les  capitouls  lui  contestaient  ses  fonctions'.  11  n'est 
pas  capitoul,  disaient-ils,  puisque  la  ville  n'en  compte  que  huit  : 
11  n'a  donc  pas  le  droit  d'en  porter  les  insignes.  Il  ne  saurait 
non  plus  exercer  la  police  et  la  justice  qui  sont  le  propre  des 
capitouls.  Enfin,  il  est  une  cause  d'embarras  et  de  conflits 
dans  les  marches  et  cérémonies.  Ces  difficultés  tenaient  d'ail- 
leurs beaucoup  à  la  personne  même  du  sieur  de  Brassalières. 
Peu  aimé  de  ses  collègues,  il  eut  à  subir  de  leur  part  plu- 
sieurs affronts.  C'est  ainsi  que  les  capitouls  s'étaient  empressés 
de  s'emparer  des  robes  et  des  manteaux  consulaires  afin  qu'il 
n'en  pût  avoir.  On  envoyait  sans  cesse  des  mémoires  contre 
lui. 

D'autres  questions  aussi  étaient  agitées.  Quel  était  désor- 
mais le  rôle  du  sénéchal  ?  Devait- il  faire  la  semonce  et  à  quelle 
date?  Devait-il  assister  aux  Conseils  ou  non?  Les  officiers  du 
parquet  réclamaient  eux  aussi  le  droit  d'entrer  aux  assem- 
blées. Les  apothicaires  se  plaignaient  d'avoir  été  omis  dans  la 
liste  des  corps  qui  devaient  fournir  les  notables.  L'article  23 
de  l'arrêt  plaçait  parmi  les  membres  du  Conseil  général  un 
vicaire  général  du  chapitre  de  Saint-Sernin  qui  n'existait  pas, 
au  détriment  du  vicaire  général  de  l'abbé,  qui,  existant, 
réclamait  son  droit.  Le  fils  du  syndic  Dupuy  protestait  contre 
l'article  34  qui  lui  ôtait  la  survivance  de  la  charge  de  son 
père.  Enfin,  le  Parlement  demandait  des  lettres  patentes  pour 
faire  enregistrer  l'édit  ;  il  prétendait,  en  effet,  quel'édit  portait 
création  d'office  (le  chef  du  consistoire  étant  un  neuvième 
magistrat)  et  qu'il  y  avait  par  suite  lieu  de  l'enregistrer. 

Tout  cela  faisait  l'objet  de  démarches  et  de  pourparlers.  Le 
subdelégué,  appelé  à  donner  son  avis,  s'en  acquitta  dans  une 
lettre  du  25  septembre  1778^.  Il  s'y  excuse  d'avoir  «  adopté  à 
l'égard  de  la  place  du  chef  du  consistoire  le  parti  qu'Alexan- 

1.  Letln-s  du  subdélégut'  (Arcli.  de  la  IL-G.,  C.  284.)  —  Mémoires  des 
capitouls  et  lettres  ;iu  ministre  (C  286). 

2.  Arch.  de  la  H. -G.,  C  286. 


LA  RÉFORME  DU  CAPITOULAT  TOULOUSAIN  AU  XYlll"  SIECLE.      385 

dre  prit  à  l'égard  du  nœud  gordien.  »  Il  proposait,  en  effet,  de 
la  supprimer.  L'intendant  fil  un  mémoire  à  M.  Amelot  sur  les 
questions  pendantes,  qu'il  envoya  le  17  décembre  1778,  en 
proposant  lui  aussi  la  suppression  du  chef  du  consistoire. 
Dans  le  courant  de  l'année  1779,  une  nouvelle  question  se 
joignit  aux  précédentes,  celle  des  assesseurs  :  il  fut  question 
de  les  réduire  à  trois  pour  augmenter  leurs  appointements'. 
Le  résultat  de  toutes  ces  discussions  fut  l'arrêt  du  8  jan- 
vier 1780  destiné  à  modifier  et  à  compléter  le  pi-emier^, 

La  place  de  chef  du  consistoire  était  supprimée  :  le  pre- 
mier capitoul  de  la  deuxième  classe  serait  toujours  le  [)remier 
de  justice  et  Sa  Majesté  s'en  réservait  la  nomination.  La 
durée  de  ces  fonctions  serait  de  deux  ans;  elles  pourraient 
être  prolongées  par  le  roi,  mais  pour  deux  ans  seulement.  Il 
était  attribué,  à  titre  d'indemnité,  au  sieur  de  Brassalières 
une  pension  de  4,000  livres  payable  sur  les  revenus  de  la 
ville  et  réversible  par  moitié  sur  sa  femme.  —  Il  était  sti- 
pulé ensuite  que  les  capitouls  de  la  troisième  classe  qui 
décéderaient  pendant  leur  charge  auraient  acquis  la  noblesse 
et  la  transmettraient  à  leurs  descendants.  Tous  les  avocats 
généraux  du  Parlement,  et  non  un  seul,  devaient  assister  au 
Conseil  politique  et  au  Conseil  général.  Le  sénéchal  ferait 
aussi  partie  de  ces  Conseils;  il  tiendrait  la  séance  ordinaire 
de  la  semonce  à  la  date  accoutumée,  le  26  décembre.  Satis- 
faction était  également  donnée  aux  apothicaires,  au  vicaire 
général  de  l'abbé  de  Saint-Sernin.  Il  était  spécifié  aussi  que 
les  années  de  service  au  Conseil  politique  exigées  des  aspi- 
rants au  capitoulat  pouvaient  avoir  été  accomplies  en  n'im- 
porte quel  temps  et  non  dans  les  huit  années  précédant  immé- 
diatement l'élection.  Venaient  ensuite  les  questions  de  rang 
et  de  préséance.  En  cas  d'absence  d'un  des  capitouls  de  la 
première  classe,  le  premier  de  justice  le  remplacerait  à  côté 
de  celui  qui  serait  présent;  le  premier  de  la  troisième  classe 
marcherait  par  suite  à  côté  du  second  de  la  deuxième,  et  les 


L  Arch.  do  la  H.-G.,  C  296. 

2.  Arch.  de  la  H.-G.,  G  286,  ou  Arch.  de  Toulouse,  AA.  29,  u"  110. 


336  L.    DUTIL. 

trois  autres  sur  la  même  ligne.  Dans  la  première  classe,  le 
plus  ancien  en  réception  aurait  la  préséance  ;  dans  la 
deuxième,  elle  appartiendrait  toujours  au  premier  de  justice 
et,  dans  la  troisième,  les  deux  plus  anciens  en  réception  précé- 
deraient les  deux  autres;  si  parmi  ces  capitouls  de  la  troi- 
sième classe  élus  en  même  temps  il  y  avait  un  gradué,  il 
aurait  la  préséance  sur  l'autre,  et  s'ils  étaient  gradués  tous 
les  deux,  elle  appartiendrait  au  plus  ancien  en  grade.  —  En 
cas  d'absence  d'un  ou  de  plusieurs  capitouls,  ils  pourraient 
être  remplacés  dans  les  commissions  par  ceux  qui  seraient 
présents.  Ces  commissions,  toujours  présidées  par  un  capi- 
toul,  ne  pourraient  s'occuper  que  des  objets  qui  leur 
auraient  été  renvoyés  par  le  Conseil  politique  ou  par  les  capi- 
touls en  cas  d'urgence.  Leurs  délibérations  ne  pourraient  être 
exécutées  qu'après  avoir  été  autorisées  par  le  Conseil.  Enfin,  le 
nombre  des  assesseurs  devrait  être  réduit  à  trois,  à  la  pre- 
mière vacance. 

Cet  arrêt  n'était  donc  qu'une  série  de  réponses  aux  diver- 
ses questions  posées  depuis  l'arrêt  primitif.  Mais  les  vieilles 
querelles  se  prolongèrent  et  de  nouvelles  difficultés  vinrent 
encore  les  compliquer. 

Ce  fut  d'abord  la  manière  dont  était  réglée  la  question  du 
chef  du  consistoire  qui  souleva  rémotion.  La  pension  accor- 
dée au  sieur  de  Brassalières  fut  vivement  attaquée  et  le  Con- 
seil politique  décida  d'adresser  au  roi  une  requête  pour  la 
suppression  de  cette  pension,  comme  disproportionnée  aux 
services  rendus  par  ce  personnage  et  à  cause  de  l'état  des  fi  nan- 
ces  de  la  ville ^  Puis,  la  pension  aj^ant  été  maintenue,  on 
s'avisa  de  retenir  au  sieur  de  Brassalières,  là-dessus,  la  somme 
de  600  livres  qui  lui  avait  été  payée  en  1779  pour  sa  livrée 
consulaire  ;  de  plus,  on  prétendit  ne  devoir  lui  payer  ladite 
pension  qu'à  la  fin  de  chaque  année.  Il  se  plaignit;  l'inten- 
dant dut  intervenir  pour  lui  faire  obtenir  satisfaction. 

L'arrêt  enregistré  à  l'hôtel  de  ville,  en  présence  de  M.  de 
Saint-Priest  fils,  on  avait  procédé  aux  élections,  et  M.  Gouazé. 

1    Arcli.  de  la  Il.-G.,  G  ;;!'J1. 


LA  RÉFORME  DU  CAPITOULAT  TOULOUSAIN  AU  XVIIie  SIÈCLE.      337 

professeur  en  droit,  avait  été  nommé  le  5  mars  1780  pretnier 
de  justice ^  Mais  les  querelles  de  préséance  n'avaient  point 
été  supprimées  par  la  suppression  du  chef  du  consistoire  ;  elles 
reparurent,  entre  les  capitouls  de  la  première  classe  et  le  pre- 
mier de  justice,  plus  vives  que  jamais.  Il  y  eut  d'abord  des 
contestations  entre  eux  touchant  le  droit  d'aller  recevoir  le 
Parlement  et  à  propos  des  séances  du  Conseil  politique-.  Ce 
fut  le  premier  de  justice  qui  dut  céder,  et  depuis  ce  moment 
il  ne  parut  plus  aux  Conseils.  Les  gentilhommes  ne  cessaient 
de  se  réclamer  de  leur  qualité  ;  ils  se  considéraient  comme 
fort  au-dessus  de  leurs  collègues.  L'intendant_  signalait  leur 
attitude  au  ministre  dans  sa  lettre  du  31  octobre  1781  '  :  «  Il  est 
contre  les  règles  et  l'usage  que  les  premiers  membres  d'un 
hôtel  de  ville  s'isolent  ainsi  de  leurs  collègues.  J'ai  eu  diffé- 
rentes occasions  de  remarquer  cette  aff'ectation  et  M.  de  Péri- 
gord*  s'en  était  aussi  aperçu...  »  Les  capitouls  de  la  première 
classe  prétendaient,  en  effet,  avoir  un  rang  à  part.  «  En  nous 
plaçant  à  la  tête  du  corps  municipal,  disent-ils  dans  un 
mémoire  au  ministre ^  l'objet  du  nouveau  règlement  a  sans 
doute  été  de  relever  le  capitoulat  rabaissé  par  l'introduction 
de  toutes  sortes  de  gens...  »  Et  bientôt,  pour  mieux  marquer 
la  distance  qui  les  séparait  des  autres  capitouls,  ils  signèrent  : 
capitoul  gentilhomme.  «  Il  en  résulte  pour  les  autres  capi- 
touls un  témoignage  toujours  renaissant  d'infériorité  et  de 
mépris  »,  écrivait  M.  Gary  à  l'intendant.  —  Le  premier  de 
justice,  qui  avait  abandonné  les  Conseils,  présidait  encore  aux 
commissions  et  aux  jugements.  Le  temps  vint  où  les  capitouls 
gentilshommes  lui  contestèrent  ce  droit.  «  A  la  dernière  com- 
mission, je  présidais  comme  de  coutume,  écrit  M.  Gary  à 
l'intendant  dans  la  lettre  citée  plus  haut,  M.  le  marquis  de 
Grammont  me  tira  à  part  après  un  certain  temps  pour  me 
dire  que  le  premier  de  justice  ne  devait  pas  présider  en  pré- 


1.  Arch.  de  Toulouse,  Registre  des  copies,  AA.  29,  n"  111. 

2.  Lettre  de  M.  Gary  à  l'intendant,  janv.  1783  (Arcli.  de  la  H. -G.,  G  291). 

3.  Arcli.  de  la  H.-G.,  C  28G. 

4.  Commandant  en  clief  de  la  province. 

5.  Arcli.  de  la  H.-G.,  C  286. 

ANNALES  DU  MIDI.   —    XIX  23 


S38  L.    DUTIL. 

seace  des  capitouls  gentilshommes...  Rien  ne  put  l'ébranler. 
Il  ajouta  que  si  je  voulais  présider,  les  capitouls  gentilshom- 
mes s'abstiendraient  des  commissions.  Je  dis  alors  :  C'est  à 
moi  de  m'abstenir...  C'est  sa  classe,  me  dil-il,  qui  lui  a  fait 
faire  cette  observation.  » 

La  division  allait  ainsi  tous  les  jours  augmentant  à  l'hôtel 
de  ville.  Aussi  la  place  de  premier  dejustice,  qui  était  parti- 
culièrement délicate,  était-elle  peu  enviée.  M.  Gouazé,  nommé 
le  5  mars  1780,  et  en  querelle  avec  sa  Faculté  au  sujet  des 
cours  qu'il  ne  pouvait  faire,  demandait  instamment  dès  la  fin 
de  l'année  d'être  relevé  de  ses  fonctions'.  En  décembre,  on 
nomma  à  sa  place  M.  Gary;  mais  celui-ci,  peu  satisfait  de 
cette  distinction,  se  mit  à  envoyer  mémoire  sur  mémoire  à 
l'intendant  et  au  ministre  pour  se  faire  dispenser  de  ces  fonc- 
tions, sous  prétexte  de  maladie.  M.  Gouazé  protestait  de  son 
côté  contre  ces  retards.  Dans  sa  lettre  du  12  février  1781-  il 
écrit  à  l'intendant  :  «  Tout  cela  n'aboutit  qu'à  me  faire  rester 
encore  malgré  moi  dans  une  place  que  je  suis  fondé  à  détester 
plus  que  jamais...  Il  ne  m'est  plus  possible  de  vivre  aujour- 
d'hui dans  l'hôtel  de  ville  où  l'esprit  de  parti  et  les  prétentions 
ont  jeté  la  plus  grande  division...  »  M.  Gary  ne  se  détermina 
à  prêter  serment  qu'à  la  fin  d'avril  1781  et  par  l'autorité  du 
ministre.  Le  subdélégué  écrivait  à  ce  sujet  ^  :  «  Je  prévois 
qu'il  sera  bien  difficile  à  l'avenir  de  trouver  dans  l'ordre  des 
avocats  un  sujet  de  bonne  volonté  pour  remplir  cette  place. 
On  s'obstine  à  la  regarder  comme  dégradée  parce  qu'on  lui  a 
enlevé  le  premier  rang...  J'ai  beau  représenter  qu'on  est  dans 
l'erreur  parce  qu'enfin  l'ancien  chef  du  consistoire  n'a  jamais 
présidé  que  les  nouveaux  nobles  et  qu'il  les  préside  encore  en 
marchant  après  MM.  les  gentilshommes...  Peut-être  cette 
maladie  a  t-elle  beaucoup  contribué  à  différer  le  serment  du 
nouveau  premier  dejustice.  »  Celui-ci,  comme  son  prédéces- 
seur, vit  chaque  jour  ses  droits  mis  en  question.  L'Académie 
des  Jeux  Floraux  ne  reconnaissant  plus  dans  le  premier  de 

1.  Arch.  de  Toulouse,  Registre  îles  coi)ies,  AA.  'M,  u"  ILS. 
:».  Arcli.  de  la  IL-U.,  C  290. 
:j.  Arcli.  do  la  U.-G.,  C'2'Jl. 


La  reforme  du  CAPITOULAT  TOULOUSAIN  AU  XVIII®  SIECLE.      339 

justice  le  premier  capitoul.  lui  ôta  la  place  d'acailémicien-aé 
pour  la  conférer  au  premier  capitoul  gentilhomme.  M.  Gary 
ne  cessa  de  se  plaindre.  «  Il  ne  reste  plus  rien  à  faire  pour  le 
premier  de  justice,  écrit-il  à  l'intendant  ;  il  n'est  plus  qu'une 
cinquième  roue  au  carrosse  ^  »  Il  demandait  constamment 
d'être  relevé  de  sa  charge.  On  finit  par  lui  donner  un  congé, 
mais  il  dut  garder  son  titre.  Encore  en  1786,  le  baron  de 
Breteuil,  alors  ministre,  écrivait  qu'il  refuserait  la  démis- 
sion du  sieur  Gary-.  Cela  venait  de  la  difficulté  de  lui  trouver 
un  successeur. 

Il  fut  plus  facile  de  résoudre  une  autre  difficulté  soulevée  par 
l'application  de  l'arrêt  de  juin  1778.  Le  Conseil  politique  fit 
remarquer,  dans  sa  délibération  du  18  mars  1780,  qu'en  raison 
de  la  durée  des  services  au  Conseil  politique  exigés  des  can- 
didats au  capitoulat  —  cette  durée  était  de  quatre  ans  pour  les 
capitouls  de  la  troisième'classe  et  de  deux  pour  les  autres,  — 
leséleclions  seraient fortgênees  en  1782  etimposdbles  en  1783, 
faute  de  candidats  en  règle  avec  l'arrêt.  Et  l'on  demandait  à 
cette  occasion  la  réduction  de  ce  temps  de  service^.  L'inten- 
dant constata,  en  effet,  que  les  mesures  transitoires  indiquées 
par  l'arrêt  ne  suffisaient  pas,  et  que,  malgré  une  erreur  d'une 
année,  la  difficulté  soulevée  était  réelle.  Mais  il  se  pronon- 
çait en  même  temps  contre  le  principe  d'une  réduction  défini- 
tive du  temps  de  service  exigé  et  il  demandait  qu'il  ne  fîit 
accordé  qu'une  dérogation  limitée*.  C'est  ce  qui  fut  fait  par 
l'arrêt  du  2  février  1781  qui  suspendit  l'exécution  de  l'arti- 
cle 6  de  l'arrêt  de  juin  1778jusqu'en  1790  et  ordonna  que  jus- 
que là  il  ne  fût  exigé  que  deux  années  de  service^ 

Il  y  a  lieu  de  mentionner  encore  certaines  affaires,  soule- 
vées par  les  officiers  de  la  sénéchaussée,  qui  montrent  com- 
bien était  vivace  dans  tous  les  esprits  l'idée  de  privilège.  Dans 


1.  Lettre  du  11  janvier  1783,  déjà  citée. 

2.  Arch.  de  la  H. -G.,  C  291.  —  Il  ne  fut  remialacé  que  le  11  mai  1787 
par  le  sieur  de  Sennovert  (Arch.  de  Toulouse,  AA.  38,  n°  27j. 

3.  Lettre  de  M.  Gouazé  à  l'intendant  (Arch.  de  la  H. -G.,  C  291). 
i.  Lettre  du  16  janvier  1781  (Arch.  de  la  H  -G.,  C  281). 

5.  Arch.  de  Toulouse,  Registre  des  copies,  AA.  29,  n"  117. 


340  L.    DUTII,. 

un  mémoire  au  ministre  de  mai  1781 S  ils  se  plaignent  qu'aux 
dernières  élections  faites  dans  les  Conseils  on  ait  paru  affecter 
de  les  éloigner  de  ces  places.  Une  enquête  fut  faite  et  il  en 
résulta  que  leur  plainte  était  mal  fondée,  attendu  qu'ils 
n'avaient  pas  plus  de  droits  que  les  autres;  mais  c'est  là  pré- 
cisément ce  qu'ils  contestaient  au  fond,  en  souvenir  du  rôle 
qu'ils  avaient  si  longtemps  joué  dans  l'élection  des  capitouls. 

Toutes  ces  affaires  qui  attiraient  l'attention  sur  l'adminis- 
tration municipale,  furent  vite  éclipsées  par  les  contesta- 
tions qui  s'élevèrent  entre  les  capitouls  et  le  Parlement.  Une 
querelle  grave  se  préparait  depuis  quelque  temps;  elle  ffnit 
par  éclater. 

Ce  ne  furent  d'abord  qu'escarmouches.  On  sait  que  le  Par- 
lement exigeait  de  l'administration  municipale  des  marques 
de  respect  exagérées.  Jusqu'alors,  le  corps  capitulaire,  com- 
posé de  marchands  ou  de  gens  de  robe,  s'était  soumis.  Mais 
la  création  des  capitouls